Skip to main content

Full text of "Dictionnaire historique de l'ancien langage françois, ou Glossaire de la langue franxoise depuis son origine jusqu'au siecle de Louis XIV. Pub. par les soins de L. Favre"

See other formats


DICTIONNAIRE  HISTORIQUE 


DE 


L'ANCIEN  LANGAGE  FRANÇOIS 


NIORT.    —    TYPOGRAPHIE    DE    L.    FAVRE. 


DICTIONNAIRE  HISTORIûnE 

L'ANCIEN  LANGAGE  FRANÇOIS 


GLOSSAIRE  DE  LA  LANGUE  FRANÇOISE 

DEPUIS  SON  ORIGINE  JUSQU'AU  SIÈCLE  DE  LOUIS  XIV 
Par  LA  ÇURNE  DE  SAINTE-PALAYE 

MEMBRE   DE   L'ACADÉMa  DES   INSCRIPTIOKS   ET   DE   L' ACADÉMIE   FRANÇOISE 

Publié  par  les  soins  de  L.  FAVRE,  membre  de  la  Société  de  l'Histoire  de  France, 

avec  le  concours  de  M.  PAJOT,  Archiviste-paléographe, 

CONTENANT  : 

SIGNIFICATION  PRIMITIVE  ET  SECONDAIRE  DES  VIEUX  MOTS 

Vieux  mots  employés  dans  les  chants  des  Trouvères, 
Acceptions  métaphoriques  ou  figurées  des  vieux  mots  français.  —  Mots  dont  la  signification  est  inconnue. 

ETYMOLOGIE  DES  VIEUX  MOTS 

Orthographe  des  vieux  mots.  —  Constructions  h-régulières  de  tours  de  phrases  de  l'ancienne  langue. 

Abréviations  ;  études  sur  les  équivoques  qu'elles  présentent  dans  les  anciens  auteurs. 

Ponctuation  ;  difficultés  qu'elle  présente. 

Proverbes  qui  se  trouvent  dans  nos  poêles  des  XII^,  XlIIe  et  XIV*-  siècles. 

Noms  propres  et  noms  de  lieux  corrompus  et  défigurés  par  les  anciens  auteurs. 
Mots  empruntés  aux  langues  étrangères 

Usages  anciens. 

SUIVI  DES 

CDRIOSITEZ  FRAiÇOlSES.  pour  supplément  aux  Dictionnaires 

Ou  Recueil  de  plusieurs  belles  propriété^,  avec  une  infinité  de  proverbes  et  quolibets  pour  l'application  de  toutes 
sortes  de  livres,  par  Antouin  OUDIN. 


TOME    SECOND 


NIORT 

L.  FAVRE,  éditeur  du  GLOSSARIUM  de  Du  Cange, 

Rue    Saint-Jean,    6. 


Te 
Si 


DICTIONNAIRE  HISTORIQUE 


L'ANCIEN  LANGAGE  FRANÇOIS 


AP 


Ap,  préposition.  Avec.  On  observe  que  les  lettres 
p  e\  b  étant  de  même  organe,  on  a  pu  prononcer  et 
écrire  indifféremment  «p  ou  ab;  préposition  qui, 
dans  le  langage  méridional  de  la  France,  paroil  être 
une  abréviation  de  l'adjectif  ambe,  pris  dans  le  sens 
conjonclif  de  cette  même  préposition  ap  ou  ab,  avec. 
(Voy.  Ambe  ci-dessus.) 

Aut  Apostols  cumtet  (1) 
E  dis  c'ap  Deu  parlet. 

Fragmcnl  du  MS.  de  S'  Martial  de  Limoges,  fol.  50,  Rv 
Molt  lo  laudaven  (2)  e  amie  e  paront 
C'ab  (3)  Damnedeu  se  ténia  (4)  forment. 

Vie  ae  Boêce,  frag:m.  MS.  de  S'  Benoil-sur-Loire.  p.  273. 

E  (5)  sa  ma  dextra  la  Domna  u  libre  ten  (G), 
Tôt  aquel  libres  ara  de  fog  (7)  ardent. 
Zo's  (8)  la  jiisticia  al  Rei  omnipotent  ; 
Si  l'om  o  forfai,  e  pois  no  s'en  repent... 
Ab  aquel  fog  s'en  pren  so  vengament. 
Cel  bonai  vai  (9)  qui  amor  ab  lei  pren. 

Ibid.  p.  275. 

Que  le  p  ou  le  b,  ait  été  changé  en  v,  autre  lettre 
de  même  organe,  il  n'en  faut  point  d'autre  preuve 
que  la  préposition  composée  avoec.  (Voy.  Avoec.) 
C'est  proprement  à  l'oubli  et  à  l'ignorance  de  la 
prononciation  du  v  toujours  écrit  u,  et  au  retran- 
chement de  ce  même  u  prononcé  v,  que  l'on  doit 
attribuer  l'origine  d'au  et  À,  préposition  qui  dans  la 
signification  d'avec,  paroit  avoir  la  même  étymolo- 
gie  qu  ap  ou  ab.  (Toy.  Au  ci-après.) 

TARIAiNTES  : 
AP.  Fragment  du  MS.  de  S'  Mailial  de  Limoges,  fol.  50,  R». 
Ab.  Vie  de  Boèce,  Frag.  MS.  p.  270,  passim. 

Apaer,  verbe.  Pacifier,  accommoder,  etc. 
Apaiser.  Payer,  satisfaire,  contenter,  soulager,  etc. 
Il  est  évident  que  le  principe  de  la  formation  des 
verbes  apaier,  apaiser,  est  le  substantif  latin  pax  ; 
mais  en  remontant  à  l'origine  la  plus  vraisemblable 
de  ce  même  substantif  ;ja.i',  pacis,  dérivé  de  l'ancien 
verbe  pacere  ou  pagere,  le  même  que  pangere,  au 
supin  pactum,  on  croit  apercevoir  une  analogie 
marquée  entre  les  verbes  françois  apactir,  apaier, 
apaiser.  (Voy.  Appactir.)  L'ordre  de  la  société  géné- 
rale, ou  particulière,  est  établi  sur  des  pactes,  sur 
des  obligations  fixes  et  réciproques  :  ainsi,  pacifier 
une  ville,  Vapaieren  ancien  langage,  c'est  en  fixer 
l'état  par  le  rétablissement  de  ce  même  ordre. 


AP 


.  .  .  Artus  remest  en  Bourgoigne  : 
Tout  river  iUec  séjourna  ; 
Les  citez  prist  et  apaia. 

Rom.  de  Brut,  MS.  fol.  99,  R'  col.  2. 

Lorsqu'il  s'agissoit  de  particuliers  désunis  par 
l'intérêt,  ou  par  quelqu'autre  passion,  les  apaier 
c'étoit  faire  la  paix  entre  eux,  les  lier,  les  obliger 
par  un  jugement,  un  accommodement,  etc.  en 
général,  par  un  pacte  qui  fixoit  leurs  prétentions  ou 
îeurs  droits  respectifs.  «  Comme  conlens  fut  entre 
«  Jeanne  comtesse  de  Flandres...  etJean  deNéelle... 
«  li  Rois  fit  la  Comtesse  semondre  par-devant  lui, 
«  par  deux  Chevaliers.  La  Comtesse  comparant 
«  à  jour,  proposa  quellen'avoitpasété  suffisament 
«  semonse  par  deux  Chevaliers;  quar  elle  devoit 
«  estre  semonse  par  ses  Pers,  les  parties  eux  (10) 
«  appayant  en  jugement.  »  (Daniel,  Mil.  Fr.  T.  \, 
p.  181  ;  tit.  de  1324.)  Il  seroit  inutile  de  multiplier 
les  preuves  de  cette  acception  du  verbe  apaier, 
pacifier  un  différent,  l'accommoder,  le  juger,  etc. 
On  ajoutera  seulement  qu'il  étoit  quelquefois  réci- 
proque dans  le  sens  d'accommoder. 

Si  s'est  au  vilain  apaié. 

Bestiaire.  MS.  du  R.  n"  7989,  fol.  164  ;  fable  xvn. 

Il  existe  entre  le  Ciel  et  la  Terre  un  pacte  d'al- 
liance qui  se  renouvelle  autant  de  fois  que  l'homme 
fait  sa  paix  avec  Dieu,  en  satisfaisant  à  sa  justice  par 
l'humble  et  douloureux  repentir  de  son  audace  ou 
de  sa  foiblesse.  On  disoit  en  ce  sens,  apaier  Dieu, 
apaer  le  Seigneur.  >■  Pur  co  que  li  Reis  Roboam  eli 
»  suen  se  humilièrent  devant  nostre  Seignur, 
«  alches  (il)  le  apaèrent  de  sun  maltalent;  si  que  il 
»  ne's  volt  del  tut  destruire.  «  (Livres  des  Rois,  ms. 
desCordel.  fol.  104,  V°  col.  1.) 

Qui  ci  corrouce  Deu,  ci  Testuet  apayer. 

Fabl.  MS.  du  R.  n»  7615,  T.  Il,  fol.  144.  R*  col.  2. 

Et  preslz  de  Dieu  prier  soyez  ; 
Ainsi  ramez  et  appayez,  etc. 

J.  de  Meun,  Test,  vers  1657  et  1658. 

En  satisfaisant  à  une  obligation  contractée  par  un 
pacte  civil,  on  procure  la  paix,  la  tranquillité  de  la 
personne  que  ce  pacte  intéresse.  On  l'apaise,  pour 
ainsi  dire,  et  elle  se  tient  apaiée.  De  là  l'acception 
des  verbes  apayer,  payer. 


(1)  Conta,  raconta.    -  (2)  Louoient.  —  (3)  De  ce  qu'avec,  etc.  —  (4)  Se  tenolt.  -  (5)  En  sa  main,  etc.   —  (6)  Tient.  — 
(7)  Feu.  -  (8)  C'est.  -  (9)  Il  en  va  bien  à  celui.  -  (10)  Eux;  c'est-à-dire  les  Pairs.  -  (11)  Quelque  peu,  un  peu. 
II.  1 


AP 


-  2  - 


AP 


En  tes  ditez,  qui  bien  entendent, 
Pevenl  veer  qu'à  trois  fins  tendent... 
La  premier  e.st  de  bien  paier 
Pour  faire  ses  gens  upaier. 

Geufioi  de  Taris,  U  la  suite  du  R.  de  Fauvcl,  MS.  du  R.  fol.  4G. 

El  de  leurs  gaiges  si  paiez 
Qu'ilz  en  soient  si  appuie-:,  etc. 

Gace  de  la  Digne,  des  Déduits,  WS.  fol.  153,  V*. 

On  disoit,  se  tenir  apaië  ou  apaisé,  dans  le  même 
sens.  «  Nous  avons  eu  el  receu  trois  mille  lloriiis 
«  d'or...  desiiuels  nous  nous  tenons  bien  upaije:i  et 
«  les  en  (|uilons  du  tout.  ■>  (Oïd.  T.  111,  p.  3;{2 
et  333.)  «  Cuiivenances  tenir  dusqu'à  mil  livrées  de 
«  terre  dont  elc  se  tendra  apaiée  avec  la  conté  de 
«  S.  l'ol.  "  (Ducliesiie,  Hist.  de  la  M.  de  Cliàlillon, 
pr.  p.  /i,");  til.  de  l'23tj.  —  Yoy.  Apaiser  ci-dessous.) 

L'idée  particulière  de  celle  espèce  de  satisfaction 
étant  généralisée,  le  vei'be  apaer  ou  apaier, 
abstraction  laite  de  toute  idée  de  pacte,  signifioit 
l'état  paisible  dont  on  nous  fait  jouir  en  satisfaisant 
un  besoin  physique  ou  moral,  réel  ou  idéal  ;  en  sou- 
lageant les  douleurs  du  corps;  en  contentant  les 
passions  de  l'âme,  du  cœur  ou  de  l'esprit. 

.  .  .  Par  les  mires  sont  li  navré  upaié. 

\'ab\.  MS.  du  R.  n-  7615,  ï.  1,  fol.  63,  V'  col  2. 

.  .  .  Por  Dieu,  çaienz  vos  traiez 
Et  mon  desirrer  m'o/inic:. 

Aleïaudre  et  Arislote,  MS.  de  S.  Gcrm.  fol.  73,  V  col.  I. 
Jà  por  regarder  son  vis 
Apaicz  ne  me  tenroie, 
S'auire  cose  n'en  avoie. 

Chans.  du  Comte  Thibaut,  MS.  p.  154. 
Ne  se  tient  de  riens  appuyé 
Le  desloyal,  le  renoyé  : 
N'est  riens  quiluy  puisse souffire. 

Rom.  de  la  Rose,  vers  20084-2008C. 
...  Je  me  tieg  apaiés  del  atendre, 
Puiske  chascuns  vos  aime  ensi  sans  prendre. 

Ane.  Poêt.  fr.MSS.  av.  13UU,  T.  UI,  p.  997. 

Les  foulz  sont  apaié 

De  ce  de  coi  li  sages  est  honnis,  etc. 

Ane.  Poës.  1>>.  MS.  du  Valic.  n-  1J2"2,  fol.  162,  R°  col.  1. 

On  trouveroit  inutile  un  plus  long  détail  des 
acceptions  particulières  du  verbe  upaier,  soulager, 
tranquilliser,  etc.  puisque  toutes  se  réunissent  d'ans 
l'acception  générale  à'upaler,  satisfaire.  (Yoy. 
Apaiemekt  et  Apaier  ci-dessous.) 

VARIANTES  : 

APAER.  L.  des  Rois,  MS.desCordel.  fol.  104.  -  D.  Morice, 
preuv.  de  IHist.  de  Bretagne,  T.  I,  col.  959;  tit.  de  1254. 

Apaier.  L.  des  Rois,  MS.  des  Cordel.  fol.  25.  -  Geofroi  de 
Paris,  à  la  s.  du  Rom.  de  Fauvel.  —  Athis,  MS.  fol.  114, 
V"  col.  1,  etc.  -  Borel,  Dict. 

Ap.mier.  D.  Carpent.  S.  G.  1.  de  Du  Gange,  au  mot  Apacare. 

Apayeu.  J.  de  Meun,  Cod.  -.'ers  572.  -  Fabl.  MS.  du  R. 
n»  7218,  loi.  2(i6,  R»  col.  2. 

Apoier.  D.  Carpent.  S.  G.  1.  de  Du  Gange,  au  mot  Apacare. 

Appayer.  J.  de  Meun,  Test,  vers  1545.  -  Id.  ibid.  vers  1658. 

Apai,  subst.  masc.  Amorce.  L'origine  de  l'ancien 
mol  apai  semble  être  la  même  que  celle  d'apast. 
(Voy.  Apasï.)  On  a  dit  figurément  : 

Oel  riant  et  gai 

Garni  d'amourous  apai. 

Ane.  Poei.  fr.  MSS.  avant  1300,  T.  III,  p.  1205. 


Apaicmont,  subst.  luasc.  Action  d'apaiser, 
expiation,  satisfaction.  Dans  une  signification  rela- 
tive à  celle  du  verbe  npaer,  apaièi',  on  nommoit 
apnirmcus  :  \°  les  expiations  par  lesquelles  on 
(ijxiisdit  la  Divinité.  «  Les  offrandes  et  les  sacrifises 
«  et  les  upuieinen%  qui  se  faisoient  à  Deu  au 
«  temple.  »  (Livres  des  iUachabées,  ms.  des  Cordel. 
fol.  15G,  R-col.S.) 

2"  Les  complaisances  dont  une  maîtresse  paye  et 
satisfait  son  amant. 

Fausse  piliez  est  as  nices  chetis 

Apaieinots,  e  li  sage  enragié 

En  sont  :  partant  vault  fausse  piliez  pis,  etc. 

Ane.  Poës.  fr.  MS.  du  Vatic.  n-  1522,  fol.  1G2,  R-  col.  1. 

Apaier,  verbe.  Amorcer.  Attirer  en  présentant 
un  appât  :  délinilion  conforme  h  notre  première 
conjecture  sur  l'origine  du  substantif  apai.  (Voy. 
Apai  ci-dessus.) 

Chesl  goupil  qui  tant  set  barat... 
A  cliascun  qui  vit  charneument, 
Se  fait  tout  mort  chertainement 
Pour  chou  que  plus  près  les  apaie. 

D.  Carpentier,  S.  Gl.  lat.  de  Du  Gange,  au  mot  .\pacare. 

Quoiqu'on  ait  soupçonné  avec  quelque  vraisem- 
blance, une  analogie  entre  apast  et  apai,  il  seroit 
possible  qu'ff/;fli  et  apaiement  fussent  de  même 
origine,  et  que  dans  un  sens  relatif  à  celui 
iV apaiement,  satisfaction,  l'on  eût  désigné  par  œil 
iraiiiorous  apai,  un  œil  dont  l'expression  vive  et 
leiidrc  satisfait  un  désir  amoureux.  Alors  le  verbe 
apaier,  dans  les  vers  qu'on  a  cités,  seroit  le  même 
qu'apaer,  apaier,  satisfaire.  11  ne  signifieroit 
amorcer  qu'autant  qu'on  satisfait  l'homme  charnel, 
en  lui  présentant  l'amorce  des  plaisirs.  (Voy.  Apaer.) 

Apaisement  (l),s;/&si.  masc.  Pacification;  rem- 
boursement, dédommagement,  elc.  satisfaction.  On 
a  dit  et  l'on  dit  encore  apaiser  dans  le  sens  de  paci- 
fier. De  là,  le  substantif  apaisement  a  signifié  paci- 
fication. •<  L'Empereur,  le  Roy  d'Angleterre  et  le 
«  Duc  de  Bourgogne  convinrent  ensemble  à  Calais, 
«  pour  traicler  de  Yappaisement  de  France  et 
«  d'Angleterre.  »  (Hist.  chron.  1400.  —  l-'i67;  an. 
141G.)  '<  Accord  et  appaisement  des  divisions  qui, 
«  elc.  •'  (Preuves  sur  le  meurtre  du  D.  de  Bourgo- 
gne, page  295.) 

11  semble  qu'en  particularisant  cette  acception, 
l'on  a  nommé  apaisement,  acte  d'apaisement,  l'acte 
par  lequel  on  pacifioit,  on  apaisoit  une  contestation 
née  ou  à  naître  sur  la  nécessité  des  réparations  et 
améliorations  à  faire  par  l'acquéreur  d'un  héritage 
dont  il  doit  prévoir  le  retrait;  sur  l'obligation  d'un 
dédommagement,  d'une  indemnité,  etc.  «  L'achep- 
«  leur  devra,  pendant  l'an  accordé  par  la  Coustume 
«  pour  user  du  retrait  lignager,  conserver  et  main- 
«  tenir  le  bien  vendu  en  aussi  bon  estât  comme  il 
«  estoit  au  jour  de  la  vente...  et  s'il  y  a  fait  aucunes 
«  mises  ou  impenses  nécessaires...  elles  luy  seront 
«  resliluées  par  ledit  lignager,  sans  que  néantmoius 
«  luy  soit  permis  de  faire'  démolition,  ny  édifices 


(1)  Ce  mot,  qu'on  emploie  encore  fréquemment  et  qui  date  au  moins  du  xv«  siècle,  ne  se  trouve  pas  au  Dictionnaire  de 
l'Académie,  (.n.  e.) 


AP 


3  - 


AP 


«  nouveaux  que  par  ordonnance  de  Justice,  et 
«  après  appaiscment  pris  de  la  nécessite  ou  utilité 
«  évidente.  »  (Coût,  de  Cliimay,  nouv.  Coût.  gén. 
T.  II,  p.  "II').)  «  Les  censiers  avant  pouvoir  préten- 
«  dre  quittance  à  leurs  maistres  pour  cause  des 
•  pertes  qu'ils  auroient  supportées  en  leurs  adves- 
«  tures...  seront  tenus  de  monstrer  leurs  pertes  et 
«  dommages  à  leurs  maistres...  et  en  cas  de  refus 
.  ou  déUiy,  les  faire  visiter  par  gens  de  Loy  et 
«  laboureurs  à  cecognoissans...  pour  par  ce  moyen 
«  en  appointer  amiàblement.  Et  s'ils  ne  s'accor- 
«  dent,  s'adresseront  à  notre  Cour...  par  requeste, 
«  à  laquelle  joindans  les  actes  des  (ippaiscmens  et 
«  refus  cy-dessus,  ils  contendront  ;\  telle  modéra- 
«  tion  que  de  raison.  »  iCout.  de  Haiuaut,  ibid. 
page  13i,  col.  2.) 

C'est  dans  le  sens  d'apaiser,  payer,  rembourser, 
dédommager,  etc.  qu'on  lit  :  «  diront  vérités  de 
«  toutes  les  restitucionset  apaisemenx-  qu'il  auront 
«  fait,  ou  fait  faire  de  fait,  ou  de  promesse.  »  (Ord. 
T.  I,  page  544.) 

La  signification  A' apaisement  en  cet  autre  pas- 
sage, semble  relative  à  celle  d'apaiser  une  demande, 
satisfaire  à  une  question,  y  répondre.  «  Pourremé- 
«  dier  et  pourveoir  aux  abus  et  larcins  que  l'on 
«  commet  journalièrement  par  tous  nos  bois  et 
«  ceux  de  nos  vassaux,  nous  avons  consenty...  que 
«  l'on  puisse  faire  Visitation...  en  toutes  maisons  de 
«  ceux  qui  seront  suspectez  desdits  larcins  ;  et  si 
«  on  y  trouvoit  bois  verd  ou  autre,  et  que  les  resi- 
>.  dcns  esdites  maisons  ne  voulussent  donner  appai- 
"  sèment  d'où  ledit  bois  trouvé  procéderoit,  etc.  » 
(Coût,  de  Ilainaut,  nouv.  Coût.  gén.  T.  II,  p.  148.) 

En  termes  de  procédure,  l'apaisement  sur  lequel 
un  défendeur  étoit  admis  à  requérir  le  profit  d'un 
défaut  contre  le  demandeur  qui  ne  comparoissoit 
pas  au  jour  assigné,  étoit  probablement  l'acte  qui 
conslaloit  que  le  défendeur  ayant  satisfait  îi  l'ajour- 
nement ,  devoit  être  tranquillisé  par  absolution 
d'instance.  «  Si...  le  demandeur  est  défaillant  de 
«  comparoir  au  jour  assigné,  le  dePfendeur  devra... 
«  prolester  d'iceluy  défaut,  et  en  la  journée  ensui- 
«  vante,  en  requérir  le  profit,  à  qiioy  il  sera  admis 
«  sur  appaisement  prins  tant  du  registre  que  des 
«  exploits  du  Sergeant;  et  emportera  la  contumace 
«  du  demandeur  congé  de  Court  et  absolution  d'ins- 
«  tance.  »  (Coût,  de  Hainaut,  nouv.  Coût.  gén.  T.  II, 
p.  113.)  Peut-être  aussi  que  «  prendre  appaisement 
<i  tant  du  registre  que  des  exploits  du  Sergeant.  » 
c'étoit  les  vérifier,  satisfaire  à  une  formalité  en  les 
vérifiant.  Quelque  variées  que  puissent  être  les 
acceptions  particulières  du  substantif  fl/w/srmmf, 
il  suffit  ici  de  marquer  celles  dont  l'analogie  paroit 
moins  sensible  avec  les  acceptions  du  verbe  dont  il 
est  formé. 

On  pouvoit  «  faire  appaisement  de  l'amende  du 
«  poing  coupé,  »  en  satisfaisant  à  la  Loi  qui  pro- 
nonçoit  cette  peine  contre  celui  qui  frappoit  un 
Serg'ent;  ou  plutôt  en  modérant  cette  peine,  en  la 
commuant  en  une  peine  pécuniaire  dont  on  se  con- 
tentoit  par  humanité.  «  Si  sur  calenge  faite  par 


«  Sergent,  le  calengé  ou  autres  assistans...  touche 
«  par' main  mise  ledit  Sergent,  celuy  ou  ceux 
«  encherront  en  l'amende  du  poing  couppé,  dont 
«  le  Seigneur  ou  maistre  du  Sergent  pourra  faire 
«  Vappaisement  ;  et  si  la  poursuyie  s'en  fait  par 
«  noz  Officiers,  elle  se  fera  en  nosfre  Court  à  Mons, 
«  veu  que  c'est  cas  de  hauteur.  »  (Coût,  de  Hainaut, 
Coût.  gén.  T.  I,  p.  793.  —  Voy.  Apaiser.) 

TARUNTES  : 

AP.USEMEXT.  Ord.  T.  I,  p.  54i. 

Ap.wsemext.  Gloss.  fr.  lat.  MS.  du  R.  n"  7684.  -  D.  Car- 
pentier,  Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du  Gange,  au  mot  Expiare. 

Appaisem.\xt.  Monet.  Dict. 

Appaisement.  Percef.  Vol.  V,  fol.  106,  R"  col.  1.  — 
Cotgrave,  Oudin,  Rob.  Estienne  et  Nicot,  Dict. 

Apaisenter,  verbe.  Etre  apaisé.  Apaiser,  paci- 
fier. La  signification  de  ce  verbe  est  neutre  dans  le 
passage  suivant  :  «  Deus...  à  poines  encomenzat  à 
«  apaisenteir  al  tens  Abraham  son  amin.  »  (S'  Bern. 
Serm.  fr.  jis.  p,  16G.)  11  semble  que  plus  ordinaire- 
ment elle  étoit  active.  Dans  le  sens  d'apaiser,  paci- 
fier, on  a  dit  :  «  Despoz  que  Criz...  fut  devenuz 
"  moyeneres  de  Deu  et  des  homes,  et  qu'il  apaisen- 
«  tat  parmei  son  sanc  celés  choses  ki  estoient  en 
«  Ciel  et  celés  qui  estoient  sor  terre,  etc.  »  (S"  Bern. 
Serm.  fr.  ms.  p.  259.) 

C'est  encore  dans  le  sens  d'apaiser,  qn' apaisanter 
signitîoit  disposer  Dieu  ou  l'homme  à  pardonner, 
en  satisfaisant  à  la  Justice  divine  et  humaine. 
«  Pues  que  nostre  Sires  ne  welt  mies  ma  mort...  ju 
>■  volentiers...  li  offre  ma  vie.  Cist  est  li  sacrifices 
«  ki  apaisantet  nostre  Signor.  »  (S'  Bern.  Serm.  fr. 
MS.  p.  269.)  «  Petiz  enfès  est  ki  legierement  puet 
«  eslre  apaisantei:>  ;  car . . .  li  enfès  paVdonet  legiére- 
«  ment.  »  (Id.  ibid.  p.  19G.  —  Voy.  Apaiser  et  Apaisir.) 

VARIANTES   : 
APAISENTER.  S>  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  259. 
Apaisanter.  Id.  ibid.  p.  269.  -  G.  .Machaut,  MS.  fol.  208. 
Apaisexteir.  S'  Bern.  Serm.  fr.  MS.  p.  166. 

Apaisenteur ,  suhst.  masc.  Pacificateur.  La 
signification  à'apaisenteur  est  la  même  que  celle 
à'apaiseur.  (Voy.  D.  Carpentier,  Suppl.  Gloss.  lat. 
de  Du  Cange,  au  mot  Paciarii.)  «  Arbitres  et  amia- 
«  blés  app'aisen tiers,  etc.  «  (Lett.  de  grâce,  an  1427, 
citées  par  D.  Carpentier,  (//)/  supra.  —  Voy.APAiSEUR 
et  Apaisiteur  ci-dessous.) 

VARIANTES  : 
APAISENTEUR.  D.  Carpentier,  Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du 
Cange,  tome  IV,  col.  36. 
Appaisenteur,  Appaisentier.  Id.  ibid.  T.  III,  col.  117. 

Apaiser,  verbe.  Procurer  la  paix,  tranquilliser  ; 
satisfaire,  payer,  rembourser,  dédommager,  indem- 
niser, soulager,  etc.  Le  verbe  apaiser,  de  même 
origine  que  îe  verbe  apaier,  avoil  les  mêmes  signi- 
fications. C'est  à  l'idée  générale  de  pacte  que 
paroissoient  être  liées  les  idées  signifiées  par  ce 
verbe,  lorsqu'on  dit  apaiser  les  troubles,  les  divi- 
sions d'une  société  générale  ou  particulière,  apaiser 
la  colère  de  Dieu  ,  ou  des  hommes,  etc.  Ces  accep- 
tions et  autres  ne  sont  pas  moins  anciennes  dans 
notre  langue  que  celles  du  verbe  apaier. 

On  a  déjà  observé  que  satisfaire  à  une  obligatioa 


AP 


—  4  — 


AP 


contractée  par  un  pacte ,  c'est  procurer  la  paix ,  la 
tranquillité  de  la  personne  envers  laquelle  on  est 
obligé.  Elle  s'appaise,  elle  se  tient  appaisée,  lors- 
qu'on satisfait  à  celte  même  obligation.  (Voy.  Ai-aer.) 
De  là,  se  tenir  appaisé,  ou  s'âppaiser,  signifioit, 
1"  être  satisfait,  se  contenter  du  payement  d'une 
rente  :  »  Convenances  tenir  dusqu'ù  mil  livres  de 
«  rente  dont  elle  se  tenra  appaisé  avec  le  fief  de 
«  Saiut-Pol.  »  (Ducliesne,  Ilisl.  généal.  de  la  M.  de 
Chàlillon,  pr.  p.  4G;  til.  de  l'23G.) 

2°  Se  contenter,  être  satisfait  d'un  dédommage- 
ment, du  remboursement  d'une  créance;  se  dédom- 
mager, s'indemniser,  se  rembourser.  «  Lesdeffenses 
«  données  par  les  Maîtres  des  foires  du  temps  passé, 
«  contre  plusieurs  pays...  seront  suspendues  jus- 
«  ques  à  quatre  ans,  dedans  lesquiex  la  Justice  et 
-'  les  Créanciers  se  puissent  apaisier  ;  et  iceux 
"  passez,  se  apaisiez  ne  sont,  les  deffenses  vaillent 
«  comme  devant.  »  (Ord.  T.  I,  p.  795.) 

3°  Se  contenter,  être  satisfait  d'une  caution  qui 
tranquillise.  »  Un  nouveau  Crand-bailly  de  Ilainaut, 
«  sur  remonstrance  que  luy  feroit  le  Bailly  précé- 
«  dent  ou  ses  hoirs,  se  devra  appaiser  des  cautions 
«  de  chacun  Sergeant...  si  elles  sont  suffisantes  ou 
«  non  ;  et  oîi  elles  ne  seroient  suffisantes  par  pleige 
«  ny  autrement,  pourra  demander  nouvelle  cau- 
«  tion.  »  (Coul.  de  Ilainaut,  nouv.  Coût.  gén.  T.  II, 
page  110,  col.  2.} 

4°  Dans  un  sens  plus  étendu,  se  contenter,  être 
satisfait  d'un  état  que  la  confiance  en  Dieu,  la 
soumission  à  notre  sort,  ou  quelqu'autre  chose  rend 
paisible  et  tranquille.  <>  Le  vray  Dieu  tout-puissant 
>'  est  tel  que  devant  luy  toute  chose  ne  luy  est 
«  impossible  ;  si  m' appaisé  bien  en  ses  œuvres  qui 
-'  tant  sont  merveilleuses.  »  (Percef.  Vol.  VI,  f-  128.) 

Qui  ne  peut,  ne  peut  ;  si  s'appaise. 

Poès.  de  Charles  D.  d'Orléans,  p.  92,  col.  3. 

C'est  par  une  suite  de  la  même  extension,  qu'rt- 
paisev  désignoit  l'état  paisible  que  procurent  en 
général  les  besoins  et  les  désirs  satisfaits  : 

Moult  font  femmes  à  Dieu  granl  honte, 
Comme  foies  et  desvoyées, 
Quant  ne  se  tiennent  appaisécs 
De  la  beaulté  que  Dieu  leur  donne. 

Rom.  de  la  Rose,  vers  9461-946-S. 

L'état  paisible  que  procure  le  soulagement  d'un 
mal,  la  guérison  d'une  blessure  : 

Moult  aléja  sa  maladie 

La  coucha  por  miex  aaisier, 
Et  por  les  plaies  apaisier. 

Fabl.  MS.  du  R.  n-  7218,  fol.  292,  R"  col.  t. 

L'état  paisible  que  procure  la  satisfaction  d'ap- 
prendre des  nouvelles  qui  tranquillisent  sur  !e  sort 
d'une  personne  à  qui  le  cœur  s'intéresse  :  «  Sire, 
«  dist  la  Royne,  appaisez-moy  de  mon  filz,  ou 
«jamais  je  n'auray  liesse.  »  (Percef.  Vol.  II,  f°  150.) 
L'état  paisible  que  procure  la  satisfaction  de  connoi- 
tre  la  cause  d'un  elTel  qui  excite  la  curiosité  de 
l'esprit,  et  qui  en  trouble  la  tranquillité  : 

....  Une  fois  se  pourpensa 
Que  le  Vilain  apeseroit 
De  la  demande  qu'il  fesoit. 

Fabl.  as.  du  R.  n-  7615,  T.  I,  fol.  87,  V  col.  1. 


L'état  paisible  que  procure  à  un  coupable  la  cer- 
titude, ou  l'espérance  d'un  pardon  qui  le  tranquillise  : 

Te  proierai  de  cuer  vrai, 
Dame  ;  vers  ton  fil  tous  fais  xa'apais, 
U  damnés  serai. 

Ane.  PoSs.  fr.  MS.  du  Valic.  n°  1490,  fol.  127,  V. 

On  conçoit  que  la  signification  du  verbe  apaiser 
pouvoilêlre  aussi  variée  que  le  sont  les  obligations, 
les  besoins  et  les  désirs  auxquels  on  peut  satisfaire. 
(Voy.  Ai'AisEME.NT  et  Ai'AisENTER  ci-dcssus.) 

CONJIG. 

Apais  (f),  subj.  prés.  T'apaises.  (Rom.  de  la 
Rose,  vers  7429.) 

VARI.^NTES    : 

APAISER.  Orth.  subsist.  -  Ane.  Poës.  fr.  MS.  du  Vatican, 
n»  1490,  fol.  127,  V. 

Apaisier.  Duchesne,  Ilist.  srénéal.  de  la  M.  de  Béthune, 
p.  145.  -  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7218,  fol.  292,  R»  col.  1. 

Apaysier.  Gloss.  fr.  lat.  MS.  du  R.  n»  7684.  -  Voy.  D. 
Carpentier,  Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du  Gange,  au  mot  Expiare. 

Apeser.  Bestiaire,  MS.  du  R.  n"  7989,  fol.  173  ;  fable  lui. 

Appaiser.  Duchesne,  H.  gén.  de  la  M.  de  Chàtillon,  pr.  p. 
46.  -  Percef.  Vol.  Il,  fol.  150.  -  Cotgrave,  Rob.  Estienne, 
Nicot  et  Monet.  Dict. 

Apaiseur,  subst.  masc.  Pacificateur.  Celui  qui 
apaise,  qui  pacifie  les  troubles ,  les  dissensions,  les 
différens  d'une  société  en  général.  Dans  la  signifi- 
cation de  pacificateur  d'un  différent  entre  particu- 
liers, on  distinguoit  l'arbitre  et  l'arbitrateur  de 
Vaniiable  apaiseur  ou  apaisenteur ,  parce  que 
«  amiable  compositeur  on  appaiseur  est  celuy  qui 
«  du  consentement  des  parties,  les  met  en  accord; 
«  c'est-à-dire  que  chacune  partie  sçait  bien  qu'avoir 
"  en  deveroit  avant  l'édict  de  famiable  composi- 
«  tion.  »  (Bouleiller,  Som.  rur.  p.  694.)  «  Dit, 
«  ordenance  et  appointenient  de  nous  arbitres 
«  dessus  nommés,  comme  arbitres,  arbitraleurs, 
«  ou  amiables  appaiseurs,  etc.  »  (D.  Carpentier, 
Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du  Gange,  T.  III,  p.  117;  tit. 
de  1404.  —  Voy.  Apaisenteur  ci-dessus.) 
variantes  : 

APAISEUR.  Cotgrave,  Dict. 

Appaiseur.  Cotgrave,  Nicot  et  Monet,  Dict . 

Apaisir,  verbe.  Apaiser.  On  procure  la  paix  en 
faisant  cesser  la  guerre.  De  là,  on  a  dit  : 

La  guerre  n'a  pas  apaisie  ; 
Toute  la  Conté  a  saisie,  etc. 

G.  Guiart,  MS.  fol.  217.  Rv 

Apaisiteur,  substantif  masculin.  Pacificateur. 
La  signification  d'apaisiteur  étoit  relative  à  l'ac- 
ception particulière  à'apaiseur,  lorsqu'on  disoit  : 
«  Fu  rapporté  par  arbitres  ou  appaisiteurs,  etc.  » 
("D.  Carpentier,  ubi  supra;  tit.  de  1404.  —  Voyez 
Apaiseur  ci-dessus.) 

variantes  : 

APAISITEUR,  App.\isiteur.  D.  Carpentier,  Suppl.  Gloss. 
lat.  de  Du  Gange,  au  mot  Paciarii. 

Apalir,  verbe.  Etre  pâle,  devenir  pâle;  être 
ému,  consterné,  etc.  Changer  de  couleur,  se  faner, 
se  flétrir,  etc.  Languir,  s'àffoiblir.  On  ne  voit  pas 
que  dans  notre  ancienne  langue,  la  préposition  à  ou 
en,  réunie  au  verbe  simple  pâlir,  ait  rien  ajouté  à 
la  signification  de  ce  verbe  qui  subsiste. 


AP 


—  5  — 


AP 


Pensser,  veiller,  soupir,  sangloz, 
Et  soupirers  m'avoient  toz 
Fait  pâlir  et  descoulorer. 

Ovide,  de  Arte,  MS.  de  S'  Germ.  fol.  96,  R*  col.  3. 

Et  jà  avoit  apalie  la  bouche 

Pour  le  grant  grief  qui  si  au  cuer  li  touche. 

Froi^sart,  Poès.  MS.  p.  73,  col.  2, 

...  Tu  qui  d'amor  es  à  niestre, 
Dois  enpalir  et  maigres  estre. 
C'est  la  coulor  qui  mielz  avient 
A  celui  qui  amors  maintient. 

Ovide,  de  Arle,  MS.  de  S'  Germ.  fol.  95,  R"  col.  3,  et  V"  col.l. 

C'est  la  traduction  du  vers  latin  : 

Palleat  omnis  amans  ;  hic  est  color  aptus  amanti. 

Que  l'œil  compare  deux  beautés  dont  l'une  soit 
plus  vive,  plus  animée  que  l'autre,  celle  qui  le  sera 
moins,  paroitra  devenir  pâle.  Il  semble  qu'on  ait 
désigné  l'effet  de  celle  comparaison ,  lorsqu'on  a 
dit  :  »  Je  fais  double  que  la  beaulté  de  vostre  Dame 
«  ne  vous  apallisse  en  la  veue  de  la  mienne  qui 
<•  toutes  passe.  «  (Percef.  Vol.  V,  fol.  21,  V»  col.  2.) 

On  sait  que  la  pâleur  est  un  effet  ordinaire  de  ces 
émotions  de  l'âme  qui  font  refluer  le  sang  avec  pré- 
cipitation vers  le  cœur.  De  là,  le  verbe  upalir  aura 
signifié  l'émotion  excitée  dans  l'âme  d'un  Chevalier 
amoureux,  par  la  beauté  d'une  femme  qui  dans  un 
Lai  où  elle  le  compare  au  cèdre,  dit  que  le  cèdre  en 
fut  apalij.  "  Elle  te  compare  là  au  cèdre  qui  est  l'ung 
«  des  plus  haulx  arbres  du  monde  ;  et  par  ce  cèdre 
«  qui  de  sa  beaulté  fut  appaUj,  elle  veult  dire  que 
«  quant  tu  veiz  sa  beaulté,  tu  en  fuz  moult  esmer- 
«  veillé.  »  (Percef.  Vol.  111,  fol.  36,  \'°col.  1.) 

Il  pareil  que  ce  même  verbe  signifioil  la  pâleur 
d'un  ennemi  mort  ou  consterné  ,  lorsqu'on  disoit 
par  métonymie,  le  camp  jut  appalij.  «  Tant  fis  que 
«  le  camp  fut  appalij  pour  avoir  la  veue  munde  : 
u  c'est-à-dire  que  quant  les  trois  Chevaliers  le  ap- 
«  pellèrenl  de  la  jouste,  tu  les  feiz  Irébuscher  par 
«  terre,  afin  qu'ils  ne  te  donnassent  empeschement 
«  à  regarder  sa  beaulté.  "  (Percef.  ubi  supra.) 

L'idée  particulière  du  changement  de  couleur 
signifié  par  le  verbe  pâlir  ou  apâlir,  élant  généra- 
lisée, on  disoit  qu'une  fleur  éloil  apalie,  qu'une 
feuille  rt^jfl/issoi/,  etc.  lorsqu'en  se  fanant,  en  se 
flétrissant,  elle  changeoit  de  couleur.  (Voy.  Frois- 
sart,  Poës.  mss.  p.  26,  col.  2.  —  Eust.  Desch.  Poës. 
Mss.  p.  202,  col.  4,  etc.) 

Peut-être  aussi  que  ce  verbe  signifioil  se  faner,  se 
flétrir,  comme  il  a  signifié  languir,  s'affoiblir,  parce 
que  la  pâleur  est  un  signe  de  foiblesse  et  de  langueur. 

Un  peu  de  mal  ou  fièvre  aguë 
Qui  de  legier  te  santé  mue , 
Et  fait  ton  visage  pâlir 
Et  tes  membres  si  apdlir 
Qu'a  peines  te  peus-tu  aidier. 

D.  Carpentier,  Suppl,  Gloss.  lat.  de  Du  Cange,  au  mot  Apalus. 

VARIANTES  : 

APALIR.  Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  202,  col.  4.  -  Rom. 
du  Riche  homme  et  du  Ladre,  MS.  etc. 

Apallir.  Percef.  Vol.  V,  fol.  21,  V»  col.  2. 

Appalir.  Ibid.  Vol.  III,  fol.  36,  V°  col.  1.  -  Du  BeUai, 
Mém.  T.  VI,  p.  304. 


Enpalir.  Ovide,  de  Arte,  MS.  de  S'  Germ.  fol.  95,  R"  col.  3. 
Pâlir.  Orth.  subsist.  -  Id.  ibid.  fol.  96,  R»  col.  3.  -  Rom. 
du  Riche  homme  et  du  Ladre,  MS.  etc. 

Apan,  subst.  masc.  Empan.  On  observe  qu'a/)«n 
et  empan  sont  des  variations  de  l'orthographe 
espan.  (Voy.  Espan.)  «  Courtelas  long  de  deux  bras- 
«  ses  (1)  et  large  d'un  grand  apan.  »  (D.  Florès  de 
Grèce,  fol.  157,  R°.) 

ApapeIardir,w?'/)C.Fairerhypocrite.  Significa- 
tion analogue  à  celle  de  notre  ancien  mol  papelard. 

James  n'apapelardirai  : 
Mais  fi  des  papelars  dirai. 

Hist.  de  S"  Léocade,  MS.  de  S.  Germ.  fol.  31,  R°  col.  3. 

A-par,  prép.  Par  ;  moyennant,  au  moyen  ,  etc. 
On  sait  que  la  préposition  par,  en  latin  per,  désigne 
une  idée  de  mouvement  progressif,  une  idée  de 
passage  dans  les  expressions  par  terre,  par  mer,  etc. 
En  comparant  un  espace  de  temps  à  un  espace  de 
lieu,  on  a  dit  et  l'on  dit  encore  par  un  temps,  par 
un  tel  jour,  etc.  C'est  probablement  en  cette  signi- 
fication qu'avec  ellipse  du  mol  temps,  on  disoit  que 
deux  choses  se  faisoient  à-per-mesmes  ou  à-per- 
mismcs,  lorsqu'elles  se  passoient  dans  le  même 
temps,  par  le  même  temps.  «  A-per-mesmes  ke  vos 
«  oyste  ceste  chose  anoncier  .  .  .  par  droit  rendisles 
«  grâces,  etc.  »  (S'  Bern.  Serm.  fr.  mss.  p.  112.) 
«  Cav à-per-mismes  que  li  soels  (2)  fut  brisiez,  si 
«  vint  à-per-mêmes  a[wès  li  amers  deparleraenz  (3) 
«  elli  triste  discorde.  »  (Id.  ibid.  p.  137.)  «  Li  mes- 
"  saige  célesliien  se  hastent,  et  à-per-mismes  qu'ils 
«  virent  la  misère  des  hom  ...  si  ploreivent  amei- 
«  remenl.  »  (Id.  ibid.  p.  376.) 

Dans  tout  espace  de  temps,  il  existe  un  milieu 
par  lequel  les  choses  succèdent  plus  ou  moins 
immédiatement  les  unes  aux  autres.  De  là,  ces 
expressions  au-par-mé ,  à-par-main ,  en  latin  per 
médium,  per  medianum  tempus,  prises  dans  le 
sens  oîi  nous  dirions  tandis,  tout  de  suite,  bientôt, 
dans  peu  de  temps,  etc.  Le  peuple  de  Normandie 
dit  encore  moyennant  que,  pour  tandis  que.  «  Le 
«  Mareschal .  .  .  jettera  le  gand  au  milieu  des  lices. 
«  Alors  part  à  pied,  ou  monte  à  cheval  qui  voudra  ; 
"  car  en  gages  de  querelle,  se  il  n'est  emprins,  face 
«  chascun  le  mieux  qu'il  pourra:  et  au-par-7né  que 
«  les  combaleurs  feront,  les  Conseilleurs  d'honneur 
«  sailliront  hors  delà  prochaine  lisse  voir  comment 
«  la  chose  se  passera.  »  (Oi-d.  de  Philippe-le-Bel  sur 
les  Duels.  —  Voy.  Du  Cange ,  Gloss.  lat.  au  mot 
Duellum.)  Une  preuve  que  l'origine  et  la  significa- 
tion de  mé  sont  les  mêmes  que  celles  de  ??u  dans 
parmi,  en  latin  yjcr  médium,  c'est  qu'au  féminin 
on  disoit  )?;t'V,  en  latin  ?»erf?rt.  De  medianum,  ce 
qui  est  au  milieu,  s'est  formé  par  contraction  l'ad- 
jectif moyen,  qu'anciennement  on  écrivoit  meien, 
mein,  main. 

Ne  fust  por  ma  chose  haster 
Por  aler  au  marchié  demain, 
Tu  le  compraisses  à-par-main. 
Comparaisse,  fet  Anieuse  ? 


(l)  Mesure  de  longueur  qu'on  prend  de  l'extrémité  du  pouce  à  celle  du  petit  doigt,  quand  la  main  est  ouverte  le  plus 
possible.  Ce  mot,  d'origine  germanique,  vient  de  spannen.  (N.  E.)  —  (2)  Scel,  sceau.  —  (3)  Division. 


AP 


—  6  — 


AP 


Par  mon  chief,  je  vous  en  di  beuse  ; 
Quant  vous  volez,  si  commenciez. 

Fal)l.  JIS.  (lu  R.  n-  lUS,  fol.  49,  V  col.  2. 
Se  Dex  ne  li  ajue,  il  est  mors  ù-pcr-main. 

Ane.  PoC'l.  Fr.  MSS.  avant  1300,  T.  IV,  p.  1349. 

Araors  m'ont  si  par  tôt  le  cors  saisi, 
Que  rt  par-mniii  iert  ma  joie  finie. 
Se  vos  n'avés  pitié  de  vostre  ami. 

Id.  T.  Il,  p.  947. 

Peut-être  la  préposition  par  n'a-l-elle  marqué  les 
causes  et  les  moyens  par  lesquels  on  ao:it,  que  parce 
qu'agir,  c'est  en  quelque  manière  passer  des  moyens 
ou  des  causes  aux  elTets.  Le  moyen  étoit  exprimé 
par  l'adjecUf  mU  lorsqu'on  disoiL  parmi  un  subside, 
parmi  payant,  etc.  11  n'étoit  que  désigné,  lorsque 
pour  sii^iiilier  à  peu  de  chose  près,  à  peu  près,  on 
disoil  à-jiar-un-pou,  et  simplement  7Jfl>'ywî{;  façons 
de  parler  dans  lesquelles  l'acception  âe.  par,  à-par, 
semble  être  analogue  à  celle  de  parmi,  c'est-à-dire, 
moyennant,  au  moyen.  (Voy.  PAniii.)  Ainsi  l'expres- 
sion à-par-iin-jxni  siguirieroil:  1°  moyennant  quel- 
ques personnes  de  plus:  «  Moult  de  Evesques  et  de 
«  Prélats,  et  à-par-un-peu  tous  les  Barons  ,  etc.  » 
(Cbron.  fr.  de  G.  de  A'angis,  Jis.  an.  1190.)  2»  Moyen- 
nant quelque  chose  de  plus:  «  A-par-un-pou  avoil 
B  toute  Normandie  acquise,  fors  Rouen.  »  (Ibid. 
an.  \'H)i.)  3°  Moyennant  quelque  temps  de  plus  : 
«  Autant  de  temps  à-par-unpou  avoit-elle  esté 
«  tenue  des  nostres,  comme  elle  avoit  esté  tenue 
«  des  Sarazins.  »  (Ibid.  an.  1187.) 

Lorsque  les  moyens  et  la  puissance,  la  faculté 
d'agir  et  de  produire  un  effet  en  général ,  étoient 
propres  à  un  Etre  et  dans  sa  nature,  on  disoit  qu'il 
agissoit  à-par-soi,  par  soi,  dans  le  sens  oîi  l'on  dit 
soi-même,  de  soi,  de  soi-même.  (Voy.  Par.)  «  Je 
«  vouldroye  que  Lyonnel  .  .  .  fust  apporté  ça-siis , 
«  s'il  ne  povoit  ft-yw/r-soy  venir.  »  (Lanc.  à\x  Lac, 
T.  II,  fol.  130,  li"  col.  2.) 

En  agissant  à-par-soi  ou  par-soi,  en  lalin  per  se, 
on  agit  seul  et  pour  ainsi  dire  à  part.  On  soupçonne 
donc  que  cette  idée  particulière  étant  généralisée, 
l'expression  à-par-soi  aura  signifié  tout  seul,  sépa- 
rément; et  que  la  signification  de  par  étant  deve- 
nue la  même  que  celle  du  substantif  ;jarf,  on  aura 
substitué  le  substantif  à  la  préposition ,  laquelle 
étant  précédée  de  l'a,  paroissoit  elle-même  être  un 
substantif.  «  Pour  ce  mesme  effait  vous  pouvez 
«  pareillement  user  del'orpigmenttout  à-/;flr^sol/, 
«  et  du  poivre  aussy  sans  orpigment.  >>  (Fouilloux, 
Fauconnerie,  fol.  49.)  «  Tous  ensamble  et  chacun 
«  à-par-soi,  etc.  »  (Beaum.  Coût,  de  Beauvoisis,  p.  2.) 

En  tout  temps  fait  bon  couchier  ô-par-smj. 

Eusl.  Desch.  Pocs.  MSS.  p.  271,  col.  1. 

Telle  pourroit  être  l'ancienne  origine  de  notre 
expression  à  part,  à-part-soi.  Quoi  qu'il  en  soit,  la 
préposition  à  étant  supprimée,  par  soi  signifioit  en 
particulier,  seulement,  séparément.  (Voyez  Appar 
et  Par  ci-après.) 

VARIANTES  : 

A-PAR.  Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis  ,  p.  2.   —  Fabl. 

MS.  du  R.  n»  72-18,  fol.  11.  -  Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  fol.  359. 


A-PART.  Le  .Touvencel,  MS.  p.  509.   -    Fouilloux,  Faucon- 
nerie, fol.  49  R».  -  Du  Bellay,  Mém.  L.  VII,  fol.  198,  R"  etc. 
A-PER.  S'  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  27,  112,  150,  passim. 
Au-PAR.  Du  Gange,  Gloss.  lat.  au  mot  Duellum,  col.   1688. 

Aparageor,  subst.  masc.  Qui  tient  en  parage. 
On  observera  que  dans  les  principes  de  l'ancien 
Droit  féodal,  lorsque  des  puînés  ne  dévoient  pas  à 
leur  aine  l'hommage  de  la  portion  héréditaire  d'un 
fief  partagé  entre  eux  suivant  les  Coutumes,  l'ainé 
et  les  puinés  étoient  pairs  es  parties  de  ce  même 
fief;  ils  étoient  égaux  en  noblesse  féodale.  De  là,  le 
mot  aparageor  qui  désignoit  et  les  parageaux  ,  les 
puînés  tenans  en  parage  de  leur  aîné,  elle /j^mgrewr 
ou  l'aîné  sous  l'hommage  duquel  ils  étoient  garan- 
tis en  parage.  «  Nus  hons  qui  tient  en  parage ,  ne 
«  fet  aide  à  son  aparageor,  se  il  ne  le  fel  au  Chief- 
«  seigneur;  et  se  aucuns  est  qui  ait  aparageors qui 
«  tiennent  de  lui  en  parage,  il  ne  lor  puet  terme 
c<  mettre  hors  du  parage.  ->  (Ord.  T.  I,  p.  139.)  «  Se 
«  li  Vavasor  avoient  aparageors  qu'il  deussent  met- 
«  Ire  en  l'aide,  il  leur  doit  mettre  jor  que  il  auront 
«  lors  aparageors  ;  et  li  Vavassor  doit  dire  as  autres 
«  aparageors  que  eus  viegnent  à  tel  jour  voir  fère 
«  l'aide.  »  (Ibid.  p.  138.  —  Voy.  Parageau,  Parager, 
Paragecr  ci-après.) 

Aparager,  verbe.  Comparer,  égaler.  Doter, 
maiier.  Oiî  ne  croit  point  que  le  partage  d'un  fief 
héréditaire  entre  un  aîné  et  ses  puînés ,  ait  été 
nommé  parage,  par  la  seule  raison  qu'ils  étoient 
pairs  en  lignage.  Il  n'y  auroit  donc  eu  nulle  dis- 
tinction réelle  à  faire  enire  le  parage  et  le  frérage, 
dans  les  cas  où  le  frérage  étoit  aussi  le  partage 
coutumier  qu'un  frèi'e  aine  et  ses  puînés,  pairs  en 
lignage,  faisoient  d'un  fief  dont  l'hommage  étoit 
indivisible.  On  sait  pourtant  qu'ils  difïéroient;  mais 
la  différence  consiste  en  ce  que  les  puinés  tenans 
en  frérage,  faisoient  à  l'aîné  un  hommage  dont  les 
puinés  tenans  en  parage,  étoient  affranchis.  L'af- 
franchissement de  cet  hommage  semble  donc  cons- 
tituer essentiellement  le  ;jrtm^e  qu'on  peut  définir 
égalité  de  noblesse  féodale.  (Voyez  Aparageor  ci- 
dessus  et  Parage  ci-après.) 

Il  est  possible  que  cette  idée  particulière  d'égalité 
qui  n'existoit  jamais  qu'entre  Nobles  de  même 
lignage,  étant  généralisée,  le  molparage  aitsignifié 
noblesse,  parenté,  etc.  égalité  entres  nobles,  entre 
parens  ;  égalité  entre  personnes  de  même  mérite, 
de  même  état,  de  même  fortune.  De  là,  on  aura  dit 
s'aparager  on  s'emparager,  pour  s'égaler,  aller  de 
pair  avec  la  noblesse ,  en  s'alliant  ou  en  vivant 
noblement. 

.  .  .  Tant  se  veulent  enhaucier 
Et  en  tel  lieu  aparar/ier 
Qui  n'avient  pas  à  leur  corsage, 
En-seur  que  tout  (1)  à  leur  parage. 

Fabl.  MSS.  du  R.  n-  7615,  T.  I,  fol.  78,  R'  col.  1. 

Quant  li  hom  possède  muison. 
Qu'il  est  auques  souraagiés 
Rioes  d'avoir,  emparagiés  ; 
Et  s'ait  le  cuer  plain  de  noblèce 
Et  qu'il  ait  kier  feste  et  léèce, 


(1)  Sur-tout. 


AP 


—  7 


AP 


Li  enviex  par  moquerie 
Dit  lues  que  c'est  redoterie. 

Ane.  Poêl.  fr.  MSS.  avant  1300,  T.  IV,  p.  1315. 

C'est  relativement  à  l'espèce  àe  pavage  ou  d'éga- 
lité qui  existe  entre  parens,  qu'on  a  dit  : 
.  .  .  Maie  chose  est  envie. 
A  traïson  de  paraige 

S'apai-aiye  ; 
Car  nul  temps  ne  prant  déduit 
Fors  en  haineux  ouvraige. 

Eusl.  Desch.  Poès.  SISS.  p.  295,  col.  3. 

On  s'aparageoit  en  se  comparant  à  un  homme  de 
mérite,  en  croyant  aller  de  pair  avec  lui  et  l'égaler. 

Dont  Aiax  à  moi  s'aparage. 

Ovide,  MS.  Voy.  Borel,  Dicl. 

En  terme  de  Coutumes,  apparager  suffisamment 
ou  deucment  une  fille,  Yemparager  noblement, 
c'étoil  égaler,  proportionner  la  dot  d'une  fille  h  son 
état,  la  doter  et  marier  à  une  personne  qui  lui  étoit 
paire  et  noble  comme  elle.  (Du  Cange ,  Gloss.  lat. 
T.  V,  col.  157.  —  Laurière,  Gloss.  du  Dr.  fr.  —  Cot- 
grave,  Dict.)  «  Le  Seigneur  noble  peut  doubler  ses 
«  devoirs  sur  ses  hommes  .  .  .  pour  le  mariage  de 
«  sa  fille  aisnée,  emparagée  noblement.  »  (Coût. 
d'Anjou,  Coût.  gén.  T.  II,  p.  72.)  En  général, fl??ijyfl- 
rager  ou  emparager  une  fille,  c'étoit  la  marier  h 
un  homme  égal  à  elle  par  la  naissance,  l'état  et  la 
fortune.  (Oudin  et  Monet,  Dicl.) 

VARIANTES  : 
APARAGER.  Borel,  Dict.  -  Dict.  de  Trévoux. 
A.MP.^RAGER.  Monet,  Dict. 

Aparagier.  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7615,  T.  I,  fol.  78,  R»  col.  1. 
Aparaiger.  Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  295,  col.  3. 
Apparager.  Cotgrave,  Dict.  —  Laurière,  Gloss.  du  Dr.  fr. 
Emparager.  Coût.  gén.  T.  II,  p.  72. 
Emparagier.  Ane.  Poët.  fr.  MSS.  avant  1300,  T.  IV,  p.  1315. 

Apareill,  subst.  masc.  Préparatif,  viandes, 
tables,  etc.  Préparatif,  engins,  armes,  etc.  Préparatif, 
charrue,  paire  de  bœufs,  etc.  Il  est  probable  que  le 
verbe  appareiller  a  signifié  en  général  préparer, 
dans  un  sens  analogue  à  celui  de  comparer,  égaler; 
et  que  par  la  même  analogie,  le  substantif  appareil 
signifioit:  1°  les  préparatifs  d'un  repas,  d'un  festin, 
comme  les  viandes,  les  tables,  etc.  «  Moult  fut  grande 
«  la  teste  au  chastel,  quant  les  Chevaliers  furent 
«  desarmés;  car  ilz  estoient  assis  à  l'entour  de 
«  Y  appareil.  »  (Percef.  Vol.  IV,  fol.  43,  R°  col.  1.  — 
Rob.  Eslienne  et  Nicot,  Dict.) 

2°  Les  préparatifs  d'un  triomphe,  d'un  arc  de 
triomphe.  «  L'ng  haubert,  ung  hault  appareil  asseré, 
«  une  hasche.  . .  et  ainsi  de  tout  appareil  requis  à 
«  un  arc  triumphal  ou  trophée.  »  (Rabelais,  T.  II, 
p.  223.  —  Rob.  Estienne  et  Nicol,  Dict.) 

3°  Les  préparatifs  d'une  guerre,  d'un  assaut,  d'un 
combat,  engins,  armes,  etc.  «  Quant  li  Empereres 
«  Challes  sot  que  il  faisoit  tel  apareil,  il  manda  ses 
«  Barons,  etc.  «  (Chron.  S'  Denys,  Roc.  des  Hist.  de 
Fr.  T.  V,  p.  273.)  «  Feit  commencer  à  faire  plusieurs 
<•  apparaux  pour  iceux  prendre  el  subjuguer,  mais 
«  quand  les  assiégez  apperceurent  le&âii&apparaux, 


«  ils  commencèrent  à  parlementer.  »  (Jlonstrelet, 
Vol.  I,  fol.  253.)  «  Le  haut  appareil  éloit  une  armure 
«  complette,  l'armure  de  toutes  pièces  de  l'homme 
«  d'armes,  avec  la  grande  pièces  ou  plastron.  » 
(Voy.  Mcot,  Dicl.  —  Rabelais,  T.  II,  page  244.  —  S' 
Julien,  îlesl.  hist.  p.  i42,  etc.) 

4°  Les  préparatifs  pour  le  labourage,  une  charrue, 
une  paire  de  bœufs,  etc.  «  Chacun  des  supplians 
«  ayans  son  appareil  ou  charrue  de  beufs  pour 
«  labourer...  et  quant  furent  chacun  en  son  appareil 
«  pour  ilec  labourer,  etc.  >•  (Lett.  de  grâce,  an.  1466. 
—  Voy.  D.  Carpentier,  Sup.  Gloss.  lat.  de  Du  Cange. 
au  mot  Apparamenta,  col.  242.) 

On  pourroit  aussi  rapporter  la  signification  à'ap- 
pareil,  charrue  attelée  d'une  paire  de  bœ'ufs,  a  celle 
de  notre  verbe  appareiller,  joindre  à  une  chose  une 
autre  chose  qui  lui  soit  pareille. 

En  termes  d'Architecture,  appareiller  signifie  en- 
core préparer  la  pierre,  les  matériaux  pour  la  cons- 
truction d'une  maison^  d'un  édifice;  proportionner 
la  mesure,  la  forme  de  ces  matériaux  à  la  place  où  ils 
doivent  être  posés.  On  a  dit  dans  un  sens  analogue: 

Géométrie  est  ars  bien  autentiques 
De  mesurer  et  de  faire  apparaulx, 
Pour  maisonner,  forgier  choses  antiques, 
Compasser  tours,  églises  et  chasteauLx. 

Eust.  Desch.  Poés.  MSS.  p.  348,  col.  1. 

Il  semble  même  qu'on  ait  désigné  par  le  mot 
appareil,  celle  justesse  de  proportion  dans  l'assem- 
blage des  matériaux,  et  l'effet  qui  en  résulte  pour 
la  beauté  d'un  édifice,  lorsqu'on  a  dit  : 

On  faisoit  celle  sainte  abbaye 

Qui  en  sus  la  montagne  est  hautement  dressie 
De  très- grand  apparuil,  par  merveilleuse  estude,  etc. 
Ger.  de  Roussillon,  MS.  p.  177. 

L'orthographe  apparat  est  sans  doute  une  altéra- 
tion d'upparoi.  (Ibid.  Variantes  du  jis.  de  la  Cathéd.  de 
Sens.  —  Voyez  Aparoi.)  Enfin  l'acception  particulière 
dans  laquelle  on  prend  encore  aujourd'hui  le  pluriel 
apparaux,  n'est  pas  moins  relative  que  les  autres  à 
l'acception  générale  d'appareil,  préparatif.  (Voyez 
Apakeillement  ci-dessous.) 

VARIANTES  : 
APAREILL.  Ch.  S'  Denys,  Rec.  des  H.  de  Fr.  T.  V.  p.  273. 
Apparaulx  (plur.).  Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  348,  coL  1. 
Apparaux  (plur.).  Monstrelet,  Vol.  I,  foL  253,  R». 
Appareil.  Orth.  subsist.  -  Percef.  Vol.  IV,  f°  43,  R"  col.  1, 
etc.  —  Rob  Estienne,  Nicot  et  Monet,  Dict. 
Apparoil.  Ger.  de  RoussiUon,  JIS.  p.  177. 

Apareillé,  participe  masc.  et  fém.  Préparé, 
disposé;  préparée,  disposée.  Les  significations  du 
participe  apareillé,  quelque  multipliées  qu'elles 
puissent  être,  sont  toutes  analogues  à  celles  du 
verbe  apareiller.  On  se  bornera  donc  ici  à  une 
remarque  sur  l'espèce  de  formule  que  le  roi  d'An- 
gleterre, Edouard  I",  et  Jean  I",  duc  de  Bretagne, 
ont  employée  dans  l'inscription  de  lettres  écrites  au 
roi  de  France.  C'étoit  peut-être  comme  vassaux 
qu'ils  se  disoient  apareillés  à  son  service  (1),  à  son 


(1)  Joinville  emploie  aussi  cette  expression  au  commencement  de  son  livre,  et  d'une  lettre  datée  de  1315,  s'adressant 
dans  l'un  et  l'autre  cas  au  roi  Louis  X:  «  .^.  son  bon  signour  Looys,  fils  dou  roy  de  France,  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de 
Navarre,  de  Champaigne  et  de  Brie  conte  palazin,  Jehans,  sires  de  Joinville,  ses  senecbau.\  de  Champaigne,  salut  et 
amour  et  honneur,  et  son  sei-vise  appareillié.  ï   M.  de  Wîiilly  traduit;  et  son  service  disposé,  (n.  e.) 


AP 


AP 


plaisir,  etc.  °  A  très-haut  Prince  et  Seigiior  Pliilipe... 
«  Rey  de  France,  Edward...  Rei  de  Englelerre, 
«  Sei£!;nor  de  Irelaunde,  Duc  de  Guyene,  saluz  ;  e  se 
o  apàraillé  h  son  jilesir.  »  (Rymer,  T.  I,  part,  ii, 
p.  168;  lit.  de  1-278.)  -  A  son  'très-liault  Seigneur 
«  Louis...  Roy  de  I-'rance,  .Jelum  Duc  de  Bretaigne, 
«  salus;  et  soit  (1)  appareillé  à  son  service  en  toute 
<■  chose.  »  (D.  Morice,  preuv.  de  l'Hist.  de  Bretagne, 
T.  I,  col.  998;  tit.  de  1265.) 

Ce  même  duc  de  Bretagne  et  Jean  son  fils  aîné 
qui  épousa  Béalrix  fille  de  Henri  III  roi  d'Angle- 
terre, devinrent  les  vassaux  de  ce  Prince,  par  la 
restitution  qu'il  leur  fit  du  Comté  de  Richemont,  à 
la  charge  de  l'hommage  et  du  service  féodal.  Ainsi 
leurs  femmes  Blanche  et  Béatrix  semhleroient  avoir 
affecté  de  se  reconnoître  vassales  du  roi  d'Angle- 
terre, lorsqu'en  lui  écrivant,  elles  se  disoient  apa- 
reillies  à  faire  sa  volonté.  «  A  son  très-haut  et 

«  très-cher  Seignor  Henri...  Roe  d'Englcterre 

«  Blanche,  Duchesse  de  Brelangne,  salit  et  révé- 
«  rence  cum  à  son  Seignor,  e  soc  apparellic  alTerre 
«  sa  volenté  en  totes  choses.  »  (Rymer,  T.  I.  part,  n, 
p.  53,  col.  1  ;  til.  de  1200.  —  Id.  ibid.  p.  102,  col.  2; 
tit.  de  1205.)  Il  faut  lire  soi  upparellie,  etc.  au  lieu 
de  foi  apparellie,  etc.  (D.  Morice,  preuv.  de  l'Hist. 
de  Bretagne,  T.  I,  col.  997.)  >■  A  très-haut  Seignor  e 
"  à  son  très-chere  pière...  Henri...  Roe  d'Engle- 
«  terre...  Béatrice  sa  dévote  file,  feme  à  Monsor 
«  Jehan  de  Bretaigne,  salut  e  amor  cum  à  son 
«  cher  Seignor,  a  (2)  soe  aparellie  à  fère  sa  volenté 
K  en  lolesdioses.  »  (Rymer,  T.  I,  part,  n,  page  71, 
col.  2;  lit.  de  1262.) 

Quel  qu'ait  été  l'usage  de  cette  espèce  de  formule, 
soi  apareillé  etc.  on  a  pu  l'adopter  comme  une 
reconnoissance  spéciale  de  vasselage.  «  A  haut  home 
«  e  noble  moun  Seiguur  le  Roy  d'Englelerre,  Jo 
«  Giies  de  iNueville,  voz  orbs  (3),  saluz  e  îoial  amour, 
«  e  aparailez  à  tote  vos  volenté  faire.  "  (Rymer, 
T.  I,  part,  u,  p.  170,  col.  1  ;  tit.  de  1278.)  «  L'accepta 
"  pour  son  Seigneur,  en  luy  offrant  d'estre  apareillé 
«  de  faire  tout  ce  qu'il  luy  seroit  possible.  »  (Nuits 
de  Straparole,  T.  I,  p.  209.  —  Yoy.  Apareiller.) 

VARIANTES  : 
APAREILLÉ.  Gloss.  sur  les  Coût,  de  Beauvoisis,  p.  478. 
Aparailé.  Rymer,  t.  I,  part,  ii,  p.  176,  col.  1;  tit.  de  1278. 
Aparaillik.  Id.  ibid.  p.  17i,  col.  1  ;  tit.  de  1278. 
Apareillié.  Estrubert,  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7996,  p.  3. 
Apariliet.  S'  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  97. 
Apparill.  Livres  des  Machabées,  MS.  des  Cordel.  fol.  173. 
Apareillié  Prov.  du  Vilain,  MS.  de  S'  Germ.  fol.  75,  V». 
Aparellie.  Rymer,  T.  I,  part,  n,  p.  71,  col.  2;  tit.  de  1262. 
Appareillie.  Rom.  de  la  Ro.se,  vers  3804. 
Apparellie.  Rymer,  T.  I,  part,  ii,  p.  102;  tit.  de  1265. 
Apparillie.  S'  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  376. 

Apai'eillenient,  sithst.  m.  Action  de  préparer, 
préparation,  préparatif.  C'est  dans  un  sens  analogue 
a  celui  d'apaieiller,  préparer,  qu'on  a  dit  :  «  Long 
«  appareillemcnt  de  bataille  fait  victoire  avoir.  » 
(Le  Chev"  de  la  Tour,  instruction  à  ses  filles,  f°  78.) 

On  emploie  les  choses,  les  moyens  convenables 
pour  se  préparer  à  ce  qu'on  veut,  à  ce  qu'on  doit 


faire.  De  là,  le  mot  apareillement  a  signifié,  1°  pré- 
paratif, chose  convenable  pour  une  noce:  «  Parceu 
«  mismes  pues-tu  awertement  aparzoivre  ke  si  soit 
«  li  apparillement  des  noces.  »  (S"  Bern.  Serm.  fr. 
MSS.  p.  239.)  2°  Préparatif  au  combat  dans  les  vers 
suivans  : 

Son  bon  cheval  a  demandé. 

Or  verrai,  dist-il,  qui  vendra, 

Et  or  verrai  qui  me  suivra. 

Ne  fist  autre  uppareillemeiit. 

Rom.  de  Rou,  MS.  p.  299. 

3°  Préparatif,  chose  convenable  pour  l'ajustement, 
la  parure  d'une  femme  : 

Si  ai  tôt  YapareiUnment 
Dont  feme  fait  forniement. 

Fabl.  MS.  de  S'  Germ,  fol.  «,  V-  col.  3. 

4°  Préparatif,  chose  convenable  au  dessein  de 
plaire.  C'est  l'amour  qui  parle  dans  ces  vers: 

Nus  hom  n'ert  jà  de  ma  mesnie 
Qui  ne  soit  plains  de  cortoisie. 
Ce  sont  li  appareillement 
Desquels  j'appareille  ma  gent. 

Fabl.  MS.  du  R.  n- 1218,  fol.  362,  R*  col.  2. 

Qu'il  suffise  d'avoir  indiqué  le  développement  des 
idées  particulières  qui  peuvent  avoir  été  comprises 
dans  l'idée  générale  A' apareillement,  apareil  prépa- 
ratif. (Voy.  Apareill  et  Apareiller.) 

variantes  : 
APAREILLEMENT.  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7218,  foL  281,  V». 
Aparillemext.  S'  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  32. 
Apparaillement.  Liv.  des  Machabées,  MS.  des  C.  f°  168. 
Appareillement.   Rom.  de  Rou,  MS.  p.  229.  —  Fabl.  MS. 
du  R.  n»  7218,  foL  362,  R»  col.  2.  -  Cotgrave,  Dict. 
Apparillement.  S'  Bern.  Serm.  MSS.  p.  31,  etc. 

Apareiller,  verbe.  Etre  pareil,  être  égal,  être 
semblable.  Comparer,  égaler,  rendre  pareil,  rendre 
semblable,  peindre.  Réparer,  raccommoder,  panser, 
Préparer,  accommoder,  parer,  ajuster,  habiller, 
armer,  disposer.  On  croit  que  l'adjectif  latin  ;jfl77Zis, 
en  frangois  pareil,  comparable,  égal,  semblable,  est 
l'origine  du  verbe  apariller,  apareiller,  dans  la 
signification  de  ressembler,  être  pareil. 

...  De  serur  et  de  raoiUier 
Ne  puet  amours  apareiller... 
Car  en  l'un  n'a  fors  seul  nature  ; 
Nia  point  d'autre  conjointure. 
L'autre  est  nature  et  si  est  lois,  etc. 

Alliis,  MS.  fol.  23,  V»  col.  1  ;  Var.  du  MS.  du  Roi. 

C'esll'unique  preuve  qu'on  ail  de  la  signification 
neutre  du  verbe  apareiller.  Dans  le  ms.  en  marge 
duquel  sont  les  variantes  du  ms.  du  Roi,  on  lit  : 

....  De  serur  et  de  moillier 

Ne  peut  nuns  bons  apparillier,  etc. 

Alors  il  signifie  comparer ,  faire  comparaison , 
égaler  ;  il  étoit  actif  en  ce  sens  et  plus  souvent 
réciproque. 

Lors  te  viendra  à  remembrance 
Et  sa  façon  et  sa  semblance 
A  qui  nulluy  ne  s'appareille. 

Rom.  de  la  Rose,  vers  2458-2460. 

Encore  i  a  autre  merveille 
A  cui  nulle  ne  s'apareille 

Fabl.  MS.  du  R.  n-  7615,  T.  II,  fol.  U8,  V  col.  1. 


1)  Corr.  soi.  -  (2)  Corr.  e,  et.  -  (3)  On  croit  qu'il  faut  lire  Chrs,  abréviation  de  Chivalers,  Chevalier. 


AP 


-.9  — 


AP 


Clos  de  girofle,  lis  et  rose 
Où  toute  doucor  se  repose, 
A  vous,  Dame,  ne  s'aparaille. 

Fabl.  MS.  du  R.  n"  7218,  fol.  217,  V  col.  1. 

Quelque  variées  que  soient  les  acceptions  de  ce 
verbe,  il  seroit  possible  que  toutes  ne  fussent  que 
des  modifications  de  racccption  génévn]eapareiller, 
comparer,  égaler,  rendre  semblable.  La  peinture 
ayant  ordinairement  pour  objet  la  ressemblance,  il 
paroit  assez  naturel  qvi' apareiller  ait  signifié 
peindre. 

Geste  chievre  que  ci  véez. 

Pour  combien  vous  la  me  peindrez  '!... 

Amis,  trois  francs  de  les  deniers 

M'en  donras,  et  je  volentiers 

La  te  paindré,  et  bien  et  bel... 

Li  maislres  la  chievre.  apareille 

Inde,  jaune,  vert  et  vermeille,  etc. 

Estrub.  Fabl.  MS.  du  R.  n"  7996,  p.  i. 

On  réalise  cette  ressemblance  avec  les  couleurs, 
le  vernis,  etc.  De  là,  on  aura  dit  : 

A  un  huis  est  arestez 

Où  ot  peint  un  viez  crucefiz 
Et  apareilUé  de  vernis. 

Estruberl,  fabl.  MS.  du  R.  n-  7996,  p.  3. 

En  réparant  une  vieille  cbose,  une  chose  usée, 
en  la  raccommodant,  on  lui  donne  une  forme 
pareille,  une  forme  semblable  à  celle  qu'elle  avoit 
étant  neuve;  on  la  rend  d'une  utilité  égale.  C'est 

Srobableinent  ce  que  signifioit  le  verbe  apareiller 
ans  le  sens  de  réparer,  raccommoder.  «  Les 
«  Chausseliers...  n'auront  pour  la  façon  d'une  paire 
«  de  chausses  î»  homme  que  six  deniers,  et  à  femmes 
«  et  enfans  quatre  deniers,  et  non  plus.  Ceux  qui 
«  les  appareillent,  ne  prendront  pour  mettre  un 
«  avant-pied  en  une  chausse,  que  deux  deniers.  » 
(Ord.  T.  Il,  p.  372.)  «  Bourreliers  n'auront,  ne 
«  prendront  d'une  selle  de  limons  que  douze  sols 
«  de  la  meilleure,...  du  collier  de  limons,  garni  de 

«  brasseures,  d'astellets,  douze  sols et  pren- 

«  dront  d'appareiller  aucunes  des  choses  dessus 
«  dites,  etc.  »  (Ibid.  p.  37.  —  Voy.  Rapareiller.) 

Celte  analogie  étant  reconnue,  l'on  voit  comment 
les  significations  parliculières  des  verbes  par 
lesquels  on  exprime  diverses  façons  de  réparer  les 
choses,  pourroient  être  rapportées  à  la  signification 
générale  à' apareiller.  Par  exemple,  panser  un 
blessé,  lui  mettre  un  appareil,  c'est  employer  les 
médicamens  propres  à  le  rétablir  dans  un  état 
pareil  à  celui  où  il  étoit  avant  sa  blessure. 
«  Ordonna  faire  appareiller  les  blécez.  »  (Saintré, 
page  603.) 

Confortez-vous  d'autre  manière  : 
Faites  vos  mors  mètre  en  litière, 
Et  vos  navrez  appariUier. 

Alhis,  MS.  fol,  52,  R'  col.  1. 

On  conçoit  une  espèce  de  comparaison,  d'égalité, 
de  proportion,  de  convenance  nécessaire  entre  les 
choses  qu'on  prépare  et  l'objet  pour  lequel  elles 
sont  préparées  ;  entre  un  besoin  et  le  moyen  par 
lequel  on  en  prépare  la  satisfaction;  entre  la  réso- 
lution, le  projet  de  faire  une  chose,  et  les  moyens 
par  lesquels  on  s'y  prépare;  entre  la  volonté  et  la 
faculté  d'agir,  etc.  Il  est  donc  possible  que  par  une 
II. 


même  analogie  d'idées,  le  verbe  apareiller  ait 
signifié  préparer  la  voile  à  recevoir  le  vent,  prépa- 
rer un  vaisseau  à  faire  voiles  : 

Et  ses  Barons  et  ses  Parens 
S'aparlièrent  isnellement. 
Lors  nez  ont  tost  appnreillies. 

Rom.  de  Brul,  MS.  fol.  70,  R'  col.  1. 

Préparer  une  somme  d'argent  pour  le  prix  d'une 
chose,  et  la  payer  en  deniers  comptans  :  «  Acheta 
«  le  Roy  d'Angleterre,  le  Connestable  de  France  et  le 
«  Comte  de  tancarville,  de  Monseigneur  Thomas 
«  de  Holande  et  de  ses  compaignons,  et  en  paya 
«  vingt  mille  Nobles  tous  appareillés.  »  (Froissart, 
Vol.  I,  page  145.) 

Préparer  des  viandes,  les  accommoder,  en  pro- 
portionner la  qualité  et  la  quantité  au  besoin  et  au 
goût  des  convives;  préparer  un  festin  ;  préparer  à 
manger,  etc.  «  En  ces  festivalz  jors...  appariUier 
«  les  délicieuses  viandes,  etc.  «  (S*  Bern.  Serm.  fr. 
Mss.  p.  24.  —  Voy.  Rob.  Estienne  et  Nicot,  Dict.) 

S'il  faut  aparlier  à  mangier. 

Eust.  Dcsch.  Poè's.  MSS.  p.  500,  col.  i. 
L'an  aparoille\e  maingier. 
Et  cil  n'an  fist  onques  dangier. 

Fabl.  MS.  du  R.  n'  '7615,  T.  II,  fol  149,  V-  col.  2. 

Préparer,  accommoder  un  hôtel,  pour  recevoir 
convenablement  la  personne  qui  doit  l'occuper  : 

L'ostel  apparechier  et  prendre 

U  ilh  voloit  primes  descendre,  etc. 

Lus  IV  Filles  le  Roy.  MS.  de  Turin,  fol.  39,  R-  col.  2. 

Préparer  la  réception  d'une  personne,  la  recevoir 
avec  les,  égards  convenables,  en  la  faisant  servir 
par  des  Écûyers,  etc.  «  Quant  ilz  furent  emmy  la 
«  Court,  ilz  furent  appareiller  de  deux  Escuyers 
«  qui  misrent  jus  la  Damoiselle,  et  tindrenl  aux 
«  Chevaliers  leurs  estriers,  etc.  »  (Percef.  Vol.  I, 
fol.  35,  R"  col.  -1.) 

Préparer  les  choses  dont  on  a  besoin  pour  se 
vêtir,  se  coucher,  etc.  «  Por-kai  apparailles-ln  ta 
«  vesture  par  si  grant  cuvise  ?  »  (S'  Bernard, 
Serm.  fr.  mss.  p.  24.)  «  Ses  gens  ne  lui  avoient  riens 
«'  appareillé,  comme  de  robbes,  lit,  cousche,  ne 
«  autre  bien.  »  (Joinville,  p.  79.) 

Préparer  à  une  personne  le  moyen  de  paroitre  ce 
qu'elle  est,  lui  préparer  le  moyen  de  plaire,  la 
parer,  l'ajuster  d'une  manière  convenable  :  «  Faistes 
«  vostre  fil  apareiller  comme  fil  d'Emperour.  « 
(Rom.  de  Dolopathos,  ms.  du  R.  n»  7534,  fol.  294.) 

La  Dame  sa  fille  apareille  ; 
Moult  fut  gente,  clere  et  vermeille. 
Fors  la  malne  ;  li  Quens  Va  prise 
Par  la  main  et  lez  lui  assise. 
Moult  li  fu  sa  biautè  loèe,  etc. 

Fabl.  MS.  du  R.  n"  7615,  T.  II,  fol.  174,  V'  col.  1. 

Le  sens  ironique  dans  lequel  nous  employons  les 
verbes  s'ajuster,  s'accommoder,  en  parlant  d'un 
homme  qui  s'est  incommodé  par  un  excès  de  vin, 
étoit  quelquefois  celui  du  verbe  apareiller.  «  Des 
«  vins  avoyent-ilz  assez  à  foison;  mais  ils  estoyent 
«  si  chaux  et  si  fors  que...  ceux...  qui  grand'foison 
o  d'eaue  au  boire  n'y  metloienl,  s'en  trouvoient 
«  tellement  appareillés  qu'ils  ne  se  pouvoyent 
«  aider  au  matin.  »  (Froissart,  Vol.  III,  p.  204.) 

On  conclura  d'après  notre  observation  sur  l'ori- 


AP 


-10  — 


AV 


grine  de  l'acception  générale  du  verbe  apareiller, 
s'aparciller,  piépurcr,  se  préparer,  qu'il  pouvoit 
avoir  la  signification  de  tout  verbe  par  lequel  on 
désigne  un  moyen  de  se  préparer  à  une  chose. 
«  En  toutes  besongnes,  avant  que  l'en  les  com- 
«  nience,  on  se  doit  appareiller...  àgrant  diligence 
«  et  à  grant  délibération.  »  S'il  falloit  s'habiller, 
s'armei',  etc.  le  verbe  s'rt/jare/Z/n'signifioil s'armer, 
s'habiller,  etc.  (Voy.  Ai'areill  et  Ap.\iieillement.) 
«  Commanda  Jonalhas  as  suens  que  il  veillassent, 
«  et  eslre  apparill  por  combattre.  »  (Livres  des 
Machabées,  ms.  des  Cordel.  fol.  173.  —  Voy.  Nicot, 
Dict.)  «  Quand  il  eut  un  petit  reposé  sur  son  licl, 
«  il  se  leva  et  appareilla  ;  et  quand  il  fut  appareillé, 
«  il  m;mda  en  sa  chambre,  etc.  "  (Froissart, 
Vol.  III,  page 'iOO.) 

Lors  te  fauldra  appareitler, 
Vestir,  chausser  et  alourner,  etc. 

Rom.  de  la  Rose,  vers  2533  el  2534. 

Enfin,  être  apareillé,  préparé  à  une  chose,  y  être 
disposé,  c'est  avoir  de  l'inclination  à  faire  cette 
chose,  en  avoir  la  volonté  et  la  faculté  dans  une 
proportion  qui  la  rende  possible  ou  naturelle. 
«  Aparillie~~i  est  mes  cuers...  as  aversitez,  aparilUe:^ 
«  as  propéritez  ;  aparllliez  est  as  humles  choses  ; 
«  aparilliez  est  à  hallesce  ;  aparilliez  est  à  lot  ceu 
«  ke  tu  me  comanderas.  «  (S'  Bernard,  Serm.  fr. 
Mss.  p.  2!)6.)  «  Je  suis...  dattres  (1)....  à  justise  et  à 
«  vériteit  cui  vos  véez  estre  si  aparillie  por  faire 
«  veniance.  (S'  Bernard,  Serm.  fr.  mss.  p.  37G.) 
«  Li  fil  Adam  estoient  molt  aparilliet  à  non-greit- 
»  sachance  {'2).  »  (Id.  ibid.  p.  11.) 

Se  l'ire  jalousie  engaigne, 

Elle  est  moult  fiére  el  moult  estrangne 

El  de  tencer  appareUlie,  etc. 

Rom.  de  la  Rose,  vers  3802-3804. 

On  terminera  cet  article,  en  observant  que  les 
significations  d'apareiller,  et  â'aparier  étoient  quel- 
quefois les  mêmes.  (Voy.  Aparier  ci-dessous.) 

CONJLG. 

Aparaut  (s'),  subj.  prés.  Qu'il  se  prépare.  (Fabl. 
MS.  du  R.  n*  7G15,  T.  l,  fol.  102,  V  col.  1.) 

Aparelt,  subj.  prés.  Qu'il  prépare.  (Fabl.  ms.  de 
S'Germ.  fol.  37,  R°  col.  2.) 

Apparaillet,  ind.  prés.  Il  prépare.  (S'Bern.  S.  F.) 

AppariUieret,  ind.  imp.  Préparoit.  (Id.  ibid.) 

VARIANTES  ". 

APAREILLER.  Rom.  de  Dolopathos,  fol.  294.  -  Fabl.  MS. 
du  R.  n»  7-218,  fol.  112.  -  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7615,  T.  II,  f°  148, 
V»  col.  1.  -  Clém.  Marot,  p.  408,  etc. 

Aparailler.  Fabl.  MS.  du  R.  n"  7218,  fol.  217,  V  col.  1.  - 
Rymer,  T.  I,  part,  ii,  p.  168,  col.  2  ;  lit.  de  1278. 

Apareller.  Vie  du  monde,  MS.  de  N.  D.  n»  2,  fol.  14,  Y» 
col.  1.  -  Fabl.  MS.  du  R.  n"  7615,  T.  I,  fol.  113,  R°  col.  1. 

Apariller.  Atliis,  MS.  fol.  55,  R»  col.  1. 

Aparillier.  S'  Rern.  Serm.  fr.  MSS.  page  296.  —  Rom.  de 
Dolopathos,  MS.  du  R.  n»  7534,  fol.  294,  V»  col.  1. 

Aparlier.  Rom.  de  Brut,  MS.  fol.  70,  R».  —  Gloss.  sur  les 
Coût,  de  Beauvcisis,  p.  478.  -  Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  500. 

Aparoillf.r.  S'  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  24.  —  Ane.  Poët. 
fr.  MSS.  avant  1300,  T.  I,  p.  104.  -  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7615, 
T.  II,  fol.  149,  V»  col.  2. 

Apparailler.  S>  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  24  et  94. 


Appabechier.  Les  iv  filles  le  Roy,  MS.  de  Turin,  fol.  39. 

Appareiller.  Orth.  subsist.  —  Rom.  de  la  Rose,  vers  2533. 
—  Gloss.  sur  les  Coût,  de  Beauvoisis.  —  Joinville,  p.  79.  — 
Ord.  T.  II,  page  371.  -  Froissart,  Vol.  III,  page  200.  -  Rob. 
Estienne,  Nicot  et  Monet,  Dict. 

Appareillier.  Rom.  de  Dolopathos,  MS.  du  R.  n»  7534, 
fol.  294.  -  Rom.  de  la  Rose,  vers  16979   -  Ord.  T.  I,  p.  314. 

Appareller.  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7615,  T.  II,  fol.  211,  R» 
col.  1.  -  Ord.  T.  I,  p.  314. 

Apparillier.  S'  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  24.  -  Athis,  MS. 
fol.  23,  V»  col,  1. 

Apperieillier.  Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis,  p.  244. 

Apperiller.  Britlon,  des  Loix  d'Angleterre,  fol.  60,  V". 

Aparenter,  verbe.  Avoir  pour  parent.  Traiter 
de  parent,  cousiner,  reconnoitre  pour  parent. 
Traiter  comme  parent,  accueillir,  obliger,  aider, 
secourir,  soutenir,  fortifier.  On  devientle  parent  de 
ceux  ;\  qui  on  s'allie;  on  les  a  pour  parens.  De  là, 
l'acception  du  verbe  réciproque  s'apparenter,  qui 
subsiste.  Mais  on  ne  dit  plus  en  parlant  des  person- 
nes à  qui  on  s'allie,  à  t]ui  on  est  allié,  qu'on  les 
apparente.  (Monet,  Dict.)  La  signification  du  verbe 
apparenter,  traiter  de  parent,  cousiner,  reconnoitre 
pour  parent,  est  plus  ancienne  dans  notre  langue. 

Povres  parens  nus  n'aparente. 

Fabl.  MS.  du  R.  n'  7615,  T.  I,  fol.  72,  R'  col.  2. 

Tant  ai  de  sa  manière  aprise  dès  piéga, 
C'oume  de  laschelé  jà  n'aparentera. 

Buenon  de  Comniarchies,  MS.  de  Gaignat,  fol.  198,  V*  col.  1. 

On  lit  que  Henri  IV  «  étoit  fort  respectueux 
«  envers  ses  prochains....  n'y  ayant  Prince  ni  Gen- 
«  tilhomme  de  quelque  loin  qui  lui  pût  appartenir, 
«  qu'il  n'apparentât.  »  (Mém.  de  Sully,  T.  XII, 
p.  130.)  Après  sa  mort,  la  politique  de  Marie  de 
Médicis  dédaigna  le  cousinage.  «  Pour  faire  anéan- 
«  tir  toutes  les  civililez,  familiaritez  et  courtoisies 
"  de  tout  temps  pratiquées  au  royaume,  le  Roi  son 

«  fils,  ni  ses  autres  enfans  n'aparentoient en 

«  saluant  qui  que  ce  soitdans  le  royaume intro- 

«  duisant  de  plus  en  plus  un  tel  mépris  des  Gentils- 
«■  hommes  d'illustre  extraction,  et  une  si  grande 
«  indifférence  entr'eux  et  toutes  sortes  de  gens  de 
"  néant  qui  avoientaccèsà  la  faveur,  qu'ils  vivoient 
<>  comme  pairs  et  compagnons  ensemble.  »  (Ibid. 
page  98.) 

Ce  verbe  aparenter  n'est  pas  moins  ancien  dans 
le  sens  de  traiter,  accueillir  comme  parent,  en  obli- 
geant, aidant,  etc.  Peut-être  même  a-t-il  dans  le 
premier  vers  qu'on  a  cité,  la  même  signification  que 
dans  les  vers  suivans  : 

Fox  est  qui  aparente 
Ne  parent  ne  parente 
De  quoi  il  ait  villance. 
Mais  loinz  de  lui  le  meta, 
N'onques  ne  li  promette 
Chose  où  il  ait  fiance. 

Prov.  du  Vilain,  MS.  de  S.  Germ.  fol.  74,  V  col.  2. 

Il  est  naturel  de  s'aider  entre  parens  ;  c'étoit  une 
espèce  de  loi  dans  les  principes  du  système  féodal 
et  de  la  chevalerie.  On  se  fortifioit  donc  en  s'appa- 
rentant,  en  s'alliant  à  une  famille  nombreuse  et 
puissante,  à  une  famille  dont  on  avoit  droit  d'espé- 
rer l'aide,  le  secours  dans  une  entreprise,  une 


(1)  Débiteur,  redevable.  -  (2)  Ingratitude. 


AP 


—  n 


AP 


guerre,  une  querelle.  Cette  idée  particulière  de  se- 
cours étant  généralisée,  l'on  aura  dit,  par  extension, 
qu'un  ennemi  étoit  mal  apparenté,  lorsqu'il  n'étoit 
pas  en  force,  en  nombre  suffisant  pour  soutenir  un 
siège,  un  combat,  etc.  «  Les  Espaignols  de  la  Ceri- 
«  gnolle,  congnoissans  que  trop  mal  apparentes 
«  estoienl  pour  attendre  le  siège  des  François,  etc.  » 
(J.  d'Auton,  Annal,  de  Louis  XII,  an.  1502,  p.  41.) 
«  Tousjours  estoient  en  picque,  etlfi  où  les  François 
«  les  trouvoient  mal  apparente--, ,  très-mauvaise 
«  compaignée  leur  faisoient,  et  eulx  de  même  aux 
«  François.  »  (Id.  ibid.  an.  i50G-ir,07,  p.  188.  — 
Voy.  EsiPARENTER  ct  Pare.nter  ci-après.) 

VARIANTES    : 
APARENTER.  Mém.  de  SuUy,  T.  XII,  page  98. 
App.\ranter.  Monet,  Dict. 

Apparenter.  J.  d'Auton,  Annal,  de  Louis  XII,  an.  1502.  — 
pages  17,  41,  etc.  —  Mém.  de  Sully,  T.  I,  page  94. 

Apariage,  suhst.  masc.  Apanage.  Dot.  On  adou- 
cit la  rigueur  nécessaire  des  Lois  qui  proscrivent 
l'égalité"  si  naturelle  entre  frères  et  sœurs  dans  le 
droit  de  succéder  à  leur  père,  en  pourvoyant  à  la 
subsistance  de  ceux  qu'elles  excluent  ;  en  égalant, 
en  proportionnant  ù  l'état  qu'ils  doivent  avoir  dans 
la  société,  les  fonds  en  terre  ou  en  argent,  qui  leur 
tiennent  lieu  de  partage  et  de  patrimoine.  C'est 
relativement  à  cette  idée  de  proportion,  d'égalité, 
qn'apariage  a  signifié  la  même  chose  qu'apanage. 
(Voy.  ArPANAGE  ci-dessous.)  «  Jà  soit  ce  que  nous 
<■  sachions  certainement...  que...  le  Seigneur  de 
«  Beaujeu  et  ses  prédécesseurs  Seigneurs  dudit 
«  lieu,  aient  tousjours  tenu  et  doivent  tenir  en  foy 
«  et  hommage  de  nous  et  de  noz  prédécesseurs  Roys 
«  de  France,  h  cause  de  la  Corone  de  France,  toute 

«  la  terre  et  baronie  de  Beaujeu et  aussi  eux  et 

<■  leurs  dictes  terrez  et  baronie...  et  subgès  de  leur 
«  dicte  terre  et  baronie  aient  ressorti  et  doienl  de 
«  tout  temps  ressortir  îi  nous  et  à  nos  prédeces- 

«  seurs ne  que  ladicle  foy,  hommage  et  ressort 

«  aient  esté,  ne  puissent  ou  "doïenl  estre  séparés  en 
«  tout  ne  en  partie,...  soit  à  cause  de  partaige, 
•  appariage,  ou  doaire  qui  ait  esté  ou  soit  faitou 

«  constitué,  etc Que  jamais  ledit  fief  et  ressort 

«  puissent  estre  séparés  de  la  Corone  de  France,  en 
«  tout  ne  en  partie,  à  perpétuité,  ù  vie  ne  à  temps, 
«  soit  à  cause  de  partaige,  d'appanage,  de  doaire, 
«  de  donacion ,  vendicion ,  transport  ou  alienacion 
«  que  l'en  face,  ou  constitue  à  Royne  de  France,  à 
«  enfans ,  frère  ou  neveu  de  Roy  de  France ,  etc.  » 
(Ord.  T.  V,  p.  112  et  113.) 

La  dot  des  filles  étant  une  espèce  d'apanage  qui 
doit  être  proportionné  à  leur  état  et  à  leur  naissance, 
il  est  possible  qu'on  ait  désigné  celle  dot  par  le  mot 
apariage.  Charles  VI,  par  le  contrat  de  mariage  de 
sa  fille  Isabelle  de  France  avec  Richard  II,  roi 
■  d'Angleterre,  s'oblige  îi  payer  «  la  somme  de  sept 
«  cens  mille  francs  d'or...  lesquels...  il  donne  et 
«  octroyé  à  sadile  fille  pour  et  en  lieu  de  tous  par- 
«  tages,  apariages,  successions  de  père  et  de  mère. 


c.  et  autres  droicts  quelconques  qu'elle,  ses  enfans 
»  et  les  descendans  d'eux...  pourroient  demander, 
«  reclamer  et  avoir  en  meubles  ou  héritages,  au 
«  royaume  de  France,  ou  autre  part.  »  (Godefroy, 
Annot.  sur  l'IIist.  de  Charles  VI,  p.  581.)  On  remar- 
quera que  la  signification  du  mot  simple  pariage  est 
très  ditTérente  de  celle  du  composé  apariage.  (Voy. 
Appariation  ci-dessous.) 

VARIANTES  : 
APARIAGE.  Godef.,  Annot.  surTHist.  de  Charles  VI,  p.  581. 
Appari.\ge.  Ord.  T.  V,  p.  113. 

Aparier,  verbe.  Unir,  joindre,  conjoindre,  ac- 
coupler. Rendre  pareil,  égaler,  comparer.  On  sait 
que  les  êtres  mâles  et  femelles  qui  produisent  leur 
semblable  et  se  perpétuent  en  s'uuissanl  l'un  à 
l'autre,  sont  d'espèce  pareille.  De  là,  le  verbe 
apairer,  ou  aparier,  formé  de  pair,  paire,  en  latin 
par,  a  signifié  joindre  le  pair  au  pair,  joindre 
l'homme  à  la  femme,  joindre  le  mâle  à  la  femelle; 
en  général,  les  unir,  les  conjoindre,  les  accoupler. 
(Voy.  Nicot  et  Monet,  Dict.) 

Par  foi,  vous  estes  tout  d'un  grant  ; 

Ce  seroit  une  belle  paire. 

Et  Diex  doinst  qu'amours  vous  apaire. 

Froissant,  rocs.  MSS.  p.  134,  col.  2. 
Bien  seras  çains,  se  te  maries, 
Se  vers  autrui  ne  te  desçains 
K'à  celi  à  cui  Vaparies. 

Miserere  du  Red.  de  Moliens,  MS.  de  Gaignat.  fol.  212,  R*  col.  S. 
.  .  .  Puisque  Sainte  Yglise  apaire 
Deus  gens,  ce  n'est  mie  à  refaire. 

Fabl.  MS.  du  R.  n'  7218,  fol.  250,  V"  col.  î. 

On  a  désigné  l'union,  le  commerce  d'un  mari  avec 
une  autre  femme  que  la  sienne,  en  disant  qu'il 
apairoit  une  autre  femme.  Les  hommes  sont  si 
constans  dans  leurs  préjugés,  qu'on  peut  dire  encore 
avec  un  de  nos  anciens  Poêles  : 

S'uns  horas  autre  famé  apaire, 
Petit  (1)  en  voi  blastengier  (2) 
Sa  mouiller  (3)  :  mes  à  tout  dis 
Est  li  preudoms  escharnis  (4) 
Puisque  sa  lame  folie  (5). 
Abc.  Poês.  fr.  MS.  du  Vatic.  n-  1522,  fol.  158,  R-  col.  1. 

Lorsque  le  bonheur  d'aimer  et  d'être  aimé  éloit 
<c  la  pasture  et  l'embrasement  aux  jeunes  Cheva- 
«  liers,  pour  estre  preux,  hardis,  larges,  courtois 
«  et  gais,  '•  il  paroissoit  bien  naturel  de  favoriser 
l'amour,  ce  principe  général  de  leurs  vertus  guerriè- 
res et  sociales.  On  le  voyoit  souvent  naître  à  table  et 
s'exalter  avec  cette  gaieté  franche  et  honnête  qu'ins- 
piroit  à  chaque  Chevalier  le  plaisir  «  d'avoir  une 
Dame  h  son  escuelle  et  de  lui  être  aparié,  »  c'est-à- 
dire  uni  pour  manger  avec  elle  et  la  servir.  «  Beaulz 
•>  Seigneurs,  aura  chascun  une  mienne  niepce  à 
«  son  escuelle  à  ce  soupper...  car  c'est  la  pasture 
«  et  l'embrasement,  etc.  »  (Percef.  Vol.  1,  fol.  125, 
V°  col.  2.)  «  Sire,  dist  la  damoiselle,....  ores  vous 
«  séez  plus  près  de  moy,  si  me  livrerez  ce  qu'il  me 
"  faudra...  et  la  Royue  d'Escosse  sera  près  de  vous, 
«  et  le  Roy  après,  qui  la  servira  à  son  vouloir,  et 
«  Lys'ine  près  de  luy,  mais  le  Tors  sera  à  sa  dextre 
«  qui  la  servira  ;  si  serons  appariez....  Regardez  le 


(1)  Peu.  —  (2)  Mésestimer,  mépriser.  —  (3)  Femme  ;  en  latin  muHer.  —  (4)  Ridiculisé.  —  (5)  Fait  une  folie,  est  infidèle. 


AP 


—  12  — 


AP 


1  Roy  Alexandre,  il  ne  lairroit  pas  une  miette  de 
«  pain  devant  la  Damoisellle  avec  qui  il  mangue.  » 
(Ibid.  fol.  l'i'i,  Vcol.  1  et  2.) 

En  particularisant  l'acception  générale  du  verbe 
aparier,  joindre  le  pair  au  pair,'joindre  le  mâle  à 
la  femelle,  les  unir,  les  accoupler,  on  dit  encore  que 
les  pigeons,  les  tourterelles,  les  perdrix  s'apparient. 
Plus  anciennement  ce  verbe,  le  même  qu'apairei; 
désignoit  l'accouplement  de  toute  espèce  d'oiseaux. 
(Voy.  Ari'AiiiATio.N  et  ArrAniRMENT  ci-dessous.)  «  Au 
«  tempsquelesoiseauxsonten amouvei s' apparient 
"  pour  faire  génération.  »  (Nicot,  Dict.) 

Quant  li  beax  Esté  repaire, 

Qu'arbre  sont  flori, 
Que  chascun  oiseaux  s'ajjaire 

Por  ii  temps  joli,  etc. 

Anu.  Poël.  fr.  MSS.  avant  1300,  T.  I,  p.  465. 

Il  y  a  une  telle  analogie  entre  les  verbes  apareiller 
et  aparier,  qu'on  a  pu  dire  :  «  Quand  la  tourterelle 
"  a  perdu  sa  compagne,  elle  ne  s'appareille  jamais 
«  avec  une  autre.  »"(Dict.  de  Trévoux.)  On  ajoutera 
que  l'un  et  l'autre  ont  signifié  rendre  pareil,  égaler, 
comparer.  (Voy.  Nicot  ef  Monet,  Dict.) 

Si  l'en  remonstre  une  autre  père  ; 

Et  li  Chapelains  les  apère. 

Si  les  truéve  quarrés  et  drois. 

Fabl.  MS.  du  R.  n"  7218,  fol.  235,  V  col.  2. 

La  douceur  attrayante  d'une  femme  l'a  fait  com- 
parer à  l'abeille. 

Trop  bien  vous  puis  apparer,  sans  mesdire, 
A  la  mouche  qui  porte  miel  et  cire  : 
Le  miel  est  doulz  et  le  sire  à  lui  tire. 

G.  Macbaul,  MS.  fol.  197,  R'  col.  1. 

Encore  aujourd'hui,  apparier  et  appareiller  signi- 
fient joindre  à  une  chose,  une  autre  chose  qui  lui 
soit  pareille.  (Voy.  Apareiller  ci-dessus.) 

VARIANTES  : 
APARIER.  Miserere  du  Recl.  de  Moliens,  MS.  de  G.  fol.  212. 
Apairer.  Ane.  Poës.  fr.  MS.  du  Valic.  n«  1490,  fol.  162,  R". 
-  Froissart,  Poës.  MSS.  p.  134,  col.  2. 
Aperer.  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7218,  fol.  235,  V"  col.  2. 
Apparer.  G.  Machaut,  MS.  foi.  197,  R»  col.  1. 
Apparier.  Peroef.  Vol.  1,  fol.  122,  V°  col.  1. 

Aparir,  verbe.  Accoupler.  Satisfaire ,  contenter 
également.  Le  premier  sens  est  le  même  que  celui 
du  verbe  aparier,  s'aparier,  accoupler,  s'accoupler. 

Les  oyseaulx ,  au  printemps  de  may, 
S'appurisseiit  et  font  leur  glay. 

Eust.  Desch.  Poés.  MSS.  p.  477,  col.  4. 

Si  le  verbe  aparir  au  second  sens  n'est  pas  une 
altération  d'orthographe  du  verbe  apaer,  apaier, 
contenter,  satisfaire,  on  peut  dire  que  dans  un  sens 
analogue  à  celui  d'aparier,  égaler,  il  a  signifié  sa- 
tisfaire, contenter  également,  lorsqu'en  parlant  de 
l'acceptation  d'une  trêve,  on  a  dit: 

Donnée  en  fu  la  seurté  ; 

Si  que  ambes-deux  les  parties 

S'en  tinrent  très  bien  aparien. 

Cléomadès,  MS.  de  Gaignat,  fol.  2,  V*  col.  2. 

VARIANTES  '. 
APARIR.  Cléomadès,  MS.  de  Gaignat,  fol.  2,  V»  col.  2. 
Apparir.  Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  477,  col.  4. 


Aparlement,  subst.  inasc.  Pourparler,  paroles, 
etc.  Significations  analogues  à  celles  du  mot  simple 
parlement,  en  latin  cnlloquium ,  eloquium.  (Pseau- 
tier,  MS.  du  R.  n°  7837,  fol.  17ô.  —  Voy.  Parlement.) 

Aparier,  verbe.  Parler.  Anciennement,  aparier 
une  personne,  s'aparier  à  elle,  l' aparier  d'une  chose, 
c'étoil  lui  parler,  lui  transmettre  ses  sentimens, 
ses  idées  par  l'organe  de  la  voix.  (Voy.  Aparoler  ci- 
dessous.)  «  Il  Vapavlerent  de  faire  pais.  »  (Chron. 
d'Outremer,  ms.  de  Berne,  n»  113,  fol.  130,  V°col.  3.) 
«  Auquel  Mareschal  le  suppliant  s'apparia  et  lui 
"  dist,  etc.  »  (D.  Carpentier,  Suppl.  Gloss.  lat.  de 
Du  Gange,  au  mot  Arrationare  ;  lit.  de  1451.) 

....  Tuit  cil  de  sa  contrée 
L'aiment  et  plus  fier  s'en  font  ; 
Ne  jai  n'en  iert  apairlée  ; 
.Tai  tant  hardi  ne  seront. 

CUans.  fr.  MS.  do  Berne,  n'  389,  pari,  il,  fol.  2,  R». 
.  .  .  Feist  bien  as  povres,  et  bel  les  aparloit. 

Doctrinal,  MS.  de  S'  Germ.  fol.  102,  R-  col.  ï. 
Quand  ne  vous  plait  ke  je  sois  escoutés, 
■frop  sui  de  vous  cruelment  apartés. 

Ane.  PoÈt.  fr.  MS.  avant  1300,  T.  IH,  p.  1109. 
Les  messagiers  a  honnorés 
Et  festiés  et  apartés. 

Cléomadès,  MS.  de  Gaignat,  fol.  60,  V*  col.  3. 

On  dit  aujourd'hui  parler  à  une  personne  ;  mais 
V  aparier  est  plus  rapide.  Lorsque  le  rapport  indiqué 
par  la  préposition  initiale  et  inséparable  A' aparier, 
étoit  vague  et  incertain,  ce  verbe  paroissoit  être 
neutre  et  ne  rien  signifier  de  plus  que  noire  verbe 
simple  parler. 

Se  plus  i  ot,  plus  n'en  dirai  ; 
Car  d'autre  chose  aparterai. 

cléomadès,  MS.  de  Gaignat,  fol.  63,  V*  col.  2. 
Ains  de  tel  trayson  n'oy  aparter  nus. 

Berte  as  grans  pies,  MS.  de  Gaignat,  fol.  124,  V"  col.  1. 

VARIANTES  : 

APARLER.  Ane.  Poët.  fr.  MSS.  avant  1300,  T.  I,  p.  423.  - 
Cléomadès,  MS.  de  Gaignat,  fol.  62.  —  Enfance  d'Olivier  le  D. 
MS.  de  Gaignat,  fol.  86.  -  Le  Jouv.  MS.  p.  235,  etc. 

Apairler.  Chans.  fr.  MS.  de  Berne,  n"  389,  part.  II,  fol.  41. 

Aparller,  Apparler.  d.  Carpentier,  Suppl.  Gloss.  lat.  de 
Du  Cange,  au  mot  Arrationare. 

A-par-main,  express,  adverb.  Tout  de  suite, 
bientôt,  dans  peu  de  temps,  etc.  En  latin,  per  me- 
dianum  (1);  suppl.  tempus.  (Voy.  A-par  et  Au-par-mé.) 

VARIANTES  : 
A-PAR-MAIN.  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7218,  fol  49,  V  col.  2. 
A-PER-MAIN.  Ane.  Poët.  fr.  MSS.  avant  1300,  T.  IV,  p.  1349. 

A-par-mesmes,  express,  adverb.  Dans  le 
même  temps. 

VARIANTES    : 

A-PAR-MESMES.  S'  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  178,  passim. 
A-PER-MEMES.  Id.  ibid.  p.  186. 
A-PER-MiSMES.  Id.  ibid.  p.  381. 

Aparoi,  subst.  masc.  Préparatif.  Parure  ou  ap- 
parence. Paroi,  porte,  fenêtre,  etc.  Il  semble  que 
dans  un  sens  analogue  à  celui  du  verbe  apareiller, 
ajuster,  préparer  en  général ,  on  a  dit  que  les  pen- 
nons,  les  plumes  ajustées  aux  côtés  d'une  flèche 
pour  la  diriger  en  l'air,  en  font  les  apparais. 


(1)  Ou  plutôt  per  manè;  de  même  demain  est  de  manè.  (n.  e.) 


AP 


—  13  — 


AP 


.  Hai  !  Amors,  devant  tes  elz 

Ne  pwet  garir  joenes  ne  vielz... 
Contre  ton  dart  n'a  nul  essoine... 
Li  fers  navre  à  l'esgarder  ; 
La  flèche  coule  el  pensser  ; 
Li  penon  font  les  apparais,  etc. 

firime  el  Tysbé,  MS.  de  S.  Germ.  fol.  98,  R°  col.  1. 

On  sépare,  on  s'ajuste  d'une  façon  proportionnée 
à  l'idée  qu'on  veut  que  les  personnes  prennent  de 
nous  en  jugeant  par  l'apparence.  Ainsi  la  significa- 
tion d'aparoi  peut  être  relative  à  celle  d'aparoir  ou 
d'apareiller  dans  les  vers  suivans  : 

Les  bestes  si  sont  sans  Pastor  ; 
Nul  n'i  pense  qu'à  bel  ator 
Et  biau  apurai  par  dehors, 
Et  l'ame  lessent  por  le  cors. 
Hist.  de  Fr.  à  la  suite  du  Rom.  de  Fauvel,  MS.  du  R.  n'  6812,  fol.  67. 

Enfin,  le  mot  aparoi  qui  dans  le  sens  de  prépa- 
ralif  a  signifié  les  matériaux  convenables  et  propres 
à  la  construction  d'un  édifice,  d'une  maison,  auroit 
pu  signifier  par  la  même  raison  d'analogie,  les 
choses  convenables  et  propres  à  la  distribution,  à 
la  commodité,  à  la  sûreté  d'un  logement,  cloison, 
porte,  fenêtre,  etc.  »  Il  convint  abatre  les  apparoir 
«  de  la  chambre  où  se  tenoit  le  Roy;  et  estoit  tel  le 
«  vent  que  onques  n'y  oza  demourer  en  celle  cham- 
«  bre  personne,  de  paeur  que  le  vent  ne  le  gectast 
«  en  mer.  «  (Joinville,  p.  113.  —  Voyez  Ap.^reill.) 
Quelles  que  soient  en  cet  endroit  l'origine  et  l'ac- 
ception d'aparoi,  il  signifie  paroi,  muraille,  dans 
les  passages  suivans.  •<  Getta  le  voirre  contre  le  mur 
«  ou  apparoy  de  la  maison.  •>  (D.  Carpentier,  Sup. 
Gloss.  lat.  de  Du  Gange,  au  mot  Paries;  —  Lett.  de 
grâce,  an  1454.)  «  Se  tenoit  musse...  contre  le 
«  torchis  ou  apparoy  de  son  hostel.  »  (Id.  ibid.  Lett. 
de  grâce,  an  1468.  —  Voy.  Appare  ci-dessous.) 

VARIANTES  : 

APAROI.  Hist.  de  Fr.  à  la  suite  du  Rom.  de  Fauvel,  MS. 
du  R.  n°  6812,  fol.  67,  V»  col.  3. 

Appaboi.  Pirame  et  Tysbé,  MS.  de  S"  Germ.  fol.  98,  R" 
col.  1.  -  Joinville,  p.  113. 

Apparût  (corr.  Apparoi.)  Ger.  de  Roussillon,  MS.  p.  177. 

Apparoy.  D.  Carpentier.  S,  G.  lat.  de  Du  C.  au  mot  Paries. 

Aparoler,  verbe.  Pailer.  G'est  le  verbe  simple 
paroler  qui,  précédé  de  l'a,  préposition  initiale  et 
inséparable  ,  acquéroit  une  signification  active , 
comme  «jyaj'/er  contraclion  A'aparoler.{^.  Aparler.) 

Quant  li  Prestres  entent  et  ot 
C'on  dist  de  lui  itel  parole, 
Doucement  .\loul  aparole. 

Fabl.  .MS.  du  R.  n»  7218,  fol.  148,  R*  col.  î. 
Cortois  set  bien,  s'on  X'aparole, 
Rendre  raison  de  quanqu'il  ot  ; 
Jà  ne  dira  un  vdain  mot. 

Diz  d'amurs  fines,  MS.  de  Turin,  fol.  14,  R'  col.  1. 

A-par-soi,  express,  adv.  Tout  seul,  séparément, 
à  part.  On  croit  avoir  suffisamment  expliqué  ailleurs 
comment  l'expression  à-par-soi,  à-part-soy,  ou  par- 
soi,  en  latin  per  se,  c'est-à-dire  soi-même,  de  soi, 
de  soi-même,  aura  signifié  tout  seul,  à  part,  sépa- 
rément. (Voy.  A-PAR  ci-dessus,  et  Appar  ci-dessous.) 

VARIANTES  : 
A-PAR-SOI.  Reaumanoir,  Coût,  de  Reauvoisis,  p.  2. 
A-PAR-soY.  Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  371,  col.  1,  etc. 
A-PABT-SOY.  Fouilloux,  Fauconnerie,  fol.  49,  R». 


Apartenance,  subst.  fém.  Appartenance.  Pro- 
priété. Parenté.  On  observe  que  la  signification 
d'appartenance  est  plus  générale  que  celle  d'appen- 
dance,  puisque  appendre  n'est  qu'un  moyen  parti- 
culier par  lequel  une  chose  tient  à  une  autre. 
L'idée  particulière  d'appendance  étant  donc  com- 
prise dans  l'idée  générale  d'appartenance,  il  est 
possible  que  ces  deux  mots  réunis  n'aient  signifié 
rien  de  plus  que  le  mot  seul  appartenance.  "  Nus 
«  avons  rendu  à  nostre  cher  le  Duc  de  Bretagne... 
«  la  cunté  de  Richemund  ave  totes  les  upurtenan- 
«  ces...  lequel  cunté  ove  lesquèles  apurtenances, 
«  les auncestres  meimesceluy Duc autrefi Is lindrent, 
«  etc.  »  (D.  Morice,  Preuv.  de  l'Hist.  de  Bret.  T.  I, 
col.  1013  ;  tit.  de  1268.)  On  décomposoit  en  quelque 
façon,  l'idée  générale  d'appartenance,  lorsqu'on 
disoit  :  «  Laquelle  maison  dessusdite,  si  comme  elle 
«  se  comporte  ,  o  Loutes  ses  appartenances  et 
«  appendances,  le  devant  dit  Jehan  Arrode,  etc.  » 
(Ilist.  de  la  ville  de  Paris,  T  III,  p.  297;  til.de  1302.) 
"  Que  nostre  hostel ,  tout  ainsi  comme  il  se  com- 
«  porte  en  long  et  en  large,  en  toutes  ses  parties 
»  haut  et  bas,  avec  tous  les  jardins,  appartenances 
»  et  appendances  d'icelui  quelconques,  etc.  »  (Ibid. 
p.  483;  tit.  de  1364.)  Si  l'on  eût  fait  réflexion  que 
Vappendance  est  une  espèce  d'appartenance,  et  que 
par  cette  raison  appartenances  signifie,  dans  le 
premier  de  ces  trois  titres,  tout  ce  que  dans  les 
autres  peut  signifier  appartenances  et  appendances, 
on  auroit  senti  l'inutilité  de  réunir  deux  termes 
dont  l'un  signifie  en  particulier  ce  que  l'autre  signi- 
fie en  général.  Peut-être  aussi  les  a-t-on  employés 
comme  termes  synonymes 'f  Au  moins  est-il  certain 
que  l'idée  particulière  d'appartenir  â  une  chose  en 
y  appendant,  étant  généralisée,  l'acception  d'appen- 
dances  peut  avoir  été  la  même  que  celle  d'appen- 
ditiœ ,  qui  dans  un  titre  latin  équivaut  seul  aux 
termes  réunis  pertinentiœ  et  appenditiœ,  en  fran- 
çois  appartenances  et  appendances.  «  Domum 
«  nostram...  unà  cum  suis  appenditiis  et  adjacentiis 
«  quibuscumque  dedimus....  Concedimus  insuper... 
«  quod  prœnominata  domus  cum  suis  pertinentiis, 
«  appenditiis  et  adjacentiis  supradictis,  etc.  »  (Hist. 
de  la  ville  de  Paris,  T.  III,  p.  484  ;  lit.  de  1368.) 

Il  semble  donc  qu'on  se  soit  trompé,  lorsqu'on  a 
dit  en  général  :  »  Les  appartenances  sont  les  pri- 
«  mordiales  consistances  de  la  seigneurie,  en  hom- 
"  mes,  terres  labourables,  prez,  bois,  cens,  rentes, 
«  coutumes,  droitures,  péages,  etc.  Les  appendances 
«  sont  au  contraire  tout  ce  qui  a  été  nouvellement 
«  attaché  à  la  seigneurie,  tant  en  domaine  qu'en 
«  mouvances.  »  (Brussel,  Usage  des  Fiefs,  T.  I, 
p.  17.)  Quand  cette  distinction  seroit  vraie,  relati- 
vement à  quelques  titres,  à  quelques  coutumes  où 
ces  deux  mots  auroient  une  signification  aussi 
différente,  oii  appartenance  désigneroit  des  objets 
évidemment  distincts  de  ceux  que  désigneroit 
appendance,  elle  deviendroit  fausse,  en  devenant 
générale.  Les  lois  Anglo-Normandes,  qui  sont  nos 
anciennes  lois,  distinguent  à  la  vérité  «  les  choses 
«  regardants  des  choses  appendants  à  manor,  à 


AP 


—  1-: 


«  terres,  etc.  ■>  (Voy.  Tenurcs  de  Littleton,  fol.  41.) 
Mais  on  n'en  conclura  pas  que,  selon  ces  mêmes 
lois,  «  tout  ce  qui  entre  dans  la  constitution  pri- 
«  mordiale  du  tlef,  le  regarde  ;  que  tout  ce  qui  a  été 
«  attaché  ù  une  Icrre,  depuis  son  érection  en  fief, 
«  en  dépend.  «  (Voy.  Hoiiard,  anc.  Loix  des  Fran- 
çois, T.  I,  p.  2GI.)  Ce  seroit  dire  que  la  distinction 
des  choses  rcfjanlants  et  des  choses  appendants 
n'est  autre  que  celle  qu'on  a  peut-être  imaginée 
entre  appartenances  et  appendances  ;  et  ce  seroit 
se  méprendre. 

«  Les  choses  regardants  al  manor,  ou  al  terres 
«  et  teuements,  ne  sont  point  tout  ce  que  Brussel 
«  nomme  appartenances ,  puisque  nul  chose  est 
«  nosmé  regardant  à  un  manor,  etc.  fors  que 
«  villeine.  »  (Voy.  Tenures  de  Littleton,  fol.  -iL) 
Ce  mot  regardant  ne  désigne  donc  que  le  villain,  et 
le  désigne  comme  un  serf  que  l'impossibilité  de 
s'éloigner  de  la  terre  i>  laquelle  il  est  attaché,  force 
à  teni'r  ses  regards  tournés  vers  un  maître  qui  veut 
être  obéi  au  premier  signal.  D'ailleurs,  lorsqu'on 
lit,  (id.  ibid.)  que  «  certèines  auters  choses,  come 
«  advowson,  common  de  pasture,  etc.  sont  nosmés 
«  appendants  al  manor,  etc.  »  on  voit  que  les 
choses  appendants  étant  des  droits  honorifiques  et 
utiles,  sont  des  choses  incorporelles,  et  par  consé- 
quent de  la  nature  de  celles  que  Britton  nomme 
appartenances.  «  Ore  fait  à  dire  de  disseisines  de 
«  choses  nent  corporelles,  si  come  des  apurte- 
«  naunces...  ascuns  apurtenannces  sont  fraunches, 
«  si  come  à  regard  des  personnes  et  des  tenementz 
«  à  quex  ils  sont  dues  :  enserves  quant  à  regard 

«  des  tenementz  dont  ilz  issent En  plusurs 

«  manères  purra  un  home  enserversont  tenement, 
«  si  come  cascun  à  graunter  î'i  autre  que  rien  n'ad, 
«  que  il  eyt  lyens  droit  de  pescher,  ou  de  laver,  ou 
«  de  carier,  et  par  autres  servages  que  purrount 
«  estre  sauns  nombre,  solonc  ceo  que  ilz  sount 
«  simples  ou  compountz  de  autres  apnrtenatl)ices  : 
«  car  il  y  ad  apurtenaunces..  et  si  nà  apurtenannces 
«  des  apurtenaunces.  »  (Britton,  des  Loix  d'Angle- 
terre, fol.  139.)  Ainsi  la  distinction  des  choses  regar- 
dants et  des  choses  appendants,  par  laquelle  on  ne 
peut  justifier  celle  (Y appartenances  et  d'appendan- 
ces,  est  une  nouvelle  preuve  que  ces  deux  mots 
employés  indifféremment  ont  eu  même  signification, 
soit  qu'on  la  restreignît  aux  choses  incorporelles, 
soit  qu'on  retendit  aux  corporelles. 

Ces  mêmes  choses  étant  vues  relativement  aux 
personnes  à  qui  elles  appartiennent  comme  leur 
bien  propre,  le  mot  appartenance,  qui  ne  subsiste 
plus  qu'au  premier  sens,  signifioit  propriété.  (Voy 
Rob.  Estienne,  Nicot  et  Monet,  Dict.)  En  supposant 
avec  les  Etymologistes  latins,  que  propè  soit  l'ori- 
gine de  proprium,  supposition  d'autant  plus  vrai- 
semblable que  par  une  façon  de  voir  très-naturelle, 
rien  ne  nous  est  plus  proche  que  ce  qui  nous  est 
propre,  l'idée  de  propriété  seroit  analogue  à  celle 
de  proximité  et  même  î»  celle  d'appartenance,  puis- 


qu'entre  les  choses  et  les  personnes  appartenantes 
les  unes  aux  autres,  il  y  a  nécessairement  une 
proximité  réelle  ou  idéale. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  mot  appartenance,  comme 
terme  collectif  des  personnes  à  qui  l'on  tient  par  la 
proximité  du  sang,  signifioit  parenté.  (Nicot,  Dict.) 

Mollit  en  fil  grant  le  pleur  en  France 
De  ceus  de  leur  apartenance. 

G.  Guiarl,  MS.  M.  37,  V. 

VARIANTES  : 
AP.\.RTE.\ANCE.  G.  Guiart,  MS.  fol.  37,  V». 
Aportenaunce.  Rymer,  T.  I,  part,  ii,  p.  109,  col.  1. 
AppunTENANCE.  Id.  ibid. 

Apurtenance.  Id.  ibid.  p.  H4,  col.  2.  —  Livres  des  Rois, 
MS.  des  Cordel.  fol.  8.5,  R»  col.  1. 
Apurten'aUiVce.  Britton,  des  Loi.x  d'Angleterre,  fol.  139,  R*. 
Apurtenauxse.  Rymer,  T.  I,  part,  ii,  p.  109,  col.  1. 

Apaptenant,  participe.  Qui  appartient  comme 
mari  et  femme,  comme  parent,  ami,  serviteur,  etc. 
Les  hommes  que  rapprochent  diverses  relations 
physiques  ou  morales,  tiennent  les  uns  aux  autres 
par  ces  relations.  De  là,  on  a  dit,  1°  en  parlant  d'un 
mari  et  d'une  femme,  qu'ils  étoient  apartenants  : 

Cil  Rois  bastars, 

Guillaumes  ki  ne  fu  couars,... 
Funda  S'  Estievene  à  Kaan  ; 
Et  sa  feme,  par  karité, 
I  funda  Sainte  Trinité. 
Mehaus  (1)  ot  non  ;  et  pour  itant 
Qu'il  estoient  apartemint, 
Fist  li  Dus  ces  deux  abeïes, 
Ki  seront  à  tousjors  siervies. 
Par  le  conseil  de  l'Apostole 
Qui  leur  commanda  par  estole. 
Pour  cou  que  SIehaus,  ki  l'avoit 
Auques  priés,  li  apartenoit. 

Ph.  Mouskes,  MS.  p.  459  et  460. 

2°  En  parlant  de  personnes  entre  lesquelles  il  y 
avoit  relation  de  parenté,  qu'elles  étoient  aparte- 
nantes.  «  Celui  qui  le  fié  a  et  tient,  estoit  apartenant 
■>  à  celui  de  par  qui  le  fié  est  escheu.  »  (Assis,  de 
Jérus.  chap.  clxv,  p.  115.) 

Cil  ert  amis  Buenon  et  ses  apartenan.i. 

Biienon  de  Commarchies,  MS.  de  Gaignal.  fol.  193,  R'  col.  1. 

Li  Dux  Fagons  fu  Chevaliers  vaillans... 
Armes  ot  bleues,  si  ot  d'or  trois  croissans  ; 
Tes  armes  ot  li  Quens  Hues  dou  Mans  ; 
Mais  que  labiaus  de  gueules  biens  seans 
Y  ot  ;  car  l'uus  ert  l'autre  apartcnans. 

Enfance  d'Ogier  le  Danois,  MS.  de  Gaignat,  fol   101,  V-  col.  2. 

Enfin,  quelle  que  fût  l'espèce  de  relation  par 
laquelle  un  homme  tenoil  à  un  autre,  comme  rela- 
tion d'amitié,  de  services,  etc.  on  disoit  qu'il  lui 
étoit  apartenant.  «  Hieu  {-2)  ocist  tuz  ces  ki  aparte- 
«  nant  furent  à  Achab  en  Jesrael,  les  mielz  vaillanz, 
«  e  ses  privez,  e  ses  pruveires.  »  (Livres  des  Rois, 
MS.  des  Cordel.  fol.  13i,  V°  col.  2.) 

Ne  m'ont  leissié  soror,  ne  frère. 
Ami,  parent,  ne  apertinant. 
Rom.  de  la  guerre  de  Troycs,  MS.  Voy.  Du  Cange,  Gloss.  lat.  T.  V,  col.  416. 

VARIANTE  : 
APARTENANT.  Anc.  Poët.  fr,  MSS.  av.  1300,  T.  IV,  p.  1371 . 
Aparten.\ns.  Enfance  d'Ogier  le  Danois,  MS.  de  Gaignat, 
fol.  101,  V- col.  2. 
Apertement.  (Cor.  ApiHenant.)  Athis,  MS.  fol.  85,  a.'. 


1)  Matheculdis  se  transforme  au  moyen-âge  en  Maheu,  Mahaut,  etc.;  c'est  le  nom  Matliilde.  (n.  e.)  -  (2)  Jehu. 


ÀP 


—  15  — 


AP 


Apektinant.  Rom.  de  la  guerre  de  Troyes,  MS.  —  Voyez 
Du  Gange,  Gloss.  lat.  T.  V,  col.  416. 
Apurtenant.  Livres  des  Rois,  WS.  des  Cordel.  fol.  134. 

Apartenir,  verbe.  Etre  attenant,  être  proche. 
Approcher,  être  comparable.  11  semble  qu'où  ait 
dit  au  premier  sens  :  «  Mesons  qui  appartcnoient 
«  à  ladite  église....  et  une  meson  asise  à  porte 
«  Garnaul.  »  (Hist.  généal.  de  la  M.  de  Chastillon, 
pr.  p.  61  ;  tit.  de  1273.)  «  Le  cemetiere  de  celle 
«  église  et  la  meson  qmapcn-tient-àu  presbitoière.  » 
(Ibid.  p.  63;  tit.  de  1274.)  On  disoil,  en  parlant  de 
personnes  ou  de  choses  qui  n'étoient  pas  compara- 
bles, qui  n'approchoienl  point  l'une  de  l'autre, 
qu'elles  ne  pouvoient  s'appartenir. 

Nul  ne  s'i  puet  à  vous  appartenir. 

Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  225,  eo!.  i. 
Fleiir  ne  se  peut  à  fueille  appartenir. 

Id.  ibid.  p.  203,  col.  2. 
Nulle  joie  ne  s'apartient 
Au  cuer  qui  bonne  amour  maintient. 

Fabl.  MS.  du  R.  n»  7615,  T.  Il,  fol.  137,  R'col.  1. 

Les  autres  significations  du  verbe  appartenir, 
aussi  anciennes  que  notre  langue,  n'ont  point  varié. 
Etre  parent  de  quelqu'un ,  lui  être  proche ,  c'est 
encore  lui  appartenir.  «  Nous  vodrions  que  vos 
«'  eussiés  bien  et  honor,  por  ce  que  vous  m'aperte- 
«  nés  de  si  près,  etc.  »  (Assis,  de  Jérus.  chap.  cccv, 
p.  206.  —  Ibid.  chap.  clxv,  p.  115.)  Enfin,  plus  on  y 
réfléchit,  plus  on  se  persuade  qu'entre  les  idées 
à' appartenance  et  de  proximité,  le  rapport  est  le 
même  que  celui  de  la  cause  à  l'effet  ;  que  tout  ce 
qui  est  propre,  relatif,  convenable  aux  personnes 
ou  aux  choses,  a  été  vu  comme  étant  proche  d'elles, 
lorsqu'on  a  dit  :  «  Donanz  .  .  .  ceu  qu'ù  unchascun 
«  apartenivet  ;  à  Deu  l'onor  et  à  l'ome  la  pitiet.  » 
(S'  Bern.  Serm.  fr.  mss.  p.  385.)  «  A  Père  aparlignet 
»  k'il  anzois  ait  pitiet  k'iror.  »  (Id.  ibid.  p.  157  et 
148.)  «  Mainte  gent  .  .  .  oyent  la  parole  de  Deu  assi 
«  cum  il  ois  n'en  apartignet  de  niant  ceu  c'undist.  « 
(Id.  ibid.  p.  272.)  «  Juront  ces  choses  à  tenir  tant 
«  come  a  chescun  apertendra,  etc.  «  (Rymer,  T.  I, 
part,  n,  p.  46,  tit.  de  1259.)  «  Quand  il  fera  aucunes 
«  choses  là  où  il  appartendra  liardiement ,  que  il 
«  le  fâche  sagement.  »  (Beaumanoir,  Coût.  deBeau- 
voisis,  p.  8.  —  Voy.  Ai'arten.\nce  ci-dessus.) 

CONJUG. 

Apartenist,  subj.  imp.  Appartînt.  (Cléomadès.) 
Apartenivet,  ind.  imp.  Apparlenoit.  (S'  Bern.  S.) 
Apartent,  ind.  prés.  Appartient.  (Ilist.  généal.  de 

la  M.  de  Chastillon,  pr.  p.  61  ;  tit.  de  1268.) 
Apartièncnt,  ind.  prés.  Appartiennent.  (S"  Bern.] 
Apartignent,  ind.  prés.  Appartiennent.  (Id.  ibid.) 
Apartignet,   indic.    prés.   Appartient.  (Id.   ibid. 

p.  157.)  Subj.  prés.  Qu'il  appartienne.  (Id.  ibid.) 
Apartigniens,  subj.  prés.  Que  nous  appartenions. 

(Id.  ibid.  p.  119.) 
Apertendra,  ind.  futur.  Appartiendra.  (Rymer.) 
Appartendra,  ind.  f.  Appartiendra.  (Beaumanoir.) 
Appartenist,  subj.  imp.  Appartînt.  (Ord.  T.  I.) 
Appartinra,  ind.  futur.  Appartiendra.  (Ibid.) 


VARIANTES  : 

APPARTENIR.  S»  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  107.  -  Assis,  d» 
Jérus.  chap  clxv,  p.  115,  etc. 

Apertenir.  Assis,  de  Jérus.  chap.  cccv,  p.  206. 

Appartenir.  Hist.  généal.  de  la  M.  de  Chastillon,  pr.  p.  61  ; 
tit.  de  1273  ;  -  Rob.  Estienne,  Nicot  et  Monet.  Dict. 

Appertenir.  Modus  et  Racio,  MS.  fol.  7,  R».  -  Rabelais, 
anc.  Prolog.  T.  IV,  p.  17,  note  32. 

Apurtenir.  Brilton,  des  Loi-\  d'Angleterre,  fol,  139,  V». 

Apartir,  verbe.  Partager,  donner  part.  Partir, 
se  séparer.  Le  rapport  de  l'action  signifiée  par  un 
verbe  neutre,  comme  parler,  paroler,  etc.  étant 
désigné  par  la  préposition  initiale  et  inséparable  a, 
dont  le  sens  est  relatif  à  la  préposition  latine  ad, 
on  disoit  aparter  une  personne,  Vaparoler,  etc. 
Donner  à  quelqu'un  ;;«?■;  à  une  chose,  la  partager 
avec  lui,  c'étoit  l'y  apartir,  comme  Charles  V  apar- 
tit  à  ses  cendres  le  Connétable  du  Guesclin  avec 
lequel  il  partagea  sa  sépulture,  en  le  faisant  enter- 
rer à  Saiiit-Denys,  auprès  du  tombeau  qu'il  s'étoit 
fait  préparer.  «  La  mort  empescbée  de  treuver 
«  successeur  à  tant  de  vaillances,  luy  fit  mériter  le 
«  plus  honorable  prix  que  sceptre  donnast  jamais 
»  à  sujet  :  le  jeune  Charles  à  la  teste  du  convoy, 
«  couvert  de  ses  lauriers,  suyvre  son  corps,  et  pour 
«  tiltre  solemnel  des  obligations  qu'il  avoit  à  sa 
«  loyauté  Vappartir  à  ses  cendres.  »  (Hist.  de  B.  du 
Guesclin,  par  Ménard;  épit.  à  la  Nobl.  Fr.)  On  sait 
qu'à  la  mort  de  Turenne ,  Louis  le  Grand  imita 
Charles  le  Sage. 

11  semble  qu'au  second  sens  du  verbe  a;;a?'/n-,  l'a 
initial  soit  de  même  signification  que  ab,  préposi- 
tion latine  que  souvent  en  françois  on  rend  par  de. 
Ainsi  l'expression  apartir  son  cœur,  signifieroit  se 
départir,  se  séparer  de  son  cœur,  dans  ces  vers  oîi 
le  Poêle  dit  qu'une  pareille  départie  ou  séparation 
lui  seroit  plus  chère  qu'une  vie  sans  amour. 

.  .  .  Mis  en  amour  mon  vivre  ay 
D'une  volenté  si  très-vraie, 
Que  jà,  pour  nul  mal  que  j'en  traye, 
Ne  pour  nul  bien,  n'en  partiray  ; 
Plus  chier  mon  cuer  apartiraij. 
Et  quant  mes  cuers  en  partiroit, 
Hélas  !  li  las,  quel  part  iroit? 
Certes  il  le  faudroit  partir, 
Se  de  lui  se  véoit  partir. 

G.  Machaut,  Poês.  MSS.  fol.  21,  R-  col.  3. 

VARIANTES  '. 
APARTIR.  G.  Machaut,  Poës.  MSS.  fol.  21,  R»  col.  2. 
Appartir.  Hist.  de  B.  du  Guesclin,  par  Ménard. 

Apas,  subst.  masc.  Pas.  Mouvement  progressif 
qui  se  l'ait  en  étendant,  en  avançant  une  jambe  ou 
un  pied  devant  l'autre.  De  là,  on  aura  nommé  pas, 
apas,  l'espace  parcouru  et  mesuré  par  ce  mouve- 
ment. (Voy.  Pas  ci-après.) 

....  Un  petit  en  sus  alai, 
Environ  x  ou  xi  apas, 
Par  quoi  ne  les  oisse  pas. 

Froissart,  PoSs.  MSS.  p.  384,  col.  1. 

On  gardoit  sans  doute  une  certaine  proportion 
relative  à  la  mesure  de  ce  mouvement,  en  posant 
des  pierres  d'espace  en  espace,  pour  faciliter  le 
passage  d'un  fossé,  d'un  mauvais  chemin;  et  ces 
pierres  ainsi  disposées  s'appeloientja/e/ré's  d'appas, 
ou  simplement  appas.  «  On  publie  par  chacun  an 


AP 


—  16  - 


AP 


«  les  bancqs  de  mars,  afin  que  chacun  ait  nettoyer 
«  les  rivières  et  cours  d'eaux,  réédificr  les  chaùs- 
«  séesetchemin.cliacun à l'encontreson héritage.... 
«  à  faute  de  quoy  faire  ...  les  deffaillans  succom- 
«  bent  eu  amende,  scavoir  pour  les  cours  d'eaues 
u  qui  se  trouveront  au  devant  d'une  pièce  de  terre, 
«  de  cinq  gros  ;  et  pour  les  j)icm's  d'appas,  de  trois 
«  gros.  "  (Coût,  de  Ricliebourg  S'  Vaast,  au  nouv. 
Coût.  gén.  T.  I,  p.  450.)  "  L'on  ne  peut  faire  fouir 
«  en  manière  (|uelconque  sur  les  chemins,  ny  don- 
«  ner  em[)esclienient  au  cours  des  eaux  ....  sinon 
n  pour  la  réparation  des  chemins  et  remettre  les 
«  pierres  et  appas  en  lieu  et  place  ordinaire.  » 
(Ibid.  p.  450.)  11  est  vraisemblable  que  c'est  par  la 
même  raison  de  proportion,  qu  apas  a  signifié  pas, 
degré.  On  a  dit  figurément,  en  exhortant  unejeune 
personne  à  monter  au  dernier  degré  de  la  perfec- 
tion : 

Qu'elle  monte  au  septime  apas, 
Et  que  de  la  ne  parle  pas. 

Froissart,  Poês.  MSS.  p.  43,  col.  î. 
VARIANTES  : 
APAS.  Froissart,  Poës.  MSS.  p.  34,  col.  1,  etc. 
Appas.  Nouv.  Coût.  gén.  ï.  I,  p.  450,  col.  2. 

Apasser,  verbe.  Passer.  La  préposition  initiale 
dans  apas  et  apasser,  semble  relative  au  lieu  où 
l'on  est  et  au  lieu  oîi  l'on  passe. 

Tuit  cil  de  la  cité  s'amassent  ; 
"Vers  l'ost  le  Roy  le  pont  apassent 
Pour  leur  contrée  chalengier. 

G.  Guiart,  MS.  fol.  84,  V. 

Apatissement,  siibst.  masc.  Contribution.  Les 
citoyens  dont  la  vie  et  la  propriété  sont  à  la  discré- 
tion de  l'Ennemi ,  n'obtiennent  souvent  qu'avec 
peine,  la  liberté  de  vivre  misérables,  en  s'obligeant 
par  des  pactes,  à  payer  des  contributions  ruineuses. 
Delà,  le  mot  apatissement  dont  l'origine  est  la 
même  que  celle  â'appaclis  (i),  a  signifié  contribution. 
«  Prendrons  Iribuz  el  appatissemens  sur  nos  adver- 
«  saires  le  plus  que  nous  pouvrons;  el  sur  ceulx 
«  de  noslre  party,  ferons  aucune  cueillette  la  moin- 
«  dre  et  la  plus  douce  que  nous  pouvrons.  »  (Le 
Jouvencel,  m.  p.  78.  —  Voy.  Apatissube  ci-dessous.) 

VARIANTES  : 
APATISSEMENT.  Le  Jouvencel,  impr.  fol.  31,  R". 
Appatissement.  Ibid.  MS.  p.  78. 

Apatissure,  subst.  fém.  Pacte  qui  fixe  une 
contribution.  Cette  définition  du  moi  apatissure,  en 
indique  l'étymologie.  «  Tanneguy,  bastard  de  Cois- 

«  menet,  autrement  dit  le  Borgne apalissa 

«  la  Villeneuve  S.  George  ;  ains  la  ville  et  tout  le 
«  pays  entièrement  .  .  .  Après  \equel\es apatissures 
«  faiz  et  après  les  deniers  par  luy  receus ,  non 
«  contant  de  ce,  bouta  les  feux  tant  en  ladite 
«  ville,  etc.  »  (Preuv.  sur  le  meurtre  du  Duc  de 
Bourgogne,  p.  308  et  309.  —  Voy.  Apatissement  ci- 
dessus  et  ArPACTis  ci-dessous.) 


Apatrié,  participe.  Qui  a  un  pays  pour  patrie. 
On  observera  que  le  mot  patrie  ne  se  trouve  point 
dans  le  dictionnaire  de  Robert  Estienne,  imprimé 
en  1539;  que  lors  de  la  publication  du  dictionnaire 
de  Nicot,  en  1C06,  patrie  étoit  francisée  du  latin 
patria,  qu'on  disoil  pays  de  naissance.  Ce  n'est 
donc  qu'au  xvii'  siècle  que  l'usage  du  mot  patrie 
prévalant  sur  celui  de  pays,  est  devenu  aussi  com- 
mun qu'il  étoit  rare  dans  le  xvr  siècle.  Joachim  du 
Bellay,  disoit  indifléremment  pays  ou  patrie.  (Voy. 
lUust.  delaLang.  Fr.  fol.  1.  —  Id.  ibid.  fol.  6.) 
Mais  on  le  biftmoit  d'affecter  l'usage  d'un  mot 
«  obliquement  entré  et  venu  en  France  nouvelle- 
>■  ment,  et  dont  les  anciens  Poètes  et  Prosateurs 
«  françois  n'avoient  voulu  user,  craignant  l'escor- 
«  chérie  du  latin.  «  (Voy.  Quintil.  Censeur,  p.  191. 
—  Ménage,  Observ.  sur'la  Lang.  fr.  p.  408.)  Quoi- 
que le  mot  patrie  fût  alors  peu  usité,  il  n'étoit  pas 
nouveau,  puisque  .lean  Chartier  (Hist.  de  Charles 
VII,  p.  147)  s'en  étoit  servi  longtemps  avant  Joachim 
du  Bellay,  et  que  le  participe  apatrié,  formé  de 
patrie,  se  trouve  dans  le  livre  du  Jouvencel,  dont 
l'auteur  étoit  contemporain  de  Jean  Chartier,  histo- 
rien du  XV  siècle.  «  Il  faut  faire  chose  qui  soit  au 
«  bien  du  Royaulme  et  y  pourveoir.  Vous  y  avez 
"  tous  vos  pères,  vos  mères,  vos  parens,  et  le  lieu 
«  de  vostre  nativité  ;  vous  y  estes  apatriez  naturel- 
«  lement.  »  (Le  Jouvencel,  ms.  p.  442.  —  Voy.  Patrie.) 

Apavit,  subst.  masc.  Espèce  de  tenement.  Espèce 
de  droit  seigneurial  et  domanial.  Ferme  de  ces 
mêmes  droits.  Dans  les  constitutions  canoniques  et 
synodales  de  l'église  de  Nicosie,  la  signification 
à'apaltus  et  à'appaltum  est  la  même  que  celle 
à'apaut,  dans  les  Assises  de  Jérusalem.  Quelques 
Etymologistes  croient  que  ces  mots  appaltum  et 
apallus,  en  françois  apaitt,  sont  des  allérations  du 
com\)Osé  appactîim,  pacte.  (Voy.  Du  Gange,  Gloss. 
lat.  T.  I,  col.  541.  —  D.  Carpentier,  Suppl.  Gloss. 
lat.  de  Du  Gange,  T.  I,  col.  241.  —  Ménage,  Orig. 
de  la  Ling.  liai.  p.  53  et  54.)  11  est  vrai  que  dans 
ces  mêmes  constitutions  on  lit  une  fois  appactis 
pour  appaltis  et  apattibus.  Mais  quelle  raison  d'é- 
crire une  seule  fois  fl;j/}flc/!(??i  et  d'altérer  un  mot 
qu'on  suppose  être  le  véritable,  en  l'écrivant  plu- 
sieurs fois  appaltum  et  apaltus?  (Voyez  Labbe, 
Goncil.  T.  XI,  col.  2412.  —  Id.  ibid.  col.  2395,  2399, 
2417et243G.)  Peut-être  seroil-il  plus  rai.sonnable 
de  ne  voir  dans  l'orthographe  appftc/;/?»  que  l'alté- 
ration d'un  mot  propre  au  langage  d'une  nation 
avec  laquelle  les  Croisades  nous  avoient  mis  en 
relation  d'intérêts  politiques  et  de  commerce.  Il  est 
possible  que  les  Italiens  doivent  à  des  relations 
semblables  avec  la  même  Nation,  les  mots  appalto, 
appattatore ,  appaltone,  etc.  Quant  au  françois 
apaut,  la  conjecture  qu'on  hasarde,  paroit  d'autant 
plus  vraisemblable  qu'on  ne  trouve  ce  mot  que 


(1)  On  lit  dans  Froissart,  tome  3,  cap.  iO\,  page  276,  édition  1560:  «  Encore  avez  vous  bien  oui  conter  Geoffroi 
Teste-Noire  Breton  qui  le  tenoit  à  ta  garnison  et  fort  chatel  de  Ventadour  en  Limosin.  Ce  Geoffroi  ne  s'en  fut  jamais  parti 
pour  nul  avoir.  Car  il  tenoit  ledit  chatel  de  Ventadour  comme  sien  et  son  propre  héritage,  et  avoit  mis  tout  le  pays  a 
certains  pactis,  et  parmi  toutes  ces  pactions  touttes  gens  labouroient  en  pai.\  dessous  lui  et  demeuroient.  »  (n.  e.) 


AP 


—  47  - 


AP 


dans  les  Assises  de  Jérusalem,  où  il  semble  désigner 
une  espèce  de  tenement  de  la  nature  du  caseau,  en 
latin  casale,  un  tenement  sujet  à  la  taille  serve  ou 
franche,  à  une  redevance  arbitraire  ou  convention- 
nelle, soit  en  argent,  soit  en  grains.  «  Alors ,  de- 
«  meurerdans  la  terre  d'un  Seigneur  par  apaiit  ou 
«  sodées,  signifieroit  être  à  la  solde,  aux  gages 
«  d'un  Seigneur,  ou  être  son  tenant.  Se  aucun  vilain 
«  s'en  part,  ou  fuit  de  la  terre  de  son  Seignor  et 
«  vait  en  autre  terre,  et  y  demore  auci  com  par 
«  apaut  ou  sodées  dou  Seignor,  il  doit  torner  en  la 
«  terre  de  son  Seignor,  se  il  est ,  etc.  »  (Assis,  de 
Jérus.  chap.  cclxxvu,  p.  183.) 

De  là.  on  auia  nommé  apaus,  les  droits  que  les 
Seigneurs  tiroient  de  ces  mêmes  tenemens,  par 
extension  toute  espèce  de  droit  seigneurial  et  do- 
manial. «  L'oflice  des  Enquestes  sera  de  tout  abatue, 
«  et...  tous  les  droictures  et  apaus  que  les  Maistres 
«  des  Enquestes  et  autres  ont  mis  et  usé,  sans 
«  Tassent  des  homes.  »  (Assis,  de  Jérus.  chap.  cccxiv, 
page.  214.) 

La  difficulté  de  percevoir  en  détail  ces  mêmes 
droits,  obligeant  à  les  affermer,  on  en  désignoit  la 
ferme  par  le  mot  apaut.  «  Des  dons,  et  ventes,  et 
«  eschanges,  et  apaus  qui  touchent  en  la  haute 
«  Court  et  en  la  segrete,  lesquels  ont  deniers  donés, 

*  doivent  recouvrer  lors  deniers  et  rendre  le  surplus 
«  qu'ils  auront  reçu ,  acuillant  etc.  »  (Assis,  de 
Jérus.  chap.  cccvni,  p.  209.  —  Voy.  Apauteor.) 

VARIANTES  : 
APAUT.  Assis  de  Jérus.  chap.  ccLxxvii,  p.  185. 
Apau.  Ibid.  chap.  cclxxxix,  p.  192. 

Apauteor,  subst.  masculin.  Fermier  de  droits 
seigneuriaux  et  domaniaux.  Une  preuve  assez  vrai- 
semblable (|ue  Vapaut  étoit  une  espèce  de  tenement 
de  la  nature  du  caseau,  pour  lequel  il  étoit  dû 
certain  droit  que  le  même  mot  aura  désigné,  c'est 
que  dans  les  Assises  de  Jérusalem,  la  signification 
d'apeauteor  est  la  même  que  celle  d'apallatores 
casalium  aut  rcddituum,  dans  les  Constitutions  de 
l'église  de  Nicosie.  «  De  tous  les  propres  apaus  dou 
«  Roy,  que  l'on  ne  puisse  eslre  de  trop  engigné  et 
«  que  il  sache  lor  value  de  tout  le  gain  que  les 

•  apauteors  gaigneront  en  chascun  apau,  le  Se- 
«  neschal  doi"t  avoir  deux  caroubles  franchement.  » 
(Assis,  de  Jérus.  chap.  cclxxxix.  page  192.  —  Voyez 
Apaut  ci-dessus,  et  Apauter  ci-dessous.) 

Apauter,  verbe.  Affermerdes droits  seigneuriaux 
et  domaniaux.  On  ne  peut  guère  douter  que  la  défi- 
nition qu'on  a  donnée  d'apauteor,  ne  soit  vraie, 
puisque  les  apauteors  étoienl  ceux  à  qui  les  rentes 
du  Roy  éioient  apautécs,  c'est-à-dire  affermées, 
a  Les  rentes  dou  Roy,  quels  qu'elles  soient  dehors 
«  ou  dedens,  quant  il  ou  celui  qui  tendra  son  leu 
«  vodra  que  elles  soient  apautécs,  il  les  doit  co- 
«  mander;  et  le  Seneschau  les  doit  faire  crier  et 
«  multiplier  au  maus  que  il  porra. ...  De  tous  les 
«  propres  apaus  dou  Roy,  que  l'on  ne  puisse  estre 
«  de  trop  engigné,  etc.  »  (Assis,  de  Jérus.  chap. 
CCLXXXIX,  p.  192.  —  Voy.  Apauteor  et  Apaut.) 
II. 


VARIANTES  : 
APAUTER.  Assis,  de  Jérus.  chap.  cclxxxix,  p.  192. 
Apautrer.  (corr.  Ajiauler.)  Du  Cange,  Gl.  l.T.  VI,  col.  361. 

Apédefte,  adj.  et  subst.  masc.  Ignare,  ignorant. 
En  grec  dnàiôevioç.  Les  deux  orthographes  du  mot 
françois  sont  relatives  à  la  diverse  prononciation 
du  mot  grec  que  les  uns  prononcent  apaideutos,  et 
les  autres  apaidcvtos.  Rabelais,  conformément  à  la 
dernière  prononciation,  a  introduit  le  mot  apédefte 
dans  notre  langue.  «  Par  Dieu,  dist  Panurge  à 
«  Gaigne-beaucoup,....  menez-nous  à  ces  Apéde'ftes; 
«  car  nous  venons  du  pays  des  Sçavans  où  je  n'ay 

«  guières  gaigné Mais  pourquoy,  mon  compère, 

«  mon  amy,  appelle-on  ces  gens  icy  ignorans  ?  Par 
«  ce,  dist  Gaigne-beaucoup,  qu'ils  ne  sont  et  ne 
«  doibvent  nullement  estre  clercs,  et  que  céans  par 
«  leur  ordonnance  tout  se  doibt  manier  par  igno- 
«  rance,etn'y  doibt  avoir  raison,  sinonque  Messieurs 
«  l'ont  dict  ;  Messieurs  le  veulent  ;  Messieurs  l'ont 
«  ordonné.  >■  (Rabelais,  T.  V,  page  70  et  75.)  En 
adoptant  la  première  façon  de  prononcer  le  mot 
grec,  on  a  écrit  apédeute.  «  Le  célèbre  M.  Huet 
«  croyoit  avoir  survécu  aux  Lettres,  parce  que  de 
«  son  temps  il  se  formoit  une  cabale  d'apédeutes. 
«  de  gens  ignares  et  non  lettrez,  qui  sentant  leur 
«  incapacité,  et  ne  pouvant  se  résoudre  à  une  étude 

«  assidue  de  plusieurs  années entreprenoient 

«  de  se  faire  un  mérite  de  leur  incapacité,  de  ridi- 
«  enliser  l'érudition,  et  de  traiter  la  science  de 
«  pédanterie.  »  (Voy.  Huetiana,  p.  2  et  3.)  De  là,  le 
suhstainiii  apédeutisme  encore  usité  pour  désigner 
l'ignorance  qui  vient  du  défaut  d'instruction.  (Dict. 
de  l'Acad.  fr.) 

VARIANTES  : 
APÉDEFTE.  Rabelais,  T.  V,  p.  68  et  suiv.  -  Cotgr.  Dict. 
Apédeute.  Huetiana,  p.  2,  etc. 

Apelé,  participe.  Qui  a  sa  peau.  C'est  en  ce  sens 
que  pour  signifier  l'état  glorieux  du  Lazare  après 
sa  mort,  on  a  dit  que  son  corps  étoit  apelé;  participe 
forzué  du  substantif /)e/,  en  latin  peliis. 

De  ses  deux  lès 

Fut  la  piaus  en  chaut  venin  frite, 
Tant  que  il  fu  tous  despelés... 
Par-tans  iert  ses  cors  apelés, 
Et  mis  en  gloire  o  l'Esperite  ; 
Dont  aura  il  joie  partite, 
Quant  de  sa  pel  iurt  rempelés. 

Dil  de  Charité,  MS.  de  Gaignal,  fol.  224,  V"  col.  3. 

VARIANTES  : 
APELÉ.  Dit  de  Charité,  MS.  de  Gaignat,  fol.  225,  R»  col.  1. 
Appelé.  Ibid.  Variante  du  MS.  de  N.  D. 

Apert,  participe.  Ouvert,  découvert,  évident, 
etc.  Ouvert,  franc,  indiscret,  impudent,  effronté,  etc. 
Qui  fait  voir  de  l'expérience,  de  la  force,  de  l'agilité, 
de  l'adresse,  de  la  valeur,  etc.  connu  par  des  qua- 
lités naturelles  et  acquises.  Chose  évidente  et  connue. 
La  signification  propre  et  figurée  d'apert,  en  latin 
apertus,  étoit  la  même  que  celle  d'aouvert.  (Voyez 
AouvERT  ci-dessus.) 

Ot  vairs  iex,  rians  et  fendus, 
Les  bras  bien  fés  et  estendus, 


AP 

Blanches  mains,  longues  et  ouvertes 
Aux  templières  (1)  que  vi  apertes 
Apparut  qu'èle  ol  leste  blonde 
^^  Fabl.  MS.  du  R.  n-  72 


-    i8   — 


AP 


7218,  fol.  280.  V*  ool.  1. 


Diex  !  comme  est  apei-le  folie 

Coutivér'(2),'  comme  une  image, 
Son  cors.  Certes,  c'est  Une  rage; 
C'est  comme  une  mahommene.  ^^^  ^^_^_  ^_  ^^^  ^ 

Dans  les  expéditions  où  Von  employoit  la  force 
.  ouverte,  comme  pour  mener  prisonniers,  ou  pour 
„  aucun  autre  cas  par  lequel  aucun  youloit  aler  en 
.  s'i  justice  elïorciement,  on  s  arnioit  de  liaubeis  et 
.  des  armes  qui  avecque  aparliennent  ;  et  ces  armes 
„  éloicnt  nommées  armes  apertes.  Mais  lorsque 
«  pour  aller  dans  sa  justice,  il  falloit  passer  parmi 
«  autre  justice,  on  devoit  les  porter  vestues  couver- 

„  tement car  bien  sachent  tuit  li  Seigneur  qui 

.<  sont  sougès  as  Barons,  que  ne  pueent  pas  donner 
«  conaié  que  l'en  voit  à  armes  aperles  parmy  les 
«  Terres  pour  che  que  de  l'establissement  le  Roy 
.<  tèles  ciievauclnées  de  foiclie  et  de  armes  son 
«  défendues.  »  (Beaumauoir,  C.  de  Beauv.,  p.  i'JO.) 
Pour  nos  ancêtres  qu'une  confiance  téméraire  en 
la  Justice  divine,  a  trop  souvent  rendus  barbares  et 
superstitieux,  révéuement  d'un  duel  doit  un  juge- 
ment de  Dieu  qui  leur  découvroit  la  vente,  et  que 
dans  celte  persuasion  ils  nommo\en[  Loij  aperte. 
(Voy.  Du  Gange,  Gloss.  lat.  T.  IV,  col.  IbO  et  161.) 

L  expression  adverbiale  en  apert,  en  appert,  c  est- 
à-dire  ouvertement,  à  découvert,  évidemment,  en 
évidence,  étoil  très-usitée.  On  lit  en  apart,  en 
appart.  (Ord.  T.  111,  p.  246  et  656.) 

On  désignoit  une  personne  dont  1  extérieur  laissoit 
voir  à  découvert  une  âme  franche  et  vraie,  en  disant 
fio-urémenL  quelle  avoit  un  visage  apert,  quelle 
étoit  anerte;  acception  encore  usitée  du  participe 
ouvert  (Voy.  Ouvert.)  «  Si  avoit  ung  visage  appert 
«  et  esveillé.  »  (Percef.  Vol.  II,  fol.  IM,  V°  col.  1.) 

S'encontrèrent  un  Chapelain 
Seur  un  bai  palefroi  ambiant, 
^per<  et  dehailié  (3)  samblant 
^  Fabl.  JlS.  du  R  n"  7218,  fol.  23o,  R'  col.  2. 

Peut-être  a-t-on  dit  en  ce  sens  que  Clovis  étoit 
a  moult  appert  et  de  noble  contenance.  »  (Chron. 
S-  Denys,  fol.  9,  V°.) 

....  Elle  est  bonne  et  preude  femme, 
Sage,  honneste,  cointe  et  apperte; 
Et  n'est  ombrage,  ne  couverte.     , ,  ^„,  „      ,  „ 
^        G.  Machaut,  MS.  fcl.  203,  R"  col.  2. 


L'extrême  franchise  d'une  âme  qui  pense  a  dé- 
couvert, est  si  naturellement  indiscrète  qu  on  ne 
sait  si  l'on  faisoit,  il  y  a  plusieurs  siècles,  l'éloge  ou 
la  satvre  du  caractère  François,  en  disant  :  ^  Li  plus 
.,  apèrt  home  sont  en  France.  »  (Voy.  Ane.  Poet.  l-r. 
Mss  avant  1300,  T.  IV,  p.  1652.)  Quelquefois,  ce  mot 
avért  signilioit  l'indiscrète  franchise  d'une  jeune 
Bersonne  trop  prompte  à  découvrir  le  secret  de  son 
cœur  Le  Chevalier  de  la  Tour  étant  allé  faire  une 


première  visite  h  la  Demoiselle  que  son  père  lui 
destinoit  pour  femme,  s'alarma  d'en  être  aime  trop 
franchement,  trop  ouvertement,  et  refusa  de  lé- 
pouser.  «  Elle  fut  dit-il:  bien  aperte ;  car  elle  me 
«  pria  deux  fois  ou  trois  que  je  ne  demeurasse  point 
«  a  la  venir  voir.  »  (Le  Ch"  de  la  Tour,  Instr.  à  ses 
tilles  fol.  8.  "  On  ne  pardonne  point  à  une  pucelle 
..  qu'elle,  à  la  premier  requeste,  face  appert  octroy, 
..  ne  descouvre  son  couraige.  ■>  (Voy.  Percef.  \  ol.  M, 
fol.  86,  V°  col.  2.)  ..  , 

Il  y  a  une  esoèce  de  franchise  proscrite  par  la 
décence,  à  penser  et  faire  le  mal  ouvertement,  a 
être  impudent,  effronté;  de  sorte  que  le  mot  apert. 
qui  désignoit  en  général  les  qualités  propres  a 
caractériser  une  franchise  aussi  aimable  que  1  autre 
est  odieuse,  a  pu  désigner  non-seulement  1  indis- 
crétion, mais  l'impudence,  l'etTronterie.  (^oy.  Le 
Ch"  de  la  Tour,  Instr.  à  ses  filles,  fol.  13,  \°  col.  2.) 
Ou'il  suffise  d'avoir  indiqué  l'étendue  de  1  ac- 
ception figurée  à'apert;  mot  dont  les  orthographes 
aouvert  et  ouvert  sont  des  altérations  aussi  visibles 
que  celles  û'aspert  et  espert  dans  les  passages 
suivans.  «  Li  larrecins  qui  n'est  pas  appers,  mes 
«  toute  vois  il  se  prueve  par  présomptions,  si  est 
«  de  chaus  qui  sont  pris  par  nuit  en  autrui  meson» 
(Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis,  page  Ib-i.)  «  Li 
«  aspers  larrechins  est  chil  qui  est  trouves  sezis  et 

«  vestus  de  la  chose  emblée ne  plus  espers  lar- 

.<  recins  ne  puet  estre  que  chil  qui  est  trouves  sésis 
.<  et  vestus  de  la  chose  emblée.  »  (Id.  ibid.  p.  ib4.) 
Après  avoir  prouvé  que  l'orthographe  espert  etoit 
quelquefois  une  altération  d'apert,  évident;  on  re- 
marquera que  plus  souvent  l'orthographe  apert 
sembloitêtre  une  altération  d'expert.  «  Noz  ancestres 
«  ont  usé  de  ce  mot  appert. . .  pour  expert. . .  ou 
«  adroit  aux  armes.  »  (Froissart,  Vol.  1,  annot.  à.) 
L'ancienne  Chevalerie  étant  une  expérience,  une 
épreuve  continuelle  de  force,  d'agilile    d  adresse, 
de  valeur,  de  bravoure  et  d'intrépidité,  le  moi  apert 
aura  signifié  fort,  agile,  adroit  vaillant,  brave,  in- 
trénide-  acceptions  peu  faciles  à  distinguer  les  unes 
des  autres.  «  Aucuns  des  Seigneurs  de  la  compaignie 
«  au  Duc  de  Bourgongne  se  vauldrent  mettre  a 
I  «  deffence       mais  che  leur  valut  moult  peu  ;  car 
«  tous  furent  prins  et  menez  prisonniers  excepte 
'  «  le  Seit-neur  de  îlontagu  qui  estoit  moult  appert 
«  et  viste  :  et  l'espée  ou  poing  toute  nue  saillit 
«  dehors  les  barrières.  »  (J.  le  Fevre  de  S'  Remy, 
Hist.  de  Charles  VI,  p.  138.)  ,  ^    ,•  •    „ 

Il  semble  qu'on  ait  compare  au  vol  de  1  oiseau 
l'a-ilité  avec  laquelle  un  homme  intrépide  court  à 
l'ennemi  et  le  renverse,  lorsqu'on  a  dit  : 


Trop  nous  eussent  fait  de  contraire 

Cil  Sarrasin  de  pute  affaire, 

Se  ne  fussent  cil  Daraoisel 

Qui  sont  aussi  appers  qu'oissel.  „<,  „  wyj 

^  Hist.  des  trois  Marks,  en  -vers,  MS.  p.  468. 

On  recommandoit  à  la  Noblesse  l'exercice  de  la 


AP 


—  19  — 


AP 


chasse,  comme  propre  à  former  un  appert  homme 
d'armes;  et  l'on  disoit  on  parlant  du  Chasseur  : 

Telz  homs  (1)  communément  devient 
Et  chevauchant  et  bien  trayant, 
Bien  appert  et  bien  combatant, 
Bien  assaillant  bestes  terribles... 
Pourquoy  vient  le  hardement, 
Sans  craindre  péril  nullement  : 
Il  s'accoustume  à  fort  courir, 
Et  à  grans  labeurs  soustenir  : 
Toutes  telz  choses  sont  reqises 
Aux  Nobles  à  qui  sont  commises 
Grans  seigneuries  et  grans  terres 
Pour  plus  vaillances  avoir  ez  guerres. 

Gace  de  la  Bigno,  des  Déduits,  MS.  fol.  99,  VS 

Les  qualités  et  les  vertus  qu'indiquent  ces  vers, 
étant  nécessaires  aux  personnes  destinées  par  leur 
naissance  ii  la  profession  des  armes,  il  est  probable 
qu'un  Chevalier  dont  la  force,  l'agilité,  l'adresse,  la 
valeur  et  l'intrépidité  avoient  été  éprouvées,  étoit 
ce  qu'on  nommoit  un  apert  homme  d'armes.  «  Si 
«  appela  tantost  le  Prince  un  Chevalier  de  son 
«  hostel....  nommé  Messire  Pierre  Ernaut,  du  pais 
«  de  Bearn,  apcrt  homme  d'armes,  et  cousin  au 
o  Comte  de  Foix.  »  (Froissart,  A'ol.  III,  p.  7.  — 
Monstrelet,  Vol.  II,  fol.  66.)  Mais  il  paroit  très  dou- 
teux que  dans  cette  expression,  appert  homme  d'ar- 
mes, le  mol  appert  soit  de  même  origine  qu'expert. 
L'un  et  l'autre  existoient  en  mémetemps  dans  notre 
ancienne  langue. 

à  découppler  sont  appcrs, 

Et  en  ce  qu'ont  à  faire  expers. 

Gaco  de  la  Bigne,  des  Déduits,  MS.  fol.  102,  V*. 

S'il  faut  en  croire  Le  Duchat,  appert  en  ce  sens 
vient  à'adperitus.  (Voy.  Rabelais,  T.  IV,  p.  166  et 
167.  note  3.)  C'est  le  même  qu apert,  en  latin 
apertiis,  suivant  l'opinion  de  Nicot,  qui  dit  (\\x  appert 
a  signifié  expert  dans  l'art  militaire,  dans  un  art 
quelconque,  «  parce  qu'à  celuy  qui  n'ignore  rien 
«  d'aucun  art,  discipline  et  exercice,  rien  ne  luy  en 
«  est  clos,  ains  luy  est  le  tout  ouvert,  cogneu  et  en 
«  main.  »  (Nicol,  Uict.  au  mot  Apertise.)  Peut-être 
auroit-il  mieux  raisonné  sur  la  cause  de  celte 
acception  figurée  à'appert,  en  latin  apertus,  s'il  eût 
dit  que  l'aptitude  acquise  ou  naturelle,  qui  se  décou- 
vre et  se  fait  voir  dans  un  homme,  ou  dans  un  ani- 
mal, pour  certains  exercices,  a  été  désignée  par  le 
mot  apert,  comme  l'on  désigne  encore  par  le  mot 
ouvert,  l'aptitude,  l'ouverture  de  l'esprit  pour  cer- 
taines sciences.  Telk  pouvoit  être  l'origine  des  signi- 
fications û'apert,  lorsqu'on  disoit  en  "parlant  d'un 
homme  agile,  adroit,  vaillant,  courageux,  inlrépide, 
qu'il  étoiî  apert.  (Voy.  Nicot  et  Mônet,  Dict.)  Les 
coups  d'un  homme  fort  et  adroit,  éloienl  des  coups 
apperts  ;  èlveapert,  avoir  la  jambe  aperte  A' aWer, 
c'étoit  être  agile,  prompt  à  aller,  à  courir.  «  Com- 
«  mencèrentà  traire,  à  lancer  et  ù  chacer  les  uns 
«  les  autres,  et  donner  grans  coups  et  apperts.  » 
(Froissart,  Vol.  ï,  p.  307.)  <•  Sire  Damoysel....  les 
«  chausses  de  fer  qui  vous  environnent  les  pieds  et 
«  les  jambes,  vous  donnent  à  congnoistre  que... 


«  devez  avoir...  la  jambe...  légère  et  appjerte  d'em- 
o  batre  en  tous  jeulx,  pour  soustenir  justice  et 
«  droicture.  »  (Percef.Vol.  II,  fol.  119,  R»  col.  1  et  2.) 

Trois  varletz  qui  sont  bien  espars 
De  lièvres  garder,  et  apers 
De  tost  aller,  et  bien  entendre 
A  leurs  lévriers  tantost  reprendre. 

Gace  de  la  Bigne,  des  Déduits,  MS.  fol.  110,  V'. 

Etre  apert,  avoir  la  main  aperte,  c'étoit  être 
adroit,  faire  voir  de  l'adresse,  de  la  dextérité,  de  la 
grâce,  en  faisant  une  chose.  «  Aussi  on  en  a  la  main 
'<  plus  aperte,  etc.  »  (Ch.  de  G.  Phébus,  ms.  p.  213.) 

Les  uns  sont  hardiz  et  appers, 
Autres  couars  et  mal  appers 

Eust.  Descli.  Poës.  MSS.  p.  471,  col.  1. 

Gardez-vous,  Dames,  bien  aoertes 
Qu'au  mengier  soiez  bien  apertes. 
C'est  une  chose  c'om  moult  prise 
Que  là  soit  Dame  bien  aprise. 

Fabl.  MS.  du  K,  n-  7218,  fol.  13-2,  R-  col.  2. 

Un  cheval  dans  lequel  on  découvroit  une  inclina- 
lion  naturelle  à  regimber,  étoit  un  cheval  appert  de 
regiber. 

...  Se  ton  cheval  est  appert 
De  regiber  la  jambe  haulte, 
Chascun  dira  que  c'est  ta  faulte,  etc. 

Contrediz  de  Sougecreux.  fol.  141,  R". 

On  faisoil  plus  souvent  l'éloge  des  qualités  que 
l'on  découvroit  dans  un  cheval,  un  chien,  etc.  en 
disant  qu'il  étoit  apert.  «  Cheval  appert  (2),  léger,  et 
«  bien  courant ,  et  bien  tournant  à  la  main.  » 
(Froissart,  Vol.  IV,  p.  82.) 

Bien  nous  appert 

Que  cbiens  sont  hardiz  et  appert, 
Et  qu'ilz  ont  proesse  et  vaillance, 
Et  sont  de  grant  recongnoissance. 

Gace  de  la  Bigne,  des  Déduits.  MS.  fol.  75,  V». 

Au  reste,  en  faisant  voir  par  ses  actions,  en  dé- 
couvrant certaines  qualités  reçues  de  la  Nature,  ou 
acquises  par  l'expérience  qui  les  découvre  elle- 
même,  on  se  fait  connoître  comme  possédant  ces 
mêmes  qualités.  De  là,  le  mot  apert  aura  signifié 
1-  connu  pour  être  agile,  adroit,  vaillant,  etc. 

Ne  sont  mie  poindre  couvers. 
Mais  biax,  et  riches,  et  apers. 
Moult  est  lor  oevre  bien  veue, 
Et  d'ans  et  d'autres  conneue. 

Athis,  MS.  fol.  115,  V  col.  1. 

2°  Connu  pour  être  expert,  non-seulement  dans  la 
science  des  armes,  mais  dans  toute  autre  science 
en  général.  Telle  paroit  être  la  raison  de  l'analogie 
fiu'on  remarque  entre  les  mots  apert  et  expert; 
analogie  qui  les  aura  fait  probablement  employer 
l'un  pour  l'autre,  sans  égard  à  la  diflérence  étymo- 
logique. «  Que  bonnes  personnes  et  apertes  pour 
«  délivrer  (3),  soient  aux  requestes  de  la  Langue 
«  d'oc  et  de  la  Frani;oise.  »  (Ord.  T.  I,  p.  675.) 
«  Appelés  à  ce  plusieurs  Sages,  connoissans  et 
«  esperts  en  fait  de  monoyes.  »  (Ibid.  p.  770.) 

On  croit  aptircevoir  l'origine  delà  formation  et  de 
la  signification  tîu  substantif  aperte,  dans  l'ellipse 
par  laquelle  le  participe  féminin  aperte,  désignoit 


(I)  L'analogie  a  donné  le  z  au  cas  sujet  de  liom,  comme  aux  noms  masculins  de  la  2»  déclinaison,  (n.  e.)  —  (2)  Appert 
est  ici  le  contraire  d'ombrageux,  (n.  e.)  —  (3)  Expédier. 


AP 


—  20 


AP 


une  chose  aperte,  une  chose  évidente,  une  chose 
connue  : 

Quant  vous  à  cui  que  soit  parlés, 
En  sus  de  lui  si  vous  t^nés, 
Qu'à  lui  voslre  alaine  ne  viegne  ; 
Et  d'une  aperte  vous  soviegne,  etc. 

Fabl.  MS.  du  R.  n-  7218,  toi.  131,  V'  col.  2. 

Une  action  de  valeur,  une  action  connue,  ou  qui 
mérite  de  l'être.  «  Les  Ilainuyers  s'asseml)!èrent 
«  pour  les  rebouter;  mais  ils  estoient  si  puissans 
«  ([u'ils  s'en  retournèrent  en  leur  pays  sans  faire 
«  aperte  qui  soit  à  raconipter,  n'escrire.  »  (Mons- 
trelet,  Vol.  I,  fol.  27.  —  Voy.  Aperte  ci-dessous.) 

VARIANTES    : 
APERT.  Livres  des  Machabées.  MS.  des  Cordei.  fol.  188 
Apart.  Liv.  des  Machabées,  MS.  des  Cordei.  fol.  188,  R". 
Apers  (plur.)  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7218,  fol.  142,  V"  col.  1. 
Appart.  Ord.  T.  111,  p.  246. 

Appers.  Eeaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis,  p.  164. 
Appert.  Marbodus,  de  Gemm.  Art.  viii,  col.  1648. 
ASPERS.  Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis,  p.  164. 
EsPERS  (sing.  et  plur.).  Id.  ibid.  p.  238.  -  Ord.  T.  I,  p.  770. 
EsPERT.  Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis,  p.  192. 

Aperte,  subst.  fém.  Qualité  par  laquelle  on  se 
fait  connoitre.  Action  connue  et  par  laquelle  on  se 
fait  connoitre.  Au  premier  sens,  les  qualités  dési- 
gnées par  le  mot  aperte,  étoient  l'expérience,  la 
force,  l'agilité,  l'adresse,  la  valeur,  etc.  (Voy.ApERT.) 

Resaut  en  piez  com  hom  plains  d'aperlé. 

Enfance  d'Ogier  le  Danois.  MS.  de  Gaignat,  fol.  109,  R"  col.  2. 

.  .  .  D'armes  est  tex  li  mestiers 
Que  il  i  convient  aperte, 
Et  de  bien  faire  volenté. 

Ciéomadès,  MS.  de  Gaignal,  fol.  62,  R'  col.  1. 

Peut-être  la  beauté,  dans  ces  vers  : 

Dame  de  grant  apperteté. 
Plus  que  palmes  hauls  et  parens; 
Dame  plus  noble  et  plus  flairans, 
Plus  vermeille  et  mielx  coulourée 
Que  pomme  doulce  et  savourée  ;  etc. 

G.  Machaut,  MS.  fol.  201,  V-  col.  3. 

Il  étoit  naturel  que  ce  même  mot  aperte  désignât 
spécialementles  faits  d'armes,  les  exploits  guerriers, 
dans  un  temps  où  l'on  n'avoit  guère  d'autre  moyen 
de  se  faire  connoitre  et  de  se  distinguer. 

Li  Dus  Tierris,  ou  poing  le  bran  letré, 
Fist  celui  jour  mainte  grant  aperte  : 
De  lui  ert  bien,  as  coups  ferir,  monstre. 
Enfance  d'Ogier  le  Danois,  IIS.  de  Gaignat,  fol.  104,  V"  col.  2. 

VARIANTES  : 
APERTE.  Ciéomadès,  MS.  de  Gaignat,  fol.  62,  R»  col.  1. 
Apperteté.  G.  Machaut,  MS.  fol.  201,  V"  col.  3, 

Apertelet,  adj.  Vaillant.  Signification  analogue 
î»  celle  du  participe  apert,  doiu'on  a  formé  le  dimi- 
nutif fl7;^r/e/ci,  en  faveur  de  la  rime. 

Là  fu  li  Sires  de  Clervaus,... 
Et  le  Seigneur  de  Nantoullet 
Qui  est  cointe  et  apeiielrt. 

G.  Machaul,  MS.  fol.  225,  V-  col.  3. 

Apertement,  adverbe.  Ouvertement,  évidem- 
ment, etc.  Ouvertement,  fanchement.  De  manière 
à  faire  connoitre  certaines  qualités  naturelles  et 
acquises.  Les  significations  de  V^àyerhë  apertement 
sont  toutes  relatives  ù  celles  du  participe  «joerL  On 
disoit  au  premier  sens  :  «  Pur  co  véez  apertement 


«  que  nient  n'est  arrière  de  ce  que,  etc.  »  (Livres 
des  Rois,  ms.  des  Cordei.  fol.  13i,  V"  col.  2.) 

Diex  t'a  monstre,  de  ce  n'en  doutes, 
En  celi  songe  espertement, 
Ce  qu'est  venu  nouvellement. 
Geofroi  de  Paris,  ,i  la  suite  du  Rom.  de  Fauvel,  MS.  du  R.  n'  6812,  fol.  52. 

Dans  le  second  sens,  apertement  signifioit  ouverte- 
ment, franchement.  (Rob.  Est.,  Nicot  et  Monot.  Dict.) 

Enfin,  agir  ou  se  tenir  de  manière  à  faire  con- 
noitre qu'on  avoit  certaines  qualités,  qu'on  étoit 
expert,  adroit,  leste,  agile,  prompt,  etc.  c'étoit  se 
tenir  ou  agir  apertement.  «  Lors  print  apertement 
"  son  cheval  par  le  frain,  et  saillit  en  la  selle.  » 
(Percef.  Vol.  II,  fol.  119.  —  Voy.  Nicot,  Dict.) 

Moult  apartement  s'arréèrent 
Cil  qui  par  raison  tenu  èrent 
D'aler  à  ces  tabliaus  lancier. 

Ciéomadès,  MS.  de  Gaignat,  fol.  67,  V"  col.  1. 
Moult  lvès-aperteme>ît  s'arma 
Ciéomadès,  ne  détria. 

Ibid.  fol.  38,  V"  col.  3. 
Mestres,  feites  apertement  ; 
Car  je  sui  ci  en  grant  forment... 
Sire,  ne  me  puis  plus  haster. 

Esirubert,  Fabl.  MS.  du  R.  n"  7996,  p.  43. 

Bien  doit  haus  hom  estre  jolis  devant  la  gent, 
Cointes  et  acesmans,  se  il  est  de  jovent  ; 
Et  doit  son  cors  tenir  bel  et  aperloneiit, 
Et  si  se  puet  vestir  et  bien  et  richement. 

Fabl.  MS.  du  K.  n"  7218,  fol.  335.  R-  col.  2. 

VARIANTES    : 

APERTEMENT.  Livres  des  Rois,  MS.  des  Cordei.  fol.  134. 

,\P-\RTEMENT.  Cléomadès,  MS.  de  Gaignat,  fol.  67. 

Apertem.\nt.  Monet,  Dict. 

Appertrment.  r.om.  de  la  Rose,  vers  22,  Percef.  Vol.  II, 
fol.  119,  V°  col.  1.  -  Nicot,  Dict. 

Espertement.  Geofroi  de  Paris,  à  la  suite  du  Rom.  de 
Fauvel,  MS.  du  R.  n»  6812,  fol.  53,  V"  col.  3. 

Apertise,  subst.  fém.  Evidence.  Franchise 
indiscrète.  Aclion  qui  découvre  certaines  qualités 
et  les  fait  connoitre.  Qualité  qui  se  découvre  et  par 
laquelle  on  est  connu.  Du  participe  apert,  évident, 
s'est  formé  le  substantif  apertise,  dans  le  sens 
d'évidence.  (Voy.  Oudin,  Dict.)  C'est  encore  dans  un 
sens  relatif  à  celui  d'apert,  ouvert,  franc,  etc.  que  le 
mot  apertise  signifioit  franchise  indiscrète.  On 
craint  d'être  l'époux  d'une  Demoiselle,  «  pour  la 
«  trop  grande  apertise  et  la  légiéreté  et  la  manière 
■'  qu'il  semble  à  veoir  en  elle.  "  (Le  Ch''  de  la  Tour, 
Inst.  à  ses  filles,  fol.  8.  —  Id.  ibid.  fol.  13.) 

En  général,  une  action  par  laquelle  on  faisoit 
connoitre  son  expérience,  sa  force,  son  agilité,  son 
adresse,  sa  valeur  et  autres  qualités  naturelles  et 
acquises,  étoit  une  apertise;  par  conséquent,  un 
fait  d'armes,  un  exploit  militaire,  étoit  une  apertise 
ou  expertise  d'armes.  Il  paroit  que  l'orthographe 
expetise  est  une  faute  pour  expertise  qu'on  subsli- 
tuoit  quelquefois  au  mot  apertise.  (Voy.  Apert.) 
«  Nécessité  luy  feist  faire  une  moult  belle  fl/;/)er- 
«  tisse  :  car  quant  il  sentit  ce,  il  ahert  les  arsons 
«  du  Chevalier  h  deux  mains;... lors  se  lance... par 
«  derrière  luy  sur  la  crouppe  de  son  cheval.  » 
(Percef.  Vol.  I,  fol.  143.)  «  Un  maistre  Engingneur 
«  d'appertise...  issit  de  son  échaufaut...  et  tout 
«  chantant  sur  la  corde...  moult  fit  d'appertises, 
«  tant  que  la  légèreté  de  lui  et  de  ses  œuvres  fut 


AP 


—  21  — 


AP 


«  moult  prisée.  »  (Froissart,  Vol.  IV,  p.  4.)  «  Entre 
«  les  autres  assaux  en  firent  un  qui  dura  un  jour 
«  tout  entier.  Là  eut  mainte  grand  appertise  faite.  » 
(Id.  Vol.  I,  p.  70.)  «  En  ce  temps  y  eut  à  Bordeaux 

••  sur  Gironde  une  appertise  d'armes à  courir 

«  à  tout  trois  lances  à  cheval  et  en  férir  trois  coups, 
«  trois  d'espée,  et  trois  coups  de  dague,  et  trois 
«  coups  de  hache.  Si  furent  les  armes  faites  devant, 
'<  etc.  "  (Id.  Vol.  m,  p.  159.)  «  Furent  faites  de  fort 
»  belles  apertises  d'armes  d'un  costé  et  d'autre.  » 
(J.  Charlier,  Ilist.  de  Charles  VII,  p.  14.)  «  Le  Baron 

«  de  Biron n'avoit  point  faict  tant  à'expetises 

«  d'armes  comme  il  en  a  fait  despuis.  »  (Brantôme, 
sur  les  Duels,  p.  103.)  Telle  éloit  encore  la  signifi- 
cation particulière  du  mot  apertise,  au  commence- 
ment du  xvu'  siècle.  «  On  l'approprioit  aux  faits 
<c  militaires;  mais  rien  n'empeschoil  que  le  mesme 
«  mot  ne  se  pîit  employer  es  autres  arts,  disciplines 
«  et  exercices.  »  (Voy.  Nicot,  Dict.) 

On  désignoit  aussi  par  le  mot  apertise  ou  exper- 
tise, les  qualités  qui  se  découvrent  dans  une  per- 
sonne, et  par  lesquelles  elle  se  fait  connoitre,  comme 
l'expérience,  la  force,  l'agilité,  l'adresse,  la  valeur, 
etc.  "  Le  pont  rompit  sous  luy  ;  mais  par  grand  ap- 
«  pertise  de  corps  il  se  sauva.  »  (Froissart,  Vol.  Il, 
p.  '203.  —  Voyez  Cotgrave,  Oudin,  Borel,  Mcot  et 
Monet,  Dict.)  Montaigne  se  plaignoit  de  ce  que  de 
son  temps  on  prodiguoit  à  la  vaillance  l'Ordre  de 
S"  .Michel,  ancienne  récompense  «  d'une  expertise 
«  bellique  plus  universelle  et  qui  embrassas!  la 
«  pluspart  et  les  plus  grandes  parties  d'un  homme 
«  militaire.  »  (Essais  de  Montaigne,  T.  Il,  p.  87.) 

\ARIA>TES  : 

APERTISE.  J.  Charlier,  Hist.  de  Charles  VII,  p.  t4. 

Apertisse.  Ch.  S'  D.,  Reo.  de.s  Hist.  de  Fr.  T.  III.  p.  288. 

Appertese.  D.  Carpentier,  Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du  Cange, 
au  mot  Apparentia,  3;  tit.  de  1470. 

.\ppertise.  Froissart,  Vol.  I,  p.  70,  etc.  —  Borel,  Oudin, 
Nicot  et  Monet,  Dict. 

Appep.tisse.  Percef.  Vol.  I,  fol.  143,  V"  col.  2. 

Expertise.  Essais  de  Montaigne,  T.  il,  page  87.  —  Cotgrave, 
et  Oudin,  Dict. 

Expetise.  Brantôme,  sur  les  Duels,  p.  280. 

Apesant,  participe.  Pesant.  (Voir  Apeser  et 
Apoiser.)  L'ancienne  acception  figurée  du  participe 
apesant,  étoit  la  même  que  celle  de  pesant,  onéreux, 
fâcheux. 

Ec-vos  (1)  Boeci  cadegu  (2)  en  afan, 

E  grant  ledenas  (3)  qui  l'estan  (4)  apesayit. 

Fragm.  de  la  Vie  de  Boèce,  MS.  de  S.  Benoit-snr-Loire,  p.  271. 

Apesart,  suhst.  ?»asc.  Cauchemar.  Incube.  Dans 
le  premier  sens,  sorte  d'oppression  nommée  ape- 
sart, parce  que  lorsqu'elle  se  fait  sentir  durant  le 
sommeil,  il  semble  qu'on  ail  un  poids,  un  corps  qui 
pèse  sur  l'estomac.  (Voy.  Borel,  Dict.)  La  fable  des 
Incubes  est  une  vieille  erreur  populaire  qui  n'a 
d'autre  fondement  que  les  elîets  de  cette  oppres- 
sion. Cependant,  Guillaume  de  Paris,  entre  autres, 
a  beaucoup  parlé  de  ces  Démons  imaginaires,  de 


ces  Incubes  que  nos  ancêtres  nommoient  Appesarts. 
Il  discute  si  leur  prétendu  commerce  avec  les  fem- 
mes est  réel,  et  s'il  peut  être  fécond.  (Voy.  Mém.  de 
l'Acad.  desB.  Lettres,  T.  XIII,  p.  G4GetG48.  —  Borel, 
Dict.  —  Dict.  de  Trévoux,  T.  III,  col.  938.) 

VARIANTES  : 
APESART.  Borel,  Dict. 
.Appesart.  Raoul  de  Presles,  Cité  de  Dieu,  liv.  xv,  ch.  23. 

Apeser,  verbe.  Faire  peser.  (Voir  Apoiser.)  Faire 
qu'une  chose  pèse,  qu'elle  ait  un  certain  poids.  Par 
une  comparaison  tirée  de  l'action  de  peser  deux 
choses,  de  manière  que  le  poids  de  l'une  l'emporte 
sur  celui  de  l'autre ,  on  a  dit  en  parlant  des  Clercs 
dont  la  science  indigente  devoit  l'emporter  sur 
l'opulente  ignorance  des  Prélats  : 

Pour  Dieu,  Seigneurs  Prelatz,  embracez  diligence  ; 
Car  par -trop  de  maulx  naissent  de  vostre  négligence  ; 

Ayez  pitié  des  Clercs  et  de  leur  indigence 

Car  ilz  savent  trop  bien  ton  povoir  souspeser, 
Et  à  leurs  advantaiges  leurs  engins  apeser  ; 
Si  ne  peut-on  povoir  contre  leurs  sens  peser. 

J.  de  Meun,  Cod.vers  645-68i. 

Apetisement,  suhst.  masc.  Amoindrissement. 
Espèce  d'impôt.  La  signification  du  substantif  ape- 
tisement, appel'issement,  relative  à  celle  du  verbe 
apetiser,  appetisser,  faire  plus  petit,  faire  moindre, 
amoindrir,  n'étoit  pas  moins  générale.  «  Ne  sous- 
>i  tiendront  fait  de  quelconque  Seigneur....  à  Vape- 
«  ticement  de  la  chevance  du  Roy.  »  (Ord.  T.  V, 
p.  540.  —  Voy.  Apetiser.)  Il  semble  que  parce  que 
la  vente  du  vin  en  détail  se  l'ait  à  la  petite  mesure 
dans  plusieurs  villes  du  Royaume,  on  ait  nommé 
appetissement  de  mesure,  et  tout  simplement  appe- 
tissement,  une  espèce  d'impôt  sur  la  vente  du  vin 
en  détail.  (Voy.  d'Argentré.  Coût,  de  Bretagne,  page 
1327,  note.  —  Cotgrave,  Dict.  —  Dict.  de  Trévoux.) 

VARIAJiTES  : 
APETISEMENT.  Règle  de  S-  Benoît,  chap.  ii. 
Apeticement.  Ord.  T.  V,  p.  540. 
Appetissem.^nt.  Monet,  Dict. 
Appetissement.  Cotg.  Oudin,  Rob.  Estienne  et  Nicot,  Dict. 

Apetiser,  verbe.  Amoindrir,  diminuer,  abréger, 
accourcir,  etc.  On  a  cherche  l'origine  de  l'adjectif 
petit,  d'où  s'est  formé  le  verbe  apetiser,  apetisser, 
dAns,  putitus  (5),  diminutifdumot;jH/Hsqui  nesigni- 
fioit  petit,  petit  enfant,  qu'en  présentant  à  l'esprit 
l'image  d'une  partie  naturelle  que  voile  la  pudeur  ; 
putaen  latin,  en  italien  potta.  (Voy.  Petit.)  Mais 
croira-t-on  qu'il  y  ait  une  analogie  entre  cette 
acception  particulière  ûepulitus  et  l'acception  géné- 
rale de  petit  ;  que  l'une  puisse  être  une  extension 
de  l'autre?  Quel  que  soit  le  principe  de  cette  exten- 
sion, le  verbe  apetiser  ou  apetisser,  dans  un  sens 
relatif  à  celui  de  l'adjectif  petit,  signilioit  en  général 
faire  plus  petite  l'étendue,  la  ((uanlité  d'une  chose 
physique  ou  morale,  la  faire  moindre,  l'amoindrir, 
la  diminuer.  (Voy.  Ord.  T.  III,  p.  229,  443,  503  et 
521.  —  Hist.  de  B.  du  Guesclin,  par  Ménard,  p.  512, 


(!)  Voilà.  —  (2)  Chû,  tombé.  —  (3)  Opprobres.  —  (4)  Etoient.  —  (5)  Nonius  cite  le  vieux  mot  latin  pe(t/i(s,  qu'il  rend  par 
tenuis  et  e.cilis,  et  qui  se  trouvait  dans  Plaute  et  dans  Lucilius  ;  Mabillon  donne  à  l'an  775  pitito  vitlare.  Diplom.,  p.  498.  (n.  e.) 


AP 


22  — 


AP 


etc.  —  Cotgrave,  Oudin,  Rob.  Estienne,  Nicot  et 
Monet,  Dict.) 

Povres  homz  qui  est  trez  en  cort  de  Sainte  Eglise, 

Est  ausi  atachiez,  cora  chiens  à  terre  glise. 

Ce  petit  que  il  a,  chacun  li  npalise. 

Ce  sont  gens  sans  pitié  et  plain  de  covoitise. 

F»bl.  MS.  du  R.  n-  7G15,  T.  II,  fol.  141,  R°  col.  1. 

On  conçoit  que  tout  verbe  qui  désigne  une  façon 
d'amoindrir  les  choses,  de  les  diminuer,  peut  être 
l'explication  du  verbe  apetissri',  comme  accourcir, 
abréger,  etc.  «  Se  la  matière  est  longue  ou  obscure, 
«  l'on  la  doit  npcticcr  h.  mots  briefs  et  entendibles.  » 
(Fabri,  Art  de  Rétbor.  L.  I,  fol.  3!).)  On  regrettoit 
l'âge  d'or,  lorsqu'on  parlant  de  .lupiter,  on  disoit  : 

Moult  eut  en  luy  mol  justicier  ; 
Il  fist  printemps  appelicier,  etc. 

Uom.  de  la  Rose,  Terâ  21097  el  21098. 

Dans  ces  vers,  la  signification  d'apetisser  étoit 
neutre,  comme  lorsqu'en  parlant  d'un  homme  gé- 
néreux et  libéral  sans  diminuer  sa  fortune,  sans 
l'endommager,  on  disoit  figurément  :  »  Li  saiges 
«  larges...  despent...  ce  que  il  peut  souffrir  sans 
«  apcticic)'....  Doncques  li  loons-nous  que  il  soit 
«  large,  etc.  »  (Beaumanoir,  C.  de  Beauv.,  p.  9.) 

Ce  verbe  actif  et  neutre  étoit  aussi  réciproque, 
comme  il  Test  encore  aujourd'hui  sous  l'orthographe 
apetissev.  «  Prenés  un  pot  de  terre  neuve...  rempli 
«  d'eaue  bien  clère  ;  puis  mettes  la  poulrlre  dedens, 
«  et...  soit  tant  bouUi  que  elle  s'apelice  de  la 
«  moitié.  »  (Modus  et  Racio,  ms.  fol.  130.)  «  Largesse 
«  maintenir  sans  soy  fl/;c</c/ej",  etc.  »  (Beaumanoir, 
tibi  supra.) 

VARIANTES  ' 

APETISER.  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7218,  fol.  206,  R"  col.  1.  - 
Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  385,  col.  3. 

Apeticer.  Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis,  p.  10.  —  G. 
Guiart,  JIS.  fol.  67,  V».  -  Modus  et  Racio,  MS.  fol.  1.30,  R». 

Apeticuer.  Chron.  S'  D.  Reo.  des  H.  de  Fr.  T.  III,  p.  238. 

Apeticier.  Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis,  p.  9.  —  Hist. 
de  B.  du  Guesclin,  par  Ménard,  p.  i5I2. 

Apetisier.  Fabl.  ilS.  du  R.  n»  7218,  fol.  167,  R»  col.  2. 

Apetisser.  Orth.  subsist.  -  Ord.  T.  III,  p.  .503. 

Apetissier.  Psautier,  MS.  du  R.  n°  7837,  fol.  12,  V»  col.  2. 

Appeticer.  Ord.  T.  III,  p.  229. 

Appeticier.  Ibid.  p.  443  et  521. 

Appetisser.  Gace  de  la  Bigne,  des  Déduits,  MS.  fol.  116, 
R".  -  Percef.  Vol.  I,  fol.  58,  R»  col.  1.  -  Cotgrave,  Oudin. 
Rûb.  Estienne,  Nicot  et  Monet,  Trévoux,  Dict. 

Apie,  subst.  fém.  Douceur.  La  douceur  de  la 
langue  latine  étant  comparée  à  la  douceur  du  miel 
de  l'abeille,  on  a  dit  que  César  «  composa  un  œuvre 
«  très-élégant,  de  la  raison  et  manière  de  bien 
«  purement  et  nettement  parler,  dédiant  cest  œuvre 
«  et  l'envoyant  à  Cicero,  comme  prince  et  inventeur 
«  de  l'élégant  et  apie  de  la  langue  latine.  >•  (L'amant 
ressusc.  p.  263.)  La  signification  figurée  de  ce  mot 
apie,  formé  du  latin  apis,  en  françois  abeille, 
semble  caractériser  l'atTectation  érudite  d'un  Ecri- 
vain du  XVI'  siècle. 

Apiécer,  verbe.  Assembler  les  pièces,  les  parties 
d'un  tout.  Dans  une  signification  particulière  , 
assembler  les  parties  d'un  pourpoint,  faire  un  pour- 
point, le  coudre  après  l'avoir  taillé.  «  Xe  fut  trouvé 
«  en  la  maison  du...  cousturier,  tant  seulement  que 
«  ung  pourpoint  taillé ,  encores  à  apiécer  et  à 


<■  quouldre.  »  (D.  Carpentier,  Suppl.  Gloss.  lat.  de 
Du  Cange,  au  mot  Appire  ;  tit.  de  1403.) 

Apier ,  subst.  masc.  Place  où  l'on  met  des 
abeilles.  En  latin  apiarium.  (Voy.  Cotgrave,  Dict.) 

.  Apigi-atis,  subst.  masc.  Grapilleur.  Telle  paroit 
être  la  signification  d'apigratis,  sobriquet  d'un 
cuisinier,  dans  Rabelais,  (T.  IV,  p.  170.) 

Apiler,  verbe.  Mettre  en  pile,  en  masse.  (Cot- 
grace,  Dict.)  C'est  relativement  à  la  signification 
propre  du  substantif  pile,  en  latin  pila,  d'où  s'est 
formé  le  verbe  réciproque  s'apiler,  ou  s'appiler, 
qu'on  a  dit  dans  un  sens  métaphorique  :  «  La  société 
«'  des  hommes  se  tient  et  se  coust  à  quelque  prix 
«  que  ce  soit.  En  quelque  assiette  qu'on  les  couche, 
«  ils  s'appilentei  se  rangent  en  se  remuant  et  s'en- 
«  tassant,  comme  des  corps  mal  unis  qu'on  empoche 
«  sans  ordre,  trouvent  d'eux-mesmes  la  façon  de 
«  se  joindre  et  s'emplacer  les  uns  parmy  les  autres, 
«  souvent  mieux  que  l'art  ne  les  eust  sceu  disposer.  » 
(Essais  de  Montaigne,  T.  III,  p.  307.)  On  disoit  en 
parlant  d'un  homme  dont  le  corps  étoit  ramassé, 
par  conséquent  robuste  et  fort,  qu'il  étoit  apilé. 
<>  Il  esloit  demeuré  petit,  mais  fort  et  apilé,  les 
«  épaules  grosses.  »  (Mém.  de  Montluc,  T.  I,  p.  570.) 
Dans  un  sens  plus  figuré,  sappiler  c'étoit  se  forti- 
fier en  ramassant  toutes  les  forces  de  son  âme,  s'en 
faire  un  appui,  comme  d'un  pilier,  d'une  digue 
contre  la  violence  des  passions.  «  Regardez  dans 
«  vous ,  reconnoissez-vous ,  tenez-vous  à  vous  : 
«  vostre  esprit  et  vostre  volenté  qui  se  consomme 
«  ailleurs,  ramenez-la  en  soy  :  vous  vous  escoulez, 
«  vous  vous  respandez  :  appilovous,  soustenez- 
«  vous  :  on  vous  trahit,  on  vous  dissipe,  on  vous 
«  desrobe.  •>  (Essais  de  Montaigne,  T.  III,  p.  391.) 

VARIANTES  : 
APILER.  Mém.  de  Montluc,  T.  I,  p.  570.  -  Cotgrave,  Dict. 
.Vppiler.  Essais  de  Montaigne,  T.  III,  p.  356.  —  Cotg.  Dict. 

Apilletter,  verbe.  Rendre  aigu.  Il  semble  qu'un 
fer  apiletté  étoit  un  fer  aigu  comme  celui  d'une 
espèce  de  javelot  qu'on  nommoit  pile,  pilète;  d'où 
le  verbe  apiletter,  dans  la  signification  d'aiguiser, 
rendre  aigu.  (Voy.  Pile.)  «  Une  sayette  ou  volet,  où 
"  avoit  ou  bout  ung  fer  apilletié,  etc.  »  (Lett.  de 
grâce,  an.  1  i76.  —  Voy.  D.  Carpentier,  Sup.  Gloss. 
lat.  de  Du  Cange,  au  mot  Pilatus.) 

Apincer,  verbe.  Pincer.  On  a  dit  figurément  : 

Luxure  emboe  tout  et  en  riens  ne  la  rainco; 
Car  en  tous  les  estatz  mort,  acroiche,  ou  apince  : 
D'un  Duc  fait  ung  villain,  et  d'un  villain  ung  Prince. 

J.  de  Meun,  Cod.  vers  1781-1783 . 

Apinianlx,  subst.  masc.  pluriel.  Bateleurs, 
farceurs.  On  a  conjecturé  avec  assez  de  vraisem- 
blance, que  les  apinïaulx  dont  le  Cartulaire  de 
l'abbaye  de  Lagny  fait  mention,  étoient  des  bate- 
leurs, des  farceurs  ù  qui  l'on  permettoit  d'amuser 
le  public  dans  les  foires,  en  exigeant  d'eux  un  tribut 
que  sans  doute  on  comprenoit  dans  la  ferme  des 
droits  quisepercevoient  durant  les  foires,  u  Ce  sont 
«  aucunes  fermes  qui  estoient  de  prouffit  à  l'abbaye 


AP 


—  23  - 


AP 


«  de  Laigny,  es  foires  de  Champaigne  el  Brye.... 
«  Cil  d'apiniaulx  et  autres  menues  trueues,  lxx 
«  livres.  »  (D.  Carpentier,  Suppl.  Ciloss.  lat.  de  Du 
Gange,  au  mot  Apinarii.)  Celte  conjecture  est  fondée 
sur  la  possibilité  que  le  mot  franrois  apiniaulx  soit 
dérivé  du  latin  apinarii,  qui  désignoit  l'espèce  vile 
et  méprisable  de  ces  hommes  qu'on  appelle  au- 
jourd'hui bateleurs,  farceurs,  saltimbanques.  On 
croit  apinarii  formé  à'apinœ.  (Voy.  D.  Cange  Gloss. 
lat.  T.  I,  col.  551  et  552.) 

Apiter,  verhe.  Etre  ému  de  pitié.  Ce  verbe  dont 
la  signification  intéresse  l'humanité,  est  encore 
usité  parmi  le  peuple  en  province,  où  l'on  dit  apiter, 
s'apiter.  «  Le  Uuc  se  appitoija,  si  que  l'en  luy  véoit 
«  les  larmes  aux  yeux.  »  (Monstrelet,  Vol.  III,  f°  118.) 
Quelquefois  la  signification  de  ce  verbe  réciproque 
étoit  neutre. 

Le  cueur  lors  luy  appilo'ia. 

Vigil.  de  Charles  VII,  p.  157. 

Dans  le  temps  où  nos  ancêtres  s'amusoient  dévo- 
tement à  voir  jouer  nos  mystères,  celui  de  la  Passion 
de  Nolre-Seigiieur  étoit  sans  doute  fait  pour  émou- 
voir la  pitié.  Aussi  lisons-nous  qu'à  l'entrée  des  rois 
de  France  et  d'Angleterre  dans  l'aris,  le  1  "  décembre 
1420,  «  n'estoil  homme...  à  cui  le  cueur  ne  apiteasi, 
«  en  voyant  le  mystère  de  la  passion  Nostre-Sei- 
«  gneur  au  vif,  selon  que  elle  estoit  tigurée  autour 
«  du  cueur  de  Rostre-Dame  de  Paris.  »  (Journ.  de 
Paris,  sous  Charles  VI  et  Charles  VII,  p.  72.) 

VARIANTES  : 
APITER.  D.  Carpentier,  S.  Gl.  1.  du  Du  C.  au  mot  rielosiis. 
Apitèer.  Journ.  de  Paris,  sous  Charles  VI  et  Charles  Vil, 
p.  72. 
Apitoyer.  Colgrave,  Dict. 
Appitoïer.  Vigil.  de  Charles  VII,  p.  157. 
Appitoyer.  Monstrelet,  Vol.  III,  fol.  118,  V°. 

Aplaider,  verbe.  Obtenir,  ou  demander.  Il 
semble  que  dans  un  sens  analogue  à  celui  du  mol 
latin  placitum,  dont  on  a  formé  le  françois  plaiel, 
plaid,  aplaider  une  femme  à  un  homme,  signifioil 
lui  obtenir  une  femme  en  mariage,  la  demander 
pour  lui  à  des  conditions  qui  plaisent  aux  parties 
que  ce  mariage  intéresse. 

Ses  parages  par  force 

De  la  prison  d'Aniurs  renforce. 


Si  porchacent  tant  et  li  aident 
C'une  autre  feme  li  aplaidenl. 

l'rison  d'Amour,  MS.  de  Turin,  fol.  30,  V°  col.  1. 

Apleit,  sitbst.  mase.  Ilarnois.  Joug.  Filet  pour 
la  pèche.  On  croit  (\uap])lect,  ajiploil  ou  apleit  est 
un  mot  formé  du  latin  appiieitum,  comme  A'impli- 
citiim  s'est  formé  emploicte,  et  eiploict  û'expli- 
cituni;  que  dans  le  sens  étymologique,  il  signifie 
chose  pliée,  appliquée,  employée  a  certain  usage, 
et  que  relativement  à  cette  acception  générale,  on  a 
nommé  spécialement  apleit,  le  harnois  d'une  bête 
de  somme,  d'un  cheval  de  charrue,  etc.  »  Des  for- 
«  faitures  que  les  Sergans  prendront...  de  ce  qui 
«  sera  porté  à  somme,  auront  la  somme  et  les  bas 
«  etaplail,  aulrement  harnois.  »  (Ord.  T.  VI,  p.  228.) 


Un  jour  com  autrefoiz  li  païsant  ala 
A  l'ore  de  disner,  à  l'ostex  repaira; 
A  la  charue  apleiz,  soc  et  coutre  lessa. 

Rom.  deRou,  MS.  p.  51. 

Dans  la  Bresse,  on  nomme  encore  applis,  >>  les 
«  cordages  et  autres  choses  semblables  que  le  pro- 
«  priélaire  fournit  à  son  métayer,  lorsqu'il  entre 
«  dans  sa  terre.  »  (Laur.  Gl.  du  Dr.  fr.)  (Juelquefois 
V apleit  étoit  le  joug,  la  pièce  de  bois  traversant 
par-dessus  la  tête  des  bceufs  qu'on  attèle.  «  Icellui 
«  Messent  donna  d'un  applect  à  beufs  dont  on  lye 
«  ou  attelé  les  beufs.  »  (D.  Carpentier,  Suppl.  Gloss. 
lat.  de  Du  Cange,  au  mot  Aploidum;  tit.  de  1452.) 
La  signification  A' apleit,  filet  pour  la  pêche,  est 
encore  familière  aux  pêcheurs,  sur  les  côtes  de 
Normandie.  «  Comme  Jehan  Mignot  et  Jehan  Colin 
«  se  feussent  accompaigniez  pour  estre  à  un  [iroffit 

«  à  peschier, advinl  que  Yapploit  ou  harnois 

«  dudit  Colin  fut  plus  grevé.  »  (D.  Capentier,  iibi 
supra;  tit.  de  1379.  —  Colgrave,  Dict.) 

Aotre  opinion  sur  l'étymologie  de  ce  mot  et  sur 
l'analogie  des  acceptions  particulières ,  harnois, 
joug,  etc.  avec  l'acception  générale,  chose  pliée, 
appliquée,  employée  à  certain  usage,  paroit  au 
moins  vraisemblable,  \ovs,qu' applect^est  rapproché 
â'emploicle  et  cxploict.  [Voy.  Emploicte  et  Exploict.) 

VARIANTES  : 
APLEIT.  Rom.  de  Rou,  MS.  p.  51. 
Aplait.  Ord.  T.  VI,  p.  228. 
Apleiz  (plur.).  Rom.  de  Rou,  MS.  p.  51. 
Aplet.  Du  Cange,  Gloss.  lat.  au  mot  Aploidum. 
Applect.  D.  Carpentier,  S.  Gl.  1.  de  D.  C.  au  mot  Aploidum. 
Applis  (plur^.  Laur.  Gloss.  du  Dr.  fr. 
Apploit.  d.  Carpentier,  S.  Gl.  1.  de  D.  C.  au  mot  Aploidum. 

Apleitage,  mbst.  masc.  Lieu  où  des  vaisseaux 
abordent  pour  charger  ou  décharger  des  marchan- 
dises. 11  semble  que  la  signification  à'apleilage  est 
relative  à  celle  de  plaele  ou  plat  te,  en  latin  placta; 
soit  que  ce  mot  signifie  ballot,  marchandise  pliée 
en  ballot,  soit  qu'il  signifie  une  espèce  de  bateau 
plat,  un  vaisseau  de  transport,  ou  une  place  com- 
mode pour  l'embarquement,  ou  pour  le  débarque- 
ment. «  Si  a  une  pièce  de  lière  sor  le  Mueeze,  ù  on 
«  met  faissel,  se  l'apièle-on  apleitage....  Encor  i  a 
«  li  Cuens  sor  Meuze  une  pièche  de  terre,  c'on  apele 
>'  apleitage;  si  vaut  par  an  xx  sols.  »  (Reg.  de  la 
Ch.  des  Comptes  de  Lille.  —  Voyez  D.  Carpentier, 
Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du  Cange,  aux  mots  Placta, 
Placlata,  etc.) 

Aplenner,  verbe.  Venir  en  foule.  Signification 
analogue  h  celle  du  verbe  affouler  (Voy.  Affoiler.) 
qu'on  croit  être  dérivé  d'un  mot  dont  le  sens  est 
le  même  que  celui  de  l'adjectif  latin  pleniis,  en 
françois  plein,  d'où  le  verbe  aplenner. 

Tous  ensemble  el  cellier  aplcnnciit, 
Duquel  les  huis  verrouilliez  tennent. 

G.  Guiart,  MS.  fol.  80,  R'. 

Aplier,  verbe.  Plier.  (Voyez  Plier.)  Ce  verbe, 
composé,  de  même  origine  qu'aploier,  est  une 
preuve  que  le  verbe  simple  plier  n'est  pas  moins 
ancien  que  ploier  dans  notre  langue.  Au  figuré, 
s' aplier  signifioitse  plier  à  une  chose,  s'y  soumettre. 


AP 


—  24  - 


AP 


Sens  solais,  sens  déport, 

Me  fait  fine  amor  chanteir; 
Et  veult  ke  je  soutire  et  port 
Tous  mais,  sens  gueridoneir. 
Je  seux  sil  ke  s'i  np/;>. 

Clians.  fr.  MS.  Je  Berne,  n-  389,  part.  II,  fol.  il,  V'. 

Aploier,  verbe.  Appliquer.  Plier.  (Voy.  Ploier.) 
L'origine  de  ce  verbe  aploier  est  la  même  que  celle 
du  verbe  appliquer,  en  latin  applicare.  C'étoit  aussi 
la  même  signification,  lorsqu'on  disoit: 

Se  Diex  me  voie, 

Tiex  fet  semblent  qu'à  Dieu  s'aploie, 
Que  c'est  l'éve  qui  pas  ne  cort. 

FaW.  MS.  du  R.  n-  7615,  T.  I,  fol.  101,  R*  col.  1. 

Cil  qui  ne  quiert  esongne, 
Doit  bien  à  sa  besongne 
Soi  meisme  aploiicr. 

Prov.  du  Vilain,  MS.  de  Gaijnat,  fol.  276,  R"  col.  1. 

On  croit  que  dans  le  sens  étymologique,  i  aploier, 
s'apiiliquer,  c'est  se  faire  un  pli,  former  son  corps 
ou  son  esprit  ii  l'habitude  de  se  plier  à  certains 
mouvemens,  à  certaines  inclinations,  comme  une 
étoffe  se  plie  à  la  l'orme  ([u'on  veut  lui  faire  prendre. 
Au  reste,  s'aploier  signilloit  se  plier,  plier  le  corps 
en  signe  de  soumission  : 

Et  quant  on  escrie  monjoie, 
N'i  ot  llamen  qui  ne  s'apploie... 
Cis  molt  esniaia  les  llamens. 
Ph.  Mou^kes,  MS.  —  D.  Carpentier,  S.  Gl.  1.  de  Du  C.  au  mot  Àplegiare. 

Figurément,  se  plier,  plier  son  esprit,  sa  raison  à 
croire  une  chose,  ou  à  la  faire  :  «  Moult  est  granz 
«  merveille  cornent  li  humains  cuers  se  polt  onkes 
«  aploier  à...  croire  ke  Deus  fust  hom  et  ke  virgine 
«  permanust  cèle  k'enfant  avoitporteitetenfantèit.  » 
(S'  Bern.  Serm.  fr.  mss.  p.  81.) 

Bien  fait  à  desplaire, 
Puisk'elle  s'est  aploïe 
Del  tout  à  ma  faire. 

Clans,  fr.  MS.  de  Berne,  n'  389,  part,  il,  fol.  37,  V'. 

Dans  cet  autre  passage,  se  plier,  plier  sa  volonté 
au  désir  de  quelqu'un,  incliner  à  lui  faire  une  grâce. 

Je  vous  requier,  dist-èle,  Sire, 

C'a  ce  vous  voelliés  aploier 

Que  vous  me  voelliés  otroier,  etc. 

D.  Carpenlier,  Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du  Gange,  au  mot  Aplegiare. 

Enfin,  aploier  l'homme  aux  choses  raisonnables, 
c'étoit  plier  ses  passions  au  joug  de  la  raison  et  du 
devoir. 

Ma  Dame  est  tant  douce  à  regarder, 

Que  mauvetiés  ne  pouroit  demourer 

En  cuer  d'ome  qui  le  voie. 

Coument  donc  li  fausseroie, 

Qui  mieus  doit  s'onneur  garder. 

En  tant  qu'amours  m'i  aploic, 

Qui  fet  tant  vice  eschiver  et  redouter? 

Ane.  Poël.  fr.  MSS.  avant  1300,  T.  IV,  p.  1398. 

VARIANTES  : 
APLOIER.  S'  Bernard,  Serm.  fr.  MSS,  p.  81.  -  Fabl.  MS 
du  R.  n»  7989,  fol.  64,  V»  col.  2,  etc. 
Aploiier.  Prov.  du  Vilain,  MS.  de  Gaignat,  fol.  276,  R". 
Apploier.  D.  Carpentier,  S.  Gl.  1.  de  D.  C.  au  mot  Apleyian'. 

Aplomber  (s'),  verbe.  Tomber  à  plomb.  Tomber 
perpendiculairement.  (Cotgrave  et  Oudin,  Dict.  — 
Voy.  Plomber  ci-après.) 


Aplommer,  verbe.  Etre  amassé,  s'amasser. 
Tomber  en  masse.  Etre  assommant,  accablant.  Etre 
accablé,  accabler  de  sommeil.  Enduire,  revêtir  de 
plomb.  Il  est  évident  que  par  une  comparaison  tirée 
des  effets  de  la  pesanteur  d'une  masse  de  plornb,  le 
verbe  aplommer,  de  même  origine  qu'aplomher.  a 
signifié  1°  s'amasser  pour  tomber  sur  un  ennemi  et 
l'accabler. 

Endroit  ceus  qui  viennent  serre?. 
Et  armez  d'armeures  chiéres. 
En  a  es  chans  deux  granz  et  fières. 
Où  grant  flo  de  flamens  aplomme. 

G.  Guiarl,  MS.  fol.  264,  V'. 

2°  Tomber  en  grande  quantité,  et  pour  ainsi  dire 
en  masse  : 

La  gresle  ne  verrez  jà 

Si  dru,  com  sajettes  et  dars 

Aplonincrciit  de  toutes  pars. 

G.  Macliaut.  MS.  fol.  220,  V  col.  3. 

3°  Etre  assommant  par  son  poids,  être  accablant  : 

Noslre  fais  apoise  et  aplomme. 

Miserere  du  Recl.  de  Molicns.  MS.  de  Gaignaf .  fol.  203,  V"  col.  1. 

4°  Etre  accablé,  accabler  de  sommeil.  Le  verbe 
aplommer  en  ce  sens  étoit  neutre  et  actif,  et  l'on 
disoit  aplommer  de  sommeil,  ou  tout  simplement 
applommer.  (Voy.  Borel,  Cotgrave,  Oudin,  Rob. 
Estienne,  Nicot  et  Monet,  Dict.) 

Je  n'ose 

Parler  haut  ;  je  croy  qu'il  repose. 
Il  est  un  petit  aplomme. 
Hélas?  il  est  si  assomé,  etc. 

Farce  de  Pathelin,  p.  36. 

On  voit  que  les  acceptions  figurées  d'aplommer 
ont  précédé  dans  notre  ancienne  langue,  l'acception 
propre  enduire,  revêtir  de  plomb.  On  ne  trouve 
applommer  en  ce  sens  que  dans  Monet,  Dict.  (Voy. 
Plommer  ci-après.) 

VARIANTES  : 
APLOMMER.  G.  Guiart,  fol.  264.  -  Farce  de  Pathelin,  p.  36. 
Aplomer.  Borel,  Dict. 

Aplonmer.  g.  Machaut,  JIS.  fol.  220,  V°  col.  3. 
Applomer.  Oudin,  Dict. 
Applommer.  Cotgr.  Rob.  Estienne,  Nicot  et  Monet,  Dict. 

Apluvoir,  verbe.  Tomber  du  ciel  en  pluie.  Tom- 
ber comme  une  pluie.  Affluer,  abonder.  (Voy. 
Pllvoir.)  Le  verbe  latin  appluere,en  (rançois  apleu- 
voir,  semble  avoir  été  formé  à  l'imitation  d'fl/'//îier(?, 
pour  peindre  la  fluidité  des  nuages  qui  tombent  en 
pluie,  la  fluidité  de  l'eau  qui  tombe  du  ciel.  C'est  la 
signification  û'apleiivoir  dans  ces  vers  : 

Salemons  qui  bien  fait  à  croire, 
Il  conmenda  son  flU  à  boire 
L'yaue  qui  de  son  puis  venist  ; 
Et  avoec,  à  ce  se  tenist. 
Que  entresait  (1)  l'yaue  beust, 
Qui  en  sa  citerne  aplcusl. 

Alars  de  Canibray,  MS.  de  Gaignat,  fol.  144.  R*  col.  1  et  2. 

Par  un  abus  semblable  à  celui  que  nous  faisons 
de  l'expression  propre  tomber  du  ciel  ou  des  nues, 
le  verbe  apleuvoir  signifioit  paroitre  dans  un  lieu, 
y  arriver  sans  être  connu  ni  attendu. 

....  Lor  est  puis  apleuz 
Un  Chevaliers  qui  fu  perduz. 

Farton.  de  Blois.  MS.  de  S.  Gêna.  fol.  133.  R-  col.  3. 


(1)  de  suite,  sur-le-champ  ;  en  provençal,  atrasag.  (N.  E.) 


AP 


—  25  — 


AP 


Les  nuages  pluvieux  qui  flottent  dans  l'air,  sont 
une  image  naturelle  des  flots  qui,  lorsque  la  mer 
monte,  s'élèvent  et  retombent  en  pluie  sur  le  rivage 
où  ils  se  brisent.  De  là,  on  aura  désigné  le  flux  de 
la  mer,  en  disant  que  la  mer  ou  le  flot  apleul. 

.  .  .  Est,  pour  peur  de  marée, 
Chascune  aus  deux  bouz  aancrée  ; 
Si  que  flot  qui  doie  aploitvoir, 
Ne  les  a  povoir  de  movoir. 

G.  Guiart,MS.  fol.  312,  R-. 
Passèrent  couart  et  liardi,... 
Tout  droit  la  seconde  semaine 
De  Juignet,  outre  la  rivière 
Dont  ge  vous  ai  parlé  derrière, 
Où  la  mer  estoit  apleue. 

Id.  fol.  283,  R-. 

C'est  encore  relativement  à  l'idée  d'une  pluie  qui 
tombe  en  abondance,  qn'apleuvoir  signifioit  les 
flots,  l'affluence  du  monde  qui  abonde  dans  un  lieu, 
en  y  tombant  comme  la  pluie,  •■  Cume  Absalon  fist 
«  le  sacrelise,  ces  ki  od  lui  furent  firent  cunjureisun 
«  encuntre  David,  e  li  poplesapluveitde  tûtes  parz, 
«  e  fud  e  se  teneit  od  Absalon.  »  (Livres  des  Rois, 
Ms.  des  Cordel.  fol.  59,  R°  col.  2.) 

Li  villains  des  villes  aplovoient. 

Rom.  de  Rou,  MS.  p.  319. 

Ileuc  viennent,  ileuc  apleuvent ; 
Depuis  vers  S'  Orner  s'esmeuvent. 

G.  Guiart,  MS.  fol.  27i.  R'. 

Il  semble  que  dans  les  vers  suivans  on  ait  écrit 
aparleuvent  à  cause  de  la  mesure. 

Mansiaus,  Berruiers,  Orlenois 

A  granz  compaignies  aparleuvent  ; 

Les  oz  Loys  de  Chinon  meuvent. 

Id.  fol.  Hi,  R'. 

VARIANTES  : 
APLUVOIR.  Livres  des  Rois,  MS.  des  Cordel.  fol.  59. 
Aparlkuvoih.  g.  Guiart,  MS.  fol.  114,  R°. 
Aj>leuvoir.  Id.  fol.  65,  R». 

Aplovoir.  Ch.  S'  Denys,  Rec.  des  H.  de  Fr.  T.  VII,  p.  127. 
APLOuvoiR.  G.  Guiart,  MS.  fol.  312,  R».  -  J.  Le  Febvre  de 
S'  Remy,  Hist.  de  Charles  VI,  p.  98. 

Apocalipse,  suhst.  fém.  Apocalypse.  On  jugera 
sans  doute  qu'Adam  de  Cambray,  Premier  Président 
du  Parlement  de  Paris,  ne  respéctoit  pas  assez  l'au- 
teur mystérieux  de  VApocalijpse,  lorsque  pour  dési- 
gner ces  Jurisconsultes  ignorans  et  décisifs,  à  qui 
l'origine  obscure  des  Droits  coutumiers  et  de  nos 
anciens  usages  semble  avoir  été  révélée,  il  disoit 
«  avoir  veu  que  gens  coustumiers  et  non  clercs,  en 
«  parloient  comme  S' Jehan  de  l'Apocalipse.  »  (Voy. 
D.  Carpentier,  Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du  Cange,  au 
mot  Apocalijpsis.)  Rabelais  paroit  avoir  abuse  de  la 
même  comparaison,  en  dé\]gur3inl\e  mol  Apocalipse. 
Le  Frère  Jean  des  Entommeures,  supposant  que 
Gymnaste  parle  de  ce  qu'il  n'entend  pas,  de  ce  qu'il 
ignore,  lui  dit  :  «  Voire,  voire,  vous  en  parlez 
«  comme  Sainct  Jean  de  la  Palisse.  -  (Habelais, 
T.  IV,  p.  7i  et  75.)  On  croit  que  la  Palisse  est  l'allé- 
ration  du  mot  Apocalipse,  ou  Apocalice,  précédé  de 
l'article.  11  est  possible  qu'on  ait  écrit  apocalice; 
mais  cette  orthographe  citée  par  Le  Duchat  {ubi 
supra,  note  9),  ne  se  trouve  point  dans  Froissart 
(Vol.  II,  chap.  cLNxin,édil.  de  Le  Sauvage.)  C'est  pro- 


bablement  au  chap.  axxm  du  Vol.  Il  d'une  édition 
peu  connue  que  renvoie  la  note  de  Le  Duchat. 

L'auteur  du  Roman  de  la  Rose,  après  avoir  per- 
sonnifié V Abstinence-contrainte  ,  la  compare  au 
cheval  de  V Apocalipse,  au  pallidus  equus  qui  dans 
V Apocalypse  porte  la  mort. 

Tantost  Abstinence-contrainte 
Vest  une  robe  cameline 
Et  s'aourne  comme  béguyne... 
De  belle  taille  est  à  devys; 
Mais  ung  pou  fut  pale  de  vis  ; 
Et  ressarabloit  la  pute  lice 
Le  cheval  de  l'Apocalipse 
Qui  signifie  la  gent  maie 
D'ypocrisie  taincte  et  pale  ; 
Car  ce  cheval  sur  soy  ne  porte 
Nulle  couleur  fors  paie  et  morte. 

Rom.  de  la  Rose,  vers  12169-1Î797. 

VARIANTES  : 
AP0C.4.L1PSE.  Rom.  de  la  Rose,  vers  12793. 
Apocalice.  Rabelais,  T.  IV,  p.  74,  note  9. 

Apodixie,  siibst.  (cm.  Démonstration,  explica- 
tion. On  croit  que  le  mot  françois  apodixie  est  une 
altération  du  mot  grec  dniâiqiç,  et  que  Y  Apodixie 
pour  la  Messe,  ouvrage  de  Barthélémy  du  Poix,  ou 
de  Beau-Poix,  auteur  du  \\i'  siècle,  étoil  la  démons- 
tration de  quelque  vérité  relative  au  sacrifice  de  la 
Messe,  ou  l'explication  des  cérémonies  qu'on  y 
observe.  (Voy.  }>a  Croix  du  Maine,  Biblioth.  p.  33.) 
L'adjectif  apodictique,  terme  didactique,  de  même 
origine  qu'apodixie,  signifie  encore  évident,  dé- 
monstratif. 

Apodytère,  subst.  maso.  Lieu  où  l'on  se  dévêt, 
où  l'on  se  déshabille.  En  grec  dnoâvrijQioy.  (Voy. 
Monet,  Dict.) 

Apoigner,  verbe.  Prendre  avec  le  poing.  Pren- 
dre une  chose  et  la  tenir  en  fermant  la  main,  en 
serrant  le  poing.  «  Bourdon  apoigna  ledit  coustel  ; 
«  mais  ledit  Piene  lira  si  fort  que  il  lui  trancha  les 
«  mains.  »  {D.  Carpentier,  ubi  supra;  tit.  de  1374. 

—  Voy.  Empoigner.)  On  soupçonne  que  ce  même  pré- 
térit apoigna,  dans  un  autre  titre  de  1389,  est  moins 
le  prétérit  d'apoigner,  que  celui  du  verbe  apoindre, 
prendre  en  piquant  avec  la  pointe  d'un  couteau, 
d'une  fourchette,  etc.  «  Joudon  appoigna  dudit 
«  poulet  en  l'escuèle.  »  (D.  Car penûer,  ubi  supi-a. 

—  Voy.  Apoindre  ci-dessous.) 

VARIANTES  : 
APOIGNER.  D.  Carpent.  S.  Gl.  1.  de  Du  C.  au  mot  Arpagare. 
Appoigner.  Id.  ibid.  tit.  de  1389. 

Apoindre,  verbe.  Piquer,  coudre.  Piquer,  don- 
ner des  éperons.  Venir  en  piquant  des  deux.  (Voy. 
Poindre.)  Le  premier  sens  est  coudre,  attacher  une 
chose  à  une  autre,  en  les  piquant,  en  y  faisant  des 
points.  On  lit  qu'au  moment  où  Adam  et  Eve  rougi- 
rent de  leur  nudité, 

Por  lor  humanité  repoindre, 
Conmenchièrent  lors  à  apoindre, 
Et  à  noer  et  à  lyer 
Ensole  fuelhes  de  figier. 

Les  IV  filles  le  Roy,  MS.  de  Turin,  fol.  39,  R'  col.  t. 


AP 


26  — 


AP 


Dans  le  second  sens,  on  disoit  : 

Garins  li  Dus  vint  apoignant  ; 
Tint  une  lance  à  fier  trençant. 

Ph.  Mouskcs,  MS.  p.  191. 

Apoingnant  vint  ;  à  haute  vois  s'escrie  : 
Rois  Anseis,  li  miens  cors  te  défie. 

Anscis,  MS.  fol.  30,  V  col. 2. 

De  là,  le  verbe  apoindre  signifioit  piquer  droit  à 
un  adversaire,  pour  le  comballre,  pour  le  vaincre; 
venir  à  lui  eu  piquant  des  deux,  en  poussant  un 
cheval  à  sa  rencontre.  «  Si  laissa  courre  Agravain 
"  qui  aussi  luy  apoignoit.  Hz  s'entrefièrent  des 
0  glayves,  si  qu'ilz  en  font  voiler  les  esclatz.  » 
(Lanc.  du  Lac,  ï.  II,  fol.  70,  V-  col.  1.) 

Normanz  comparurent  ; 

D'un  pendant  (1)  sortent  où  il  furent... 
Li  Roiz  lierait  de  loing  les  vist  ; 
Guert  apela,  si  li  a  dit  :... 
II  apoitujnent  à  nos  C(jnquerre,  etc. 

Rom.  de  Rou,  MS.  p.  395. 

Il  paroit  assez  naturel  que  dans  un  temps  où  la 
Noblesse  combattoit  ordinairement  à  cheval,  on  ait 
désigné  un  ennemi  qui  venoitdansun  pays  pour  en 
faire  la  conquête,  en  disant  qu'il  apoingnoit  à  le 
conquérir.  Au  reste,  apoindre  d'un  lieu  à  un  autre, 
c'étoit  venir  d'un  lieu  à  un  autre,  en  piquant  des 
deux,  en  poussant  son  cheval,  en  lui  appliquant  aux 
flancs  les  pointes  des  éperons. 

A  tant,  ez  le  Barnage  qui  apoingnoit  detriés, 
L'Empereres  devant,  qui  s'estoit  avanciés. 

Guiteclin  de  Sassoigne,  MS.  de  Gaignal,  fol.  248,  R"  col.  i. 

Cil  vindrent  volentiers,  n'i  a  cil  qui  n'i  apoingne  ; 
Nul  n'i  requiert  respit,  ni  terme,  ni  aloingne. 

Rom.  de  Rou,  MS.  p.  41. 

Apoingnant,  participe.  Piquant,  donnant  des 
éperons.  Telle  étoil  la  signification  de  ce  participe, 
formé  d'après  l'ancienne  conjugaison  du  verbe 
apoindre,  lorsqu'on  disoit  venir  apoignant,  s'en 
venir  appoignant.  (Ph.  Mouskes,  ms.  p.  191.  — 
Percef.  \ol.  1,  fol.  153.  —  Voy.  Poingnant.) 

VARIANTES  : 
APOINGNANT.  Anseis,  MS.  fol.  30,  V°  col.  2. 
Apoignant.  Ph.  Mouskes,  MS.  p.  191. 
Appoignant.  Percef.  Vol.  I,  fol.  153,  V»  col.  I. 

Apoiser,  verbe.  Peser;  être  pesant,  fâcheux. 
Fâcher.  Rendre  pesant,  appesantir.  Il  est  probable 
que  l'orlhographe  apeser  n'a  d'autre  cause  que  la 
prononciation  vicieuse  de  la  diphthongue  oi  dans 
apoiser  ('2).  (Voy.  Apeser.)  La  préposition  initiale  du 
verbe  composé  apoiser,  désignoit  un  rapport  idéal, 
lorsqu'on  disoit  : 

Nostre  fais  apoise  et  aplomme. 

Recl.  de  Moliens,  MS.  de  Gaignal,  fol.  S03,  V  col.  1. 

Un  de  nos  anciens  Poètes,  qu'une  femme  avoit 
plaisanté  sur  son  âge,  observoit  malignement  qu'il 
y  avoit  longtemps  qu'elle  étoit  belle,  et  que  la 
durée  de  sa  beauté  en  étoit  nécessairement  la  déca- 
dence. Il  croyoit  le  prouver  en  disant  : 


Cou  c'on  a  tant  porté 
Tost  chiet,  k'adès  apoise. 

Ane.  Poêt.  Fr.  MSS.  ayant  1300,  T.  m,  p.  H5J. 

La  préposition  initiale  de  ce  même  verbe  apoiser, 
peser  sur  un  corps,  étoit  absolument  inutile,  lorsque 
dans  le  sens  de  poiser,  peser  en  appuyant,  on  disoit 
apoiser  sur,  etc. 

Si  l'adoise  (3) 

A  l'esperon,  et  pas  n'apoise 
Sore  celui  ;  si  resvoilla. 

Rom.  de  Perceval,  MS.  de  Cerne,  n"  354,  fol.  262,  R"  col.  2. 

C'est  dans  un  sens  analogue  à  celui  de  notre 
verbe  peser,  être  fâcheux,  qu'on  disoit  figurément: 

Ce  sachez,  dur  m'en  poise  : 

Mais  dictes-moy  comment  le  fait  apoine. 

Percef.  Vol.  V.  fol.  112.  V  col.  2. 

On  comparoit  et  l'on  compare  encore  en  ce  sens 
une  chose  fâcheuse,  à  un  poids  sous  lequel  on 
souffre. 

Quelquefois  le  verbe  apoiser,  comme  aparîer, 
aparoler,  etc.  étoit  actif  par  la  force  de  la  préposi- 
tion initiale,  et  signifioit  fâcher,  faire  une  chose 
qui  poise  ou  pèse  à  quelqu'un,  qui  lui  est  fâcheuse. 
(Voy.  Peser  et  Poiser  ci-après.) 

Mors  apoise  les  envoisiés  (4). 

Poème  de  la  Morl,  MS.  de  Berne,  n'  H3,  fol.  199,  V»  col.  3. 

Dans  la  signification  de  rendre  pesant,  appesan- 
tir, on  a  dit  en  parlant  de  Dieu  :  «  Si  apoeset  sor 
«  noz  toz  sa  main  ;  car  nos  péchâmes tuit  en  Adam.  » 
(S'  Bern.  Serin,  fr.  ms.  p.  5.  —  Voy.  Apeser.) 

VARIANTES    : 
APOISER.  Ane.  Poët.  Fr.  MSS.  avant  1300,  T.  III,  p.  1I5I.  - 
Rom.  de  Perceval,  MS.  de  Berne,  n»  354,  fol.  262. 
Apoeser.  S'  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  5. 

Apollien,  adj.  Qui  appartient  à  Apollon.  Adorer 
dans  sa  maîtresse  la  grâce  d'Apollon  réunie  à  la 
gravité  de  Pallas,  est  une  galanterie  d'un  Poêle  du 
xvr  siècle. 

Si  je  veux  veoir  quelque  perfection  ; 
Je  veoi  en  toy  la  grâce  Appollienne, 
La  gravité  plus  que  Palladienne, 
Où  gist  l'espoir  de  mon  intention. 

Poês.  de  Lojs  le  Caron,  fol.  13,  V-. 

Apollin  (5),  subst.  masc.  et  adj.  Apollon.  Faux 
Dieu  ;  Faux  Prophète.  Qui  appartient  à  Apollon, 
L'imagination  de  nos  anciens  Poètes,  affectée  du 
spectacle  des  Cours  qu'ils  fréquentoient,  semble 
n'avoir  voyagé  en  Enfer  que  pour  y  voir  des  fêtes 
et  des  tournois,  où  les  faux  Dieux  et  les  faux  Pro- 
phètes, tels  qu'Apollon  et  Mahomet,  s'ébattoient 
avec  les  Diables.  Un  de  ces  Poètes,  feignant  d'arri- 
ver avec  des  nouvelles  de  la  Cour  infernale,  dit  en 
s'écriant  : 

Ha  liai  !  ha  hai  !  je  suis  venus. 
Salus  vous  mande  Behebus, 
Et  Jupiter  et  Apollin. 
Je  vieng  d'Enfer  le  droit  chemin  ; 
Novèles  conter  vous  en  sai... 
A  mengier  oi  à  grant  plenté... 


(1)  terrain  en  pente.  —  (2)  Le  premier  e  de  pensare,  après  la  chute  de  n,  a  donné  régulièrement  poiser  :  on  s'explique 
plus  difficilement  que  ii  soit  resté  dans  penser,  venu  du  même  mot  latin  appliqué  à  une  opération  intellectuelle,  (n.  e.)  — 
(3)  ou  ucleise;  touche;  vient  à'adeser,  fait  peut-être  sur  adhœsum.  (N.  E.)  —  (4)  ceux  qui  se  divertissent.  —  (.5)  Ce  mot  se 
trouve  déjà  dans  la  Chanson  de  Roland  :  «  Mahummet  sert  e  Apollin  recleimet  (v.  8).  »  (N.  E.) 


AP 


-  27  — 


AP 


J'aporte  d'Enfer  grant  pardon 
De  Tervagan  et  de  Mahom,  etc. 

Fabl.  MS.  du  R.  n-  7-21S,  fol.  242,  R'  col.  2,  et  V'  col.  1. 

On  lit  ailleurs  qu'au  Tornoiement-Anleclirist  : 

Vint  Jupiter 

Et  tuit  li  bon  Baron  d'Enfer, 
Dont  il  i  ot  dix  mille  et  plus. 
Jupiter  avec  Saturnus 
Chevauche,  et  Apolin  le  preu,  etc. 

Fabl.  MSS.  du  R.  n'  7615,  T.  U,  fol.  189,  V-  col.  1. 

Ce  nom  propre  à'Apollin  étoit,  par  une  espèce 
d'antonomase,  un  nom  commun  aux  faux  Dieux, 
même  aux  faux  Prophètes.  Pour  nos  Poètes  et 
Romanciers  du  temps  des  Croisades ,  croire  à  un 
Dieu  tel  qu'Apollon,  ou  à  un  Prophète  tel  que  Maho- 
met, c'étoit  une  même  chose.  Aussi  nommoienl-ils 
Gent-Apollin,  toute  nation  ennemie  du  Christia- 
nisme, soit  Payenne,  soit  Mahométane.  On  pourroit 
imaginer  qn' Apollin  dans  celte  expression  est  adjec- 
tif, si  l'on  ignoroit  que  dans  notre  ancienne  langue, 
la  suppression  de  la  préposition  relative  de  étoil 
très-ordinaire. 

Moult  ot  en  Rorame  cèle  nuit  grant  hustin, 
Au  deslogier  de  la  gent  Apolin. 
A  l'ajorner,  quant  la  nuit  ot  pris  fin, 
Erent  monté  Païen  et  Sarrazin. 

Enfance  d'Ogier  le  Danois,  MS.  de  Gaijnal,  fol.  100,  R*  col.  2. 

Dans  un  autre  Roman,  le  fils  d'un  Roi  Sarrazin 
annonce  sa  conversion  et  celle  de  ses  sujets ,  en 
disant  : 

Ci  guerpisson  tuit  Apolin, 
Et  Mahomet  et  Tervagant  : 
Ne  pueent  faire  home  garant. 
Jà  croi-ge  bien  el  Creator 
Qui  du  siècle  est  justiseor. 

Blanchandin,  MS.  de  S.  Germ.  fol.  186.  V"  col.  1. 

Ailleurs,  jurer  son  Apollin,  c'est  jurer  au  nom  de 
ses  faux  Dieux  ou  de  ses  faux  Prophètes. 

Li  Soudans  vient  parmi  la  presse, 
"   Haut  tient  l'escu,  la  lance  bes^e  : 
Si  a  juré  son  Apolin,  etc. 

l'arlon.  de  Blois,  MS.  de  S.  Germ.  fol.  156.  V'  col.  2. 

Il  a  plu  à  un  Poète  du  xvr  siècle,  de  faire  Apollin 
adjectif  de  même  signification  qu'/lj^oZ/ïe»,  dans  ces 
vers  où,  dédaignant  le  laurier  d'Apollon,  il  offense 
les  Muses  pour  flatter  sa  maîtresse: 

Je  ne  fay  point  aux  Muses  révérence 
Pour  m'enrichir  du  laurier  Apollin  ; 
J'admire  plus  d'une  toille  de  lin 
Les  blancz  mouchoirs  cantillez  d'espérance. 

Poès.  de  Loys  le  Caron,  fol.  14,  R°. 

VAR1.\NTES    : 
APOLLIN.  Fabl.  MS.  du  R.  n°  7218,  fol.  242,  R»  col.  2.  - 
Poës  de  Loys  le  Caron,  fol.  14,  R". 
Apolin.  Enfance  d'Ogier  le  Danois,  MS  de  G.  fol.  106,  V». 
Appollin.  g.  Machaut,  Prise  d'Alexandrie,  MS.  fol.  226. 

Apollinaire,  adj.  et  subst.  Qui  appartient  à 
Apollon.  Espèce  de  plante,  hanebane,  jusquiame.  Il 
est  vraisemblable  que  dans  un  recueil  d'Epithètes, 
tel  que  celui  de  M.  de  la  Porte,  auteur  du  xvr  siècle, 
la  peur  apollinaire  est  la  fleur  du  laurier,  arbre 
consacré  h  Apollon,  le  Dieu  des  Sciences.  (Voyez 
Apollin  et  Apollinee.)  Le  Dieu  des  Sciences  étoit  le 
Dieu  de  la  Médecine.  De  là,  on  aura  nommé  apol- 


//)w/?'^,  la  jusquiame,  spécialement  celle  dont  la 
fleur  et  la  graine  sont  blanches,  et  qui  au  témoi- 
gnage de  Galien  est  très-bonne  en  Médecine.  Il  la 
distingue  de  deux  autres  espèces  de  jusquiame  que 
l'expérience  a  reconnues  pour  être  d'un  usage 
dangereux  La  graine  de  l'une  est  noire,  et  celle  de 
l'autre  est  roussàtre.  C'est  en  sous-entendant  le 
substantif  plante  ou  herbe,  en  latin  herha  ou  planta, 
que  l'adjectif  (T/;o///Hfl/rc,  en  latin  apollinaris,  a  si- 
gnifié seul  hanebane,  jusquiame.  {Voy.  Cotgr.  Dict.) 
Apollinée,  adj.  fém.  Qui  appartient  à  Apollon. 
La  fleur  apollinée  est  sans  doute  la  même  que  la 
fleur  apollinaire.  (Epilh.  de  M.  de  la  Porte.  —  Voy. 
Apollinaire  ci-dessus.) 

Apolloniseï*,  verbe.  Versifier  comme  Apollon. 
En  général  versifier.  On  lit  dans  la  Muse  historique 
de  Loret,  qu'Apollon,  sensible  ù  la  mort  de  Charles 
Deys,  Poète  du  xyu-  siècle,  en  avoil  bien  grondé  : 

Car  il  aimoit  ce  galant  homme 

Plus  qu'un  Normand  n'aime  la  pomme  ; 

D'autant  qu'en  son  art  studieux 

Il  apollonisoit  des  mieux. 

Goujct,  Biblioih.  Fr.  T.  X\l,  p.  291. 

Apologème,  subst.  mase.  Apologie.  Du  verbe 
grec  dTToXoyéofiae,  loquor  pro  alicujus  defensione,  a 
été  formé  le  substantif  apologème,  de  même  signi- 
fication qu'apologie,  en  grec  dnoXoyia.  On  a  imprimé 
en  1577,  V  Apologème  de  Guillaume  Paquelin,  pour 
le  grand  Homère,  contre  la  repréhension  du  divin 
Platon.  (Voy.  Du  Verdier,  Biblioth.  p.  500.) 

Apologiqne,  adj.  Apologétique.  On  ne  voit  pas 
trop  pourquoi  ce  mol  apologétique  a  été  substitué 
à  l'adjectif  apolor/iquc,  formé  si  naturellement  du 
substantif  apologie.  Charles  Fontaine,  auteur  du 
XVI'  siècle,  vanloît  l'utilité  des  préfaces  apologiques, 
et  croyoit  en  prouver  la  nécessité  par  celle  de 
François  Aretin  «  sur  la  translation  des  grecques 
«  epistresde  Phalaris.  »  (Voyez  Quintil.  censeur, 
pages  227  el  228.) 

Apoltronner  (s'),  verbe.  S'accoutumer  à  la 
paresse.  On  observera  que  le  mot  italien  poltrone, 
francisé  par  nos  Auteurs  du  xvr  siècle,  a  pu  se 
former  de /JoZiro,  autre  mot  dont  la  signification 
vuls;aire  et  analogue  à  celle  de  fallemand  polster^ 
oreiller,  lit,  coussin,  couche ,  est  attestée  par  des 
Etymologistes  Italiens  et  par  le  Dict.  ilal.  fr.  d'Ou- 
din.  Il  esl  possible  que  relativement  à  celte  étymo- 
logie,  le  verbe  latin  pultronizare  ou  poltronizare, 
d'orio'ine  italienne,  ait  signifié  dans  une  bulle  du 
Pape'^Jean  XXII,  datée del'an  1317,  «  vilampinguem 
»  volvere  cum  liberlate  et  sine  labore  deditus 
«  somnc,  et  vagalioni  continuée.  »  (Du  Gange,  Gloss. 
lai.  T.  V,  col.  978  )  Cette  définition  du  verbe  latin 
poltroni'Mre,  seroit  par  la  même  raison  celle  du 
verbe  françois  s  apoltronner,  proprement  s'accou- 
tumer au  lit(I),  y  faire  le  paresseux;  de  là,  s'accoutu- 
mer  à  la  paresse,  par  conséquent  à  l'oubli  de  ses 
devoirs.  On  a  dit  en  ce  sens  que  s'appoiltronner 


(1)  On  trouve  encore  en  portuguais  poUrona,  grand  fauteuil,  en  italien  boldrone,  couverture  de  lit.  (N.  E.) 


AP 


—  28  - 


AP 


autour  d'une  femme,  cétoit  «  pour  elle  contaminer 
«  celle  unicque  et  suprême  affection  que  doibt 
.  l'homme  à  Dieu  ;  laisser  les  offices  qu'il  doibt 
«  naturellement  à  sa  patrie,  à  la  république,  à  ses 

•  amis;  mettre  en  nonclialloir  ses  estudes  et  né- 

•  goces  pour  continuellement  à  sa  femme  com- 
«  plaire.  »  (Rabelais,  T.  111,  p.  191.)  Un  chien  de 
chasse  accoutumé  à  la  paresse  par  le  défaut  d'exer- 
cice, étoit  un  chien  apollronné.  ••  Les  chiens,  pour 

«  s'estre  apoltroiinez  et  rendus  trop  gras, 

«  perdent  le  sentiment.  »  (Fouilloux,  Vénerie,  fol. 
124,  R°.  —  Voy.  Apoltron.mr  ci-dessous.) 

VARIANTES    " 

APOLTRONNER  (S').  Fouilloux,  Vén.  fol.  124,  R». 
Apoitronner  (s').  Cotgrave,  Dict. 
Appoiltronner  (s').  Rabelais,  T.  III,  p.  191. 

Apoltronnir,  verbe.  Accoutumer  k  la  paresse, 
rendre  lâche,  énerver.  Etre  accoutumé  à  la  paresse, 
devenir  lâche,  s'énerver.  On  a  indiqué  quelle  pou- 
voit  être  l'oriyine  de  ces  significations  figurées  du 
verbe  apoltronnir.  (Voy.  Afoltronner.)  Il  étoit  actif 
au  premier  sens  :  «  Toute  gourmandise,  yvrongne- 
«  rie,  paillardise,  et  toute  volupté  infâme  .  .  .  apol- 
"  tronit  et  relâche  le  soldat.  «  (Sagesse  de  Charron, 
p.  441.)  Il  Le  mariage  .  .  .  apoltronit  ou  accroupit 

•  les  bons  et  grands  esprits.  ••  (Id.  ibid.  p.  179.  — 
Voy.  Appaillardir  ci-dessous.)  Il  semble  qu'apol- 
tronni  soit  neutre,  lorsqu'on  disoit  : 

.  .  .  J'ayme  mieux  oysif,  me  sauvant  de  l'envie, 
Traîner  apoltroni  le  reste  de  ma  vie. 

(Euv.  de  Baif.  Epil.  au  Roy,  p.  U. 

En  s' accoutumant  à  la  paresse,  on  devient  lâche. 
De  là,  ce  verbe  a  signifié  devenir  lâche.  (Voy.  Oudin. 
Dict.)  Un  Prince  «  appollronni  à  des  occupations 
«  lasclies  et  vaines,  étoit  un  Prince  énervé  et  devenu 
«  lâche  par  l'habitude  d'une  vie  paresseuse  et 
«  inutile.  Il  n'est  rien  qui  puisse  si  justement 
«  dégoûter  un  sujet  de  se  mettre  en  peine  et  en 
«  hazard  pour  le  service  de  son  Prince ,  que  de  le 
«  voir  appoltronnij  cependant  luy-mesme  à  des 
«  occupations  lasches  et  vaines.  »  (Essais  de  Mon- 
taigne, T.  II,  p.  G28.  —  Voy.  Apoltrowiser.) 

On  terminera  cet  article,  en  remarquant  que  les 
opinions  varient  sur  l'origine  de  poltron,  apoltron- 
nir, etc.  Saumaise,  et  après  lui  Savaron ,  Lindem- 
brog,  Bourdelot,  Vossius,  la  font  remonter  à  une 
loi  de  Valentinien  et  Valens,  contre  les  soldats  qui 
s'exemptoient  lâchement  du  service  militaire,  en  se 
coupant  le  pouce  ;  et  croient  que  poltron  est  formé 
de  poUice  truncus.W  &emh\e  qu'on  ait  eu  en  vue 
cette  étymologie  plus  érudite  que  vraisemblable , 
lorsqu'on  a  dit  qu'en  termes  de  Fauconnerie,  apol- 
tronnir un  oiseau  c'étoit  le  rendre  lâche ,  en  lui 
coupant  les  ongles  des  pouces,  qui  sont  les  doigts 
de  derrière.  (Dict.  de  Trévoux.  —  Voy.  Poltron.) 

VARIANTES  : 
APOLTRONNIR.  Oudin,  Dict.  -  Dict.  de  Trévoux. 
Apoltronir.  Sagesse  de  Charron,  p.  411,  576,  etc. 
Appoltronnir.  Essais  ie  Montaigne,  T.  II,  p.  6'28. 


Apoltronniser,  verbe.  Rendre  poltron,  rendre 
lâche.  Signification  figurée,  de  même  origine  que 
celle  du  verbe  apoltronnir.  Mont-Bourcher  pensoit 
que  «  le  moyen  de  rendre  le  François  vaillant , 
»  comme  son  naturel  l'y  porte  assez,  s'il  n'avoit 
«  esté  flyjoZ/ronH /se  d'ailleurs,  étoit  de  rétablir  le 
»  gage  de  bataille  en  champ  clos,  de  prescrire  des 
«  lois  au  duel,  et  d'interdire  l'usage  des  pistolets  de 
«  poche,  des  poignards  et  autres  armes  traîtresses 
•<  avec  lesquelles  les  plus  gens  de  bien  et  coura- 
«  geux  ....  seront  tousjôurs  malmenez  par  les 
«  poltrons.  »  (Mont-Bourcher,  des  Gages  de  Bataille, 
fol.  23,  R°  et  V°.  —  Voy.  Apoltronnir  ci-dessus.) 

Apoure  (s'),  verbe.  Se  disposer.  C'est  proba- 
blement d'après  l'infinitif  aponre  ou  apondre,  formé 
du  latin  apponere  (comme  de  reponere  s'est  formé 
répondre  ou  réponre)  qu'on  a  dit  figurément  : 

Joie  aurai;  mes  ne  sai  dont  (1), 
Se  à  merci  ma  Dame  ne  s'nponf. 

Aiic.  Poét.  fr.  .MSS.  avant  1300,  T.  II,  p.  637. 

CONJLG. 

Apont  (s"),  indic.  prés.  Se  dispose.  (Ane.  Poël.  fr.) 

Aporétique,  adjectif.  Embarrassant,  douteux-. 
(Oudin,  Dict.)  Ce  mot  formé  du  grec  Snoçoç,  qui  est 
sans  passage,  en  latin  invius,  a  pu  signifier  au 
figuré  douteux,  embafrassant,  qui  ne  laisse  aucun 
passage,  aucune  voie  pour  arriver  au  point  d'une 
question  à  résoudre. 

Aposer,  verbe.  Poser.  Imposer.  Disposer.  On 
indi([uera  l'origine  des  acceptions  usitées  et  Inusitées 
du  verbe  apposer  et  du  substantif  apposition  en 
observant  qu'ap])0ser  signifie  poser  une  chose  contre 
une  autre  chose,  ajouter  l'une  à  l'autre,  poser  deux 
choses  de  manière  qu'elles  soient  contiguës  ou  rela- 
tives, les  appliquer,  les  joindre  par  apposition. 
(Monet,  Dict.  —  Dict.  de  l'Acad.  Fr.)  La  préposition 
initiale  et  inséparable  qui  désigne  l'idée  de  cette 
position  relative,  est  superflue  dans  les  expressions, 
«  apposer  la  main  à  la  poitrine,  apposer  une  mar- 
«  que  à  une  chose,  etc.  »  (Rob.  Estienne  et  Mcot, 
Dict.)  Plus  anciennement,  en  parlant  dune  personne 
à  laquelle  il  sembloit  naturel  de  croire,  on  disoit 
figurément  que  «  créance  lui  étoit  tost  apuse;  n 
littéralement,  qu'en  elle  créance  étoit  bientôt  posée, 
que  foi  lui  étoit  bientôt  ajoutée. 

Que  ma  vie  soit  laide  ou  bêle, 

N'est  pas  à  mon  sergant  (2)  repuse. 

Et  on  a  tost  créance  apuse 

A  mon  ser£;ant,  de  ma  querèle. 
Miserere  du'Rcc!.  d»  Moliens.  MS.  de  Gaignal,  fol.  222,  R°  col.  1. 

On  dit  encore  •<  apposer  une  clause  à  un  contrat.  » 
Peut-être  »  qu'apposer  une  peine  à  ceux  qui  rom- 
«  proient  l'alliance,  »  c'étoit  apposer  au  traité 
d'alliance  une  clause  relative  aux  infracteurs  de  ce 
traité,  et  qui  les  soumettoit  h  une  peine.  Peut-être 
aussi  qu'en  ce  cas,  la  signification  d'apposer  éloil 
la  même  que  celle  d'imposer  à  quelqu'un  une  peine 
relative  à  sa  faute.  (Rob.  Estienne  et  Nicot,  Dict.)  La 
position  de  la  main  est  relative  à  celle  de  la  chose 


(1)  D'où  ;  en  latin  undé.  —  (2)  Serviteur,  domestique;  en  latin  servtens. 


AP 


—  29  — 


AP 


qu'on  saisit.  Ainsi,  «  apposer  sa  main  à  happer  des 
«  mouches,  »  c'étoit  disposer  sa  main,  se  disposer 
à  attraper  des  mouches. 

Mousches  à  las  viendrent  faire  repos 
Dedens  >ing  plat  quel  devant  lui  on  pose; 
A  les  happer  soudain  sa  main  appose. 

'^'^  Faifeu,  p.  87. 

On  sait  qu'une  inclination  trop  naturelle  à  l'homme 

Sour  le  mal,  est  une  disposition,  un  acheminement 
sa  perte,  lorsqu'il  n'est  pas  arrêté  par  cette  crainte 
salutaire  dont  on  a  désigné  l'effet,  en  disant  : 

Paours  ainsi  tout  son  tans  use 
Que  mors  le  truist  en  bon  estai; 
Que  ne  soit  par  péchié  mortal 
Sa  vie  à  maie  fin  apuse. 

Miserere  du  Uecl.  de  Moliens,  MB.  de  Gaignat,  fol.  2H ,  R"  col.  1 . 

CONJUG. 

Apiis,  part.  Posé,  disposé.  (Miserere  du  R.  de  M.) 
Quoiqu'on  n'ait  pas  sous  les  yeux  la  preuve  de 
l'infinitif  apuser,  variation  d'orthographe  du  verbe 
aposcr,  on  croit  pouvoir  former  cet  inliiiilif  d'après 
le  participe  apus,  abréviation  à'apusé.  L'omission 
de  Vé  final  dans  les  participes  apus  et  repus,  n'est 
pas  plus  extraordinaire  que  dans  apost  et  rcpost, 
participes  des  verbes  aposter  et  reposter,  dont  l'ori- 
gine semble  être  commune  aux  verbes  reposer  et 
aposer.  (Voy.  Apost  et  Aposter.)  11  n'y  auroit  donc 
entre  apus  et  apost  qu'une  différence  de  termi- 
naison; ce  qui  paroit  d'autant  plus  vraisemblable 
que  dans  le  Miserere  du  Recl.  de  Moliens,  ms.  de  N.  D. 
le  participe  féminin  reposte  est  synonyme  de  repuse 
dans  ce  même  Miserere,  ms.  de  Gaignat,  fol.  "i'il. 
On  ajoute  qn'apus  étant  le  participe  du  verbe  com- 
posé apuser,  aposer,  il  seroit  possible  que  dans  la 
préposition  depuis  et  la  conjonction  puisrjue,  le  mot 
/)h/s(1)  qu'anciennement  on  écrivoil7-»H('s,7;î(s,  fût  le 
participe  dont  on  auroit  formé  le  verbe  simple 
puser,  poser.  En  effet,  lorsqu'on  dit,  depuis  ce  lieu, 
depuis  ce  temps,  il  désigne  ce  temps,  ce  lieu,  dans 
une  position  plus  ou  moins  distante  d'un  autre 
temps,  d'un  autre  lieu.  Les  causes  d'après  lesquelles 
on  agit,  on  parle,  sont  vues  comme  étant  dans  une 
position  relative  aux  effets  qui  succèdent,  lorsqu'on 
dit:  puisque  vous  le  voulez,  j'agirai,  je  parlerai,  etc 
Il  semble  enfin  que  c'est  en  comparant  les  actions, 
les  paroles,  les  choses  dites  ou  faites  dans  un  certain 
ordre  successif,  à  des  choses  posées  les  unes  avant 
les  autres,  qu'on  ait  dit  avec  ellipse  d'un  nom  ou 
d'un  pronom:  faire  une  chose,  puis  une  autre,  dire 
une  chose,  puis  une  autre,  etc.  Cette  ellipse  une 
fois  méconnue,  l'on  n'a  plus  vu  qu'un  adverbe  dans 
le  participe  puis.  (Voy.  Depuis,  Puis  et  Puisqle.) 

VARIANTES  : 
APOSER.  Cotgrave  et  Oudin,  Dict. 

Apposer.  Orth.  subs.  —  Rob.  Estienne,  Nicot  et  Monet,  Dict. 
Apuser.  Miserere  du  Recl.  de  Moliens,  MS.  de  G.  fol.  211. 

Apost,  partie.  Apposé.  On  vient  de  remarquer, 
à  l'occasion  du  participe  apus,  qu'en  certains  par- 
ticipes Vé  final  étant  omis,  on  écrivoit  apost  pour 
aposté,  repost  pour  reposté,  etc.  Dans  le  premier 


sens,  le  participe  apost,  en  latin  appositus,  signifioit 
apposé. .  Deffandons  par  cet  présent  Escritde  nostre 
«  séel  et  de  l'aucthorité  de  nostre  réal  non  que  est 
«  dessouz  apost,  etc.  »  (La  Thaumassière,  Coût. 
d'Orléans,  p.  465;  tit.  de  11G8.) 

Les  faux  cheveux  et  autres  choses  postiches  que 
l'Art  ajoute  à  la  Nature,  pour  en  réparer  les  défauts, 
étoient  choses  apostes,  c'est-à-dire  apposées,  ajou- 
tées. (Voyez  Aposer.)  En  observant  que  ces  mêmes 
choses  sont  apposées,  ajoutées  pour  en  imposer,  on 
aperçoit  un  rapport  d'idées  accessoires  entre  la 
signification  de  ce  participe  du  verbe  aposter  et  celle 
d'imposer,  tromper. 

N'i  aura  chevel  mort,  ne  autre  chose  aposte. 
L'en  porra  tout  veoir  et  devant  et  en  coste  ; 


Car  n'i  aura  là  chose  celée  ne  reposte. 

Fahl.  MS.  du  R.  n"  7615,  T.  II,  fol.  143,  V*  col.  !. 

Apostate,  adj.  et  subst.  Qui  s'est  éloigné  d'un 
lieu.  Proprement,  qui  en  est  distant.  Celle  définition 
littérale  est  conforme  à  l'élymologie  d'apostate,  en 
grec  dnoazàzrjç.  Dans  un  sens  relatif  à  cette  même 
étymologie,  on  a  dit  en  parlant  des  courtisans  qui 
ne  s'éloignent  qu'avec  peine  de  la  Cour  : 

Pou  en  est  qui  de  Court  veulent  estre  apostate. 
Je  ne  m'en  merveil  pas  ;  car  chascun  les  y  flate, 
Ou  ilz  fiaient  autruy  pour  que  Ven  n'en  s'embale. 

J.  de  Meun,  Cod.  -vers  841-843. 

La  signification  de  ce  mot  apostat  ou  apostate, 
n'est  donc  odieuse  qu'autantqu'il  désigne  figurément 
un  homme  qui  s'est  éloigné  des  principes  de  la  Re- 
ligion et  de  l'honneur.  Anciennement,  on  flélrissoit 
le  malhonnête  homme,  l'homme  infidèle  à  ses 
sermens  et  traître  au  parti  dont  il  s'éloigne,  en  le 
nommant  apostat,  comme  on  nomme  encore  «  apos- 
«  tats,  ceux  qui  se  départent  et  desvoyent  du  tout 
«  de  la  Religion  Chrestienne,  ceux  qui  abondonnant 
«  l'Ordre  de  religion  duquel  ils  ont  faict  profession, 
«  se  rendent  fugitifs  de  leur  abbaye  ••  (Voy.  Bou- 
teiller,  Soin.  rur.  Liv.  Il,  tit.  xii,  p.  700.  —  Id.  ibid. 
Annot.  p.  76'2.  —  Nicot  et  Monet,  Dict.  —  Dict.  de 
Trévoux.) 

VARIANTES  : 
APOSTATE.  J.  de  Meun,  Cod.  vers  841. 
Apostat.  Orth.  subsist.  -  Bouleiller,  Som.  rur.  p.  760. 

Apostater,  verbe.  Apostasier.  C'est  relativement 
au  sens  littéral  d'a/jos/fl/c,  qu'on  a  dit  apostasier,  ou 
apostater  de  la  foi,  apostater  d'un  Ordre  religieux. 
(Monet,  Dict.  —  Voyez  Apostate.)  On  abrégeoit  en 
disant  tout  simplement  apostater,  parce  que  la  signi- 
fication de  ce  verbe  étoit  restreinte  à  la  désertion 
de  la  foi  et  du  cloître.  «  Les  Religieus  cloistiiers,.... 
«  s'ils  desvoient  du  grant  chemin  de  leur  obser- 
"  vance  régulière  et  prennent  les  sentiers  et  voies 
«  obliques. .  .  d'apostater,  trouvent  plusieurs  en- 
«  nemis  qui  sont. . .  ministres  de  la  chair,  ennemi 
«  mortel  de  tous  humains,  soient  religieus  ou 
«  autres.  »  (Triomphes  de  la  noble  Dame,  fol.  246. 
—  Voy.  Oudin  et  Nicot,  Dict.) 


(1)  Puis  vient  de  post  :  il  est  vrai  que  positum,  où  i  est  bref,  devenait  postum  ;  par  la  chute  de  la  terminaison,  il  est 
identique  à  post.  (n.  e.) 


AP 


3Ô 


AP 


Apostatiser,  verbe.  Apostasier.  (Oudin,  Dict. 

—  Voy.  Apostater  ci-dessus.) 

Aposte,  adverbe.  A  la  disposition,  à  propos,  à  la 
volonté,  etc.  11  semble  qu'on  se  soit  figuré  l'homme 
dans  une  position  de  corps  ou  d'esprit,  relative  Â 
celle  des  choses  dont  il  peut  ou  veut  disposer,  dont 
il  jouit  ou  se  propose  de  jouir,  lorsqu'on  a  dit  que 
ces  choses  étoient  ou  se  faisoient  à  sa  poste.  De  là, 
l'acception  de  l'adverbe  aposte,  composé  de  la  pré- 
position à  réunie  au  mot  poste.  On  ne  trouve 
l'expression  à  poste  réunie  en  ce  seul  mot  aposte 
que  dans  Monel,  Dict.  (Voy.  Postf,  ci-après.) 

Aposte,  partie.  Disposé.  Mis  hors  d'une  position 
ordinaire.  Il  est  possible  qu'on  ait  voulu  reprocher 
à  nos  anciens  historiens  François,  trop  de  dispo- 
sition à  natter  la  vanité  nationale,  lorsqu'en  parlant 
d'eux,  on  a  dit  qu'ils  étoient  «  apostés  de  flatterie 
«  et  de  vanité,  >■  peut-être  disposés  à  la  flatterie  et 
à  la  vanité.  Peut-être  aussi  vouloit-on  dire  figu- 
rément  qu'ils  étoient  apostés  par  la  vanité  et  la 
flatterie,  pour  trahir  la  vérité  historique?  «  Mal- 
«  veullance,  ...  ce  vice  par  trop  commun  aux 
«  Escrivains  de  la  nation  Gallicane,  faict  que  leurs 
«  histoires  sont  peu  receues,....  principalement  où 
«  ilz  traitlent  la  matière  de  leurs  adversaires  :  tant 
«  s'y  exhibent-ilz  apostez  de  flatterie  et  vanité.  » 
(Mém.  d'Ol.  de  la  Marche,  Avis  aux  Lecteurs,  p.  2. 

—  Voy.  Aposter  ci-dessous.) 

En  supposant  que  dans  aposte,  comme  dans 
aparllr,  partir,  se  départir,  l'a  initial  soit  de  même 
signification  que  la  préposition  latine  a  ou  ab,  ce 
même  participe  désignera  une  personne  ou  une 
chose  «  mise  hors  de  sa  position  ordinaire.  »  Si  l'on 
en  croit  Léon  Trippault,  (Celt-hell.  p.  'îl±)  c'est  le 
mot  grec  àn6»caToç,  en  latin  depositns,  rejecttts.  On 
ne  parle  de  cette  étymologie  qu'autant  qu'elle  nous 
rappelle  qu'en  Normandie  on  dit,  en  parlant  d'une 
personne  affectée  de  se  voir  «  hors  de  sa  position 
«  ordinaire,  »  qu'il  lui  fait  apos,  qu'il  lui  est  tout 
apos  :  expressions  dans  lesquelles  apos  sembleroit 
'être  une  altération  du  participe  apost ,  le  même 
qu'aposté  dont  on  supposera  initial  de  même  signi- 
fication que  la  préposition  latine  a  ou  ah.  (V.  Apost.) 

Aposteinent,  siibst.  masc.  Action  d'aposter. 
On  a  dit  que  «  le  Capitaine  Bernardo,  bon  Capitaine 
«  et  bon  François,  avoil  été  tué  d'un  coup  de  pis- 
«  tolet  à  Paris,  par  Vapostement  et  pourchas  du 
«  Duc  Cosme  de  Florence.  »  (Brantôme,  Cap.  Fr. 
T.  IV,  p.  39.  —  Voy.  Aposter  ci-dessous.) 

Aposter,  verbe.  Poster.  On  croit  que  l'origine 
du  verbe  aposter  est  commune  au  verbe  aposer,  et 
que  l'un  et  l'autre  sont  formés  de  l'ancien  participe 
apost,  en  latin  apposittis.  11  est  probable  qn'apost 
étant  prononcé  comme  nous  prononçons  dépost, 
sitppost,  l'on  aura,  sans  égard  à  l'étymologie,  sup- 
primé le  t,  en  écrivant  apos;  A' où  aposer,  verbe  de 


même  origine  qu'aposter.  (Voy.  Aposer.)  La  signi- 
fication d'aposter  est  aussi  la  même  que  celle 
à' aposer;  mais  dans  le  sens  de  poser  ou  poster 
quelqu'un  en  un  lieu,  en  un  passage,  la  préposition 
initiale  du  verbe  aposter  désignoit  et  désigne  encore 
une  position  relative  à  de  mauvaises  fins,  comme 
dans  ces  expressions:  «  aposter  un  assassin  à  un 
"  passage,  aposter  des  gens  pour  faire  une  insulte, 
«  etc.  »  (Nicot  et  Monet,  Dict.  —  Voy.  Aposte.) 

VARIANTES  : 
APOSTER.  Nicot,  Dict. 
Apposter.  Nicot  et  Monet,  Dict. 

Apostil,  subst.  masc.  Apostille.  (Cotgrave  Dict. 
—  Voy.  Apostille  ci-dessous.) 

Apostille,  subst.  fém.  Disposition.  On  croit  voir 
forigine  de  ce  substantif  dans  le  participe  a;;os^  (1), 
apposé,  ajouté;  signification  à  laquelle  est  relative 
celle  de  notre  mot  apostille,  écrit  apostile  ou  appos- 
tile  dans  Cotgr.  Dict.  (V.  Apostil,  Postil  et  Postille.) 
Il  semble  que  ce  même  mot  apostille,  pris  dans  un 
sens  différent,  et  pourtant  analogue  à  celui  dans 
lequel  on  l'emploie  encore,  ait  signifié  certaines 
dispositions  relatives  au  succès  d'une  affaire. 

....  Le  chasteau  de  Cremonne 
Estoit  le  plus  fort  des  Italles, 
Imprenable  à  toute  personne... 
En  celluy  temps  aulcun  noble  homme 
De  Cremonne  la  bonne  ville, 
Avec  une  Dame  qu'on  nomme 
Au  pays  ma  Dosne  Camille, 
Firent  si  bien  leur  apostille, 
Que  sans  faire  aulcun  desarroy 
Le  chasteau  fut  rendu  au  Roy. 
Ainsi  concludz  qu'en  c'este  affaire 
Femme  a  sceu  plus  que  force  faire. 

J.  Marot,  p.  U9. 

VARIANTES  : 
APOSTILLE.  Orth.  subsist.  -  J.  Marot,  p.  149. 
Apostile,  Appostile.  Cotgrave,  Dict. 

Apostiller,  verbe.  Disposer.  On  connoit  l'origine 
de  l'acception  encore  usitée  de  notre  verbe  apos- 
tiller, qu'on  écrivoit  apostileron  appostiler.  (Cotgr. 
Dict.)  Il  n'a  peut-être  signifié  disposer,  que  par  un 
effet  de  cette  singularité  d'expression  qu'affectoient 
nos  Poètes  du  xv'et  du  xvi'  siècle.  Quoi  qu'il  en  soit, 
il  semble  que  le  poète  Crétin  ait  désigné  la  France 
se  disposant  à  continuer  une  guerre  destructive  et 
ruineuse  dans  le  Milanois,  lorsqu'il  a  dit  : 

Milan  mauldict. 
En  faict  et  dit 
As  foy  perverse... 
Soubz  ton  faulx  stille, 
France  distille 
Somme  d'argentz  ; 
Et  aposlille 
Manière  hostille 
De  perdre  gens. 

Crétin,  p.  tK. 

VARIANTES    ". 
APOSTILLER.  Orth.  subsist.  -  Crétin,  p.  122. 
Apostiler,  Appostiler.  Cotgrave,  Dict. 


(1)  Ce  sont  des  annotations;  Du  Gange  propose  deux  étymologies  :  1»  Post  illa  varha,  mots  par  lesquels  on  annonçait  la 
place  d'une  explication  à  mettre  en  marge;  2»  Posta,  poste;  postille  en  serait  le  diminutif  avec  le  sens  de  manchette, 
position.  (N.  E.) 


AP 


—  31  - 


AP 


Apostis,  subst.  pluriel.  Terme  de  marine.  Les 
apostis  d'une  galère  sont  deux  longues  pièces  de 
bois  (i)  sur  lesquelles  on  pose  les  rames  de  la 
chiourme.  (Oudin,  Dict.) 

Il  desrobe  le  mats,  la  poupe  et  le  fanon; 
Raze  voiles  et  bancs,  bancades  et  antenes, 
Aposlis  et  fougons  jusques  à  la  carène. 

Bergeries  de  R.  Belleau,  T.  I,  fol.  125. 

Apostoire,  subst.  mnsc.  etadj.  Apôlre.  Evêque, 
Pape.  Apostolique.  On  observera  que  par  le  chan- 
gement de  /  en  r,  on  a  écrit  Apostoire  pour  Apostoile. 
Peut-être  que  Saint  Sonplice  V Apostoire  étoit  du 
nombre  de  ceux  qu'on  appelle  Apôtres,  parce  qu'ils 
ont  les  premiers  annoncé  l'Evangile  en  quelque  pays. 

De  Saint  Souplice  V  Apostoire, 
Laquelle  ame  ait  repos  en  gloire, 
Ert  Waluam  nouvelement  venus. 

Rom.  de  Brut,  MS.  fol.  75,  V  col.  1. 

Anciennement  on  désignoit  le  Pape,  l'Evéque  de 
Rome ,  en  l'appelant  Apostoile  ou  Apostoire  de 
Home.  (Voy.  Apostole  ci-dessous.) 

Ce  est  la  som 
De  par  Y  Apostoire  de  Rom, 
Qui  grant  pert  de  prévilége  don. 

Fabl.  MS.  du  R.  n'  7218,  fol.  191,  R-  col.  1. 

Le  substantif  Apostoire  semble  comme  adjectif 
avoir  signifié  apostolique.  ><  Ils  s'en  obligèrent  es 
«  mains  de  deux  Notaires  apostoires,  voulans  et 
«  accordans  estre  incontinent  excommuniez  se  par 
«  eulx  etc.  »  (Chron.  scandai,  de  Louis  XL  p.  3i.  — 
Voy.  ArosTûLic  ci-dessous.) 

Apostole  (2),  sî(bst.  musc.  Qui  a  une  mission, 
Envoyé.  Apôtre,  l'Apôtre  S"  Paul.  Evêque,  Pape. 
Lettres  d'appel.  On  sait  que  du  mot  grec  dniazoXnç, 
en  latin  apostolits,  s'est  formé  le  fiançois  apostoles 
ou  apostole  qu'on  écrivoit  apostoile,  par  le  chan- 
gement du  second  o  en  la  diphthongue  oi  dont  la 
prononciation  vicieuse  a  probablement  occasionné 
les  orthographes  apostèle  et  apo telle.  C'est  par  l'effet 
d'une  prononciation  très-sourde  que  ce  même  o, 
transformé  en  oi  et  en  e  dans  apostèle  et  apostoile, 
disparoit  dans  apostle.  L'orthographe  apostel  est  la 
preuve  d'une  transposition  de  ïe  final,  très-usitée 
autrefois  dans  les  mots  terminés,  comme  apostle, 
apostre,  etc.  11  faudroit  ignorer  que  dans  les  prin- 
cipes du  mécanisme  du  langage,  le  changement  de 
l  en  r  et  de  r  en  /  est  réciproque,  pour  ne  pas 
reconnoitre  dans  apostoil,  apostoile  et  apostle,  l'ori- 
gine des  orthographes  apostoir,  apostoire  et  apostre. 
(Voy.  Apostoire  ci-dessus.) 

Dans  le  sens  étymologique,  un  Apostre  est  celui 
qui  a  une  mission,  un  Envoyé.  Ainsi  les  Juifs  nom- 
moient  Apostres,  certains  Officiers  qu'ils  envoyoient 
dans  les  provinces,  avec  commission  de  veiller  à 
l'observation  de  la  Loi,  et  de  recevoir  les  deniers 
destinés,  soit  à  la  réparation  du  Temple,  soit  au 
payement  du  tribut  qu'ils  dévoient  aux  Empereurs. 
Les  Apostres,  les  Envoyés  des  synagogues  furent 


les  modèles  de  ceux  à  qui  les  Eglises  donnoient 
commission  de  secourir  les  Fidèles  et  d'adoucir 
leur  misère  par  des  charités  proportionnées  ù  leurs 
besoins.  En  disant  que  les  uns  et  les  autres  étoient 
les  Apostres  de  l'humanité,  on  ne  croit  pas  profaner 
un  mot  spécialement  consacré  à  désigner  les  Apos- 
tres du  ChrisUanisme.  Les  Apostres  par  excellence 
sont  les  douze  Disciples  qui  reçurent  de  Jésus- 
Christ  même  leur  mission ,  pour  annoncer  son 
Evangile  aux  nations.  S'  Paul,  à  qui  l'on  contesta 
cette  mission  divine,  répondit  qu'il  étoiL  Apostre; 
non  de  la  part  des  hommes,  ni  par  aucun  homme; 
mais  par  Jésus-Christ  et  Dieu  son  père.  Enfin,  ce 
nomd'Apostre,  qui  lui  éloit  commun  avec  les  douze 
premiers  Disciples,  lui  est  devenu  si  particulier  que 
par  antonomase,  l'Apostre  a  signifié  et  signifie 
encore  Saint  Paul,  l'Apostre  des  Gentils. 

Cant  j'oi  de  V Apostle  parler, 

Lor  sai  bien  que  ce  est  Sains  Polz 

Ki  les  bons  cuers  met  à  repoz. 

Fabl.  MS.  dj  Turin,  fol.  4,  R"  col.  2. 

On  est  sans  doute  scandalisé  de  voir  Pantagruel 
étant  avec  dix  ou  douze  compagnons  de  ses  exploits 
burlesques,  comparé  à  Jésus-Christ  au  milieu  de  ses 
Apôtres.  ■>  Laissons  ici  Pantagruel  avecq  ses  Apos- 
«  /o/£'s,  et  parlons  du  RoyAnarcbe  et  de  son  armée  » 
(Rabelais,  T.  II,  page  232.)  Peut-être  a-t-on  voulu 
accoutumer  le  Peuple  Vénitien  à  une  sorte  de  respect 
religieux  pour  la  Noblesse,  lorsque  par  un  autre 
abus  du  mot  Apostre,  une  classe  de  Nobles  a  été 
nommée  les  douze  Apostres,  et  une  autre  classe  les 
quatre  Evangelistesr  Une  imagination  qui  n'est  pas 
moins  extraordinaire,  c'est  d'avoir  donné  ù  douze 
canons  le  nom  des  douze  Apostres.  Henri  VIll,  roi 
d'Angleterre,  allant  de  Calais  à  Thérouanne,  pour 
en  presser  le  siège,  fut  poursuivi  par  le  Chevalier 
Bayard  qui  lui  enleva  une  pièce  d'artillerie,  dite 
Sainct-Jean.  ■■  Et  en  avoit  le  Roy  d'Angleterre  encore 
«  onze  autres  de  ceste  façon,  et  les  appelloit  ses 
«  tlouz-e  Apostres.  »  (Hist.  du  Ch"  Bayard,  p.  345.) 
Les  Espagnols,  dit  le  P.  Daniel,  (Mil.  Fr.  T.  I,  p.  445.) 
donnoient  quelquefois  par  dévotion  des  noms  de 
Saints  aux  canons,  témoins  les  douze  Apostres  que 
l'Empereur  Charles-Quint  fit  faire  à  Malaga  pour 
son  expédition  de  Tunis.  Il  sembleroit,  d'après  de 
pareilles  comparaisons,  que  détruire  les  hommes 
ou  les  convertir,  c'est  une  même  chose.  Cette  idée, 
toute  fausse  qu'elle  est,  a  dû  paroitre  vraie  aux 
Américains  convertis  par  les  Espagnols. 

Quoique  les  anciens  monumens  de  l'histoire 
attestent  que  le  nom  d' Apostole  fut  dans  la  primitive 
Eglise,  commun  à  tous  les  Evêques,  successeurs  des 
Apostres,  on  l'a  spécialement  affecté  au  successeur 
de  l'Apôtre  S'  Pierre,  c'est-à-dire  au  Pape  nommé 
autrefois  VApostole  de  Rome,  et  tout  simplement 
Y  Apostole.  (Gloss.  sur  les  Coût,  de  Beauvoisis,  au 
mot  Apostoiles.  —  Gloss.  du  Rom.  de  la  Rose,  sup. 
p.  110  et  111.)  «  Al  tens  Innocent  III,  Apostoille  de 


(1)  On  le  voit,  ces  pièces  de  bois  forment  bastingage.  (N.  e.)  -  (2)  Il  est  curieux  qn'apostolus  soit  apostole  quand  il 
signifie  pape,  et  apostle,  apostre,  quand  il  se  rapporte  aux  compagnons  de  Jésus-Chrisl.  Ce  dernier  cas  est  la  règle: 
epist{o)la  donne  épistre,  capit{u)lum,  chapitre.  (N.  E.) 


AP 


-  82  — 


AP 


«  Rome,  etc.  »  (Villehard,  p.  4.  —  Voy.  Fabl.  ms.  du 
R.  n"  7G15,  T.  II,  fol.  1  i".  -  Fabl.  ms.  du  R.  n°  T2\8, 
f»  324.  —  Lanc.  du  Lac,  T.  1,  f°  13G,  etc.)  «  Gerberz, 
«  grant  Clercs  et  Philosophes. . .  esleus  à  l'arce- 
«  veschie  deRavane...  tint  l'archeveschie  jusques 
"  à  tant  que  li  Apostres  morut.  Lors  requist  li  poples 
•  de  Home  que  il  leur  fust  donez ,  et  ensi  fu 
«  Aposlres.  "  (Chron.  S"  Denys,  Rec.  des  Ilist.  de  Fr. 
T.  X,  p.  304.)  «  Se  plet  est  devant  le  Doien,  l'en  puet 
«  appeller  à  TEvesque,  et  de  l'Evesque  à  l'Arche- 
«  vesque,  et  de  l'Arciievesque  à  YApostoile.  Mes  du 
«  Juge  envoie  de  par  l'Apostoile,  etc.  »  (Beaumanoir, 
Coût,  de  Beauvoisis,  p.  22.) 

Gentil  Roys,  je  l'ose  bien  dire, 
Que  ceux  du  Réaume  et  de  l'Empire, 
Ce  sunt  Roys  et  Enipereours, 
Plus  de  honours  et  de  biens  maours 
Ont  à  Sainte  Eglise  donné 
Qu'onques  n'ont  fait  Clerc  couronné. 
Abbé,  Prélat  et  Apotelle. 
Géofroi  do  Paris,  à  la  suite  du  Rora.  de  Fauvcl,  MS.  du  R.  n'  6812,  fol.  50. 

C'est  avec  une  allusion  peu  respectueuse  pour 
l'Apostre,  (lu'un  de  nos  anciens  Poètes  a  feint  qu'un 
Roi  de  France,  nommé  Philippe,  prononçant  en 
gourmet  sur  l'excellence  des  vins,  avoit  nommé 
Apostole,  c'est-à-dire  Pape,  celui  dont  la  qualité  lui 
sembloit  n'admettre  aucune  comparaison  avec  celle 
des  autres  vins. 

Li  Rois  les  bons  vins  corona, 

Et  à  chascun  son  nom  dona. 

Vin  de  Cipre  fist  Apostoile, 

Qui  resplendis!  comme  une  estoile  ; 

Dont  fist  Chardonal  et  Légat 

Du  bon  gentil  vin  d'.\quilat. 

FaW.  MS.  du  R.  n-  7218,  fol.  232,  V'  col.  1. 

On  conçoit  à  peine  comment  des  Chrétiens,  qui 
dans  les  siècles  d'ignorance  s'opiniàtroient  à  ne 
vouloir  pas  distinguer  le  Mahométisme  du  Paga- 
nisme, aient  osé  assimiler  au  successeur  de  S"  Pierre, 
à  leur  Apostole,  un  Calife  des  Sari'asins,  le  succes- 
seur du  faux  prophète  Mahomet  qu'ils  atfectoient  de 
confondre  avec  le  faux  dieu  Apollin.  «  Li  Soutans... 
«  manda  al  Calife  de  Baudas,  qui  Apostolcs  est  des 
«  Sarrasins... qu'il  fesistansi  prechierparPaienime, 
«  com  !i  Apostoles  des  Cresliens  faisoit  par  Cres- 
«  tienté,'  et  si  le  secorust.  »  (Chron.  d'Outremer,  ms. 
de  Berne,  n"  113,  fol.  IGI,  R"  col.  2.  —  Martène, 
Contin.  de  G.  de  Tyr,  T.  V,  col.  685.) 

On  a  sans  doute  eu  raison  de  réclamer  contre 
l'abus  de  ces  appels  qui,  en  étendant  la  juridiction 
des  Papes,  bornoient  trop  celle  des  Evéques,  et 
l'auroient  anéantie,  si  l'on  avoit  moins  insisté  sur 
la  nécessité  des  Lettres  d'appel,  nommées  Apostoli 
en  latin,  en  françois  Apostoles  ou  Apostres.  Par  ces 
Lettres,  qu'on  appeloit  aussi  Lettres  dimissoires  ou 
Lettres  de  renvoi,  le  Juge  à  quo  certifioit  de  l'appel 
interjeté,  et  renvoyoit  la  connoissance  de  l'affaire  au 
Juge  devant  le  tribunal  de  qui  l'appelant  demandoit 
qu'elle  fût  portée.  On  ne  pouvoit  être  admis  îi  pour- 
suivre cet  appel  sans  Apostres,  qui  dans  les  causes 
ecclésiastiques  étoient  expédiés  par  l'Evèque,  par 
son  Officiai,  et  par  le  Chapitre  de  la  cathédrale 
durant  la  vacance  du  Siège.  (Voy.  Du  Cange,  Gloss. 
lai.  T.  I,  col.  506.  —  Nouv.  Traité  de  Diplom.  T.  I, 


page  253.  —  Laur.  Gloss.  du  Dr.  Fr.  —  Cotgrave  et 
Borel,  Dict.)  <i  Plusieurs  fois  avoient  été  devers  ledit 
«  Evéque  h  S.  Mor  des  Fossez  porter  et  intimiter 
«  certaine  appellation  faite  par  mondit  Seigneur 
"  de  Bourgogne,  ses  Vicaires  et  Officiers,  pour 
«  requérir  et  obtenir  les  Apostres  nécessaires  à 
«  ladite  appellation.  »  (Etat  des  Officiers  des  D.  de 
Bourgogne,  p.  107.  —  Félibien,  Hist.  de  la  ville  de 
Paris,  T.  III,  pr.  page  404,  col.  1  ;  Ut.  de  1381.  — 
Rabelais,  T.  III,  p.  210,  etc.)  Les  Apostres  refutatoires 
avoient  lieu  lorsque  le  Juge  dont  on  appeloit,  ne 
vouloit  pas  déférer  à  un  appel  qui  lui  paroissoit 
frivole  et  illusoire.  »  Le  Pape  en  faveur  du  Roy  de 
«  Sicile,  ordonna  un  dixiesme....  Les  Gens  d'Eglise 
«  s'y  opposèrent  et  l'Université,  et  appellèrent  des 
«  Commissaires  ordonnez,  et  eurent  Apostres  refii- 
•  tatoires.  Mais  il  leur  fut  dit  pleinement  que 
0  nonobstant  leurs  appellations  et  oppositions,  ils 
«  le  payeroient.  »  (Juvenal  des  Ursins,  Hist.  de 
Charles  VI,  p.  94.  —  Voyez  Dict.  de  Trévoux,  T.  I, 
col.  480.)  ^'on-seulement  les  Lettres  données  sur 
appels  interjetés  de  l'Evèque  au  Métropolitain,  du 
Métropolitain  au  Pape,  du  Pape  au  Concile,  mais 
encoi  e  celles  où  il  s'agissoit  d'appels  au  Roi,  à  un 
Juge  séculier,  ont  été  nommées  Apostoles  ou  Apos- 
tres. (Voy.  Du  Cange,  Gloss.  lat.  T.  I,  col.  566  et  567. 

—  Nouv.  Traité  de  Diplom.  T.  I,  page  253  et  254.) 
Enfin,  l'usage  de  ces  Lettres  a  été  aboli.  «  On  n'use 
»  plus,  même  en  Cour  d'Eglise,  à' Apostres,  ou 
«  Lettres  de  renvoi  que  l'appellant  devoit  obtenir 
«  du  Juge  à  quo.  Mais  l'appel  s'interjette  par  un 
«  acte  et  se  relève  par  requête  ou  par  commission 
«  du  Métropolitain.  »  (Fleury,  Institut,  au  Dr.  Eccl. 
T.  II,  page  218.) 

VARIANTES  : 
APOSTOLE.  Martene,  Contin,  de  G.  de  Tyr,  T.  V,  col.  635. 

-  Chrou.  S'  Denys,  T.  X,  page  304.  -  Ane.  Poët.  Fr.  T.  IV, 
p.  1312.  -  Anseis,  fol.  .51.  -  Lanc.  du  Lac,  T.  I,  fol.  136. 

Apostel.  Le  Carpentier,  H.  de  Cambray,  T.  II,  pr.  p.  29. 

Apostele.  Très,  des  Chartes,  Reg.  xxii,  pièce  10. 

Apostle.  S'  Bern.  Serm.  fr.  —  Rymer,  T.  I,  p.  13.  —  Fabl. 
MS.  de  Turin,  fol.  4,  R»  col.  2.  -  Ph.  Mouskes,  .MS.  p.  130. 

Apostoil.  'Très,  des  Chartes,  Inv.  de  P.  d'Etampes,  pièce  2. 

Apostoile.  Ane.  Poët.  Fr.  T.  IV,  p.  1341.  -  G.  Guiart,  MS. 
fol.  107.  -  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7218,  fol.  175,  V»  col.  2,  etc. 

Apostoille,  Ane.  Poët.  Fr.  T.  IV,  p.  165.  —  Villehard,  p.  1. 

Apostoir.  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7218,  fol.  191,  V»  col.  1. 

Apostoles.  Chron.  S' Denvs,  T.  III,  p.  314.  —  Dits  et  Moral, 
fol.  286.  -  Fabl.  MS.  du  R.  ii°  7615,  T.  I,  fol.  65,  V"  col.  2. 

Apostre.  Hist.  de  Fr.  à  la  s.  du  Rom.  de  Fauvel,  fol.  82.  — 
Eust.  Desch.  p.  485.  —  Hist.  du  Ch'^  Bavard,  p.  345,  etc. 

Apostres.  Chron.  S'  Denys,  T.  X,  p.  304  et  306. 

Apotelle.  Geofroi  de  P.  à  la  s.  du  Rom.  de  Fauvel,  fol.  48. 

Apoustre.  Joinville,  p.  383. 

Apoutre.  D.  Morice,  preuv.  de  l'Hist.  de  Bret.  T.  I,  c.  981. 

Appostre.  Félibien,  Hist.  de  la  Ville  de  Paris,  T.  III,  pr. 
p.  404.  —  Mém.  de  Rob.  de  la  Marck,  p.  197. 

Apostolic,  adject.  et  subst.  Qui  a  rapport  aux 
Apôtres.  Pape,  Successeur  des  Apôtres.  Dans  le 
premier  sens,  on  a  nommé  souliers  à  Vapostolique, 
des  souliers  tels  qu'en  portoient  encore  les  Cor- 
delieis  du  xvr  siècle,  «  des  souliers  traversés  de 
«  plusieurscourroies  qui  tenoient  lieu  d'empeigne,  • 
et  dont  la  forme  avoit  rapport  à  la  chaussure  avec 
laquelle  les  Peintres  ont  représenté  les  Apôtres. 

Les  Evêques  de  la  primitive  Eglise,  comme  suc- 


AP 


—  33  — 


AP 


cesseurs  des  Apôtres,  s"appeloient  Apostolics  ou 
Apostoliques.  C'est  par  ellipse  qu'Apostolic,  en  latin 
Apostolicus ,  pris  substantivement ,  désignoit  un 
Evèque,  un  successeur  des  Apôtres  en  général,  en 
particulier  le  Pape,  le  successeur  de  S"  Pierre.  {Voy. 
Du  Gange,  Gl.  1.  T.  I,  col.  568.  —  Dict.  de  Trévoux.) 

Li  Apostoles  Innocens 
Fu  mors  adonques  à  cel  tans  ; 
AposloHc  fisent  d'Onorie, 
Par  eslection  et  glorie. 

Ph.  Mouskes,  MS.  p.  61i. 

VARIANTES  : 
APOSTOLIC.  Ph.  Mouskes,  MS.  p.  614. 
Apostolique.  Le  Duchat,  sur  Rabelais,  T.  IV^  p.  58. 

Apostoliscr,  verhe.  Imiter  les  Apôtres,  affecter 
de  leur  ressembler.  (Voy.  Cotgrave  et  Oudin,  Dicl.) 
On  a  prétendu  que  «  si  l'Aulheur  des  Jésuites  eust 
«  esté  tant  soit  peu  nourry  en  l'ancienneté  de  nostre 
«  Religion,  il  eust  trouvé  que  ce  n'estoit  pas  apos- 
«  toliscr,  mais  bien  apostatiser,  que  luy  Religieux 
»  voulust  comme  les  Apostres  administrer  les  saints 
«  Sacremens,  mesme  au  milieu  des  villes,  revestu 
«  d'un  babiilement  qui  n'a  rien  de  commun  avec  les 
«  Moines.  »  (Pasquier,  Rech.  liv.  III,  p.  304.) 

VARIANTES  ; 
APOSTOLISER.  Oudin,  Dict. 
Apostolizer.  Cotgrave,  Dict. 

Apostolité,  subst.  fém.  Apostolat;  Papauté. 
(Voyez  Rom.  de  Brut,  fol.  55.  —  Ph.  Mouskes,  ms. 
p.  843.)  On  sait  que  l'Empereur  Henri  IV,  fit  déposer 
le  Pape  Grégoire  VII  dans  un  concile  : 

Desposa  le  pape  Grigorie  ; 
Ce  nos  raconte  li  estore. 
Par  oquoisson  le  mist  en  trape 
Pour  cou  que  Grigore  cil  Pappe 
De  son  avoir  ot  acaté 
Le  don  de  V Apostolité, 
Trois  mile  livres  de  deniers. 

Ph.  Mouskes,  MS.  p.  451. 

Apostume,  subst.  viasc.  (1)  Aposlôme.  En  grec 
à7xiai)],ua.  11  Semble  que  conformément  à  l'étymo- 
logie,  on  auroit  dû  toujours  écrire  aposlcmc  ; 
oi'thographe  très-ancienne  dans  notre  langue,  et 
adoptée  par  quelques  Auteurs,  quoique  de  leur 
temps  elle  fût  moins  usitée  que  celle  à'apostume. 
(Voy.  Psautier,  ms.  du  R.  n-  7837,  fol.  192,  R"  col.  I. 
—  Essais  de  Montaigne,  T.  I,  page  34ï>.  —  Nuits  de 
Straparole,  T.  I,  page  219  et  352.  —  JNicot,  Dict.)  On 
avoit  sans  doute  moins  égard  à  l'étymologie  qu'à  la 
terminaison  du  mot  apostume,  lorsqu'on  le  faisoit 
du  genre  féminin.  «  L'an  mille  cinq  cens  trente- 
«  huict,  le  Roy  estant  à  Compiegne  tomba  malade 
«  d'une  apostume....  dont  il  fut  en  grand  danger 
«  de  mort.  »  (Du  Bellay,  Mém.  liv.  vin,  fol.  270.  — 
Rob.  Estienne,  Nicot  et  Monet,  Dict.  —  Dict.  de 
Trévoux.)  La  comparaison  de  l'effet  d'un  deuil  ou 
cbagrin  intérieur,  à  celui  d'une  apostume  dans 
l'estomac,  paroitroit  aujourd'hui  fort  dégoûtante. 
Gectoit  sangloux,  gémissemens  parfonds. 
Et  gros  souspirs,  comme  s'il  eust  au  fonds 


De  l'estomach  venimeuse  apostume. 
D'extrême  dueil  et  doulente  amertume. 

Crétin,  p.  1U.  —  Id.  52. 

VARIANTES  : 

APOSTUME.  Crétin,  p.  52.  -  Du  Bellay,  Mém.  liv.  x,  f'SSO. 
—  Cotgrave,  Rob.  Estienne,  Nicot  et  Monet,  Dict.  —  Dict. 
de  Trévoux. 

Aposthème.  Oudin,  Cur.  Fr.  —  Dict.  de  Trévoux. 

Apotume.  Dit  de  Jehans  li  Rigolez,  fol.  150,  R"  col.  2. 

Apostume ,  participe.  Qui  a  un  apostème. 
Proprement  formé  en  apostème.  (Voy.  Apostumer.) 
De  là,  on  a  dit  en  parlant  d'une  personne  ayant  un 
apostème  dans  la  tète,  dont  une  blessure  à  la  tête 
s'éloil  formée  en  apostème,  que  sa  teste  étoit  apos- 
tumée.  (Voy.  Froissart,  Vol.  III,  p.  -354.) 

Apostumer,  verbe.  Se  former  en  apostème,  se 
tourner  en  abcès,  s'ulcérer.  Il  paroitroit  raisonnable 
qu'ayant  réformé  l'orthographe  du  substantif  fl;;os- 
tume,  on  réformât  celle  du  verbe  apostumer,  et 
qu'on  écrivit  apostémer,  comme  l'on  écrit  apostème. 
Un  abcès  est  un  apostème  ouvert.  De  là,  le  verbe 
apostumer  a  non-seulement  signifié  se  former  en 
apostème,  mais  se  tourner  en  abcès,  rendre  du  pus, 
s'ulcérer.  (Voy.  Monet,  Dict.) 

Tu  le  sçais  bien,  France  :  mais  je  n'essaye 
Icy  pourtant  de  refraischir  la  playe 
Qui  tousjours  saigne  et  qui  ne  guarit  or, 
Et  qui  pourroit  apostumer  encor,  etc. 

Bergeries  de  R.  Belleau,  T.  I,  fol.  105.  R'. 

On  préfère  aujourd'hui  l'usage  du  verbe  s'ulcérer 
à  celui  à'apostumer.  Mais  on  ne  trouvera  point 
dans  la  nature  la  raison  de  cette  préférence,  puisque 
l'idée  d'ulcère  n'est  pas  moins  révoltante  que  celle 
d'apostU7ne.  (Voy.  Apostume  ci-dessus.) 

VARIANTES  : 

APOSTUMER.  Orth.  subsist.  -  Bergeries  de  R.  Belleau, 
T.  I,  p.  105.  -  Fouilloux,  Faucon,  fol.  40  et  79.  -  Cotgrave, 
Oudin,  Rob.  Estienne,  Nicot  et  Monet,  Dict. 

Apostemer.  Cotgrave  et  Oudin,  Dict. 

Aposthemer.  Oudin,  Dict. 

Aposume,  subs.  maso.  Apozème.  L'orthographe 
apozème,  qui  se  trouve  dans  Cotgrave  et  Monet, 
Dict.  est  conforme  à  l'origine  de  ce  mot  dérivé  du 
grec  dnouù),  en  latin  defervesco.  L'humanité  a  des 
obligations  si  réelles  à  la  Chirurgie,  qu'on  s'étonne 
aujourd'hui  que  la  Médecine  lui  ait  interdit  en  1507, 
le  droit  d'ordonner  des  aposumes  et  des  clystères. 
;Voy.  Pasquier,  Rech.  liv.  ix,  p.  825  et  828  ) 

VARIANTES  : 
APOSUME.  Pasquier,  Lett.  T.  II.  p.  551  et  556. 
Aposème.  Monet,  Dict.  —  Dict.  de  Trévoux. 
Apozime.  Cotgrave  et  Nicot,  Dict. 

Apothecairaisse,  subst.  fém..  et  adj.  Femme 
d'Apothicaire.  Qui  est  fait  par  l'Apothicaire,  qui  est 
relatif  à  l'état  d'Apothicaire.  Ce  mot  encore  usité 
dans  les  couvens,  pour  désigner  comme  substantif, 
la  Religieuse  qui  a  soin  de  l'apothicairerie,  a  signifié 
femme  d'Apothicaire.  (Dicl.  de  Trévoux.)  «  Que 
«  dira-on  de  VApotiqiiaresse?  Elle  contrefaict  si  bien 
«  la  belle,  qu'il  luy  semble  bien  qu'ouy.  »  (Caquets 


(1)  Dès  le  Roman  de  la  Rose,  le  mot  est  féminin  ;  Furetiére  et  Richelet  lui  donnent  ce  genre  :  l'Académie  (pourquoi?)  l'a 
fait  masculin,  (n.  e.) 

n.  5 


AP 


34  — 


AP 


de  l'AcoviclK^e,  p.  74.)  11  cloit  adjectif,  lorsque  dans 
le  second  sens  on  disoit  médecine  (ipotliccairaisse 
ou  (ipoticirirc'sse,  etc.  (Epilli.  de  M.  de  la  Porte.  — 
Cotgnive,  Dict.  —  Voy.  Apotiiecaire  ci-dessous.) 

VAHIANTES  : 
APOTHECAIRAISSE.  Cotgrave,  Dict. 
Apothicairesse,  APOTiiicAiiESSE.  Dict.  de  Trévoux. 
APOTiCAHtESSE.  Epilli.  de  M.  de  la  Porte,  p.  250. 
Apotiquaresse.  Caquets  de  l'Acouchée,  p.  74. 

Apotiiecaire,  subsl.masc.  Apothicaire.  Lemot 
grec  iino»i^xij,  origine  du  Irançois  apotiiecaire  qu"au- 
jourd'liui  l'on  écrit  apothicaire,  sigiiilie  assez  géné- 
ralement un  lieu  où  sont  déposées  les  choses  qu'on 
veut  vendre  ou  conserver,  un  magasin,  une  bou- 
tique, etc.  \\.  Ai'ûTiiEycE.)  Ainsi  tout  homme  tenant 
bouli(iue  ou  magasin,  pouvoit  cire  nommé  Apotiie- 
caire. On  trouve  la  preuve  de  celte  acception 
générale,  dans  le  Ciloss.  lat.  de  Uu  Gange,  au  mot 
Apotliecarii.  Mais  en  Irançois,  le  mol  A})otliecuire 
a  signilié  par  excellence  celui  qui  tient  boutique  de 
drogues;  boutique  où  l'ordre  dans  lequel  on  pose 
les  drogues  médicinales,  est  si  nécessaire  pour 
éviter  les  quiproquo  qui  ont  donné  lieu  à  ce  pro- 
verbe :  «  Dieu  nous  guarde  de  qui-pro-quo  d'Apo- 
«  thicquaires!  »  (Apol.  pour  Hérodote,  page  45.)  Le 
danger  de  ces  quiproquo  d'ApolItecaires  èloit  sans 
doute  bien  plus  à  craindre  qu'il  ne  l'est  aujourd'hui, 
lorsque  Pasquier  regieltoit  «  l'ancienneté  qui  faisoit 
«  marcher  sous  une  mesme  cadence  Testât  de  Me- 
«  decin.  Chirurgien  et  d'Apolicaire.  »  Il  croyoilque 
l'Apothicaire  étant  \' adopérateur  du  Médecin,  on 
éloit  d'autant  moins  assuré  de  sa  guérison,  que 
«  l'exéquution  de  l'ordonnance  du  Médecin  des- 
«  pendoit  de  la  miséricorde  d'un  maistre  Apoti- 
«  caire;...  ains  le  plus  souvent  d'un  vallet  auquel 
«  il  n'y  avoit  ny  science  ny  conscience.  »  (Voyez 
Pasquier,  Lett.  T.  Il,  p.  551  et  552.) 

VAIllANTES    : 
APOTHECAIP.E.  Rabelais,  T.  I,  Prolog,  p.  41.  -  Id.  T.  IV, 
p.  286.  -  Cotgrave,  Dict. 
ApoTHicQUAinE.  Apol.  pour  Hérodote,  p.  45. 
Apoticaire.  Dialûg.  de  Tahureau,  fol.  oO,  V». 
Apoticquaire.  Oudin,  Cur.  fr. 

Apotikaire.  Hist.  de  Job,  en  vers,  MS.  de  Gaignat,  f»  169. 
Apotiquaire.  Monel,  Dict. 
Appoticaire.  Poës.  de  Charles,  D.  d'Orléans,  MS.  fol.  92. 

Apothecairei'ie,  mhst.  féni.  Apolhicairerie. 
Etal  et  art  de  l'Apothicaire.  (Cotgrave,  Dict.) 

Apothème,  subst.  viusc.  Apophlhegme.  En  grec 
d7ié<f»iy/^a.  Il  seroit  atîieux  que  le  fanatisme  eût 
consacré  l'apophlliegme  de  M.  de  Montpensier,  qui 
croyant  imiter  par  sa  haine  contre  les  Hérétiques, 
le  zèle  du  Koi  S'  Louis  contre  les  Infidèles,  disoit 
«  qu'il  un  hérétique  on  n'estoit  nullement  obligé  de 
"  garder  sa  foy...  11  le  pratiqua  bien  à  l'endroit  du 
■<  Capitaine  des  Marais,  qu'il  prit  dans  le  chasteau 
«  de  Rocliefort  sur  Loire,  par  honeste  capitulation 


"  et  sur  sa  foy;  et  puis  le  fist  exécuter  aussitost, 
"  se  fondant  sûr  son  apotireme  (I)  que  je  viens  de 
«  dire.  »  (Brantôme,  Cap.  Fr.  T.  III,  p.  280.) 

Apotheque,  sulist.  /'t'/H.  Boutique  (2).  Acte  sujet 
à  la  lormalilé  du  dépôt.  Ce  mol  purement  grec  signifie 
bouti(iue,  lieu  où  l'on  expose  des  marcliandises  en 
vente.  «  Il  l'ault,  dict  Galon,  que  le  Pere-fauiillesoit 
»  vendeur  perpétuel.  Parce  moyen  est  impossible 
«  qu'enfin  riche  ne  devienne,  si  tousjours  dure 
«  V apotheque.  »  (Rabelais,  T.  111,  page  12.) 

H  est  possible  quapotheque,  dans  un  sens  relatif 
à  l'iicception  générale  du  mot  grec  dno»i]y.tj,  lieu  où 
sont  déposées  les  choses  dont  la  garde  intéresse, 
ait  désigné  certains  actes  juridiques,  par  la  raison 
qu'ils  étoient  sujets  à  la  formalité  du  dépôt;  c'est- 
à-dire  qu'une  expédition  de  ces  actes  devoil  être 
déposée  au  greffe  de  la  juridiction  où  ils  étoient 
passés.  «  Leftres  et  instrumens  faicts  et  passez  par 
>'  Eschevinage  qui  se  faict  en  deux  parties  cyrogra- 
«  phées,  ou  en  trois  parties  dont  le  Juge  garde  l'ure 
"  des  parties;  et  les  parties  à  qui  touche,  gardent 
«  les  autres.  Et  sont  telles  lettres  selon  le  Droict 
«  civil  appellées  apotheques.  »  (Bouleiller,  Som. 
rur.  lit.  cvn,  p.  C36.) 

Apotliérapic,  subst.  Récréation.  Ce  mot  qu'on 
trouve  dans  Cotgrave  Dict.  est  une  altération 
d'apo  thérapie. 

Apothérapie,  subst.  fém.  Récréation.  En  grec 
àno^içaniia.  «  Par, manière  â'apothcrapic  s'esba- 
«  toieut,  etc.  •>  (Rabelais,  T.  I,  p.  I7(i.;  C'est  ainsi 
qu'il  faut  lire  dans  les  éditions  où  il  y  a  apotliérapic. 
(Id.  ibid.  note  de  Le  Duchat.  —  Voy.  Apotiiérapic.) 

Appactir,  verbe.  Obliger  à  payer  une  contri- 
bution fixée  par  un  pacte.  On  se  souvient  encore  de 
ces  temps  malheureux  où  l'habitant  des  villes  et  de 
la  campagne,  exposé  à  la  fureur  avide  et  meurtrière 
des  ennemis  étrangers  et  domestiques  qui  désoloieut 
la  France,  n'obtenoit  la  vie  avec  la  liberté  de  faire 
son  commerce  et  de  labourer  la  terre,  qu'en  se 
mellant  à  pactis,  ou  en  pactis;  qu'en  s'obligeanl  à 
payer  les  contributions  fixées  par  des  pactes,  sur 
lesquels  étoit  établie  une  espèce  de  paix  ruineuse 
et  tyrannique.  (Voyez  Apaer.)  Telle  est  l'origine  du 
verbe,  quelquefois  réciproque,  appactir  ou  em- 
pactir,  et  de  la  signification  dans  laquelle  on  a  dit  : 
«  Ne  pouvant  plus  souffrir  eslre  raen^'onnez  et 
«  apactis  auxdits  ennemis  depuis  six  ou  sept  ans, 
«  etc.  »  (D.  Carpenlier,  au  mol  Apaluare.)  «  Tous 
.<  les  villaiges  d'entour  Paris  estoient  upali%  aux 
«  Arminaz  (3).  »  (Journal  de  Paris,  sous  Charles  VI, 
p.  427.)  «  Ils  ne  pouvoyent  labourer  leurs  terres... 
«  pour  la  dou tance  des  pillars,  s'ils  n'estoyent  bien 
«  acconvenancés  et  appactis.  »  (Froissarl,  Vol.  III, 
p.  258.)  Peut-être  faul-il  lire  apactis  en  un  seul  mot, 


(1)  Il  y  a  là  une  faute  d'orthographe  ;  apolkinip.  de  dnà  et  ziBr^^i  est  seulement  employé  en  chimie  et  en  géométrie  ; 
c'est  la  perpendiculaire  menée  du  centre  sur  le  côté  d'un  polygone  régulier,  ou  la  hauteur  d'une  quelconque  des  faces 
triangulaues  d'une  pyramide  régulière  ;  c'est  enfin  un  précipité  brun  qui  se  forme  peu  à  peu  dans  les  dissolutions  des 
extraits  végétaux.  (N.  e.)  -  (.2)  JJoulique  vient  lui-même  d'dnoe7,xT],  par  l'italien  boltega,  comme  le  rend  probable  l'apocope 
de  la.  (N.  E.)  —  (3)  Armagnacs. 


AP 


—  35  — 


AP 


SiU  Vieu  de  à  pactis  dans  cel  auL:  i..,jsage.  «Ceux 
«  de  Lourde  et  de  Malvoisin  raiiçoniioycnt  aussi 
«  bien  les  marchands  du  royaume  d'Arragou  el  de 
«  Catelongne,  comme  ils  fâisoyent  les  François, 
«  s'ils  n'esloyent  à  7;aci/s  à  eux.  »  (Id.  ibid.  p.  8.) 
Au  reste,  on  a  pu  dire  estre  à  pacfis,  comme  l'on 
disoit  se  mettre  à  pactis,  estre  à  appactis.  (Voyez 
Appactis,  Appactizer  el  Pactis.)  La  violence  qu'un 
désir  lyrannique  fait  h  notre  volonté,  étant  com- 
parée à  celle  que  souffroient  des  citoyens  obligés 
malgré  eux  de  s'appaclir,  on  aura  dit  figurément: 

.  .  .  Desir  tient  tout  apastis 
Mon  voukiir  qui  est  amatis. 
Al.  Charlier,  Liv.  des  iv  Dames,  Du  Gange,  Gloss.  lal.  au  mot  Apatisatio. 

VARIANTES  : 
APPACTIR.  Froissart,  Vol.  III,  p.  258. 

Apactir.  Id.  ibid.  p.  67.  —  D.  Carpentier.au  mot  Apatiiare. 
Apastir.  Du  Gange,  Gloss.  lat.  au  mol  Apalisatio,  col.  546. 
Apatir.  ,Iour.  de  Paris,  sous  Cliarles  VI,  p.  -127. 
E.MPACTIR.  Froissart,  Vol.  III,  p.  8,  note  margin. 

Appactis,  subst.  masc.  Contribution  fixée  par 
un  pacte.  Pacte  qui  fixe  une  contribution.  C'est 
probablement  d'après  les  expressions  estre  à  pactis, 
se  mettre  à  pactis,  qu'a  été  formé  le  substantif 
composé  appactis  ou  a])pactix:,  ainsi  que  les  verbes 
appactixer,  appaclir,  s'appactir.  (Voy.  Pactis.)  Il 
semble  que  l'usage  de  ce  mot  ait  commencé  et  fini 
avec  les  malheurs  de  ces  temps  d'anarchie  oi^i  ceux 
qui  dévoient  être  le  soutien  de  la  I^'rance,  se  réunis- 
soient  ;'i  ses  ennemis  pour  en  être  le  fléau.  On 
croiroit  que  la  tyrannie  militaire  du  xiv  et  du  xv 
siècle  alfectoit  de  pallier  l'odieux  de  ces  contribu- 
tions auxquelles  le  citoyen  étoit  forcé  de  souscrire, 
en  les  nommant  appactis,  comme  si  elles  eussent 
été  fixées  par  un  pacte  volontaire.  «  Les  appactis.... 
«  montoyent  bien  par  an  es  terres  dessus  dites 
«  autant  comme  la  rédemption  des  fors  et  des  gar- 
«  nisons  devoit  monter.  »  (Froissart,  Vol.  IIT,  p.  258.) 
«  îv'estoit  année,  à  cause  de  ladite  place,  qu'ils 
B  n'eussent  d'appactis  sur  le  pais  bien  vingt-quatre 
«  mille  escus.  «  (Juvenal  des  Ursins,  H.  de  Charles 
VI,  page  17'2.)  «  Ne  seront  faites  aucunes  prises  de 
Cl  personnes,  courses,  voleries,  pilleries,  logis, 
o  appatis .  rançonnement  de  bestes  ou  d'autres 
«  biens  quelconques,  sur  les  terres,  villes. ...  et 
o  autres  lieux  estansdu  parti  et  obéissance  du  Roy.  » 
(Mém.  de  Comines.  T.  III,  pr.  p.  180. "i  Le  brigandage 
multiplioil  ces  contributions  nommées  appactis,  h 
tel  e.xcès  qu'un  «  pauvre  village  estoit  à  appatis  à 
«  huict  ou  dix  places.  »  (Œuv.  d'Al.  Chartier,  Annot. 
p.  839.)  De  là,  on  disoit  en  parlant  d'un  Capitaine  ou 
Soldat  avec  qui  une  ville,  un  pays  étoit  à  appactis, 
qu'il  tenoil  ce  pays,  celte  ville  en  composition  d'ap- 
pactis, en  rente  d'appactis,  ou  tout  simplement  en 
appactis.  «  Tindrent  tousjours  le  pais  en  guerre  et 
«  en  composition  à'appactiz.  »  (Froissart,  Vol.  IV, 
p.  32.)  .<  Sur  les  marches  de  la  duché  de  Luxem- 
«  bourg...  le  Signeur  de  Commersy...  faisoit  guerre 
<«  au  premier  rencontré,  et  prenoit  el  ravissoit  de 

«  toutes  pars  prisonniers  el  butin Sur  les 

«  marches  de  Mets. . .  se  tenoil  Henry  de  la  Tour, 
«  au  lieu  de  Pierrefort  et  tenoil  les  citez  de  Tout  et 


«  de  Verdun  en  rente  d'apatis  et  tous  ses  voisins 
«  en  sujeltion.  »  (Mém.  d'Ol.  de  la  Marche,  liv.  I", 
page  1j1  et  152.)  «  Se  retrait  le  Roy  en  la  cité  de 
»  Bourges. . . .  laquele  cité  un  pauvre  soudoyer 
«  Bourgongnon,  nommé  Pernet  Grasset,  tenoit  en 
«  apatis,  le  Roy  estant  dedens.  »  (kl.  ibid.  p.  124.) 
«  Prospère  Colonne,  Lieutenant  général  du  Pape,... 
«  tenoil  tout  le  pays  en  appatis  et  en  faisoit  ce  qu'il 
«  vouloit.  »  (Hist."du  Ch"  Bayard,  p.  363.  —  Voyez 
Apatissemext  et  Apatissure.) 

Il  semble  que  la  signification  d'appactis  étoit 
quelquefois  celle  d'apatissure,  et  que  les  Lettres 
seellécs  d'apacli~~^  éloient  des  pactes  qui  fixoient  les 
contributions  au  payement  desquelles  on  s'obligeoit 
sous  le  scel  de  celui  qui  les  avoit  exigées.  «  Les 
»  Bourgongnons...  voulans  vivre  delà  guerre,  se 
«  boultoieiît  avec  les  Anglois;  et  en  portaiil  la  croix 
«  rouge  prenoient  les  François  et  leur  faisoient 

«  guerre:  par  lequel  moyen regnoit  contre  le 

«  peuple  et  gens  d'Eglise  Ir'ès-innumérables  et  tyran- 
«  niques  pilleries.  Et  combien  que  pour  vivre  en 
«  paix  au  dessouhs  de  ceux  qui  faisoient  la  guerre, 
0  ils  donnassent  et  promeissent  du  leurs  très-lar- 
»  gement,  en  prenant  d'iceux,  ou  de  leurs  Capi- 
«  Faines,  saufconduits,  lettres  de  gardes,  ou  seellées 
«  à'apacli:^,  néant  moins  peu,  ou  néant  leur  estoit 
«  entretenu.  »  (Monstrelet,  Vol.  II.  fol.  83.  —  Voyez 
Appactir  et  Appactizer.) 

variantes  : 
APPACTIS.  Froissart,  Vol.  III,  p  258. 
Apactiz.  Monstrelet,  Vol.  II,  fol.  83,  R». 
Ap.\tis.  Mém.  d'Ol.  de  la  Marche,  liv.  i,  p.  124. 
Appactiz.  Froissart,  Vol.  IV,  p.  32.  —  Monstrelet,  V.  II,  p. 86. 
Appastis.  Du  Gange,  Gloss.  lat.  au  mot  Appatiamentum. 
Appatis.  Ib.  ibid.  au  mot  .ipaii.'iatin,  col.  545.  —  Mém.  de 
Comines,  T.  III,  p.  180.  -  Hist.  du  Cii"- Bayard,  p.  303. 
App.^tiz.  D.  Garpentier,  S.  Gl.  I.  de  D.  C.  au  mot  Apatuare- 

Appactizer,  verbe.  Obliger  à  une  contribution 
fixée  par  un  pacte.  Telle  a  été  la  signification  du 
verbe  appactizer,  apaticlier,  ou  apatisser,  dont 
quelques  étymologistes,  trompés  sans  doute  par 
les  orthographes  apastir  el  appastis  qui  sont  des 
altérations  d'aj)jiactis  et  d'appactir,  ont  cru  voir 
l'origine  d'àw?, pasl'is  ou  past,  en  latin  pastus.  (Voy. 
Borel,  Dict.  —  Du  Cange,  Gl.  1.  au  mot  Apatisat'io.) 
On  l'a  même  défini  conformément  à  celte  fausse 
étymologie.  Mais  il  est  évidemment  formé  de  pactis, 
pacte,  en  lartin  paclum,  et  signifie  mettre  à  contri- 
bution ,  obliger  au  payement  d'une  contribution 
fixée  par  un  pacte.  (Voy.  Pactis.)  «  La  plus  grande 
«  partie  des  villes  estoient  toutes  appactizées  à 
«  eux,  cl  rançonnées  à  certaine  somme  d'argent  et 
«  de  fromens  pour  chacun  mois.  "  (.Monstrelet. 
Vol.  II,  fol.  183.)  «  Tanguy...  apatissa  la  Villeneuve 
«  S"  George....  et  après  lés  deniers  par  lui  receus, 
«  etc.  "  (Preuv.  sur  le  meurtre  du  D.  de  Bourgogne, 
page  309.)  Ce  même  verbe  est  réciproque  dans  une 
lettre  o\x  Juvenal  des  Ursins,  représentant  aux  Etats 
de  Blois  la  misère  du  peuple,  disoit  :  "  Le  [iauvre 
«  peuple  de  tous  estats  cuidant  y  mettre  remède, 
«  délibéra  de  soy  apaticher  à  la  garnison  plus  pro- 
«  chaîne;  mais  tantost  toutes  les  autres  garnisons 


AP 


—  3G  — 


AP 


«  commenci'rent  à  courir  villages,  voulant  avoir 
«  palis.  »  (Du  Cange,  Gloss.  lat.  au  mot  Apatisatio. 
—  Voy.  Ai'i'ACTm.) 

VARIANTES  : 
APPACTIZER.  Monslrelet,  Vol.  II,  fol,  18,3,  R°. 
Apaticher.  Du  Cange,  Gl.  lat.  à  Apatisatio.  —  Borel,  Dict. 
Ap.\tiser.  Id.  ibicl. 

Ap  ATissER.  Preuv.  sur  le  meurtre  du  D.  de  Bourgogne  p .  309. 
Appaticiier.  Œuv.  d'.\l.  Chartier,  Annot,  p.  860. 
Appatisser.  Id.  ibid.  p.  839.  —  Le  .louvencel,  MS  p.  335. 
Appatissier.  D.  Carpentier,  S.  Gl.  1.  de  D.  G.  à  Appalicire. 

Appaillarder  (s'I,  verbe.  Se  livrer  à  une  luxure 
honteuse  et  iiilàme.  (Cotgr.  Dict.  —  V.  AppAiLLAnom.) 

Appaillai'dir,  vcvb.  Devenir  paresseux  et  lâche. 
Rendre  gueux.  Devenir  luxurieux,  impudique.  On 
subslituoil  à  l'idée  d'être  couché  sur  la  paille,  celle 
d'être  couché  sur  un  lit,  en  substituant  le  verbe 
apoltronnit;  devenir  paresseux  et  lâche,  au  verbe 
appaillarder  plus  ancien  dans  notre  langue  en  cette 
même  signification  figurée.  ;Voyez  Apoltron.mr  et 
Apoltron.ner.)  Longtemps  avant  que  Charron  eût  dit 
que  le  mariage  apoltroiuiisoit  les  Savans,  on  s'étoit 
plaint  que  non-seuieuieiit  les  Clercs,  mais  les  Che- 
valiers, en  se  mariant  appaillarJissoieiit,  qu'ils 
devenoient  paresseux  et  lâches. 

Car  nulz  d'eulz  ne  puet  les  mestiers 

Exercer,  li  uns  de  Clergie, 

Li  autres  de  Chevalerie, 

Et  servir  aux  femmes  ensemble. 

Ainsi  chascun  son  l'enom  amble, 

Se  destruit,  et  apaillardit . 

Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  o46,  col.  i. 

C'est  probablement  en  faisant  allusion  â  la  paille 
sur  laquelle  couchent  les  gueux,  tiuappaillardir  a 
signifié  rendre  gueux,  réduire  à  la  paille  comme  un 
gueux. 

Faulte  d'argent  et  les  grans  prestz 
Nous  ont  Ung  peu  appaillardis. 

Dialog.  de  Mallepaye,  p.  57. 

On  répugne  à  retracer  l'idée  du  vice  inhérent  â  la 
paresse  des  gueux  qui  couchent  sur  la  paille,  en 
disant  qu' appui llardi7-  c'est  devenir  luxurieux,  im- 
pudique. (Oudin,  Dict.  —  Voy.  Paillarder.) 

VARIANTES  1 
APPAII.LARDIR.  Dialog,  de  Mallepaye,  p.  57. 
Apaillardir.  Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  349,  col.  1. 

Appanage,  siilist.  inasc.  Dot.  Apanage.  On  peut 
voir  dans  Ménage,  Dict.  étym.  combien  Tes  opinions 
ont  varié  sur  l'origine  du  mot  appanage.  En  suppo- 
sant qu'il  fût  dérivé  du  substantif  latin  appemlagiuin 
formé  du  verbe  nppendere,  l'ortliographe  appcnage 
que  l'on  croit  une  altération  d'appanage,  seroit  la 
vraie  orthographe.  Cette  opinion  de  Spelman,  pré- 
férable sans  doute  â  celle  d'Antoine  Loisel  qui  veut 
qa'appennage  ait  été  formé  de  penne,  en  latin 
penna,  parce  que  les  enfans  appennés  commen- 
çoient  à  voler  d'eux-mêmes,  ne  mérite  cependant 
d'être  remarquée  qu'autant  que  la  signification 
d'apanage  semble  y  être  relative,  lorsqu'on  dit  que 
les  infirmités  sont  les  apanages,  les  dépendances 


do  la  nature  humaine.  C'est  dans  le  mot  pain,  en 
latin  panis,  qu'on  trouve  l'origine  aussi  simple  que 
naturelle  du  mot  appanage.  (Voy.  Du  Gange,  Gloss. 
lat.  T.  I,  col.  ô'd.  —  Nicot,  Dict.  -  Dict.  de  Trévoux.) 
Il  suffit  que  le  pain  soit  une  chose  essentielle  à 
la  nourriture  de  l'homme,  pour  qu'on  ait  nommé 
pain  tout  ce  qui  est  nécessaire  à  sa  subsistance,  et 
appanage  ce  que  les  pères  et  mères  donnent  à  leurs 
.  enfans,  ou  les  frères  aines  à  leurs  puiiiés,  tant  pour 
leur  nourriture  que  pour  leur  entretien.  Dans  cette 
signification  générale,  la  dot  des  filles  étoit  une 
espèce  d'ajB/jfljîflg'e.  «  Père  et  mère,  ou  fun  d'eux, 
«  entant  que  â  luy  est  permis  et  leur  est  loisible, 
«  peuvent  par  contract  de  mariage  appaner  leurs 
"  filles  et  leur  laisser  pour  leur  dot  de  mariage  et 
"  pour  tous  droicts  de  leurs  successions ,  ce  que 
«  bon  leur  semblera;  tellement  que  leurs  dictes 
'<  filles  ainsi  appanées  ne  peuvent  aprez  le  déceds 
«  et  trespas  de  leurs  dicts  père  et  mère  demander 
"  ne  quereller  aucune  chouse  ez  biens  et  succes- 
«  sions  de  leurs  dicts  père  et  mère,  sinon  leurs 
«  dicts  appanages,  au  cas  que  les  dicts  père  et  mère 
«  ou  l'un  d'eux  ne  les  eussent  rappelés.  «  (La 
Thaumassière,  Coût  de  Berry,  p.  209  et  -210.)  «  Fille 
«  mariée  et  appanée,  ou  dotée,  par  père  et  mère 
«  vivans...  ne  peut  retourner  à  la  succession  des- 
«  dits  père  et  mère...  tant  qu'il  y  aura  hoir  masle, 
«  ou  hoir  descendant  de  masle  ,  soit  masle  ou 
«  femelle....  Et  ne  peut  ladite  fille  impugner  ladicte 
»  dotation  et  appanage...  sauf  par  supplément  de 
«  sa  légitime,  eu  esgard  à  son  dit  dot,  ou  appanage, 
"  et  aux  biens  de  ses  dits  père  et  mère  délaissez 
«  par  leurs  décès.  )>  (Coût,  de  Mvernois,  au  Coût, 
gén.  T.  L  p.  892.) 

On  a  dit  en  parlant  des  Filles  de  France,  e.vcluses 
en  tout  temps  de  la  succession  à  la  Couronne,  que 
«  c'est  une  espèce  d'abus  de  leur  donner  des  appa- 
«  nages  en  fonds  »  de  terres  domaniales.  Cette 
observation  de  Le  Laboureur  paroit  d'autant  plus 
judicieuse  qu'elTectivement  fabus  dont  il  indique 
l'époque,  (Hist.  de  la  Pairie,  p.  20.5,)  est  un  écai*t 
de  l'ancien  principe  des  usages  Saliques  ;  principe 
d'après  lequel  il  semble  que  Charles  V  ordonna  pai- 
ses  Lettres  du  mois  d'octobre  1374  (1),  que  «  pour 
«  tout  droict  de  partage  ou  appennage  que  ses  iilles 
«  pourroient  demander  en  ses  Domaines,  Droicts, 
»  Noblesses  et  Seigneuries  royaux,  l'ainée  auroit  en 
«  mariage  cent  mille  francs,  et  les  autres  filles 
«  soixante  mille  francs,  avec  tels  garnisons  et  esto- 
«  remens  comme  il  appartient  à  filles  de  Roy  de 
«  France.  »  Il  est  probable  que  ce  n'est  pas  sans 
raison  qu'en  parlant  de  ses  filles,  il  a  dit,  «  pour 
«  tout  droict  de  partage  ou  d'appennage  qu'elles 
"  pourroient  demander,  etc.  »  S'il  eût  reconnu  leur 
droit  à  demander  un  partage  ou  appen)iage  en  fonds 
de  terre,  un  appennage  de  même  nature  que  celui 
de  leurs  frères,  il  se  seroit  exprimé  sans  doute  à 
l'égard  de  ses  filles  Marie  et  Ysabelle,  comme  à 


(1)  Cette  sage  mesure  demeura  sans  effet,  et  ce  fut  seulement  à  partir  de  1566  que  les  rois  s'astreignirent  à  l'observation 
rigoureuse  d'une  loi  précise.  Lhospital  fit  rendre  alors  une  ordonnance  en  vertu  de  laquelle  tous  les  apanages  rentraient 
francs  et  quittes  de  toute  obligation  à  la  eourop-ne,  après  l'extinction  de  la  ligne  masculine  directe,  (n.  e.) 


AP 


—  37  — 


AP 


réirard  de  son  fils  Louis  ;  il  auroit  dit,  pour  «  tout 
«  droict  de  partage  ou  appennaqe  à  elles  apparte- 
«  liant,  »  comme  en  parlant  de  leur  frère,  il  avoit 
dit  :  «  Ordonnons  que...  nostre  très-cher  et  aimé 
«  fils  Louys  aye  pour  tout  droict  de  partage  ou 
«'  appcunage  à  luy  appartenant  en  nos  Terres  et 
«  Seigneuries,  pour  raison  de  nostre  succession , 
«  ou  autrement,  selon  les  vieils  usages,  observan- 
«  ces  et  coustumesde  nostre  Royaume,  douze  mille 
«  livres  de  Terres,  etc.  »  (Godefroy,  Aunot.  sur 
fHist.  de  Charles  VI,  p.  571  et  57'i.) 

Quoique  cette  Ordonnance  semble  confondre  le 
partage  et  Vappanage,  la  signification  de  ces  deux 
mots  n'en  étoit  pas  moins  essentiellement  différente, 
puisque  les  filles,  bornées  à  une  dot  qu'on  nommoit 
appanage,  n'ont  jamais  partagé  les  terres  Saliques, 
conjointement  avec  leurs  frères  ;  et  (lu'antérieu- 
rement  à  l'Ordonnance  de  Charles  Y,  Vappanage, 
tel  qu'on  le  conçoit  encore  aujourd'hui,  excluoit, 
même  entre  frères,  le  partage  de  ces  terres.  Une 
preuve  de  cette  exclusion  commune  aux  fils  puînés 
des  grands  Seigneurs  avec  les  fils  puînés  de  nos 
Rois^  c'est  ([ue  dans  un  titre  de  1323,  «  Guy  de 
«  Chastillon,  Comte  de  Blois,  après  avoir  dit*  et 
"  maiutenu  (iue....lohan  son  frère  ne  devolt,  ne  ne 
«  pooit  demander  en  la  comté  de  Blois,  ne  es  ap- 
"  parlenances  que  appenage  tant  seulement,  fixe 
»  cet  appanage  à  doze  cenz  livres  tournois  de  rente 
«  en  fonds  de  terre,  quoique  son  frère  prétendit 
«  avoir  droit  de  partage  en  ladite  conté  et  es  appar- 
«  tenances.  »  (Voy.  Ilist.  de  la  M.  de  Chastillon,  pr. 
p.  100.)  L'appanage  des  puînés  n'éloit  même  pas 
toujours  un  appanage  en  fonds  de  terre.  Guillaume, 
Seigneur  de  Montpellier,  fils  de  la  Duchesse  Ma- 
thilde,  déclara  par  son  testament  du  4  novembre 
1202,  son  fils  puîné  exclus  du  droit  de  parlager 
avec  l'aiaé  l'hérédité  paternelle  ,  moyennant  un 
appianage  de  mille  sous  de  rente  annuelle  :  «  Volo 
«  quod  filius  meus  major  natu...  det  ei  tempore 
'<  vitse  suœ  annualim  1000.  sol.  et  pro  his  sit  con- 
"  leulus  omnibus  aliis  bonis  meis.  »  (Du  Cange, 
Gloss.  lai.  T.  I,  col.  543.)  Dans  un  autre  testament 
d'un  Seigneur  de  Montpellier,  aussi  nommé  Guil- 
laume, fils  d'Ermessinde,  le  puîné,  désigné  pour 
l'état  ecclésiastique,  subit  la  même  exclusion,  sans 
pouvoir  exiger  de  l'ainé  autre  chose  qu'une  éduca- 
tion et  une  subsistance  proportionnées  à  la  noblesse 
de  sa  naissance.  C'est  relativement  à  cette  idée  géné- 
rale de  proportion,  particularisée  dans  le  testament 
et  indiquée  par  l'adverbe  honorificè,  qu  apariagc  a 
signifié  la  même  chose  (\n  appanage.  (Voy.  Aparl^ge.) 

On  peut  dire  que  ce  testament,  en  date  du  li 
décembre  1146,  est  une  cession  faite  au  fils  aine, 
de  tous  les  droits  de  l'autorité  paternelle  sur  le 
puîné.  "  Rernardum  Guillelmum  filium  meum 
«  dimillo  Guillelmo  filio  meo  majori,  ita  scilicet  ut 
<'  usque  ad  aîtalem  xviu  annorum  benè  faciat  eu  m 
<•  docere  et  in  lilteris  studere  ;  et  si  tune  voluerit 


«  clericus  fieri  et  ad  sacros  ordines  promoveri , 
«  Dominus  Montispessulani  teneat  illum  honorificè 
•<  secum,  ita  scilicet  ut  equos  et  ai'ma,  et  armige- 
«  ros,  et  victum  et  vestitum  sibi  honorificè  adminis- 
«  tret ,  et  Bernardus  nihil  aliud  in  Loto  honore 
«  ipsius  aliquo  jure  petere  possit;  vilis  enim  h;ere- 
«  ditas  nobilem'hominem  non  decet.  ••  (Du  Cange, 
Gloss.  lat.  uhi  supra.)  Il  seroit  à  désirer  pour  les 
mœurs  qu'il  suffit  d'être  vertueux  pour  être  noble 
avec  décence.  Mais  telle  est  la  force  des  préjugés 
vulgaires,  qu'on  sent  encore  aujourd'hui  que  dans 
le  xn'  siècle  on  pouvoit  avoir  raison  de  dire  qu'un 
médiocre  patrimoine  messied  à  la  Noblesse.  La 
crainte  que  cette  médiocrité  n'exposât  la  noblesse 
d'une  Maison  illustre  à  l'obscurité  et  à  l'avilisse- 
ment, parut  un  motif  raisonnable  d'exclure  les 
enfans  puînés  de  la  succession  pnternelle.  On  les 
força  de  se  contenter  d'un  appanage  (I),  au  moyen 
duquel  ils  pouvoient  subsister  décemment,  et  se 
venger,  en  acquérant  l'honneur  et  la  richesse  dans 
la  carrière  ecclésiastique  et  militaire,  de  l'espèce 
d'injustice  qu'on  leur  faisoit  éprouver. 

Ces  appanages  durent  sans  doute  paroitre  encore 
plus  contraires  à  la  Nature  que  les  partages  dont  le 
droit  d'aînesse  autorisoit  l'inégalité.  «  Aussi  nos 
><  premiers  ancestres  ne  se  pèurent  aisément  in- 
«  duire  à  introduire  en  leur  monarchie  des  droits  si 
«  contraires  à  l'égalité  qui  semble  naturelle  entre 
"  les  enfans  d'un  même  père.  Et  de  fait  ne  furent, 
«  ny  les  droits  d'ainesse,  ny  les  apanages,  conneus 
«  sous  la  première,  ny  mesme  sous  la  seconde  lignée 
«  de  nos  Roys.  »  (Pasquier,  Rech.  liv.  ii,  p.  128.) 

Mais  la  Nature  qui  dicte  la  loi  de  l'égalité,  excuse 
elle-même  l'amour  propre  d'un  père  de  famille  qui 
s'occupe  des  moyens  de  perpétuer  l'illustration  de 
sa  noblesse.  C'est  ce  même  amour-propre  devenu 
dominant  qui  proscrivit  enfin  l'égalité  du  partage 
entre  frères.  «  On  reconnut,  sous  la  troisième  Race, 
«  le  droict  d'aisnesse  si  essentiel  à  l'entretenement 
«  des  familles,  et  que  la  Nation  Françoise  a  eu  en 
«  grande  recommendation,  voire  sur  toutes  autres 
«  nations.  »  (Pasquier,  ubi  supra.)  Vappanage  anéan- 
tissoit  quelquefois  toute  espèce  de  droit  de  partage, 
même  inégal,  lorsque  les  fils  et  les  frères  puînés 
des  Seigneurs  particuliers  étoient  appanages  comme 
l'ont  été  et  le  sont  encore  les  fils  et  les  frères  puinés 
des  Rois  de  France. 

On  sait  que  sous  les  deux  premières  Races  de 
nos  Rois,  le  Royaume  qui  est  terre  Salique  par 
essence,  se  partageoit,  suivant  les  mêmes  Lois 
qu'une  hérédité  particulière  ;  que  le  partage  étoit 
égal  entre  les  fils,  à  l'exclusion  des  filles  ;  que  pour 
obvier  aux  inconvéniens  de  cette  égalité  de  partage, 
on  établit,  sous  la  troisième  Race,  la  maxime  de 
l'indivisibilité  de  la  Couronne  :  maxime  qui  devint 
loi  fondamentale  de  l'Etat,  et  dont  les  Seigneurs 
particuliers  ont  profité  eux-mêmes,  en  la  faisant 
valoir  pour  leurs  fiefs  nobles  ou  seigneuries. 


(1)  L'apanage  était  donc  la  pension  annuelle,  la  rente  assignée  d'ordinaire  sur  certains  fonds,  que  faisaient  les  seigneurs 
à  leurs  frères  puînés.  Il  nous  en  reste  des  exemples  assez  nombreux  au  xii'  siècle.  La  tenure  en  pavage,  la  division  des 
flefs  firent  tomber  en  désuétude  Vapanage  seigneurial,  (n.  e.) 


AP 


—  38 


AP 


Le  rtomniiiede  ia  Couronne  étant  ainsi  devenu 
indivisible,  le  ..  ■  pour  assurer  i^i  ses  puinés  un  sort 
cligne  de  leur  naissance,  leur  donna  la  jouissance 
de  ïeii'os  et  de  titres,  aux  charges  de  reversion  à 
l'extinction  de  leur  postérité  masculine  ;  et  cette 
jouissance  ainsi  donnée,  fut  par  la  suite  nommée 
appanage(\).  «  Au  lieu  où  premièrement  tous  enfans 
o  du  Roy  estoyent  recompensez  en  t^oyaumes,  pour 
«  leurs  partages,  et  (jue  depuis  on  leur  donuoit  les 
«  grandes  contrées  par  forme  de  Duchez ,  avec 
«  grandes  prérogatives  et  soy  l'essentans  au  plus 
«  près  de  la  Royauté  sous  le  titre  de  Ducs  ;  nos 
«  Roys  par  une  innovation  très-politiiiue  et  prolita- 
«  ble  pour  l'accroissement  de  ce  royaume,  commen- 
«  Gèrent  à  retrancher  cette  grandeur  à  leurs  frères, 
«  leurs  donnans  Terres  et  Seigneuries  en  apanaçie. 
«  Quoy  faisans  ils  n'entendoient  leur  avoir  rien 
«  donné  en  partage,  fors  le  domaine  et  le  revenu 
«  annuel.  »  (Voy.  Pasquier,  Rech.  liv.  u,  p.  129.) 
En  effet,  l'idée  d'une  propriété  indivisible  ou  impar- 
table,  exclut  nécessairement  l'idée  d'un  appnnage 
qui  diviseroit  cette  propriété,  en  la  partageant.  Il 
est  donc  de  la  nature  d'un  appanage  de  n'être  pas 
un  partage.  On  l'a  déjà  prouvé  par  quelques  anciens 
titres  relatifs  aux  enfans  puînés  des  Seigneurs  par- 
ticuliers. Mais  il  s'agit  ici  de  Yappanage  que  Saint- 
Julien,  (Mesl.  hist.  p.  G.)  dit  avoir  en  soy  quelque 
excellence  réservée  pour  les  fils  de  Roys.  Cet  appa- 
nage, disoit  l'Avocat  général  Talon,  parlant  dans 
une  cause  d'appanage  en  16'd,  n'étoit  point  un  par- 
tage; ce  n'étoit  point  une  légitime,  mais  un  droit 
spécial,  une  concession  particulière,  par  grâce,  par 
bonté,  par  bienfait.  (Voy.  Journ.  desAud.  T.  1.  p. 
347.)  Le  P.  Hesnault  dit  que  sous  le  règne  de 
Philippe-le-Bel,  «  Yappanage  étoitune  sorte  de  con- 
«  cession,  qui  sans  morceler  le  domaine  de  la 
«  Couronne,  en  suspendoit  seulement  la  jouissance 
«  pour  quelque  temps  et  pour  quelque  portion , 
"  mais  sans  toucher  à  la  propriété.  »  (Abr.  chron. 
de  l'Hist.  de  Fr.  T.  I,  p.  2G0  ;  édit.  de  1768.) 

Il  paroit  aujourd'hui  tellement  constaté  que 
l'essence  de  Yappanage  est  de  rester  domaine  de  la 
Couronne,  qu'il  seroit  inulile  d'insister  long-temps 
sur  la  preuve  d'une  vérité  établie  par  la'  Loi  et 
attestée  par  les  Jurisconsultes.  «  Terrœ  appanagii 
«  sunt  pars  domanii  Régis,  concessa?  per  modum 
«  provisionis,  filiis  masculinis  Regum.  ..  (Du  Mou- 
lin, sur  la  Coût,  de  Paris,  titr.  i",  §  4.3,  n"  185.) 
L'Avocat  général  Talon,  dans  son  plaidoyer  que  j'ai 
cité  plus  haut,  prouvoit  que  le  Domaine  donnij  à 
titre  d'appanage,  conservoit  la  nature  de  Douuiine 
de  la  Couronne,  en  alléguant  les  articles  xv  et  xvi 
de  l'Ordonnance  de  15GG,  sur  le  Domaine. 

Ces  ailicles  portentque  dans  les  terres  domaniales 
cédées  par  engagement,  (Rec.  des  Ordonnances, 
édit.  de  1720,  T.  1,  p.  IIOG.)  la  réception  de  l'hom- 


mage demeurera  au  Roi ,  mais  que  lorsqu'elles 
seront  cédées  en  appanage,  l'hommage  sera  reçu 
par  le  Prince  appanage,  aux  charges  par  lui  d'eii- 
voyer  une  copie  de  la  réception  "à  la  Chambre  des 
Comptes  de  Paris  ;  «  ce  qui  justifie  (ajoutoit-il)  que 
"  les  terres  de  Yappanage  demeurent  domaine  de 
«  la  Couronne.  »  (Voy.  Journ.  des  Audiences,  ubi 
supra.)  «  L'appanage,  dit  du  Tillet,  n'est  point  un 
«  partage  qui  importe  Seigneurie....  Les  droicls 
«  royaux  qui  sont  adhérens  à  la  Couronne,  insépa- 
«  râbles  d'icelle,  sont  réservez  et  ont  toujours  esté  ; 
«  et  souloit  ou  Duché  ou  Comté  qui  estoit  baillé 
«  estre  retenue  par  le  Roy  quelque  ville  où  il  éri- 
«  geoit  un  Bailliage  royal  pour  la  cognoissance 
«  desdits  cas  royaux...  Depuis  ont  esté  créez  Juges 
«  des  Exempts.  »  (Vov.  Du  Tillet,  Rec.  des  Rois  de 
Fr.  p.  208,  209  et  213.  —  Pasquier,  Rec.  liv.  u, 
p,  129.)  Henri  111  ne  fit  aucune  exception  pour  les 
appanages,  lorsque  par  l'article  cccxxxi  de  son  Edit 
du  mois  de  mai  l,->79,  «  il  ordonna  qu'es  aliénations 
«  et  délaissemens  des  terres  du  Domaine  de  la 
"  Couronne,  à  quelque  titre  que  ce  fût,  ne  pourroit 
«  estre  faite...  aucune  cession  des  droits  de  nomi- 
«  nation  des  offices  extraordinaires  des  dites  terres, 
"  ni  semblablement  des  droits  royaux  dépendans 
«  de  la  Couronne,  comme  y  étant  inséparablement 
«  unis  et  annexés.  >•  (Ord.  1. 1,  p.  645  ;  édit.  de  1720.) 

VARIANTES    ! 
APPANAGE.  Laur.  Gloss.  du  Dr.  Fr. 
Apannage.  Pasquier,  Rech.  liv.  vm,  p.  690. 
Appaxaige.  S'  Julien,  Mesl.  hist.  p.  7,  12,  etc. 
Appannage.  Monet,  Dict. 

Appenage.  Hist.  de  la  M.  de  Chastillon,  pr.  p.  100. 
Appennage.  Du  Tillet,  Rec.  des  Rois  de  Fr.  p.  209. 
Appennaige    Crétin,  p.  80. 

Empanage.  Laur.  Gloss.  du  Dr.  Fr.  —  Cotgrave,  Dict. 
Empannage.  Monstrelet,  Vol.  III,  fol.  121,  R». 

Appanager,  verbe.  Apanager  ;  Doter.  Faire 
pâturer.  On  a  pu  nommer  appanage  en  général,  ce 
qu'on  donnoit  en  deniers  ou  en  terres  aux  enfans 
exclus  de  toutes  successions  paternelles  et  mater- 
nelles, pour  leur  nourriture  et  entretien,  pour  leur 
subsistance.  (Voy.  Appanage.)  Aussi  trouve-t-on  que 
donner  à  une  fille  ou  à  une  sœur,  à  un  fils  ou  â  un 
frère,  pour  .son  droit  successif,  une  somme  d'argent 
ou  une  portion  d'héritage  en  usufruit  et  même  en 
propriété,  c'étoit  les  appanager  ou  appaner.  (Laur. 
Gloss.  du  Dr.  Fr.  p.  50.  —  Dict  de  Trévoux,  T.  I, 
col.  461.  —  Voy.  Appaner.)  Il  semble  en  effet  que  les 
appanages  en  fonds  de  terre  varioient  relativement 
à  la  nature  des  biens  et  à  la  disposition  des  Cou- 
tumes, qu'ils  ii'étoient  pas  toujours  une  cession  de 
simple  usufruit,  \)ms,q\i' appanager  signifioit  non- 
seulement  donner  à  quelque  sien  fils  ou  fille,  frère 
ou  sœur,  pour  tout  droit  d'hoirie  présente  et  future, 
certaine  portion  â  tenir  par  voie  d'usufruit;  mais 
encore  lui  assigner  portion  de  bien ,  moyennant 


(1)  Les  règles  de  l'fl/ifDinf/e  royal  auraient  alors  pu  ne  pas  différer  essentielleme.it  de  l'apanage  seigneurial:  mais  la 
faiblesse  des  rois  laissa  introduire  l'usage  désastreux  deriiérédité;  c'était  constituer  des  familles  rivales  de  la  maison 
royale  elle-même  et  plus  puissantes  qu'elle.  La  plus  puissante  fut  celle  des  ducs  de  Bourorogne,  fondée,  pour  la  première 
fois,  par  la  donation  de  Robert  en  faveur  de  son  fils,  éteinte  par  la  mort  de  Philippe  de  Ro'uvre,  en  1362,  et  rétablie  à  cette 
époque  par  Jean  II,  en  faveur  de  Philippe  le  Hardi,  sans  exclusion  de  la  tige  féminine.  (N.  e.) 


AP 


—  39 


AP 


quoi  il  renonçoit  à  tout  héritage  présent  et  futur 
(\oy.  ilouet,  Dict.)  Cette  seconde  délinition  ne  seroit 
qu  une  répétition  inutile  de  la  première,  si  la  pro- 
priété de  la  portion  de  bien  donné  en  appunaqe  n\ 
eloit  tacitement  réunie  à  l'usufruit.  Une  preuve 
plus  évidente  que  le  don  d'un  appamtge  étoit  quel- 
quelois  une  espèce  de  partage,  une  cession  de  pro- 
priété, c  est  que  le  père,  la  mère  ou  autre  cmpamqeoit 
son  fils.  Il  le  ou  parent,  en  lui  délaissant  quelques 
terres  ou  héritages;  en  l'apporlionnant,  comme  dit 
Ja  Lqulume  dAcs,  quand  fainé  donne  part  à  ses 
pûmes  en  cas  de  succession.  fLaur.  Gloss  du  Dr 
rr.  iibi  supra.) 

Il  est  si  naturel  d'égaler,  de  proportionner  la  dot 
Uippanarje  d'un  fils  et  d'une  liUe  à  l'état  qu'ils 
doivent  avoir  dans  la  société,  qnappmmner  et 
apparager  ont  pu  réciproquement  siamlier  la  même 
chose.  .Vinsi  la  raison  de  subslituer,\lans  (jiielques 
toutiimes,  au  verbe  appanagerle  verbe  apnaraner 
semble  moins  essentielle  que  ne  l'ont  cru  Uaaueau 
e  les  Auteurs  du  Dict.  de  Trévoux.  (Voyez  ApIruge 

et  APAR.iGER.) 

La  signification  i'appamiger,  faire  pâturer,  est 
i  eiative  a  celle  de  panage;  mot  formé  de  pain  (1)  et 
qui  par  e.vtension  aura  désigné  toute  espèce  de 
nourriture  propre  aux  bestiaux,  aux  cochons,  etc 
«  Le  suppliant,  pour  nourrir  et  appaiicu/er  ses 
"  pourceaulx,  a  |irins  du  Seigneur  de  Courtenav  les 
«  haj-es  et  bois  d'icelle  seigneurie.  »  (D.  Carpentier 
tiKe  rS        '^^  °"  ^'"^'^'  ""  ™°'  -^PPamghm] 

De  là,  on  aura  dit  en  parlant  de  l)estiaux  qu'on 
n  avoit  pas  le  droit  de  faire  pâturer  dans  une  torêt 
qu  lis  n  eloient  pas  appanagés  ou  (ipparuaigés.  «  Hz 
•■  ont  droits  de  franchises  et  libériez,  tels  que  nous 
"  avons  en  nostre  dite  forest  de  Charnie-  et  en- 
«  tr  autres  sont  en  possession  de  prendre.!  toutes 
«  les  bestes  porchines,  aumailles  et  autres  nu'ilz 
<•  treuyent  au  dedans  de  leur  dict  parc,  non  her- 
«  i)iiigeeselapparn(iigées,  comme  à  eux  annartenans 
«  par  confiscation  »  (Id.  ibid.  tit.  de  1480.) 

VARUXTES  : 
APPAN.\GER.  S-  Julien,  Mesl.  hist.  p.  6 
Appannager.  Lett.  de  Pasquier,  T.  II,  p.  578.  -  Monet  D 

Afpenxager.  Cotgrave,  Nicot  et  Monet,  Dict. 

Appaner,  verbe.  Apanager;  Doter.  La  signi- 
hcation  propre  d  appaiicr,  c'est  trancher  et  donner 
a  chacun  de  pain  ce  qu'il  lui  en  faut;  par  extension 
"  tranclier  et  diviser  entre  les  séants  à  table  autant 
(vif  ^?|ef. servis  comme  on  juge  estre  nécessaire.  » 
l!f]  •',"'"^,'î'  *'^^'-  ^"s'-  P-  ♦^•)  H  semble  qu'on  ait 
as  ez  naturellement  comparé  à  des  convives  ainsi 
paitcigeb,  les  enfans  qu  on  exclut  des  sucpessinn« 
paternelles  et  matern'elles,  en  leur  as"iSnan  le 
quoi  vivre  et  s  entretenir,  lorsqu'on  a  dit  figurément 
qu'au  moyen  d'une  dot  en  argent,  ou  d'un  rCTenu 


en  fonds  de  terre,  ds  etoient  appanés  ou  appanagés 
l\oy.  Appaxager.)  «  i-^iiie  mariée  et  appanée  ou  doté^ 
'-  par  père  et  mère  vivans...  ne  peut  retourner  à  la 
«  succession  des  dits  père  et  mère....  et  ne  neuf 
<•  impugner  la  dicte  dotation  et  appamige.  »  (Coul 
de  Nivernois,  au  Coût.  gén.  T.  I   p  89->  ) 

On  a  veillé  à  la  conservation  du  rovaume  de 
l-rance,  «  en  voulant  que  tout  le  droict  de  la  Cou- 
«  ronne  fut  attribué  aux  aisnéz,  et  que  les  frères 
«  cie  nosF.oys  fussent  senlemenl  appennez.  »  (Pas- 
quier, liech.  hv.  n,  p.  m.  -  Voy.  Appanage.)    ^ 

APE.NNER.J   le.Mairè,must   des-GàuIes   MV'rr'^OO 
Appanner.  Cotgrave  et  Monet,  Dict  '  ^' 

Appe.xner   Du  Tillet,  Rec.  des  Rois'de  Fr  p  4G5 
Ejipaner.  Laur.  Gloss.  du  Dr.  Fr.  p  52.       ^' 

Appar,  préposition.  Par.  On  a  indiqué  ailleurs 
quelle  pourroit  être  la  cause  de  la  persuasion  où 
Ion  est  que  dans  ces  expressions,  à-par-moi  à  nar- 
nous,  etc.  a-par-soi,  à-par-lui,  à-par-eux    eV  li 

ïs:^s;!SLf  ""''  «•^^''^"«"  '^  ^^^^ 

L'a  et  par  étant  réunis,  on  écrivoit  anpar  ou 
appar t;  préposition  composée  qui  ne  signSt  rieS 
ce  p  us  que  la  préposition  simple  pal  lorsqi'oS 
disoit  appar  ou  appart-soi,  dans  le  sens  ôé  S"  Si 
ou  de  par-soi  tout  seul,  séparément,  à-part  F  Mour- 
"  ront  m.eulx  ensemble  qu'ilz  ne  eroiei  t  chacïn 
«  appar-soy,  etc.  »  (Le  Jouvencel,  ms.  p  431  v!  /is 

(ibid.  p.  023.  -  \oy.  A-PAR-soi  et  Par-soi.) 

VARIANTES  : 
APPAR.  Le  Jouvencel.  MS.  p.  431 
Appakt.  Ibid.  p.  023.  ' 

Appai-able,  adj.  Qui  se  décide  par  Tévidence 
du  droit.  Signification  relative  à  celle  du  verbe 
W/'d'/-,  paroitre,  être  visible,  évident.  (Voyez 
AiPARER.)  pans  la  Coutume  de  Normandie,  en  vers 
es  querelles  apparubles  sont  celles  que  la  me^mè 
Coutume  nommoit  querelles  apparismntes  parce 
que  la  Loi  qui  les  décidoit,  faisoit  paroitre  le  droU 
des  parties,  et  le  mettoit  en  évidence 

Or  convient  veoir  des  querelles 
De  possession,  qui  sont  telles  : 
Une  naouvable,  autre  imniouvable- 
L  une  simple,  autre  apparable. 

Coul.  de  Norm.  en  vers,  MS.  fol.  68,  V  col.  1  el  2. 

Apparaument,  adverbe.  De  façon  à  être  vu  II 
semble  que  la  formation  de  cet  adverbe  ait  quekiue 
analogie  avec  celle  de  l^ndjectif  «j.p«,r^6/,/(vï.ez 
Apparaple.)  Peut-être  a-t-on  écrit  apparableiuent  et 
apparaument  m  une  espèce  de  contiadiui,  •)  don 
h  preuve  n  est  pas  rare  dans  notre  ancienne  la^i-ue-^ 
Quoi  qu  11  en  soit,  radverbeû;^;;flr«M,«t'«/.  pris  dans 
un  sens  relatif  à  celui  du  verbe  apparei-,  paroitre 
se  faire  voir,  signifioit  de  façon  à  é  re  vu   «  Où  es 


(2|lle;^'<^'^ls'ai^S«'^S;;;/c^?-^^c^C^  Signifie  fabrication  du  pain.  (..  e.)  - 

cheval  est  devenu  c/ievau,  etc.  (n.  e.;  '-""S'Onne  (  s  est  cbangee  en  la  voyeUe  tt;  ainsi  léalmeut  est  dev-enu  leaumenl, 


AP 


40  — 


AP 


«  Archiers  fauklront,  l'en  doit  asseoir  les  autres  qui 
«  n'ont  nulz  arcs. .  .  .  mais  ilz  doivent  estre  assis 
«  plus  au  descouvert  et  plus  apparemment  que  les 
«  Archiers  »  (Modus  et  Racio,  ms.  1"  78.)  Ouelquefois 
l'acception  de  cet  adverbe  étoit  la  même  que  celle 
à' apparemment.  (Voy.  Apparemment.) 

VARIANTES  : 
APPARAUMENT.  Modus  et  Racio,  MS.  fol.  78,  R". 
Aparau.ment.  Psautier,  MS.  du  R.  n°  7837,  fol.  (31. 

Appare,  siibst.  fém.  Paroi.  Ce  mot  semble  être 
de  uiêuie  origine  et  de  même  signification  qu'«/j- 
paroi,  paroi,  muraille.  «  De  si  grant  force  getta 
0  l'escuelle  en  quoy  ilz  buvoient,  que  elle  lompy 
<■  en  pluseurs  pièces  encontre  une  fl;;;^?'^  oii  elle 
"  fery.  ■>  (D.  Carpentier,  Suppl.  Gloss.  lai.  de  Du 
Cangè,  au  mot  Paries;  lit.  de  1409.  —  Voy.  Aparoi.) 

Apparement,  suhst.  masc.  Action  de  paroitre. 
L'action  de  se  faire  voir  en  public,  de  se  faire 
counoitre.  (Voy.  Apparer.)  »  Damoiselles,  comment 
Il  nous  maintiendrons-nous  jusques  au  jour  de 
«  nostre  feste  et  de  mon  apparement?  car  je  n'ai 
«  voulenté...  de  moy  monstrer,  ne  faire  cognoistrc 
«  en  appert,  fors  que  entre  vous.  »  (Percef.  Vol.  II, 
fol.  48,  V"  col.  2.  —  Voy.  Apparition.) 

Apparemment,  adverbe.  De  façon  apparente, 
visiblement,  évidemment,  vraisemblablement.  On 
regarde  l'ortbographe  appareil lenienl  comme  une 
preuve  de  l'affectation  avec  laquelle  les  Ecrivains 
du  -wi'  siècle  préféroient  à  l'orlliograpbe  vulgaire, 
une  orthographe  plus  étymologique.  11  semble  en 
effet  qu'en  écrivant  apparentement  pour  apparem- 
ment, on  ait  voulu  rendre  l'orthographe  plus  con- 
forme à  l'étymologie  (1),  et  désigner  ainsi  le  rapport 
de  cet  adverbe  avec  le  participe  apparent  dont  il  est 
formé  par  une  espèce  de  contraction  ordinaire  dans 
la  formation  des  adverbes  différemment,  fi'équem- 
mcnt,  et  autres  de  même  terminaison.  (V.  Apparent.) 
C'est  dans  un  sens  relatif  à  celui  du  verbe  apparer, 
paroitre,  être  visible,  évident,  vraisemblable,  que 
l'adverbe  apparemment  ou  apparentement  a  signifié 
visiblement,  évidemment,  vraisemblablement,  en 
apparence.  On  en  a  restreint  l'usage  à  cette  dernière 
acception  ;  mais  anciennement  on  disoit  :  «  Se  le 
«  dit  bois  n'estoit  apparement  marquié,  etc.  «  (Ord. 
T.  VIll,  page  100.)  «  Les  Baillis. . .  soupeçonnés  de 
«  usures,  ou  menions,  apparemment  âGè\\oï\Qè\&\ie, 
«  ifs  ne  soulendront  en  leur  erreur.  »  (Ibid.  T.  I, 
p.  69.  — Voy.  Apparaument.) 

VARIANTES    : 
APPAREMMENT.  Orth.  subsist.  -  Ord.  T.  I,  p.  69. 
Apparammant.  Monet,  Dict. 

Apparéejient.  II.  Carpentier,  S.Gl.  1.  deD.C.  a.  Apparenter. 
Apparement.  Ord.  T.  VIII,  p.  100. 
Apparentement.  Contreditz  de  Songecreux,  fol.  90  et  95. 

Apparence,  ,s;(/^s/.  féminin.  Représentation, 
prestance,  extérieur.  Etat  visible  d'une  chose.  Vérité 


évidente,  réalité.  Le  substantif  apparence,  dans  un 
sens  analogue  à  celui  du  verbe  apparer,  pai'oitre, 
a  signifié  représentation,  prestance,  extérieur  par 
lequel  on  se  distingue  en  paroissant,  en  se  pré- 
sentant. >'  L'homme  est  de  sa  nature  de  plus  grande 
"  apparence  et  plus  honorable  que  la  femme.  » 
(Nicot,  Dict.)  «  Les  petites  gens  sont  sujets...  à  estre 
"  choqués  et  coudoyez,  à  faute  à'appareiiee.  »  (Essais 
de  Montaigne,  T.  111,  page  570.)  De  là,  on  a  nommé 
hommes  (l'apparence  ceux  à  qui  la  nature  ou  la  for- 
tune a  donné  les  moyens  de  paroitre  avec  cet 
extérieur  qui  les  distingue.  »  Se  celuy  qui  est  trouvé 
«  de  jour  en  l'héritage,  en  temps  de  fruicts,  avec 
»  brisure  de  porte  ou  closture,  est  Jiome  cogneu  et 
>'  d'apparence,  celuy  qui  l'a  prins  ne  le  peut' mener 
«  que  jusques  à  quelque  lieu  ofi  il  puisse  trouver 
"  tesmoings.  »  (Coût,  de  Bayonne,  au  Coût.  gén. 
T.  II,  p.  701.  —  Voy.  Apparent  et  Apparoissance.) 

L'apparence  d'un  lieu  où  s'est  fait  quelque  dom- 
mage, est  sans  doute  l'étal  dans  lequel  on  voit  ce 
lieu,  l'état  dans  lequel  il  paroit  depuis  qu'il  a  été 
endommagé.  «  Bien  se  gart  qui  fet  à  autrui  damage 
«  en  blés  semés,  ou  en  mars,  ou  en  bos,  ou  en  prez, 
«  que  chil  qui  est  pris  en  damage  fesant,  est  tenus 
"  à  rendre  tout  le  damage  qui  est  trouvés  ou  prouvés 
«  par  Yaparance  du  lieu.  »  (Beaumanoir,  Coût,  de 
Beauvoisis,  chap.  xxx,  p.  157.) 

Ce  même  mot,  qui  relativement  à  la  signification 
A' apparer,  être  vraisemblable,  désignoit  et  désigne 
encore  une  apparence  plus  ou  moins  sensible  de 
réalité,  a  signifié  la  vérité  évidente,  la  réalité  même 
des  choses.  «  Tout  ainsi  que  avez  veu  à  l'heure  du 
«  Sacrement,  il  se  assiet...  et  tant  attent...  que  le 
«  Prestreluy  apporte  son  Saulveur....  Merveilleuse 
«  chose  est;  car  autre  substance  n'a  eu  depuis... 
«  plus  de  deux  mois. . . .  Molt  fut  Arfaran  esmer- 
«  veillé...  et  dist  :  Sire,  merveilleuse  chose  m'avez 
«  icy  déclairée  et  forte  t'i  croire,  si  n'en  visse  Vap- 
«  parenee.  »  (Percef.  Vol.  VI,  fol.  128,  R-  col.  1  et 2. 
—  Voy.  Apparent  et  Apparer.) 

VARIANTES  : 
APPARENCE.  Orth.  subsist.  -  Percef.  Vol.  \'I,  fol.  128. 
Aparance.  Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis,  p.  157. 
App.\rance.  Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  27,  col.  1. 

Apparent,  participe.  Paroissant,  qui  se  fait 
voir,  qui  se  voit.  On  observe  que  ce  participe  du 
verbe  apparer  a  toujours  eu  les  significations  avec 
lesquelles  il  subsiste.  Dans  un  sens  relatif  îi  celui 
du  substantif  apparence,  représentation  extérieure, 
il  a  signifié  et  signifie  encore  une  personne  qui  re- 
présente dans  une  ville,  en  y  paroissant  avec  un 
extérieur  qui  la  dislingue.  Mais  quelle  que  soit 
aujourd'hui  la  représentation  d'un  Ambassadeur 
extraordinaire,  on  ne  le  qualifie  plus  de  «  très- 
"  haut  et  Ivès-apparent  extraordinaire  Ambassa- 
«  deur.  »  (Mém.  de  Bassomp.  T.  II,  p.  208.) 

L'acception  d'apparent  étoit  la  même  que  celle 


(I)  L'étymologie  condamne  la  forme  inventée  an  K\v  siècle;  en  effet,  les  adjectifs  en  eus,  aus,  n'avaient  qu'une  forme 
au  singulierpour  le  masculin  et  le  féminin  ;  de  là  vient  qu'aux  xif  et  xiir'  siècles  on  disait  formait,  léahnoit;  au  xiv»  siècle, 
on  dit  par  analogie  rjrandewcnt,  comme  bonnement,  mais  prudemment,  apparemment  et  quelques  autres,  restèrent  luiéles 
à  l'étymologie.  (n.  e.) 


AP 


—  41  — 


AP 


û'apparer,  paroitre,  lorsqu'on  disoit,  l'«  l'apparent 
de  quelqu'un,  pour  signifier  dès  qu'il  parut  : 

Pas  ne  me  vit  si  tost  que  je  le  vi  ; 
Bien  l'aperçus  à  l'apparant  de  li. 

Froissart,  Poès.  MSS.  p.  74,  col.  1. 

2"  A  Vapparent  de  tous,  pour  signifier  en  se 
faisant  voir,  en  se  faisant  connoitre  à  tous  :  «  La 
«  condicion  de  la  maulvaistié  est  telle  que  d'elle- 
«  niesme,  où  elle  n'a  nuls  conlredisans,  sideschiet- 
«  elle  et  se  publie  à /'fly;a?'rt«/  de  tous.  ■>  (Sainlré, 
page  91.) 

3°  A  l'apparent  du  monde,  pour  signifier  au  vu  et 
au  sç.u  de  tout  le  monde.  «  Le  Comte  de  Nevers... 
«  venoit  d'un  loingtain  voyage...  Si  fut  voulontiers 
«  veu....  en  toutes  les  seigneuries  et  terres  de  son 
«  père;  desquelles  il  estoit  à  l'apparent  du  monde, 
«  héritier  et  successeur.  »  (Froissart ,  Vol.  IV  , 
p.  288  et  289.) 

La  préposition  à  étant  supprimée,  on  disoit  en 
parlant  d'une  personne  triste  et  qui  paroissoit  l'être, 
qu'elle  étoit  triste  l'aparent  ;  façon  de  parler  ellipti- 
que qui  semble  particulière  à  Ph.  Mouskes  : 

Et  sa  maisnie  et  si  parent 
Furent  moult  triste  l'aparent. 

Ph.  Mouskes,  MS.  p.  6-18,  etc. 

Dans  le  même  auteur,  être  joiant  et  par  deçà  et 
l'aparent  signifie  probablement  être  plus  joyeux 
qu'on  ne  le  paroit. 

Joiant  en  furent  leur  parent 
Et  par  deçà  et  l'aparent. 

Idem,  p.  623. 

Enfin  le  participe  apparent  précédé  de  l'article 
le,  étoit  de  même  signification  que  le  substantif 
apparence,  existence  visible  ou  intelligible,  exis- 
tence réelle  ou  idéale.  (Voy.  Apparence  et  Appareh.) 

n'entendoit 

Fors  au  chanter,  ainsi  qu'il  le  monstroit. 
Par  l'apparent. 

Froissart,  PoSs.  MSS.  p.  74,  col.  1  et  2. 

Les  Lettres  patentes  sont  des  Lettres  dont  on  voit 
le  contenu,  parce  qu'on  les  délivre  tout  ouvertes  ; 
de  là,  elles  auront  été  nommées  Lettres  apparans. 
(Voy.  Chron.  Fr.  de  G.  de  Nangis,  .ms.  an.  1291.) 

On  distingue  dans  l'ancienne  Coutume  de  Nor- 
mandie, deux  espèces  àeLoix  apparentes,  que  plus 
communément  on  appeloil  Loix  apparissantes. 
(Voy.  Apparoissant.) 

VARIANTES  : 
APPARENT.  Orth.  suhsist.  -  Froissart,  Vol.  IV,  p.  289. 
Af.^rant.  Saintré,  page  91. 
Aparent.  Ph.  Mouskes,  MS.  p.  623,  648,  etc. 
APPARANT.  Percef.  Vol.  IV,  fol.  115,  R»  col.  1. 

Apparer,  verbe.  Faire  apparoitre.  Apparoître, 
s'apparoitre.  Comparoître.  Paroitre,  se  présenter, 
se  faire  voir.  Paroitre,  être  visible,  évident,  vrai- 
semblable, intelligible.  Faire  paroitre,  rendre  évi- 
dent, prouver. 

On  ne  croiroit  pas  que  la  signification  d'un  verbe 
essentiellrment  neutre  ait  quelquefois  été  active,  si 
on  n'en  donnoit  la  preuve. 


Or  dist  li  uns  des  mors  as  vis  (li  : 
Seignor,  regardez-nous  as  vis  (2)... 
Diex  nous  a  à  vous  aparits, 
Pour  ce  que  vous  melons  à  voie 
De  bien  ;  et  Diex  vous  i  avoie. 

Dits  de  Baudoin  de  Condé,  MS.  de  Gaignat,  fol.  311,  V  col.  3. 

Dans  le  sens  d'apparoître,  s'apparoitre,  verbe  qui 
signifie  particulièrement  l'apparition  d'une  subs- 
tance spirituelle  et  invisible,  ([ui  se  fait  voir  sous 
une  forme  matérielle,  on  a  dit  en  parlant  de  l'at- 
tente et  de  la  venue  du  Messie  :  «  Près  est  nostre 
"  Sires...  et  tost  apparrit;  ne  défaillis  mie,  etc.  » 
(S'Bern.  Serm.  fr.  mss.  p.  96.)  «  Quant  nos  eswar- 
"  dames  oîi  il  venoit,  si  nos  apparaît  une  mervil- 
«  louse  humiliteiz.  (Id.  ibid.  p.  9.)  Les  apparitions 
de  la  Divinité  sont  attestées  par  l'Ecriture  sainte. 
H  Derechief  s'a/j;jrtr(/<  Deus  en  Sylo;  kar  révélé  se 
«  fud  à  Samuel  en  Sylo,  selunc  sa  parole.  »  (Livres 
des  Rois,  MS.  des  Cord.  fol.  5,  V°  col.  1.) 

On  désignoit  le  Juge  à  qui  l'on  se  présente,  et 
non  la  partie  adverse  avec  laquelle  on  paroit  devant 
lui,  lorsque  dans  le  sens  de  comparoître,  on  disoit 
apparer  ou  apperer.  «  Nul  ne  doit  départir,  depuis 
■<  que  renablement  avéra  esté  somouns,  ne  dédei- 
«  gner  de  apper  (3)  en  Court,  sinon  par  renables 
«  excusacions.  »  (Britton,  des  Loix  d'Angl.  fol.  281.) 
Cette  abréviation  apper  qu'on  retrouve  (id.  ibid. 
fol.  280,,  prouveroit  seule  la  réalité  de  l'infinitif 
apparer  ou  apperer,  quand  d'ailleurs  elle  ne  seroit 
pas  démontrée  par  la  conjugaison  oîi  l'on  voit  à 
l'indicatif  présent,  1"  pers.  'du  plur.  apparons  ou 
apperons,  etc.  à  l'indicatif  imparfait,  3=  pers.  du 
sing.  apparoit  ou  appéroit,  etc. 

La  signification  de  cet  ancien  verbe  apparer  ou 
s  apparer,  n'étoit  pas  moins  générale  que  celle  de 
notre  verbe  paroitre,  se  présenter,  se  faire  voir. 
«  Ensi  ke  nos,  à  moens  appariens  vestit  de  confes- 
"  sion,  ki  ne  poons  mie  aparoir  en  vesture  d'inno- 
«  cence  et  de  justice.  «  (S*  Bcni.  Serm.  fr.  mss. 
page  63.) 

Se  tan  tost  armez  n'apparons 
Pour  secourir  ce  fin  amant. 
Perdu  est  :  à  Dieu  le  commant. 

Rorn.  de  la  Rose,  vers  15887-15889. 
Mon  père  voi  dedens  seoir  : 
Mais  ge  ne  l'oserai  veoir... 
Trop  sui  mesfez  :  mais  tote  voie 
M'estuet  que  devant  li  m'apere 
Ge  sui  ses  filz,  il  est  mon  père. 

Corlois  d'Artois,  MS.  de  S'  Gerni.  fol.  85,  R»  col  2. 

Ce  verbe  qui  désignoit  la  présence,  l'existence 
visible  des  personnes,  désignoit  aussi  celle  des 
choses  physiques  et  morales  ;  les  signes  plus  ou 
moins  vrais  de  cette  existence;  une  existence  plus 
ou  moins  sensible  de  choses  visibles  ou  seulement 
intelligibles.  «  xipeiret  donkes  li  jors,  etc.  » 
(S-  Bern.  Serm.  fr.  mss.  p.  187.) 

La  nuiz  s'en  vet,  li  jors  aperl. 

Fabl.  MS.  du  R.  n'  7615,  T.  H,  fol.  176,  V-  col.  I. 

On  a  dit  en  parlant  de  Dieu  :  «  Sa  poxance  appa- 
«  rut  d'avant  en  la  création  des  choses,  et  sa 
«  sapience  apparoit  el  governement  des  choses  ke 


(1)  Vivans. 

a. 


(2)  Visages.  -  (3)  Ne  serait-ce  pas  un  simple  oubli  de  l'abréviation  per'i  (n.  e.) 


AP 


-  42 


AP 


«  créeies  estoicnl  :  mais  li  benigiiiteiz  de  sa  mis(5ri- 
«  corde  est  or  maisineuienl  apparue  en  son  liuma- 
"  nileil.  »  (S'  Bern.  Serm.  fr.  m^s.  p.  124.) 

Dame,  la  foiz  apparra  jà 

Que  vous  menez  à  vos  Seigneurs  ; 

lit  la  loiauté  des  amours 

Que  les  Uaraoiselles  demainent, 

Pour  qui  les  Chevaliers  se  painent. 

Fabl.  MS.  du  R.  n"  •!C15.  T.  I,  fol.  113.  V-  col.  2. 

En  parlant  des  traces  du  sanglier,  on  a  dit  :  «  Les 
«  os  du  pie  apparent  partout  où  il  marche.  » 
iModus  et  lUicio,  ms.  fol.  44,  R°.) 

C"esl  par  une  comparaison  très  naturelle  de  ce 
qui  est  intelligible  avec  ce  qui  est  visible,  ([u'appa- 
rer  ou  apperer  signifioit  élre  intelligible. 

Il  barbelole 

Ses  mots,  tant  qu'on  n'y  entend  rien. 
Il  ne  parle  pas  Chrestien, 
Ne  nul  langage  qui  apure. 

Farce  de  Palhelin,  p.  63  et  64. 

L'acception  d'apparer  ou  apperer,  être  intelligi- 
ble, est  une  extension  de  Tacception  propre  et  figu- 
rée paroîti'e,  être  visible,  évident,  ou  seulement 
vraisemblable. 

Dans  le  sens  de  paroilre,  être  visible,  être  évident, 
on  dit  encore  au  Palais,  «  il  appert  \^Av  tel  acte,  s'il 
"  vous  appert  que  cela  soit  :  »  expressions  dans 
les(iuelles  appert  conserve  une  signiOcalion  qui  a 
été  très-générale ,  et  dont  on  trouve  partout  la 
preuve.  Qu'il  suffise  donc  ici  de  remarquer  que  cette 
signification  neutre  A' appert  étoit  active,  lorsqu'on 
disoit  :  »  Nul  ne  sera  receu  ii  dire  que  Advocat  luy 
«  ait  esté  baillé  par  distribucion,  se  partie  adverse 
«  le  débat;  se  celuy  qui  l'alègue,  ne  \' appert  par 
«  procès  et  acte  présentement.  »  (Ord.  des  D.  de 
Bretagne,  fol.  -li»0,  11".) 

Peut-être  qu'en  parcourant  les  passages  dans 
lesquels  nous  avons  cherché  la  preuve  des  significa- 
tions du  verbe  apjparer,  on  s'étonnera  d'y  lencon- 
Irer  ajiperl,  apparut,  appuritst,  etc.  Quoique  la 
formation  de  ces  modes  et  temps  n'ait  aucune  ana- 
logie avec  linlinitif  des  verbes  apparoir  et  appa- 
raître, il  suffit  qu'ils  aient  suppléé  et  qu'ils  sup- 
pléent encore  quelques-uns  de  ceux  qui  manquent 
à  ces  mêmes  verbes,  pour  faire  croire  qu'ils  appar- 
tiennent à  la  conjugaison  de  l'un  ou  de  l'autre.  Il 
est  vrai  qu'on  n'aperçoit  pas  plus  le  principe  de  la 
formation  de  ces  modes  dans  l'infinitif  françois  du 
verbe  apparer,  que  dans  celui  des  verbes  apparoir 
et  apparaître.  Aussi  croit-on  qu'ils  sont  étrangers 
à  la  cuiijiigaison  françoise  de  chacun  de  ces  trois 
verbes  ;  qu'ils  n'appartiennent  pas  plus  à  celled'a/j- 
paroitre  qu'à  celle  A' apparoir  ou  à' apparer  ;  qu'ils 
sont  un  supplément  de  modes,  commun  à  la  conju- 
gaison de  chacun  de  ces  trois  verbes  défectifs.  (Voy. 
Ai'rAnoiu  et  Ari'ARoisTiu:.)  On  préfère  cependant  pour 
la  réunion  des  modes  dont  il  s'agil,  sous  une  même 
conjugaison,  linlinitif  apparer,  parce  que  dans 
l'origine  de  notre  langue,  les  verbes  françois  se 
modifioienl  à  l'imitation  des  verbes  latins,  souvent 
même  avec  une  lelle  exactitude  que  l'infinitif  amer, 
en  latin  amare,  faisoit  à  la  3'  pers.  du  sing.  de  l'in- 
dicatif présent  amet ,  en  latin  amat,  ù'ia  même 


personne  de  l'indicatif  imparfait  amevet,  en  latin 
amabal,  etc.  11  est  donc  assez  probable  que  suivant 
la  règle  de  cette  modification  imitative,  les  modes 
appert,  apparut,  appurrit  et  au  très  n'appartiennent 
pas  moins  à  la  conjugaison  du  verbe  apparer,  en 
latin  apparere,  que  ceux  dont  la  formation  et  la 
terminaison  semblent  plus  propres  au  génie  de 
notre  langue.  On  ajoute  que  ces  modes  françois  ne 
sont  eux-mêmes  que  les  coniraclions  et  altérations 
des  modes  latins.  En  comparant  la  conjugaison  du 
verbe  latin  apparere  a.\eG  celle  du  françois  fl/;;;a;'er, 
on  acciuiert  la  preuve  d'une  vérité  particulière  qui 
peut  être  généralisée. 

CûNJCG. 

Apurai,  ind.  fut.  J'apparoitrai.  (Psautier,  ms.  du  R.) 
Aparege,  subj.  pr.  Apparoisse.  (Ane.  Cout.deBret.) 
Aparruiii,  ind.  fut.  Apparoitrons.  (Liv.  des  Rois.) 
Aparuit,  ind.  prêt.  Parut.  (S"  Bern.  Serm.  fr.^ 
Aparust,  subj.  impaif.  Parût.  (Id.  ibid.  p.  2.3.) 
Apeirt,  ind.  pr.  Paroit.  (Chans.  fr.  .ms.  de  Berne.) 
Aperche,  subj.  prés.  Paroisse.  (Règle de  S'  Benoit.) 
Apierge,  subj.   pr.    Comparoisse.  (Britton,  des 

Loix  d'Angleterre,  fol.  172,  V°.) 
Appaira,  ind.  fut.  Apparoilra.  (Ord.  T.  111,  p.  1G9.) 
Appaire,  subj.  prés.  Paroisse.  (Crétin,  p.  213.) 
Appara,  ind.  fut.Comparoitra.  (Brit.  Loixd'Angl.) 
Apparent,  apperent  et  aperent,  ind.  prés.  Appa- 

roissent,  paroissent.  (Le  Jouvencel,  .mss.  p.  301.) 
Appariensai  apuriens,  subj.  prés.  Paroissions; 

en  latin  appareaiitus.  ;S'  Bern.  Serm.  fr.  mss.  p.  G3.) 
Apparuient  et  apperoient,  ind.  imp.  Paroissoient  ; 

en  latin  apparebant.  (S'  Bern.  Serm.  fr.  mss.  p.  11.) 
Apparoit  et  apperoit,  ind.  imp.  Paroissoit;  en 

latin  apparebat.  iS'  Bern.  Serm.  fr.  mss.  p.  124.) 
Apparons  et  appcrons ,  ind.   prés.   Paroissons. 

'Rom.  de  la  Rose,  vers  15887.) 
Apparra  et  apperra,  ind.  fut.  Paroitra.  (Rom.  de 

la  Rose,  vers  2007.) 
Apparrat,  ind.  fut.  Apparoîtra,  paroitra  ;  en  latin 

apparebit.  (S'  Bern.  Serm.  fr.  mss.  p.  101  et  154.) 
Apparrit,  ind.  fut.  Paroitra.  (Id.  ibid.  p.  96.) 
Apparrunt  et  apperront,  ind.  fut.  Apparoitront, 

paroîtront;  en  latin  apparebnnt.  (Id.  ibid.  p.  34.) 
Apparut,  ind.  prêt.  Parut.  (S'  Bern.  Serm.  fr.) 
Appeiret  e[  a  pe  ire  t,  suh'}.  prés.  Apparoisse,  pa- 
roisse; en  latin  appareat.  [là.  ibid.  p.  118  et  119.) 
Apper,  impér.  Parois  ;  en  latin  appare.  (Id.  ibid.) 
Apper  (J').  Je  parois.  (Rob.  Estienne,  Gram.  fr.) 
Appere  et  apere,  sub].  prés.  Paroisse.  (Rom.  de 

la  Rose,  vers  G944.) 
Apperez,  ind.  prés.  Vousparoissez.  (R.  Estienne.) 
Appérois,  ind.  imp.  ïu  paroissois.  (Id.  ibid  ) 
Appcroije  [y],  ind.  imp.  Je  paroissois.  (Id.  ibid.) 
Appers,  ind.  prés.  Tu  parois.  (Id.  ibid.) 
Appert  et  apert,  ind.  prés.  Paroit;  en  latin  appa- 

ret.  (S'  Bern.  Serm.  fr.  ms.  p.  92  et  217.) 
Apperte,  subj.  prés.  Paroisse.  (G.  Macliaut,  .ms.i 

VARIANTES  : 
APPARER.  S'  Bern.  Serm.  Ir.  MSS.  page  124. 
Aparer.  S'  Bern.  Serm.  Ir.  MSS.  page  101,  etc. 
-Aperer.  Id.  ibid.  p.  350. 
Apperer.  Percef.  Vol.  lY,  fol.  122,  R»  col.  1,  etc. 


AP 


-  43 


AP 


Apparesser,  verbe.  Rendre  paresseux  et  lâche, 
affoiblir.  Devenir  paresseux  et  làctie  ,  s'affoiblir.  Il 
semble  que  ce  soit  dans  un  sens  analogue  à  celui  du 
mot  g:rec7ràe£<r(f(l),  en  latin  remisf<io,  debilitatio, 
qu'on  a  dit  au  propre  et  au  figuré  :  «  Le  feu  apparesse 
«  le  cors  et  débilite  l'entendement  et  le  cerveau.  " 
(Triomph.  de  la  noble  Dame,  fol.  110,  V°.)  «  Nous 
«  apparesserons  nos  cueurs  qui  maintenant  pensent 
«  petit  une  grant  chose.  »  (Le  Jouvencel,  ms.  p.  138.) 

....  Oidive  (2>  atrait  mauveistié, 
Et  maint  homme  a  aparaicié. 

Rom.  de  Brut,  MS.  fol.  81,  V"  col.  2. 

La  signification  de  ce  verbe  étoit  neutre ,  lors- 
qu'en  parlant  d'un  Yavasseur  parvenu  à  certain 
degré  d'élévation,  on  disoit  : 

Est  si  haut  mis  que  nul  lionte 
Ne  puet  à  son  cors  aprocliier, 
S'il  n'en  chiet  par  aperecier  : 
Or  se  gart  qu'il  ne  s'apérèce, 
Si  ert  toz  jors  en  grant  haulèce. 

Fabl.  MS    du  K.  n"  7218,  fol.  255,  V'  col.  2. 

On  voit  qu'il  s'employoit  aussi  d'une  manière  réci- 
proque. «  Pour  garder  que  les  forces  de  nostre 
«  estomach  ne  saparoissent,  il  est  bon  une  fois  le 
<>  mois  les  éveiller  en  s'enivranl.  »  (Essais  de  Mon- 
taigne, T.  II,  p.  18.  —  Voy.  Ai'PARESsiR.) 

V.\RIANTES  : 

APPARESSER.  Le  Jouvencel,  MS.  p.  138. 
Aparaicier.  Rom.  de  Brut,  MS.  fol.  81,  V»  col.  2. 
Aparasser,  Aparecer.  Celthell.  de  L.  Trippault. 
Ap.\roisser.  Essais  de  Montaigne,  T.  II,  p.  18. 
Aperecer.  Fal)l.  MS.  du  R.  n»  7218,  fol.  118,  V»  col.  I. 
Aperecier.  Ibid.  fol.  255,  V»  col.  2. 

Apparessir  (s'),  verbe.  Devenir  paresseux,  s'af- 
foiblir par  l'inaction.  (Yoy.  Nicot ,  Dict.)  «  Quelle 
••  raison  y  avoit-il  qu'ayans  les  grandes  forces  que 
V  le  Roy  avoit  assemblées  si  chèrement,  ils  s'arres- 
«  lassent  et  apparessissent  au  même  camp  où  ils 
«  s'étoienl  fortifiés.  •>  (Du  Bellay,  Mém.  liv.  vu,  fol. 
234,  Ro.  —  Voy.  Apparesser  et  Paresse.) 

Apparfondir,  verbe.  Faire  plus  profond.  Faire 
profond. 

On  ne  voit  dans  l'orihographc  apparfondir  qu'un 
etïet  de  la  prononciation  foible  et  adoucie  de  pro  (3) 
dans  approfondir.  (Voy.  P.\nFo.ND  ci-après.) 

Il  semble  que  ce  soit  en  vertu  de  la  préposition 
à,  i\\i  apparfondir,  le  même  qu'approfondir,  signi- 
floit  rendre  plus  profond,  faire  plus  profond.  (Cot- 
grave  et  Nicot,  Dict.)  «  Fist  très-bien  garnir  la  ville 
«  et  derrière  et  devant,  haucier  les  murs,  et  les 
>'  fossez  d'environ  aparfondir.  »  (Hist.  de  B.  du 
Guesclin,  par  Ménard,  p.  183.) 

L'énergie  de  la  préposition  n'étant  pas  sentie,  ce 
verbe  n'aura  signifié  rien  de  plus  que  pnrfondre, 
rendre  profond ,  faire  profond.  (Cotgrave ,  Dict.) 
«  On  doit  aparfondir  les  fossez  tellement  que  nulle 


«  mine  ne  puisse  passer.  «  (Le  Jouvencel ,  fol.  87. 
—  Voy.  Parfondre  ci-après.) 

variantes  : 
APP.\RFONDIR.  Cotgrave,  Oudin  et  Nicot,  Dict. 
Aparfondir.  Hist.  de  B.  du  Guesclin,  par  Ménard,  p.  183. 

Appariation,  snhst.  fém.  Appariement,  accou- 
plement. Espèce  d'association. 

Le  verbe  aparier  signifloit  joindre  le  pair  au 
pair,  accoupler.  De  là,  la  première  acception  du 
?,ubsti\\\\.ii  appariation.  (Cotgrave  et  Oudin,  Dict.  — 
Voy.  AiTARiE.MENT  ci-dcssous.) 

Anciennement,  lorsqu'un  Seigneur  ecclésiastique, 
un  Evêque,  un  Abbé,  craignoit  qu'on  n'attaquât  les 
droits  de  sa  seigneurie  et  de  sa  justice,  il  s'associoil 
un  Seigneur  laïque,  un  Duc,  un  Comte  assez  puis- 
sant pour  faire  respecler  ces  mêmes  droits  ;  et 
l'association  au  moven  de  laquelle  le  Seigneur  laï- 
que devenoit  pair,  égal  au  Seigneur  ecclésiastique 
dans  l'administration  de  la  justice  seigneuriale, 
étoit  une  appariation  plus  connue  sous  le  nom  de 
pariage.  {\oy.  Cotgrave,  Dict.  —  Laurière,  Gloss. 
du  Dr.  fr.)  Il  étoit  de  la  politique  des  Rois  de  la 
troisième  Race,  de  multiplier  ces  associations  entre 
eux  et  les  Seigneurs  justiciers,  ecck'siastiques  ou 
laïi|ues,  parce  qu'en  s'associant  à  leur  pouvoir,  ils 
étendoient  les  bornes  de  l'autorité  royale  (4).  (Voyez 
Pariage  ci-après.) 

Appariement,  subst.  masc.  Accouplement. 
Comparaison.  Significations  analogues  à  celles  du 
verbe  aparier,  accoupler,  comparer.  (Voy.  Aparier.) 

variantes  : 
APPARIEMENT.  Orlh.  subsist.  -  Dict.  de  Trévoux. 
Appariem.\nt.  Monet,  Dict. 

Apparisiaire,  subst.  masc.  Nonce,  Légat.  C'est 
le  mot  .ipocrisiaire  défiguré  par  une  faute  d'im- 
pression. Lorsqu'on  lit  (Traité  de  l'Orig.  des  Cardi- 
naux, p.  19  et  "20,  que  «  les  Àpparisiaires  envoyez 
«  anciennement  par  les  Papes  en  la  Cour  de  Cons- 
«  tantinoples  auprès  des  Empereurs,  estoient  vray- 
«  semblablement  ....  des  Diacres  Cardinaux  .  .  . 
«  qui  depuis  à  la  différence  de  simples  Diacres 
«  furent  appeliez  Archidiacres  »,  il  est  visible  que 
ces  .ipparisiaires  ne  sont  autres  que  les  Apocri- 
siairc's  qui  résidoient  à  Consfantinople  en  qualité 
de  Légats  ou  Nonces  du  Pape.  Ces  Nonces  ou  Légats, 
qui  éloient  ordinairement  Diacres,  recevoient  les 
réponses  de  l'Empereur  aux  demandes  du  Pape  et 
l'en  informoient.  De  là,  on  les  nommoil  .ipocrisiai- 
res,  mot  formé  du  grec  dnixonnç,  en  \alin  responsio. 
(Voy.  Du  Cange,  Glôss.  lat.  T.  I,  col.  55G.  —  Dict.  de 
Trévoux,  au  mot  Apocrisiairc  ) 

Appariteur, s/(^s^  masc.  Domestique  ;  Sergent; 
Huissier  ;  Bedeau  ;  Bourreau.  On  a  regardé  les 
Domestiques,  les  Sergens ,  les  Huissiers ,  les  Be- 


(1)  Paresse  vient  de  pigritia,  par  la  forme  intermédiaire  perece,  en  provençal  pereia.  (n.  e.)  —  (2)  Oisiveté.  —  (3)  Nous  ne 
voyons  pas  que  par  ait  un  son  plus  faible  que  pro  :  on  a  formé  le  composé  parfoml,  comme  parmi,  parjure.  (N.  E.)  — 
(4)  Ainsi  les  évêques  de  Mende,  de  Viviers  et  du  Puy,  seigneurs  de  leurs  diocèses,  furent  tellement  inquiétés  par  les  baillis, 
qu'ils  donnèrent  au  roi  la  moitié  de  leurs  domaines  en  pariage.  L'administration  restait  indivise,  mais  était  exercée  une 
année  par  les  agents  du  roi,  une  autre  par  ceux  de  l'évêque.  Parfois  encore,  le  prélat,  comme  l'archevêque  de  Lyon  en 
1312,  était  dédommagé  par  le  don  de  belles  terres  éloignées  de  son  diocèse.  (N.  e.) 


AP 


AP 


deaux,  les  Bourreaux,  comme  asservis  à  paroitre, 
à  être  lonjours  présens  devant  ceux  ;\  qui  ils  doi- 
vent obéir,  en  hdin  parère,  lorsqu'on  les  a  désignés 
par  le  mol  Appariteur,  en  latin  Apparitor.  <•  Quand 
«  jadis  en  Caulc,  par  l'insUlulion  des  Druides,  les 
«  serfs,  varlets  et  appariteurs  estoieut  touts  vifs 
«  bruslez  aux  l'unerailles  ('l  exèques  de  leurs  Mais- 
«  1res  et  Seigneurs ,  n'avoienl-ils  belle  paour  que 
«  leurs  Maislres  et  Seigneurs  mourussent  ;■  »  (Rabe- 
lais, T.  III,  p.  17.) 

Les  Apparileiirs  étoleut  à  Rome,  ce  que  sont  en 
France  les  Sergens  et  les  Huissiers  qu'on  a  aussi 
nommés  Apjiariteurs.  (Voy.  Mém.  de  Dassomp.  T.  I, 
p.  314.  —  Cotgrave,  Oudin  et  Nicot,  Dict.)  ■<  Chic- 
«  quanous  ...  le  pria  ne  prendre  en  mal,  si  de  la 
«  part  du  gras  Prieur  il  le  citoit  ;  remontra  par 
«  harangue  diserte  comment  il  estoit  personne  pu- 
'<  blic(iue,  Serviteur  de  moynerie.  Appariteur  de  la 
«  mitre  abbatiale.  »  (Rabelais,  T.  IV,  p.  G2.)  Les 
Sergens  de  la  Justice  ecclésiastique,  les  Bedeaux 
qui  portent  des  masses  devant  le  Recteur  de  l'Uni- 
versité et  les  quatre  Facultés,  sont  connus  encore 
sous  le  nom  d'Appariteurs  :  nom  qui  dans  la  signi- 
fication de  Bourreau,  étoit  sans  doute  aussi  odieux 
en  France  qu'il  le  fut  jamais  ;i  Rome,  où  la  condi- 
tion des  Appiirileurs  étoit  si  méprisée  que  pour 
marque  d'ignominie,  le  Sénat  ordonna  qu'une  cer- 
taine ville  dontles  habitanss'étoient  révoltés,  seroit 
obligée  de  fournir  des  Appariteurs  aux  Magistrats. 
«  L'Appariteur  estoit  venu  pour  les  occire.  »  (Triom- 
phe des  neuf  Preux,  p.  130,  col.  2.  —Voy.  Cotgrave 
et  Nicot,  Dict.  —  Dict.  de  Trévoux.) 

VARI.\NTES  : 
APPARITEUR.  Cotgrave,  Oudin  et  Nicot,  Dict. 
Apariteur.  Percef.  Vol.  II,  fol.  39,  V»  col.  2. 

Apparition,  subst.  féin.  Epiphanie.  Action  de 
paroitre,  de  se  faire  voir.  Espèce  de  trappe. 

Dans  l'origine  du  Christianisme,  la  naissance  de 
Jésus-Christ ,  sa  première  apparition ,  comme 
homme,  étoit  propiement  l'Epiphanie;  mot  dont  la 
signification  est  la  même  que  celle  d'apparition. 
Mais  lorsque  le  Pape  Jules  eut  appris  aux  Chrétiens 
du  IV'  siècle,  à  distinguer  la  Nativité  de  l'Epiphanie, 
le  mot  Epiphanie  signifia  Vapparition  de  Jésus- 
Christ,  moins  comme  homme  que  comme  Dieu  ; 
Vapparition,  la  manifestation  de  sa  Divinité.  Quoi- 
qu'il parût  homme,  il  fut  reconnu  pour  Dieu,  par 
les  trois  Rois  qui  lui  offrirent  de  l'encens  et  l'ado- 
rèrent; par  le  peuple  attentif  à  la  voix  céleste  qui 
se  fit  entendre  le  jour  de  son  baptême dansleseaux 
du  Jourdain  ;  par  les  témoins  de  son  premier  mira- 
cle, lorsqu'en  Souverain  de  la  nature ,  il  changea 
l'eau  en  vin  aux  noces  de  Cana.  Telles  sont  les  trois 
apparitions  ou  manifestations  de  la  Divinité  de 
Jésus-Christ,  célébrées  peu  de  temps  après  sa  Nati- 
vité, sous  le  nom  d'Epiphanie  ou  de  fête  de  VAppa- 
rition;  «  car  épifaine  valt  altretant  cum  appari- 
«  dons.  »  (Voy.  S' Bern.  Serm.  fr.  mss.  page  211.) 
Non-seulement  il  a  voulu  naître,  mais  il  a  voulu 
être  connu;  «et  por  cette  conissance  faisons  nos 
«  ceste  feste  de  VAparicion Li  troi  Roi  ... . 


«  ensevirent  lo  conduit  de  la  novele  estoile  et  si 

«  aorerent  le  novel  enfant  de  la  Virgine si 

«  cum  Deu De  cesle  sole  aparition  ne  fait- 

«  om  mies  selement  la  feste,  mais  aussi  d'une 
•<  altre,  etc.  »  (Id.  ibid.  p.  198  et  200.)  «  Quoiqn'en 
«  la  primiere  il  apparut  vraiz  hom,  l'adoration  des 
"  trois  Rois,  et  l'otîraude  de  l'encens  mostret  bien 
"  qu'il  conurent  k'il  Deus  estoit.  »  (Id.  ibid.  p.  204 
et  20.").)  «  En  la  seconde  aparicion  mostrat  awerte- 
'<  ment  li  tesmoignages  del  peire  k'il  estoit  vraye- 
«  ment  li  filz  de  Deu  ;  et  en  la  tierce  apparut  bien 
"  k'il  estoit  vrais  Deus ,  lai  où  par  son  comande- 

■1  meut  fut  mueye  li  nature mervillous  fut 

«  li  muemenz  de  l'awe  ;  mervillous  fust  li  tesmoi- 
■<  gnaiges  Saint  Johans  et  del  Colon,  et  de  la  voix  del 
"  Peire  ;  mais  ceu  fut  ancor  plus  mervillouse  chose 
«  ke  li  troi  Roi  lo  porent  conoslre.  »  (Id.  ibid.) 

C'est  donc  à  cause  de  la  manifestation  de  la 
Divinité  de  Jésus-Christ,  et  non  à  cause  de  l'appa- 
rition de  l'étoile  qui  annonça  sa  naissance,  qu'on 
a  nommé  fête  de  l'apparition,  la  fête  de  l'Epiphanie, 
de  la  manifestation  de  la  Divinité  de  Jésus-Christ 
aux  Gentils,  et  particulièrement  aux  trois  Rois  qui 
l'adorèrent.  Il  semble  néanmoins  qu'en  appelant  le 
jour  de  cette  fête,  le  jour  de  l'apparition  aux  Rois, 
on  ail  eu  en  vue  l'étoile  qui  leur  apparut.  En  disant 
que  «  le  dimenche  xir  jour  de  janvier  étoit  le  jour 
"  de  Vapparicion  au  Rois  ou  environ,  »  l'on  a  sans 
doute  voulu  désigner  un  des  derniers  jours  de  l'Oc- 
tave de  cette  fête  que  l'Eglise  célèbre  le  G  janvier. 
Il  est  visible  qu'il  faut  lire  apparicion  aux  Rois, 
dans  les  Lettres  de  Charles  VI,  en  date  du  mois  de 
février  i41.j.  «  Comme  le  Dimenche  xir  jour  de 
«  janvier  dernier  passé  qui  fu  le  jour  de  l'rtyjyjrtrt- 
«  cion  au  Rois  ou  environ,  Girart  le  Bicorgne....  et 
«  autres  feussent  allez  boire,  etc.  »  (Reg.  du  Très, 
des  Chartes.) 

On  soupçonne  avec  assez  de  vraisemblance,  que 
ce  fut  relativement  à  l'idée  de  l'apparilian  de  cette 
même  étoile,  que  le  Roi  Jean  ayant  rétalili  l'Ordre, 
la  Compagnie  des  Chevaliers  de  l'Etoile,  par  ses 
Lettres  du'6  novembre  1351,  «  voulut  faire  la  pre- 
«  mière  feste  et  entrée  de  la  dite  Compaignie  à 
«  Saint-Oùin,  la  veille  et  le  jour  de  V Apparition 
«  prouchene.  »  (Voy.  Ord.  T.  II,  p.  466.) 

La  signification  de  ce  mot  spécialement  consacré 
à  désigner  la  divinité  de  Jésus-Christ  manifestée  aux 
Gentils,  étoit  quelquefois  la  même  que  celle  d'rt/j;m- 
rement,  action  de  paroitre,  de  se  faire  voir  en  pu- 
blic. «  Le  Roy  Perceforest  est  gary  de  sa  maladie.... 
«  si  faict  assavoir...  h  tous  Gentilz-hommes....  et  à 
•'  toutes  Dames  et  Damoyselles  qu'ils  soient  à  sa 
«  venue  et  ù  son  apparition  devant  le  neuf  chastel, 
«  au  dernier  jour  de  may.  ■•  (Percef.  Vol.  II,  fol.  55, 

R°  col.  2.  —  Voy.  API'AREMENT.) 

On  sait  qu'aujourd'hui  le  mot  apparition  ne  se 
dit  plus  que  des  phénomènes  qui  apparoissent,  et 
des  objets  qui  d'invisibles  se  rendent  visibles.  C'est 
relativement  à  cette  dernière  signification,  que  par 
une  espèce  de  métonymie  assez  ordinaire,  on  nom- 
mo'\l, apparitions  les  trappes  par  où  les  diables,  les 


AP 


—  45  — 


AP 


fantômes,  les  ombres  apparoissoient  sur  le  Théâtre 
dans  les  anciennes  représentations  des  mystères' 
On  voyoït  dans  celle  du  mystère  de  S' Denvs  "Lucifer 
évoquant  tous  les  démons  qui  sortoient  chacun  par 
une  trappe  ou  apparition.  (Voy.  Ilist.  du  Th  fr 
T.  II,  p.  542.  —  Ibid.  p.  331.) 

VARIANTUS  : 
APPARITION.  Orth.  subsist.  -  Ord.  T  II  n  460 
Aparicion.  S>  Bern.  Serm.  fr.  MSS   n  217 
Aparition.  Id.  ibid.  p.  102 
Apparicion.  Id.  ibid.  p.  205. 

Apparoir,  verbe.  Paroître,  se  faire  voir.  L'inli- 
nitifdece  verbert;;/wroh-,  encore  usité  en  termes 
de  Palais,  ne  diffère  de  rinlinitifrt/j/wm-  que  par 
le  changement  assez  ordinaire  de  la  voyelle  é-  en  la 
diphthongue  oi  (1).  11  semble  même  prouvéquVw;«- 
roir.  plus  ancien  dans  notre  lan-ue  que  l'infinitif 
opparer  eloil  aussi  d'un  usage  plus  général  On  a 
dit  que  Dieu  voulant  se  faire  voir  au.x  hommes  et  en 
être  reconnu,  .<  si  non-digne  chose  ne  fu  mie  h  lui 
•'  apparoir  en  son  ymagine  à  ceos  qui  en  sa  subs- 
«  lance  n  el  poient  mies  conoistre  ;  ensi  ke  cil  mis- 
"  mes  aparust  hom  as  homes,  ki  avoit  fait  l'orne  à 
«  son  ymagine  et  à  sa  semblance.  »  (S- Bern  Serm 

vvn  Kf-^  "  ^^  ^-'^^  ''"  l"*^  'e  mesaise  que  le 
«  \adlant  homme  a  en  son  cueur  ne  lui  doit  avna- 
«  voir  au  visage.  »  (.loinville,  p.  UO  ) 

Plus  les  objets  sont  saillans,  plus'ils  paroissent 
et  mieux  ,1s  se  font  voir.  De  Ih,  l'expression  appa- 
ro?/; /(ors,cest-à-dire  saillir,  être  saillant,  en  latin 
nmnere.  (Monet,  Dict.  -  Voy.  Api-aroissa^ce  ) 

Les  modes  dont  la  conjugaison  d'apparer  est 
lormee,  étant  communs  à  apparoir,  on  auroit  rénn 
çcb  deux  verbes  de  même  origine  et  demêmesi-ni- 
ication,  SI  la  terminaison  en  or,-  ne  sembloit  être 
le  principe  de  plusieurs  modes  et  temps  particuliers 
au  xerhe  apjmron-;  tels  que  r.ndicatif  présent  !w 
paro/s,  etc.  1  indicatif  imparfait  fannaroissois  eu- 
l'impératif  apparais,  le  subjonctif  p^?ent7iï: 
rom.  etc.  Il  y  a  eu  dans  Torlhographe  de  ciSo- 
des,  des  variations  que  l'on  croit  devoir  remarquer. 

CONJUG. 

Aparege,  subj.  pr  Apparoisse.  (Ane.  Coût.  deBr  ) 
^pam^e,  subj  près.  Apparoisse.  (Ibid  fol  M  v°'\ 
Appar esse.  snhi.  prés.  Apparoisse.  (Faifeu,  p'so'i 
Apparest,  indic.  prés.  Apparoit.  (C.  Marot  ) 
Apparo/ssoye  (j'),  indic.  imparf.  J'apparo  ssois 
iRob.  Estienne,  Gram.  fr.  p  63)  "PP-" «issois. 

-4/;/;flro/s/   ind,  prés.  Apparoît.  (Desperiers  ) 
Apparoy  (j  ),  ind.  prés.  J'apparois.  (R.  Estienne.) 


Dans  un  sens  analogue  à  celui  de  l'expression 
"  apparoir  hors,  Vapparoissance  d'une  chose  nui 
«  passe  outre  une  autre,  une  apparoissance  an 
"  aehors,  «  etoit  ce  qu'en  termes  d'Architecture  on 
nomme  sai  le,  en  latin  e.rsfantia,  cminentia.  (Rob 
tstienne,  Nicot  et  Monet,  Dict.  -  Voy.  ArrARom.) 

Il  seroit  possible  que  relativement  à  l'idée  d'un 
objet  qui  paroit  et  se  voit  d'autant  mieux  qu'il  est 
plus  saillant,  plus  éminent,  on  eût  désigné  un 
homme  a  qui  la  vertu  ou  la  fortune  donne  une  cér- 
ame prééminence,  en  disant  qu'il  étoit  apparent, 
liomme  d  apparence.  (Voy.  Apparence.) 

ro^'^'^'^-^v?'*^''*']''  Participe.  Paroissant.   Appa- 
rent, visible,  évident.  ^^ 

On  n'aimoit  bien  et  l'on  ne  méritoit  d'être  aimé, 
dans  les  principes  très  rigoureux  de  l'ancienne 
galanterie,  qu  autant  qu'on  paroissoit  pâle  et  mai- 
g  e  et  qu  on  1  etoit  réellement  par  l'effet  d'un 
amour  extrême. 

El  bien  sçachiés  qu'amours  ne  laisse 
bur  Im  amant  couleur,  ne  gresse 
De  ce  ne  sont  apparissaiit 
Ceulx  qui  Dames  vont  trahyssant  • 
tA.  dient  pour  eulx  loseneiei- 
Qu;ilz  ont  perdu  boire  ct"mangier 
fct  je  les  voy  comme  Jengleurs, 
Plus  gras  qu'Abbés,  ne  que  Prieurs. 

fiom.  de  la  Rose,  vers  257G-2583. 

Dans  le  sens  où  nous  dirions  il  y  paroît,  il  y  na- 
roitra,  on  disoit  il  est  aparissant,  il  est  aparissant. 

W,  ■  ■  '  ;  ■•„■  •„■  •  ■  ^^  'i'^'''  si  vis  devant 
Que  ventaille  d'auberc  ne  li  fu  ainz  garant  ■ 
loz  les  jors  qu'il  vivra,  li  ert  aparissant. 

Psrton.  de  Blois,  MS.  de  S.  Gerra.  fol  127,  \"  col  2. 
Vos  fustes  longues  (2)  Clers,  bien  est  aparissant 
Ibid.  fol.  171  V"  cDl.l. 


''appar 

VARIANTES  : 

APPAROIR.  Orth.  subsist.  -  S-  Bern.  Serm  fr  n  ''"2 
Aparoir.  S'  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  63  ^'  " 

^n^i?o^n-c^!r''^''^^'  '"''*'•  A'w.  Apparence.  Saillie. 

La  signidcation  d  apparoissance  étoit  la  même  en 
gênerai  que  celle  d'apparence,  lorsqu'on  disoiVm- 
Tnvf  n  .''■""^  chose. physique  ou  moraîè  ffi- 
grave,  Oudin,  Rob.  Estienne,  Nicot  et  Monet,  Dict  ) 


«innn.?  '^"'^"*  *''''?'!'''"^'l^'^  'ï'^  ^e'-btî  apparoir 
nIvH  J  'î  qu'a  signilie  et  signifie  encore  apparent, 
paiticipedu  verbe  rt/jywr^/',  le  même  qu'wro/r 
[\  oy.  Apparoir.)  On  a  désigné  el  l'on  désigne  par  le 
mol  apparent ,  un  homme  dans  lequel  on  voit  de^ 
qualités  qui  le  distinguent,  un  homme  qui,  parois- 
sant avec  certains  avantages  naturels  ou  acquis 
semble  devoir  obtenir  sur  les  autres  une  sorte  de 
prééminence.  (Voy.  Apparoissa.nce.)  C'étoit  aussi  la 
signitication  d  apparaissant.  .  Hyrcan-Tobie  étoit 
«  moult  apparissanl  home,  »  eii  latin  vir  valdè 

f^  "".«i^  'n'^^'-  f^'^'^'  '^^^  Machabées,  ms.  des  Cordel. 
loi.  18J.)  On  croît  qu'il  faut  lire  apparissant  ou 
apparaissant  dans  cet  autre  passage  où  la  signin- 
cation  d  appaissant  semble  analogue  ;\  celle  d'»- 
rant  employé  quelques  lignes  plus  haut  •■  J'av 
"  fnli''^'l"'  ^'^  ^''  "ouvelles  d'ung  mien  cousin 
«  nomme  Passelyon,  auquel  tout  mon  désir  s'encline 
«  que  de  luy  je  soye  fait  Chevalier...  Quant  Passe- 
«  yon  entendit  Pedracus  qui  son  cousin  se  disoit, 
«  Il  en  fut  joyeulx  à  merveilles  ;  car  il  le  veoit  fort 
«appaissant,  etc.  .  (Percef.  Vol.  IV,  fol.  115.)  L'ac- 
ception à  apparissant  étoit  encore  la  même  que 
celle  A  apparent,    lorsqu'il    signifioit  une  chose 


-\%nte"mT^"*^'^^P"'^^P-'-é'«c"'e:elongaccentué,donne^ 


(N.  E.) 


AP 


_  /,f.  — 


AP 


apparente  sans  réalité  .«  Vos  ne  "^^^f^'/^Sel 
„  maraslrevosdisf?  Nonyoïrs,  f'^Ui  Emperere.  . 
«  mais  aparissant  fait  croire    »  (J^m     e  Doiopa 
thnc;  fnl  "'l'î^  Plus  souvent  il  desi^iioit  la  itaiiie 
ri^mipcho'se  apparente,  visible,  évidente,  dans  le 
s^i    ph  s  qu?o  1  moral.  On  nommoit  /,a's  ajm- 
,Ss«E    les  lices  d'un  champ-clos    lorsquelle^ 
éSiSÏS^ez  hautes,  pour  'l^^e^  comMUan^s^    ; 
«pnt  les  voir,  et  qu  en  les  voyant  il»  se  ga  dasstiu 
dPles  fra^d  ir.  «  En  toutes  batailles.  ..  doit  justice 
„  baiuèi    c  àmp    à  combattre  advenant   et  lices 
<  amaresSeï:  c'est  assavoir  à  gens  qui  se  com- 
baftent  de  cheval,  si  fortes  que  les  cHeyaulx  ne 
:^ÏÏul5eiUysir;etàgensde^e^ 

Tpôur  le  profit  commun  de  nostre  royaume,  etc.  - 

^*^DanIVancieS Coutume  de  Normandie,  la  Loi 
««»«  -LIS  opposée  à  la  Loi  simple,  étoil  a  même 
nïe  a  ïo  apparente,  aussi  nommée  Lo>  aperte 
?Vov  Api'ARrNT  )  Ces  dénominations  semblo.ent  d  au- 
taSt  plus  raisonnables  qu'on  étoit  persuadé  que  par 
ce  te  Si,  qui  étoit  souvent  la  Loi  du  duel  il  appa- 
??  ssoit  évidemment  du  bon  droit  des  parties 

Les  Querelles  personnelles  nées  de  dict  ou  de 
faict  se  tel  mino  ont  par  »  simple  loy  qm  se  nom- 
f  lit  Besrene  (1).  «  EUes  n:étoient  appelées  crimi- 
nelles qu'autant  qu'elles  naissoient  «  de  tel  ciime 
de  quoy  l'en  devoit  et  ponvoit  perdre  vie  o 
membre.  »  Alors  elles  éloient  décidées  par  Loy 
amassant.  (Voy..  Anc^  Coût,  de  Norniandie,  cbap. 
ivMi  fol   88  —  Ibid.  cbap.  i.xxxiv,  fol.  10 1.) 

la  même  Coutume  divise  les  querelles  de  posses- 
sion Si  querelles  de  meuble  et  en  querelles  de 
?èîre   Toute  querelle  de  meuble  ou  de  possession 
mouvable,  ciu  n'excédoit  pas  dix  sous,  ctoit  termi- 
ï  par  simple  Loy  ;  si  elle  excédoit  celte  somme, 
elle  éïït  terminée  par  Loy  appanssant[^  oy-  Ane 
Coût    de  Normandie,  cbap.  lxxxvii,  fol.  106,  \   et 
108  R°  ]  Ouant  aux  querelles  de  terre  ou  de  posbcs- 
sion  non  mouvable,  qu'on  nommoit  nnssx  querelle^ 
Saiil.r  par  la  raison  qu'en  Normandie  a  posses- 
sio       on  mouvable,  soit  noble  ou  roturière,  etoi 
communément  appellée  fief  ;  comme  el  es  avo.en 
diverses  causes,  il  y  avoit;.  diverses  Loix  es  ab  ic. 
„  k  les  terminer.  -  (Voy.  Ibid.  cbap.  L>^,^^^:";fo\- Y^'  • 
On  ajoute  que  .-  les  unes  querelles  fieffaulx  » 
étoient\erminées  par  «nqueste  et  es  aultres  pa 
I  mide  deresne  ;  "  que  lenqueste  faicte  par  juge 
«  ment  de  saigés  hommes,  par  raison  et  par  cous- 
«    ume  gardée  de  longtemps  étoit  une  enquesle  ce 
«  droitetdecoustume;  ^^^  l'enqueste  de  quoy  la 
«  matière  estoit  contenue  es  bnefz  de  «ou/f  'e  des- 
«  saisine ,  de  mort  d'ancesseurs  et  autres  bre  b 
«  dénommés  au  chapititrexç,    étoit  une  enqueste 
«  d'establissement.  «  (Voy.lhid.chap.xcn  fol.  112. 
En  voyant  les  querelles  fieffaulx  qu  oji  termino.t 
par  enqueste ,  opposées  aux  querelles  lieffaulx  tei- 


minées  par  'a  Lov  de  Desrcne,  Laurière  a  juge  qu  ici 
SîSes^te  est  opposée  à  la  Loy  de  Desrene,  comme 
l'est  ailleurs  à  la  Loy  simple,  V,  Loy  apparissm 
que  par  conséquent  toute  Enqueste,  même  1  mi- 
ùes  e  le  droic  et  de  couslume,  étoit  Loy  appans- 
Sf;  qu'enfin  il  n'y  avoit  d'autre  Loy  simple  que 
la  Loy  de  Desrene.  (Voy.  Gloss.  du  Dr.  1-k  T     i, 
p    6i  et  65.)  On  croit  néanmoins  avoir  quelque 
Maison  de  douter  qu'il  n'y  eût  de  simp  e  Loy  que 
celle  qu'on  nommoit  Desrene  ;  cest-à-due  «  dene- 
f 'ation  ou  espurgement  de  ce  dont  aulcun  est 
nuèrele-.  .  par  son  serment  et  le  serment  de 
pnlvmiiiv  aident    -.  (Voy.  Ane.  Coût,  de  Nor- 
^aS  e  cbap  \x  XV,  fol.  103.  Il  est  probable  qu'elle 
n'étoit  qu'une  espèce  de  Loy  simp  e  dont  la  deno- 
mSion  particulière  peut  à  la  vente  avoir  ete  gê- 
né 3iséë.(Vov.  DEsnAiNT..)  S'il  étoit  vrai  que  dans  le 
;    siïe  dont  il  est  question ,  la  Çesrene  opposee^^ 
l'Enqueste,  signifiât  en  gênerai  Loy  s  mpie    pai 
opïïsiUon'à  Loy  m>arissant    \\  semm^n^^^ 
•ivoir  parlé  des  querelles  fieffaulx  terminées  pai 
Su  .e?  e  ou  par  Desrene,  on  n'auroil  pas  ajouté 
'r  ^ou    diions'de  Loy  apparissant  de  quoy  la  que- 
„  re'le  doibt  estre  menée  en  ces  e  forme  en  con- 
«  tendz  fieffal.  .-  (Ane.  Coût,  de  Normandie,  chap. 

''ouoïïue^ouT'le  nom  générique  d'Enqueste,  on 
ait  d'abord    réuni  à  l'Enqueste    d'establissement 
Î-En  ueSède  droict  et  de  coustume,  on  les  a  ensuite 
iivSs  comme  étant  essentiellement  différentes; 
e  cette  différence  paroit  consister  principalement 
en  ce  aue    outes  deux  n'étoient  pas  Loij  de  reeoi- 
'.îofssS.  Les  Enquesles  «i'e^ljl'f  e™enl   dis  m 
suées  des  Enquestes  de  droict  et  de  cousiume, 
I  oient  appellées  de  recongnoissant.O  oyez  Ane. 
rout  de  Normandie,  chap.  xcu,  fol.  112.)  Oi  la  Loy 
^P  .pcon-noissant,  ainsi  nommée,  pour  ce  que,  dit 
îî  .i:?,wip  H  o  ose    «  par  icelle  il  estoit  à  con- 
l^îoi  trelaqulle  desifarties  avoit  droit  ou  tort 

ers  s  àsr:iSi;ï^=f  f 

éisoeït  la  forme,  on  appeloit  Enqueste  d'esta- 

^tre  connue  que  la  même  Enqueste  s'appeloit  En- 
S'/sl^d Somiaatlo'n  Tune  même  E».l»e^JJ,S  »»,' 

pn?  eSencri  semble  que  «s  termes  Loy  de 


par  enquebic,  uijp>.'.=>-^-^  ""— 1- n„  Pnnrrp  t   V, 

p.  597,  c.  2.  (N.  E.) 


AP 


—  47  — 


AP 


recongnoissant  éloient  colleclifs  de  bataille  et  cVEn- 
questedu  pays  ou  cVestablissemeiit,  lorsqu'on  disoit  : 
.<  L"en  appelle  simple  querelle  de  possession,  qui 
«  est  terminée  par  simple  loy.  Querelle  (ipparissant 
«  est  celle  qui  est  terminée  par  loy  de  recongnois- 
"  saut  ou  par  bataille,  ou  par  lenquesle  du  pays 
>'  que  l'en  appelle  recongnoissant.  »  (Ane.  Coût,  de 
Normandie,  cliap.  i.xxxvu,  fol.  107.)  Dans  ce  passage, 
les  querelles  sont,  comme  on  le  voit,  désignées  par 
le  nom  de  la  Loi  qui  devoit  les  terminer.  Or  la 
querelle  apparissant  étoit  celle  qui  se  terminoil  par 
Loy  de  recongnoissant  ;  donc  l'expression  par  Loy 
de  recongnoissant  semble  être  synonyme  de  l'ex- 
pression par  Loy  apparissant.,  et  signifier  collecti- 
vement, ou  par  bataille,  ou  par  enqueste  du  pays, 
par  enqueste  d'establissement.  On  croit  que  si  Lau- 
rière  eût  eu  l'idée  de  cette  signification  collective, 
il  n'auroit  pas,  en  citant  le  même  passage,  mis  après 
ces  mots  par  Loy  de  recongnoissant,  une  virgule 
qui  n'est  pas  dans  le  texte,  et  qu'il  auroit  besité  à 
décider  que  cette  Loi  étoit  l'Enqueste  de  droit  et  de 
coutume,  appelée  improprement  Loi  de  reconnois- 
sant.  Pcut-éire  auroit-il  prononcé  moins  affirmati- 
vement contre  l'opinion  de  l'auteur  de  la  glose  sur 
ce  même  texte,  que  l'Enqueste  de  droicl  et  de 
coustume  éloit  Loy  apparissant.  (Voy.  Gloss.  du  Dr. 
Fr.  T.  II,  p.  64  et  (55.)  Eu  effet,  ce  n'esl  pas  sans 
raison  que  l'auteur  qu'il  contrarie,  a  prétendu  que 
«  Loy  apparissant  n'est  aultie  cbose  que  bataille, 
•'  ou  recongnoissant,  c'est-à-dire  Enqueste  du  pays 
'<  ou  d'establissement;  et  simple  Loy,  toute  preuve 
«  qui  se  fait  par  serment  de  partie,  ou  par  tesmoings 
«  de  certain,  ou  par  enqueste  de  droict.  »  (Voyez 
Ane.  Coût,  de  Normandie,  Glose,  fol.  107.) 

Il  résulte  évidemment  de  celte  définition  de  simple 
Loy,  que  la  Desraine  ou  dénégation  avec  serment, 
n'étoit  par  la  seule  Loi  qu'on  nommât  Loy  simple. 
Il  paroit  même  que  lorsqu'on  combattoit  pour  une 
querelle  de  possession,  la  Loy  du  duel,  celte  Loy 
apparissant  par  excellence,  se'nommoitquebiuefois 
Loy  simple  par  opposilion  ;i  Loy  apjuirissant  ;  lu 
signification  de  Loy  apparissant  étant  restreinte 
alors  à  la  Loy  du  duel  pour  une  querelle  criminelle. 
La  preuve  est  que  dans  le  chapitre  i.xxxi  du  même 
Coutumier,  on  lit  que  durant  le  temps  où  »  les 
«  mariages  ne  se  pouvoient  assembler,  les  Loix  ne 
«  dévoient  paseslre  faictes  ne  simples  ne  apportes; 
"  que  Saincte  Eglise  défendoit  à  faire  Loy  apparis- 
«  sant  tous  les  jours  de  fesle,  etc.  »  11  est  probable 
qu'en  ce  passage,  les  Loix  appei'tes  ou  apparissuntes 
sont  celles  qui  étoient  criminelles,  et  que  les  simples 
sont  celles  dont  on  combattoit  en  aucuns  cas  de 
propriété  d'héritage  et  aultres  cas,  avant  que  «  telles 
«  simples  Loix  fussent  ramenées  à  preuves  par 
«  enqueste.  »  (Voy.  Gr.  Couf.  de  Normandie,  f»i01.) 

On  a  déjà  observé  que  les  querelles  étoient  dési- 
gnées par  le  nom  de  la  Loy  à  la  décision  de  laquelle 
elles  éloient  soumises.  De  là,  les  querelles  simples 
opposées  aux  querelles  apparoissantes.  (Voy.  \fv.\- 


R.\Di.E  et  Apparext.)  Aujourd'hui  que  tout  cet  ancien 
droit  est  aboli  en  Normandie,  l'action  intentée  pour 
la  propriété  d'un  héritage,  s'appelle  encore  Loy 
apparoissante.  (Voy.  Coût,  de  Normandie,  au  Coût. 
gén.T.  I,  p.  1006.  -  Laur.  Gl.  du  Dr.  Fr.  T.  II,  p.  65.) 

VARIAMES  : 
APPAROISSANT.  Coût.  gén.  T.  I,  p.  1007. 
Apareissant.  Marbodus,  de  Gemm.  Art.  col.  1668. 
Aparisant.  Ane.  Poët.  Fr.  MSS.  avant  1300,  T.  I,  p.  344. 
Aparissan't.  Parton.  de  Blois,  MS.  de  S'  Germ.  fol. 171. 
APPAISSANT.  (Usez  Appariasaut  ou  Apparoissanl.)  Percef. 
Vol.  IV,  fol.  115,  R°  col.  1. 
Appareissant.  Ord.  T.  I,  p.  6i6. 
AppARESSANT.  Anc.  Cout.  de  Bretagne,  fol.  71,  R.». 
Apparissant.  Gr.  Cout.  de  Normandie,  fol.  151,  R». 

Apprti'oisti'e,  verbe.  Apparoître,  paroître.  On 
croit  qu'apparoistre,  moins  ancien  dans  notre  langue 
qu'apparoir ,  a  été  formé  d'apparoist  (1),  troisième 
personne  de  l'indicatif  présent  de  ce  même  verbe; 
et  qu'à  l'exception  de  \' apparoitrai ,  etc.  i'appa- 
roîtrois,  etc.  il  n'a  point  de  modes  et  de  temps  qui 
n'appartiennent  à  la  conjugaison  d' apparoir,  verbe 
dont  l'infinitif  est  aujourd'hui  presque  aussi  inusité 
qu'anciennement  celui  A'apparer.  (Voy.  Apparer  et 
Apparoir.) 

variantes  : 

APPAROISTRE.  Cotgrave,  Rob.  Estienne  et  Nicot,  Dict. 

App.\RESTRE.  Faifeu,  p.  6. 

Apparoyssaiiimeut ,  adverbe.  Visiblement, 
évidemment.  Signification  analogue  à  celle  d'appa- 
roissant,  visible,  évident.  (Voy'ez  Lanc.  du  Lac, 
ï.  III,  fol.  68,  V»  col.  1.) 

Apparreure,  subst.  féminin.  Apparence.  C'est 
probablement  en  ce  sens  que  pour  obvier  à  ce  que 
les  marchands  trompassent  leurs  acheteurs  en 
cachant  la  mauvaise  qualité  de  la  marchandise  sous 
une  superficie  de  belle  apparence,  «  il  étoit  ordonné 
«  que  aucun  marchant...  ne  mist  plus  belle  appar- 
«  reure  par  dessus  que  par  dessous.  ■  (Voyez  D. 
Carpentier,  Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du  Cange,  au  mot 
Apparalura;  tit.  de  1415.) 

Apparu,  part.  Paru,  qui  a  paru.  On  remarquera 
qu'en  général  les  participes  de  même  terminaison 
que  celui-ci,  ont  tous  été  formés  de  la  troisième 
peisonne  de  l'indicatif  prétérit  du  verbe,  comme 
apparu  d'apparut  (2;  ;  encore  ne  relranchoit-on  pas 
toujours,  comme  on  voit,  le  t  final  dans  l'ancienne 
orthographe.  La  signification  de  ce  même  participe 
du  verbe  apparer,  le  même  qu'apparoir,  a  été  plus 
générale  qu'elle  ne  l'est  aujourd'hui.  (Voy.  Apparer 
et  Apparoir.) 

VARIANTES  : 
APPARU.  Orth.  subsist.  -  S'  Bern.  Serm.  ii.  MSS.  p.  124. 
Ap.\ruit.  S'  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  124. 
Apparuiz.  Id.  ibid.  p.  lUl. 
Appéru.  Rob.  Estienne,  Gram.  fr.  p.  63. 

Appast,  subst.  mase.  Repas,  nourriture.  Pâture, 
mangeaiile.  Appât,  attrait.  La  signification  d'appast 
étoit  quelquefois  la  même  que  celle  du  mol  simple 


(1)  Il  vient  d'appui-escere,  forme  qu'on  a  dû  employer  à  la  basse  latinité,  (n.  e.)  —  (2)  C'est  un  participe  de  seconde 
formation,  qui,  en  latin,  était  terminé  en  utus,  comme  uabutus.  (n.  e.) 


AP 


48  — 


AP 


past,  en  latin  paslus,  repas,  nourriture.  (Cotgrave, 
Dict.  —  Voy.  Past.) 

Quoiqu'il  ait,  relativement  à  l'idée  générale  de 
nourriture,  désigné  celle  de  l'homme,  plus  souvent 
il  désignoit  celte  des  bêtes  et  des  oiseaux,  leur 
pâture  et  leur  mangeaille.  iCotgrave  et  Nicot,  Dict.) 
On  a  restreint  la  signification  de  ce  mot  appast  à 
celle  de  pâture  ou  de  mangeaille  qu'on  met,  soit 
à  un  piège  pour  attirer  les  bètes  à  quatre  pieds  et 
les  oiseaux,  soit  à  un  hameçon  pour  pécher  les 
poissons.  De  là,  celte  comparaison  prise  dans  la 
Kature,  et  d'apf-ès  laquelle  appast  ou  appât  a 
signifié  et  signifie  encore  figurément  tout  ce  qui 
attire  en  excitant  la  cupidité  odieuse  d'une  àme  vile, 
ou  la  sensibilité  aimable  d'une  âme  honnête.  On 
sait  qu'en  ce  dernier  sens  il  n"est  plus  d'usage  qu'au 
pluriel,  et  qu'il  s'écrit  «/)/;««  (l).(V.  Dict.  de  Trévoux.) 
Il  y  a  de  l'art  dans  les  appas  4'une  belle  femme; 
dans  ses  charmes  il  n'y  a  que  la  nature.  Par  la 
vertu  invisible  de  ses  charmes  naturels  elle  retient 
et  fixe  auprès  d'elle  les  hommes  que  l'artifice 
éblouissant  de  ses  appas  y  avoit  attirés.  Malherbe 
avoit  probablement  l'idée  de  quelque  distinction  de 
cette  espèce,  puisqu'il  «  faisoit  toujours  quelque 
«  ditïérence  entre  charmes  et  appas.  »  (Ménage, 
Observ.  sur  Malherbe,  p.  313.) 

VARIAMES  : 
APPAST.  Cotgr.  Nicot  et  Monet,  Dict.  -  Dict.  de  Trévoux. 
Apast.  Cotgrave  et  Nicot,  Dict. 
Ap.\t,  Appât.  Monet,  Dict.  au  mot  Appast. 

Appasteler,  verbe.  Repaître,  nourrir.  Appâter, 
faire  manger.  La  première  acception  du  verbe 
appasteler,  plus  ancien  dans  notre  langue  qu'ap- 
paster,  est  relative  à  celle  d'appast,  repas,  nourriture. 

Après  trop  longe  june 

Wapasteloit  d'oes  pourris. 

Adc.  Pocs.  fr.  MS.  du  Valic.  ii-  1490,  fol.  152,  R'. 

Des  ans  y  a  demy  douzaine. 
Qu'en  son  hostel,  de  cochons  gras 
Me  apaaiela  une  sepniaine. 

Villon,  p.  57. 

Pris  dans  le  sens  général  de  nourrir,  il  désignoit 
non-seulement  la  nourriture  des  hommes,  mais 
celle  des  bètes,  leur  pâture,  (l'oyez  Appast.)  «  Se 
«  print  Sarra  à  fioter  son  poullafn  et  à  luy  donner 
«  à  manger...  ne  autre  œuvre  ne  faisoit  la"  Damoy- 
"  selle  jour  et  nuyt  que  de  YapasteUer  de  tout  ce 
«  qu'elle  scavoit  que  bon  luy  estoit  pour  croistre  et 
«  amender.  »  (Percef.  Vol.  Il,  fol.  45.)  «  Sera  tenu 
«  le  fermier  de  apasteller  les  poissons  et  trouver  la 
«  pasture  à  ses  coûts  et  frais.  »  (D.  Carpentier,  Sup. 
Gloss.  lat.  de  Du  Gange,  au  mot  Pastus.) 

Ce  même  verbe  appasteler  signifioit  plus  parti- 
culièrement le  soin  qu'on  prend  de  nourrir  un 
animal,  un  enfant,  ou  un  homme  privé  de  l'usage 
de  ses  mains,  en  le  faisant  manger,  en  l'appâtant. 
(Voy.  Cotgrave,  Oudin,  Rob.  Estiènne  et  Nicot,  Dict. 
—  Dict.  de  Trévoux.)  C'est  par  allusion  sans  doute 
à  celte  acception  particulière  d'appasteler,  que  pour 


uienacer  un  homme  de  lui  donner  un  coup  de  cou- 
teau, l'on  a  dit  :  «  Se  tu  me  approches,  je  le  appas- 
<■  tcleraij  de  cesle-cy;  et  trait  un  grant  coustel.  » 
(D.  Carpentier,  Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du  Gange,  au 
mot  Pastus;  til.  de  1389.  —  Voy.  Appaster.) 

VARIANTES  : 
APPASTELER.  Cotgr.  Oudin,  Rob.  Estiènne  et  Nicot,  Dict. 
Apasteler.  Ane.  Poës.  fr.  MS.  du  Vatic.  n"  1490,  f»  152,  R». 
Apasteller.  Percef.  Vol.  2,  fol.  45,  R"  col.  1. 
Apateler.  Monet,  Dict.  au  mot  Appast. 
Appasteller.  Rob.  Estiènne  et  Nicot,  Dict. 

Appaster,  verbe.  Repaître,  nourrir.  Attirer  avec 
un  appât,  appâter.  Mettre  un  appât.  Il  paroît  que  le 
verbe  appaster,  formé  du  substantif  appast,  nour- 
riture, pâture,  a  signifié  nourrir  dans  un  sens  aussi 
général  qn  appasteler.  (Voy.  Cotgr.  et  Mcot,  Dict.) 
On  a  même  dit  figurément  : 

Je  ne  ra'appaste  pas  d'une  vaine  espérance. 

Coujet,  Bibliotli.  Fr.  T.  XIV,  p.  1\. 

C'est  relativement  à  l'idée  particulière  d'appast, 
pâture  avec  laquelle  on  attire  un  animal  dans  le 
piège,  que  ce  même  verbe,  soit  au  propre,  soit  au 
figuré,  signifioit  attirer  avec  un  appât.  (Voy.  Cotgr. 
Oudin,  Mcot  et  Monet,  Dict.)  L'acception  propre  est 
encore  usitée. 

Enfin  appaster  un  hameçon,  c'est  y  mettre  un 
appât.  Mais  on  ne  diroit  plus,  appaster  certaines 
choses  dans  un  lieu,  pour  y  mettre  des  choses  de 
nature  à  attirer  les  animauxau  piège,  à  les  appâter, 
comme  l'on  dit  encore  dans  le  sens  propre.  (Voyez 
Monet,  Dict.  —  Dict.  de  Trévoux.)  «  Pour  le  renard, 
«  blereau,  foine  ou  putois,  suffira  d'appaster  autour 
«  des  lieux  labourez,  des  rougets  de  poulaille...  ou 
«  appaster  des  rôties  de  pain  bis  fricassées  avec 
»  graisse.  »  (Fouilloux,  Vénerie,  fol.  121,  R°.) 

On  sait  qu'appaster  ou  appâter  a  remplacé  dans 
notre  langue,  l'ancien  verbe  appasteler,  faire 
manger.  (Voy.  Appasteler.) 

variantes  : 
APPASTER.  Cotgrave,  Oudin  et  Nicot,  Dict. 
Apaster.  Cotgrave,  Dict. 
Apater.  lylonet,  Dict.  au  mot  Appast. 

Appasteiix,  adjectif  et  subst.  masc.  Trompeur. 
Ce  mot  appasteux,  dans  un  sensrelatifà  l'acception 
figurée  du  mot  appast,  désignoit  un  homme  qui  en 
trompe  un  autre,  en  lui  présentant  un  appât  par 
lequel  il  est  attiré  dans  le  piège  tendu  à  sa  simpli- 
cité et  â  sa  bonne  foi.  (Cotgr.  Dict.  —  Voy.  Appast.) 

VARIANTES  : 
APPASTEUX.  Cotgrave,  Dict. 
Apasteux.  Celt-hell.  de  L.  Trippault. 

Appastis,  subst.  masc.  Pâturage.  Pâture.  (Voy. 
Appaster.) 

Le  premier  sens  est  celui  d' appastis.  «  Il  vint  en 
«  ung  moult  £;rand  appastiz  .  .  si  mist  paistre  son 
«  cbeVal.  »  (Percef.  Vol.  III,  fol.  ir.8,  R-  col.  2.) 

Quoiqu'«;;a///s  et  rt/jj^as//^  soient  de  même  origine 
et  à  peu  près  de  même  terminaison ,   ils  différent 


(1)  On  a  eu  tort,  dès  le  xvn*  siècle,  d'employer  cette  forme  pluriel  an  singulier.  Ainsi  Corneille,  dans  Sertorius  :  «  Si 
jamais  une  flamme  eut  pour  vous  quelque  appas;  »  Molière,  dans  l'Ecole  des  Fenwies:  «  Qui  dort  en  sûreté  sur  un  pareil 
appas.  »  (N.  E.) 


AP 


49 


AP 


en  ce  que  la  signification  à'apatil  n'est  point  celle 
A'appastis,  pâturage  ;  mais  celle  d'appast ,  pâture. 
(Voy.  ArPAsT.)  Dans  un  sens  analogue  à  l'acception 
figurée  d'appâter,  nourrir,  repaître,  on  a  dit  : 

Espérance  paist  les  chetifz. 
Assez  promect  et  peu  contente  ; 
Les  grans  et  haultains  appetitz 
N'ont  cure  de  ses  apatitz. 

Molinet,  p.  126. 

VARIANTES  : 
APPASTIS.  Chasse  et  départ  d'Amours,  p.  8. 
Apatilz  (plur.)  Molinet,  p.  126. 
Appastiz.  Percef.  Vol.  III,  fol.  158,  R». 

Appel,  subst.  masc.  Convocation.  Provocation 
au  combat,  provocation  en  Justice,  accusation,  de- 
mande. Provocation  d'un  Juge  h  un  autre  Juge. 
Invitation,  ordre,  ordonnance.  Exécution  d'un  ordre, 
d'une  ordonnance. 

Quelles  que  soient  les  acceptions  usitées  et  inu- 
sitées du  substantif  «/v^^/,  toutes  sont  analogues  à 
celles  du  verbe  appeler,  pousser,  faire  approcher, 
faire  venir,  etc.  En  termes  d'escrime,  l'appel  est 
une  feinte  par  laquelle  on  essaye  de  surprendre  son 
adversaire,  en  le  faisant  venir  imprudemment  à 
l'attaque  ou  îi  la  parade.  Pour  attirer  les  oiseaux 
dans  les  filets,  pour  les  y  faire  venir,  on  se  sert 
d'un  oiseau,  ou  d'un  sifflet  avec  lequel  on  contre- 
fait la  voix  de  l'oiseau  de  mêm.e  espèce.  De  là ,  le 
sifflet  et  l'oiseau  ont  été  et  sont  encore  désignés 
par  le  mot  appeau.  C'est  probablement  dans  un 
sens  relatif  à  celui  de  l'expression  ,  la  cloche  ou 
l'heure  appelle,  qu'en  termes  d'horlogerie ,  on  a 
nommé  appeau,  un  timbre,  une  petite  cloche  qui 
sonne  les  quarts  et  les  demi-heures.  Il  y  a  dansées 
trois  dernières  acceptions  un  abus  de  métonymie, 
très-connu  des  Grammairiens. 

Anciennement,  faire  appeau  de  quelqu'un  à  un 
fait,  c'étoit  l'y  appeler,  le  faire  venir  comme  aide, 
comme  témoin  ou  complice  de  ce  même  fait. 

Alors  Faifeu  de  liiy  soubdain  s'empart, 

Et  va  songer  une  bonne  cautelle 

Que  vous  orrez,  et  pour  tout  vray  fut  telle. 

Il  va  trouver  ung  cheval  mort  de  frays 

En  ung  foussé  qui  estoit  là  auprès... 

Et  amassa  les  petiz  ousselletz 

Et  de  la  char  de  petiz  morselez  ; 

Et  les  pousa  en  partie  de  la  peau, 

Sans  à  ce  faict  de  nuUy  faire  appeau. 

Lors  s'en  alla  de  nuict  en  sa  pasture,  etc. 

Faifeu,  p.  U  el  42. 

En  réfléchissant  sur  le  rapport  de  ces  acceptions 
du  substantif  rty>i;«'/  ou  appeau,  avec  racceplion  éty- 
mologique du  verbe  appeler,  pousser,  faire  appro- 
cher, faire  venir,  on  aperçoit  la  raison  pour  laquelle 
dans  un  sens  analogue  à  celui  d'appeler,  convo- 
quer, on  a  dit  : 

Quinze  Roi  coroné  vienent  à  son  apel  ; 
Si  vient  li  Chanceliers  qui  porte  le  séel. 

Parlon.  de  Blois,  MS.  de  S'  Gerni.  fol.  169.  V°  col.  2. 

Quoiqu'appel  soit  aujourd'hui  distingué  d'appeau, 
il  est  prouvé  qu'anciennement  on  disoit  appeau  el 
appel  sans  aucune  distinction  de  signification.  Sou- 
vent les  appels  ou  appeaux  éloientdes  provocations 
à  venir  combattre  en  champ  clos,  ou  à  venir  plai- 


der  en  Justice.  (Voy.  Appeller.)  On  étoit  provoqué 
par  une  accusation,  une  demande  ;  de  là  ,  ces  ex- 
pressions, appel  de  mort  ou  de  vwurtrc,  appel  de 
félonie,  appel  de  foi  mentie,  appel  de  fere  fere,  etc. 
expressions  dans  lesquelles  appel  sinaille  accusa- 
tion, demande.  (Voy.  Tenures  de  Littleton,  fol.  41. 
—  Id.  ibid.  fol.  45. —Britton,  des  Loix  d'Angleterre, 
fol.  49.  —  Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis,  chap. 
Lxi,  p.  317,  etc.)  L'accusation  d'un  crime  commis 
par  une  personne,  à  l'instigation  d'une  autre,  par 
son  conseil  ou  par  son  ordre,  étoit  un  appel  de 
faire  faire.  «  Cas  si  est  A'apeler  de  fere  fere ,  si 
«  comme  quant  cheli  qui  apele  ne  met  pas  sus  à 
«  cheli  que  il  apele,  que  il  l'ut  presens  à  fere  le  fet, 
«  mais  il  le  feist  fere  pour  louier,  ou  par  pramesse, 
«  ou  par  prière,  ou  par  quemandement  ;  et  de 
«  chesle  manière  d'apel  vismes  nous  apeler,  etc.  » 
(Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis,  chap.  lxi,  p.  312.) 

On  connoissoit  peu  sans  doute  Vappel  de  défaute 
de  droit,  lorsque  les  Comtes  et  autres  Juges  se  mon- 
troient  si  actifs  à  rendre  la  Justice ,  qu'il  falloit 
modérer  cette  activité  funeste  au  repos  et  à  la  for- 
tune des  citoyens,  par  des  Ordonnances  qui  défen- 
doient  de  tenir  plus  de  trois  assises  par  an.  Mais 
les  petites  seigneuries  s'étanl  mullipliées  avec  dif- 
férons degrés  de  vasselage,  la  Justice  commença  à 
languir  dans  les  juridiclions  subalternes  des  Sei- 
gneurs vassaux,  qui  faute  d'Hommes  ou  de  Pairs 
en  nombre  suffisant,  négligèrent  souvent  de  tenir 
leur  Cour.  Alors  les  appels  de  défaute  de  Droit 
furent  d'autant  plus  fréquens  qu'ils  produisoient 
des  amendes  au  Seigneur  suzerain  devant  qui  le 
Seigneur  vassal  étoit  accusé  de  négligence  à  rendre 
justice.  Celte  négligence  étoit  toul-à-fait  inexcusa- 
ble lorsqu'elle  éloit  volontaire.  «  Nous  veons  aucuns 
«  Seigneurs  en  malice  contre  chaus  à  qui  il  ne 
«  vuelent  fere  droit  ....  Si  convient  à  chaus  qui 
«  ont  meslier  d'apeler,  que  il  soient  soutil  de  som- 
"  mer  les  souffisaument,  si  que  il  puissent  avoir 
«  droit  en  la  Court  de  chaus  où  il  le  requièrent,  si 
«  que  il  puissent  avoir  seur  apel  de  défaute  de 
«  droit,  etc.  »  (Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis, 
chap.  Lxn,  p.  319.)  Les  formalités  dont  on  peut  voir 
le  détail.  (Id.  ibid.)  varioient  suivant  l'état  des  per- 
sonnes intéressées  à  poursuivre  celte  sorte  d'appel. 

L'appel  de  défaute  de  droit  étoit  toujours  une 
accusation,  une  simple  provocation  en  Justice,  et 
jamais  une  provocation  au  combat  en  champ  clos, 
à  moins  qu'on  «  n'ajoustast  vilaine  cause  aveques 
"  défaute  de  droit.  »  (Voy.  Beaumanoir,  Coul.  de 
Beauvoisis,  chap.  Lxvii,  p.  339.)  «  Se  aucuns  veut 
«  appeler  son  Seigneur  de  de/faute  de  droit,  il 
«  convendra  que  la  detfaute  soit  prouvée  par  tes- 
«  moins,  non  pas  par  bataille.  ■>  (Ord.  T.  I,  p.  92.) 
«  Li  apel  fet  par  défaille  de  droit,  ne  sont  pas  .  .  . 
«  démené  par  gages  de  bataille,  mais  par  monstrer 
«  resons  par  quoi  la  défaute  de  droit  soit  clère  :  et, 
«  ches  resons  convient-il  avérer  par  tesmoins 
«  loiaux.  »  (Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis,  chap. 
Lxi,  p.  315.)  Cependant  la  preuve  par  témoins  pou- 
voit  occasionner  le  combat  judiciaire.   «  Quant  li 

7 


AP 


—  50  — 


AP 


«  tesmoing  viennent  pour  tesmoigner  en  tel  cas,  de 
«  quelque  partie  que  il  viengnent,  ou  pourapeleur, 
«  ou  pour  clielui  qui  est  apelés,  cliil  eucoatre  qui 
1  il  vuelent  tesuioiguer,  puet  .  .  .  lever  le  second 
«  tesmoiu  et  lui  inellre  sus  que  il  est  faux  et  par- 
"  jure  ;  aussiut  pueent  Ltieu  naistre  gages  de  l'apel 
«  qui  est  fet  seur  défautc  de  droit.  ■>  (Id.  ibid.)  Les 
principes  de  celte  Loi  iiui  défend  le  combat  en  cas 
de  simple  appel  de  défaille  de  droit,  sont  indiqués 
par  M.  de  Montesquieu.  11  ajoute  que  s'il  étoit  per- 
mis d'appeler  au  combat  les  témoins ,  c'est  qu'en 
les  appelant,  «  on  n'offensoit  ni  le  Seigneur,  ni  son 
.<  tribunal.  »  (Voy.  Espr.  desLoix,T.  II,  chap.xxvm. 
pages  345  et  34G.) 

Il  paroit  que  les  peines  auxquelles  exposoit  l'ap- 
pel de  dé  faute  de  droit,  n'éloient  pas  les  mêmes 
dans  toutes  les  Coutumes.  «  Se  la  deff'aule  n'est 
'<  prouvée,  cil  qui  appelera  le  Seigneur  de  la  def- 
«  faute,  il  aura  tel  dommage  comme  il  doit  par 
<'  l'usage  du  pais;  et  se  la  deffaute  est  prouvée,  li 
«  Sire  î'amandera  et  perdra  ce  que  l'en  li  doit,  par 
'•  la  Coutume  del  pais  et  de  la  terre.  »  (Urd.  T.  I, 
p.  92.)  Dans  la  Coutume  de  Beauvoisis ,  lorsque  la 
défaute  de  droit  n'étoit  pas  suffisamment  prouvée, 
l'appelant  payoit  une  double  amende ,  l'une  au 
Seigneur  qu'il  avoit  accusé  de  négligence  à  lui 
rendre  jushce,  l'autre  au  Seigneur  devant  lequel  il 
l'avoit  accusé  de  cette  négligence.  Pour  un  Gentil- 
homme, l'amende  étoit  de  soixante  livres  ;  de  soi- 
xante sous  pour  «  l'Homme  de  pooté.  »  Au  contraire, 
si  la  preuve  étoit  jugée  suffisante,  le  Seigneur 
appelé  de  défaute  de  droit,  éloit  condamné  à  l'a- 
mende de  soixante  livres,  et  perdoit  le  Jugement  et 
la  Justice  de  sa  terre.  (Voy.  Besiumanoir/Cout.  de 
Beauvoisis,  chap.  lxi,  p.  312.)  On  observera  d'après 
M.  de  Montesquieu  i,Espr.  des  Loix ,  T.  II ,  chap. 
xxiv,  p.  329,  note),  que  dans  les  auteurs  contempo- 
rains de  Beaumanoir,  l'expression  perdre  sa  Justiee 
n'avoit  pas  une  signification  générale,  qu'elle  étoit 
restreinte  à  l'affaire  dont  il  s'agissoit. 

Quoique  l'appel  de  dé  faute  de  droit  fût  déjà  connu 
du  temps  de  Philippe-Auguste,  il  n'est  pas  à  beau- 
coup près  aussi  ancien  dans  noti'e  Jurisprudence, 
([ue  l'appel  de  faux  Jugement.  On  voit  que  dès  l'an 
755,  les  Comtes  et  leurs  Officiers  étoient  sujets  à 
rfly;/Jt'/ d'un  homme  qui  se  croyoit  jugé  contre  la 
Loi.  >'  Si  reclamaverit  quôd  legem  ei  "non  judicas- 
"  sent,  tune  licentiam  habeat  ad  Palatium  veuire 
"■  pro  ipsà  causa,  et  si  ipsos  convincere  potuerit 
<'  quôd  legem  ei  non  judicassent  secundum  legem, 
«  contra  ipsum  emendarefaciat.  »  (Synod.  Yernens. 
art.  XXIX,  et  Capitul.  Metens.  art.  ix.  —  Voy.  Baluz. 
Gapitul.  r.eg.  Fr.  T.  I,  col.  170  et  180.  —  Espr.  des 
Loix,  chap.  xxviii,  p.  314  et  345.) 

L'appel  de  faux  jugement  n'étoit  point  alors  ce 
([u'il  fût  le  plus  souvent  au  commencement  de  la 
troisième  Race,  une  provocation  au  combat.  On 
provoquoit  les  Juges  à  combattre,  en  les  accusant 
d'avoir  faussement  et  méchamment  jugé,  en  disant 
à  la  Justice  :  «  Sire,  chis  jugemens  qui  est  pronon- 
«  ciés  contre  moi,  et  auquel  P.  s'est  accordés,  est 


'<  faux  et  mauves  à  desloiaux,  et  tel  le  ferai  contre 
"  le  dis  P.  par  moi  ou  par  mon  houme  ...  en  la 
"  Court  de  eheens  ou  en  autre  là  où  Droit  me  merra 
«  par  reson  de  cet  appel  ;  et  ([uant  il  a  ainsint  dit, 
«  chil  qui  est  apelés  doit  dire  que  li  jugement  est 
«  bon  et  loiaux,  et  offrir  loi  à  fère  par  li  ou  par 
«  autre  qui,  etc.  »  (Beaumanoir,  Coût  de  Beauvoi- 
sis, chap.  Lxi,  p.  314.)  On  conçoit  que  les  formalités 
et  les  peines  de  cet  appel  xanoienl  comme  presque 
tous  les  usages  coulumiers.  Lorsqu'un  des  Pairs  ou 
des  hommes  de  fief  avoit  déclaré  qu'il  soutiendroit 
le  jugement,  le  Juge  recevoil  les  gages  de  bataille 
et  prenoit  sûreté  de  l'appelant,  qu'il  soutiendroit 
son  appel.  «  Mais  àcheliquidetrendoit  lejugeraent, 
«  ne  conveuoit-il  point  de  seurlé  fere  par  le  reson 
«  de  che  que  il  étoit  lions  au  Seigneur,  et  qu'il 
«  devoit  faire  le  jugement  bon.  Autrement  il  per- 
«  doit  le  jugier  et  chéoit  en  l'amande  de  soixante 
"  livres  au  Seigneur.  »  Si  l'appelant  ne  prouvoit 
pas  que  le  jugement  avoit  été  faux  et  mauvais,  il 
payoit  au  Seigneur  une  amende  de  soixante  livres, 
la  môme  amende  au  Pair  ou  à  l'Homme  de  fief  qu'il 
avoit  appelé,  autant  à  chacun  de  ceux  qui  avoient 
ouvertement  consenti  au  jugement.  (Voy.  Beauma- 
noir, «bj  supra,  p.  313  et  314.  —  Défonlaines, 
chap.  XXII,  art.  1,9,  10  et  11.) 

On  sait  que  dans  les  principes  de  l'ancien  système 
féodal,  un  homme  ne  pouvoit  appeler  son  Seigneur, 
le  provoquer  à  combattre,  sans  être  coupable  du 
crime  de  félonie,  à  moins  que  son  appel  devant  le 
Seigneur  suzerain,  ne  fût  précédé  d'une  renoncia- 
tion juridique  au  fief  qu'il  tenoit  de  celui  qu'il  accu- 
soit  de  lui  avoir  méfait.  «  Nus  ne  puet  apeler  son 
«  Seigneur  à  qui  il  est  bons  de  cors  et  de  mains, 
«  devant  que  il  li  a  delessé  l'ounuige  et  che  que  il 
«  tient  de  luy  ;  donques  se  aucuns  vient  apeler  son 
«  Seigneur  d'aucun  cas  de  crime  ou  quel  il  chiet 
o  apel,  il  doit  ains  l'apel  venir  à  son  Seigneur  en  la 
«  présence  de  ses  Pers,  et  dire,  etc.  «  (Beaumanoir, 
Coût,  de  Beauvoisis,  chap.  lxi,  p.  310et311.)C'étoit 
sans  doute  afin  d'éviter  ce  crime  de  félonie,  qu'au 
lieu  cl'aj)peller  pour  faux  jugement  le  Seigneur,  on 
appeloit  les  Pairs  ou  les  Hommes  de  fief  qui  avoient 
jugé.  Lorsqu'un  Seigneur  n'avoit  pas  d'Hommes 
de  fief  en  nombre  suffisant  pour  former  sa  Cour,  il 
pouvoit  en  emprunter  de  son  Seigneur  suzerain. 
Mais  les  hommes  qu'il  empruntoit,  s'ils  étoient 
prudens,  se  dispensoient  de  juger,  en  déclarant 
qu'ils  n'étoient  venus  que  pour  conseiller.  Alors  si 
le  Seigneur  jugeoit  lui-même,  et  si  l'on  appeloit 
contre  lui  de  faux  jugement,  «  le  péril  de  l'apel 
«  tournoit  sur  lui  et  non  pas  sur  les  hommes  de 
«  son  Seigneur.  »  (Voy.  Beaumanoir,  ubi  supra, 
chap.  Lxii,"p.  322.)  Il  est  probable  qu'en  ce  cas  par- 
ticulier, comme  dans  tous  ceux  où  l'appel  éloit  une 
provocation  au  combat,  la  renonciation  au  fief  étoit 
une  formalité  nécessaire.  En  général,  si  l'homme 
d'un  Seigneur  «  appeloit  avant  qu'il  eût  renoncé 
>'  au  fief,  il  n'y  avoit  nul  gage  ;  ainchois  ainandoit 
«  à  son  Seigneur  la  vilenie  qu'il  lui  avoit  dite,  etc.  » 
De  même,  le  Seigneur  ijui  appeloit  son  homme, 


AP 


—  51 


AP 


devoit  avant  l'a/jpe/,  »  lui  quitter  l'hommage  en 
«  présence  du  Souverain.  »  (Voy.  Id.  ibid.  cliap. 
Lxi,  page  31 1 .) 

11  paroit  qu'au  moyen  de  cette  renonciation  à 
l'hommage,  tout  vassal  appelé  par  son  Seigneur 
pour  un  attentat  quelconque,  pouvoit  sans  félonie, 
garder  son  fief  et  combattre  pour  sa  justification, 
ainsi  que  l'homme  de  fief  appelé  de  faux  jugement 
par  le  Seigneur  contre  lequel  il  avoit  jugé  dans  sa 
propre  Cour.  «  Quant  li  Sires  plede  en  se  Court 
«  meisme  contre  son  houme,  il  n'est  pas  Juges... 
<>  et  quant  li  houme  rendent  le  jugement,  se  il  le 
«  font  contre  li,  apeler  en  puet  comme  de  faus  ju- 

«  gement Se  il  dit  à  chelui  contre  qui  il  vient 

«  fausser  le  jugement,  vous  avés  fet  jugement  faus 
«  et  mauves,  comme  mauves  que  vous  este,  ou  par 
«  louier  ou  par  pramesse,  ou  par  autre  mauvèse 
«  cause,...  li  apiaus  se  demaine  par  gages:  car  il 
«  loit  bien  à  l'Oume  h  soi  deffendre  contre  son  Sei- 
«  gneur  quant  il  l'accuse  de  mauvestié  ;  ne  jà  pour 
«  che  se  il  se  deffent  de  mauvestié  contre  son 
«  Seigneur,  ne  convenra  que  il  lesse  le  fief  que  il 
«  tient  de  li.  »  (Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis, 
Chap.  Lxvn,  p.  337.) 

Lorsque  le  Seigneur  n'attaquoit  pas  l'honneur  du 
Juge,  en  l'accusant  de  prévarications  personnelles, 
et  «  qu'il  appelait  simplement,  en  disant  que  le 
«  jugement  étoit  faux  et  mauvais,  »  son  appel 
n'ètoit  qu'une  requête  en  amendement  du  jugement 
dont  il  se  plaignoit,  et  n'obligeoit  point  aux  gages 
de  bataille.  «  Quant  li  Sires  apèle  simplement,  si 
«  coume  il  est  dit  dessus,  le  erremens  seur  quoi  li 
«  jugemens  fu  fès  doivent  estre  aporté  en  le  Court 
«  où  li  apiaus  est,  et  doivent  regarder  li  Iloumes 
«  de  le  Court  se  li  jugemens  fu  bons  ou  mauves 
«  selonc  les  erremens  de  le  Court  oii  li  apiaus  fut 
«  fès;  et  se  il  est  trouvé  mauves,  chacun  des 
«  Houmes  qui  s'assenti  au  jugement  chiet  en 
«  l'amande  de  soixante  livres  vers  le  Seigneur  et  si 
«  perdent  le  jugier.  >•  (Beaumanoir,  Couf.  de  Beau- 
voisis, chap.  Lxvir,  p.  337.)  Au  contraire,  s'il  se  plai- 
gnoit du  Juge  même  et  le  provo  inoit  par  des  impu- 
tations personnelles,  «  s'il  ajoustoit  avec  Vapel 
«  vilain  cas,  il  y  avoit  gages  de  bataille  ;  et  li  vain- 
«  eus,  soit  li  Sires,  soit  li  Hons,  perdoit  le  cors  et 
«  l'avoir.  «  Quant  aux  autres  Hommes  qui  avoient 
«  consenti  au  jugement,  ils  ne  perdoienl  fors  le  ju- 
B  gement  et  l'amande  de  chacun  de  soixante 
«  livres.  »  Mais  cette  distinction  particulière  dans 
la  manière  de  fausserjugement,  é!ant  devenue  plus 
générale,  on  crut  que  dans  le  cas  même  d'appel  de 
faux  jugement  sans  outrage  personnel,  il  falloit  con- 
server au  Juge  «  le  choix'de  faire  bon  le  jugement 
«  par  gages  devant  le  Comte  et  devant  son  Conseil  ; 
«  car  le  Comte  pouvoit  bien  tenir  la  Cour  de  ses 
«  Hommes  appelés  de  faux  jugement.  »  (Vov.  Beau- 
manoir, tibi  supra,  p.  337  et  338.) 

n  est  vraisemblable  qu'à  moins  d'être  animées 
par  une  passion  de  haine  ou  de  vengeance,  les 
Parties  profitèrent  d'une  distinction  au  moyen  de 
laquelle  on  pouvoit    fausser  un  jugement  sans 


s'exposer  au  péril  de  combattre,  et  que  les  Juges 
dont  on  faussoit  le  jugement,  sans  outrager  leur 
personne,  usèrent  rarement  du  droit  qu'ilsavoient 
d'y  forcer  ces  mêmes  Parties,  en  choisissant  le  gage 
de  iKitaille.  C'est  ainsi  qu'aura  prévalu  insensible- 
ment dans  les  Cours  mêmes  des  Barons,  la  Loi  par 
laquelle  S'  Louis  avoit  sagement  proscrit  le  combat 
dans  les  appels  de  faux  jugement. 

La  ressemblance  paroit  sensible  entre  ces  appels- 
sans  combat  et  les  requêtes  ou  supplications  en 
amendement  de  jugement,  usitées  dans  les  Cours 
royales,  où  l'on  «  demandoit  amendement  de  juge- 
«  ment,  en  suppliant,  en  requérant;  car  supplica- 
«  tion  devoit  estre  faite  en  Cour  de  Boi,  et  non  pas 
«  appel;  par  la  raison  que  Y  appel  contenoit 
«  félonie.  «  (Voy.  Ord.  T.  I,  p.  171  et  264.  —  Beau- 
manoir, Coût,  de  Beauvoisis,  chap.  lxvu,  p.  337.) 

Quant  aux  jugemens  des  Cours  seigneuriales 
qu'on  pouvoit  fausser,  non-seulement  on  en  appe- 
loit  comme  de  faux  jugement  ;  mais  le  plus  souvent 
cet  appel  étoit  une  provocation  au  combat.  Il  paroit 
que  l'ordonnance  de  fausser  sans  combattre,  ne 
s'étendoit  pas  aux  appels  qui  se  faisaient  à  une  autre 
Cour  qu'à  celle  du  Souverain.  Les  appels  de  faux 
jugement,  comme  les  appels  de  défaute  de  droit, 
étoient  de  degré  en  degré,  c'est-à-dire  «  selonc  che 
«  que  li  houmage  descendoient  dou  plus  bas  au 
«  plus  prochein  Seigneur  après,  si  comme  du  Pre- 
«  vost  au  Baillif,  et  du  Baillifau  Boy,  es  Cours  où 
«  Prévost  et  Baillif  jugent  ;  et  es  Cours  où  les 
«  Hommes  jugent,  selonc  che  que  li  houmages 
«  alloient  et  descendoient,  li  appel  dévoient  estre 
«  faits  en  montant  de  degré  en  degré  sans  nul 
«  Seigneur  trespasser.  »  (Voy.  Beaumanoir,  Coût, 
de  Beauvoisis,  chap.  lxi;  p.  317.)  On  ne  voit  dans 
cette  citation,  qu'un  commentaire  du  chapitre  lxxxi 
des  Etablissemens  de  S'  Louis.  «  Si  le  Seigneur  dont 
«  on  faussoit  le  jugement,  étoit  Bers,  il  falloit  s'en 
«  clamer  en  la  Court  le  Roy,  ou  en  la  Court  de  celui 
«  de  qui  il  tenoit;  en  la  Court  au  Bers  ou  de  celui 
«  de  qui  il  tenoit,  s'il  étoit  Vavasor.  L'appelant 
«  disoit  :  Sires,  cil  m'a  fet  faux  jugement,  pour 
«  laquelle  reson  je  ne  vuel  plus  tenir  de  luy,  ainçois 
«  tendre  de  vous  qui  estes  Chiefsires.  Si  le  Vavasor 
"  vouloit  s'en  deffendre,  il  ajoutoit  :  Je  ne  viiel  mie 
«  qu'il  s'en  puisse  deffendre,  car  il  me  fist  le  juge- 
»  ment  faux  à  veiie  et  asseùe  de  moi  qui  foi  li  doit, 
«  et  le  sui  prest  de  monstrer  contre  son  cors,  se  il 
«  le  veut  deffendre.  Et  tout  ainsi  appeloit  l'en  son 
«  Seigneur  de  faux  jugement  et  en  pouvoit  l'en 
«  bien  jugier  une  bataille.  »  (Voy.  Ord.  T.  I, 
p.  171  et  172.) 

Plus  on  réfiéchit  sur  le  sens  de  ce  passage,  qui 
semble  devoir  être  expliqué  relativement  à  la  Loi 
par  laquelle  en  cas  d'appel  de  faux  jugement,  le 
combat  étoit  défendu,  plus  on  doute  que  le  pouvoir 
de  juger  bataille  s'étendît  à  Y  appel  de  faux  jugement 
à  la  Cour  du  Souverain.  S' Louis  en  abolissant  dans 
les  Cours  du  Roi,  l'usage  du  combat  judiciaire,  le 
laissa  subsister  dans  les  Cours  des  Seigneurs.  11  est 
vrai  qu'en  même  temps  il  ordonna  qu'on  fausseroit 


AP 


—  52  - 


AP 


leurs  jucremens  sans  combattre  ;  mais  c'étoil  proba- 
blemeiif  lorsqu'en  les  f;uissant  on  appellcroit  à  la 
Cour  du  Hoi,  et  non  à  celle  d'un  Seigneur  où  l'usage 
du  combat  judiciaire  éloit  autorisé.  Ainsi  le  pouvoir 
de  juger  bataille,  que  l'Editeur  des  Ordonnances 
étend  à  ïappel  de  faux  jugement  à  la  Cour  du  Roi, 
seroit  restreint  à  V appel  fait  à  la  Cour  du  Chef- 
.âeigneur  du  Vavasseur;  et  le  cbapitre  lxxxi  des 
Eta'blissemens  de  S'  Louis,  dans  lequel  on  a  vu  une 
exception  aux  chapitres  n  et  m  des  mêmes  Etablis- 
semens,  et  à  l'article  vm  de  l'Ordonnance  de  l'2G0, 
seroit  une  conlirmaliun  de  la  Loi  généiale  qui  sup- 
primoit  les  gages  de  bataille  dans  les  appels  de  faux 
jugement  îi  ia  tour  du  Roi.  «  Se  aucun  veut  fausser 
■<  jugement  ou  pais  où  il  appartient  que  jugement 
«  soit  faussé,  il  n'i  aura  point  de  bataille  ;  mes  les 
"  clains  et  les  respons  et  les  autres  erremens  de 
«  plet  seront  apportez  en  nostre  Court,  et  selon  les 
«  erremens  du  plet  l'en  fera  dépécier  le  jugement 
«  ou  tenir;  et  cil  qui  sera  trouvé  en  son  tort, 
"  l'amandera  selon  la  Coutume  de  la  Terre.  »  (Ord. 
T.  I,  p.  1)1  et  92.  —  Ibid.  p.  113.)  Quand  on  ignore- 
roit  la  défense  de  fausser  dans  les  Cours  royales, 
il  est  impossible  qu'à  ces  mots,  «  les  erremens  du 
"  plet  seiont  portés  à  nostre  Cour,  »  on  ne  recon- 
noisse  qu'il  s'agit  ici  de  faux  jugemens  des  Cours 
seigneuriales,  dont  Y  appel  se  fâisoit  à  la  Cour  du 
Roy.  Au  reste,  il  pouvoit  y  avoir  de  la  sagesse 
à  s'écarter  en  certains  cas,  des  principes  d'une  Loi 
si  raisonnable,  mais  odieuse  à  la  Noblesse,  dans  la 
crainte  de  trop  révolter  des  hommes  dont  le  génie 
étoit  aussi  ennemi  des  procès  qu'il  étoit  ami  des 
combats  (1). 

Quoi  qu'il  en  soit  de  la  réalité  des  exceptions  à  la 
Loi  qui  proscrivoit  le  combat  dans  les  appels  de 
faux  jugement  à  la  Cour  du  Roi,  cette  Loi  n'opéra 
pas  moins  une  révolution  qui,  en  changeant  la 
Jurisprudence  Françoise,  prépara  les  moyens  de  la 
perfectionner.  La  raison  l'ayant  enfin  adoptée 
comme  Loi  générale,  tout  a}tpel  à  un  tribunal  supé- 
rieur, pour  réformer  le  jugement  d'un  tribunal 
inférieur,  ne  fut  plus  qu'une  simple  provocation  en 
Justice.  On  provoqua  longtemps  encore  le  Juge 
même  (lui  avoit  prononcé  le  jugement;  mais  le  fait 
du  Juge  étant  enfin  devenu  le  fait  de  la  partie,  on 
provoqua  la  partie  en  faveur  de  laquelle  avoit  été 
prononcé  le  jugement  qu'on  accusoit  d'être  injuste. 


L'appel  dont  on  abandonnoil  la  poursuite,  étoit  un 
appel  désert;  celui  dans  la  poursuite  duquel  on 
succomboit,  un  fol  appel,  qu'on  nommoit  aussi 
faux  appel.  (Voy.  Laur.  Gloss.  du  Dr.  Fr.  — 
Colgrave,  Dict.  —  Tenur.  de  Littleton,  fol.  45,  V° 
et  /lO,  R°.  —  Ord.  T.  III,  p.  4'i8,  etc.) 

On  regarde  Vappel  volage  comme  un  abus  parti- 
culier de  la  nouvelle  Jurisprudence  qui,  en  facilitant 
les  appels  d'un  tribunal  à  un  autre,  les  avoit  peut- 
être  trop  multipliés.  Cet  appel  qu'en  latin  on  nom- 
moit appellatio  Laudunensis,  parce  qu'il  étoit  plus 
commun  dansleLaonois(iu"ailleurs,  étoit  tel  qu'une 
partie  ajournée  devant  le  Juge,  pouvoit  l'empêcher 
de  passer  outre,  en  se  présentant  devant  lui,  et  en 
disant  :  «  Sire  Juge,  vous  m'avez  faict  adjourner 
«  par  devant  vous  i\  la  requeste  de  tel  ;  si  ay  cause 
«  d'appeller  de  vous  et  de  vostre  jurisdicùon,  et 
«'  pour  ce  en  appellé-je  (ïappel  volage...  Et  pour 
«  soustenir  dès  maintenant  mon  appel  volage,  je 
«  vous  adjourne  par  devant  Monseigneur  le  Baillif 
»  de  Vermandois,...  au  jour  de  la  prochaine  assise, 
«  contre  moy  à  voir  soustenir  mon  dit  volage 
>'  appel  :  et  "si  vous  cuidez  que  bon  soit,  soyez-y. 
«  Dès  maintenant  intime  ma  partie  adverse  qu'elle 
«  y  soit,  si  bon  luy  semble...  El  n'y  falloit  adjour- 
<i  nement,  ne  puis  aussi  le  Juge  appelle  n'y  osoit 
«  procéder  en  outre.  »  (Bouteiller,  Som.  rur. 
liv.  II,  tit.  XIV,  p.  773.  —  Yoy.  Du  Cange,  Gloss.  lat. 
T.  I,  col.  578.)  C'est  probablement  L'usage  de  ces 
a/ijiels  que  Philippe-le-Bel  avoit  aboli  dans  quelques 
villes  du  Laonois,  et  qu'il  y  rétablit  ensuite  par  son 
Ordonnance  de  129G,  lorsque  mieux  informé  à  cet 
égard,  il  comprit  que  ces  appels  avoient  été  intro- 
duits en  faveur  des  habitans  et  pour  leur  utilité. 
(Ord.  T.  I,  p.  328.)  Il  paroit  néanmoins  que  cette 
faveur  leur  devint  nuisible,  puisque  ce  fut  à  leur 
requête,  et  même  aux  offres  de  payer  un  fouage 
annuel  de  deux  sous  parisis,  que  Philippe  de  Valois 
renouvela  l'abolition  âes  appels  volages,  par  Lettres 
du  23  mars  1334,  confirmées  par  autres  Lettres  du 
roi  Jean,  en  date  du  mois  d'août  1351.  (Ord.  T.  II. 
page  444.) 

Dans  la  prévôté  foraine  de  Laon,  lorsqu'un  pos- 
sesseur étoit  troublé  par  voie  de  fait  en  son  héri- 
tage, il  pouvoit  «  sans  commission  et  ordonnance 
«  du  Juge,  de  luy-mesme  appcller  promptement  au 
«  Juge  royal;  car  le  Roi  avoit  seul  la  connoissance 


(1)  Vappel  existait  en  Gaule  sous  l'administration  romaine;  sous  les  Mérovingiens,  il  disparut,  car  il  était  incompatible 
avec  les  jugements  de  Dieu  et  le  jury  des  Rachimbourgs.  Cliarlemagn.?  le  rétablit  ;  on  put  en  appeler  du  dizenier  au 
centenier,  du  centenior  au  placituni  du  comte,  et  de  ce  dernier  à  l'empereur  lui-même.  Mais  ['aj)pel  était  porté  non  contre 
la  partie  adverse,  mais  contre  les  juges  eux-mêmes",  et,  si  le  jugement  n'était  pas  réformé,  le  réclamant  payait  quinze  sous 
d'amende  ou  recevait  quinze  coups  de  bâton. 

A  l'époque  purement  féodale,  Vuppei  disparut.  Comment  aurait-il  existé,  puisque  les  jugements  étaient  rendus  par  les 
pairs?  En  allant  à  une  juridiction  supérieure,  on  n'eût  plus  été  devant  ses  pairs.  —  Le  noble  prévenait  la  condamnation  en 
prenant  ses  juges  à  partie  ;  il  les  accusait  d'avoir  sciemment  rendu  un  jugement  inique  et  menti  à  leur  conscience.  Le  duel 
était  la  conséquence  de  cette  provocation  ;  si  le  juge  était  vaincu,  sa  sentence  était  annulée,  et  la  cause  portée  devant  le 
tribunal  du  seigneur  immédiatement  supérieur.  Mais  le  bourgeois  et  le  paysan,  auxquels  la  justice  était  rendue  par  le 
seigneur  ou  ses  agents,  ne  pouvaient  les  accuser  de  mensonge,  ni  les  provoquer. 

Cependant  dés  le  xii'  siècle,  au  Midi,  le  droit  romain  reparut,  et  avec  lui  l'appel,  on  Ton  n'accusait  pas  le  juge  de  mauvaise 
foi,  mais  d'erreur. 

Dans  le  Nord,  dés  Philippe  le  Bel,  une  nouvelle  doctrine  prévaut;  on  «  fausse  jugement  »  comme  par  le  passé,  mais  le 
juge  n'est  plus  obligé  de  se  battre  :  un  tribunal  supérieur  révise  sa  sentence.  On  appelait  par  «  defaute  de  droit,  »  si  l'on 
prétendait  qu'on  ne  voulait  pas  vous  rendre  justice. 

Au  Midi,  on  ne  pouvait  appeler  que  deux  fois;  au  Nord,  des  causes  passèrent  par  sept  juridictions,  (n.  e.) 


ÂP 


53 


AP 


«  de  celte  sorte  A'appel  qu'on  nommoit  aussi  appel 
«  volage.  »  On  peut  voir  quelle  éloit  la  façon  d'y 
procéder  suivant  la  Coutume  de  Laon,  dont  le 
procès-verbal  semble  prouver  que  les  appels  vola- 
ges,  après  avoir  été  abolis,  furent  encore  en  usage 
en  quelques  lieux.  (Laur.  Gloss.  du  Dr.  Fr.  —  Ord. 
T.  Il,  page  81,  note.) 

Lorsqu'on  étoit  semons  irrégulièrement  en  Cour 
de  Chrétienté,  c'est-à-dire  en  Cour  ecclésiastique, 
on  comparoissoit  devant  le  Juge,  et  on  lui  deman- 
doit  justice  de  l'irrégularité  de  la  semonce.  Si  le 
Juge  ne  la  faisoit  pas,  on  pouvoil  appeler,  et  cet 
appel  étoit  un  appel  de  Chrétienté.  On  a  observé 
qu'en  «  Cour  laie,  il  falloit  appeler  en  montant  de 
"  degré  en  degré  sans  nul  Seigneur  trespasser  ; 
"  mais  il  n'en  étoit  pas  ainsi  à  la  Cour  de  Chrétienté 
«  pour  qui  ne  vouloit  ;  car  de  quelque  Juge  que  ce 
«  fût;  l'on  pouvoil  appeler  àl'Apostoile,  etquivou- 
"  loil,  il  pouvoil  apeler  dedegréen  degré  si  comme 
•  du  Doien  à  l'Evesque,  et  de  l'Evesque  à  l'Arche- 
«  vcsque,  et  de  l'Archcvesque  à  l'Apostoile.  Quant 
«  à  l'appel  d'un  Envoyé  de  l'Apostoile,  il  devoit  se 
«  faire  directement  à  la  Cour  de  Rome.  »  (Beauma- 
noir.  Coût,  de  Beauvoisis,  chap.  lxi,  p.  317.  —  Id. 
ibid.  chap.  n,  p.  "i'i.  —  Voy.  Appellation.) 

11  y  avoit  des  appels  hors  des  Champs  clos  et  des 
Cours  de  Justice;  et  ces  appels,  tels  que  ceux  de 
boire,  de  manger,  de  jouer,  de  rire,  d'être  galant, 
de  plaire  aux  Uames  par  son  adresse  dans  les  exer- 
cices de  chevalerie,  éloient  des  provocations,  des 
invitations  auxquelles  on  cédoit  d'autant  plus 
volontiers  qu'on  y  étoit  poussé,  excité  parle  gotit 
du  plaisir. 

Ne  sai  quel  cuer  autres  genz  ont  ; 
Mais  je  pris  poi  trestol  le  mont, 
Et  quanqu'el  siècle  est  bon  ne  bel, 
Envers  Dame  qui  sert  d'appel 
Et  de  joir  et  de  joer, 
Et  de  rire  et  de  beau  parler. 

Parlon.  «leBlois,  MS.  de  S.  Gcrm.  fol.  150,  R»  col.  2. 

vinrent  trusqu'à  lor  chastel. 

Où  l'en  lor  fist  meiUor  appel 

De  beax  inengers  et  de  beax  vins. 

Ibid.  fol.  152,  R-  col.  1. 

L'on  vit  ailleurs  maint  mystère  nouveau, 
Chevaulx  bondir,  soubz  l'acueil  et  appeau 

De  doulx  regars. 
En  ceUuy  temps  Cupido  par  ses  arcs, 
Alloyt  jectant  par  feneslres  ses  darcs. 

i.  iMaroi,  p.  166. 

En  général,  la  signification  d'appel  pourroil  être 
aussi  variée  que  les  mots  par  lesquels  on  désigne 
les  différens  moyens  de  pousser  quelqu'un,  de  l'exci- 
ter, de  le  forcer  à  faire  ou  à  dire  une  chose.  Ainsi 
le  mot  appel  dont  l'acception  est  analogue  à  celle 
des  mots  convocation,  sommation,  dans  un  passage 
de  la  Coutume  d'Alost,  peut  signifier  en  ce  même 
passage,  un  ordre  public,  une  ordonnance  ;i  laquelle 
on  est  sommé,  forcé  d'obéir.  «  L'on  publie  à  chacune 
«  demi-mars  les  appeaux  ;  ce  sonl  de  boucheries 
«  endroits  qui  doivent  estre  bouchez  pour  les  grains 
«  d'hiver,  les  paslurages,  les  grains  d'esié,  les 
«  courans  d'eaux,  et  les  chemins  qui  ne  sont  point 


«  d'usage,  les  champs  et  les  préries,  de  vuider  les 
«  fossez,  etc.  »  (Nouv.  Coût.  2;én.  T.  I,  p.  1114.) 

Il  semble  même  qu'on  ait  étendu  cette  acception 
à  l'exécution  de  ces  mêmes  appeaux  ou  ordonnan- 
ces. «  Les  appiaux,  comme  aussi  les  bonchures,  ou 
«  estoupemens  des  terres,  des  préries,  des  pastu- 
»  rages,  des  bois,  sont  visitez  par  les  Praters 
«  accompagnez  de  quatre  paysans  connoissans , 
«  etc.  »  (Nouv.  Coût.  gén.  T.  I,  p.  1115.  —  Voyez 
Appeller.) 

variantes  : 

APPEL.  Orth.  subsist.  -  Britton,  des  Loi-x  d'.Vngl.  fol.   38. 

Apel.  Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis,  chap.  lxi,  p.  307. 

Apiau.  Id.  ibid.  chap.  Lxii,  p.  319. 

Apiaus  (plur.  et  sing.)  Id.  ibid.  chap.  Lxni,  p.  323. 

Apiaux  (plur.  et  sing.)  Id.  ibid.  chap.  lxi,  p.  318. 

Appeal.  Tenures  de  Littleton,  fol.  41,  V". 

Appeau.  Nouv.  Coût.  gén.  T.  I,  p.  1114,  col.  1. 

Appeauls  (plur.)  Ord.  T.  III,  p.  48. 

Appeaulx  (plur.)  Gloss.  de  l'IIist.  de  Bretagne. 

Appeaus.  Beaumanoir,  Coat.  de  Beauvoisis,  chap.  i,  p.  13. 

Appiau.  Id.  ibid.  chap.  i,  p.  14.  -  Ord.  T.  III,  p.  448. 

Appiax.  Id.  ibid.  chap.  i,  p.  i3. 

Appellable,  adj.  Sujet  à  l'appel.  On  a  dit  en  ce 
sens,  ([u'une  juridiction  ou  un  jugement  dont  on 
pouvoit  appeler,  étoit  appellable.  (Voy.  Nouv.  Coût, 
gén.  T.  II,  p.  101,  col.  t>.  — Coût.  gén.  T.  II,  p.  976.) 

Appellation,  subst.  féin.  Action  d'appeler,  de 
crier,  de  nitmmer.  Action  d'appeler,  de  provoquer 
d'un  Juge  à  un  autre  Juge.  Quelque  différentes  que 
soient  en  apparence  lès  signilicalions  du  verbe 
appeler,  elles  sont  toutes  analogues.  (Voy.  Appel- 
ler.) C'est  parla  même  analogie  que  le  substantif 
ajipellalion  a  signifié  action  d'appeler  en  général, 
action  de  crier,  de  nommer.  (Cotgr.,  Hob.  Éstienne 
et  .Monet,  Uict.  —  Voy.  Appellement.) 

Ce  mot,  qui  n'est  plus  guère  usité  que  dans  les 
formules  des  arrêts  et  des  sentences,  semble  être 
moins  ancien  en  notre  langue  que  le  mot  appel 
dont  il  éloit  synonyme  dans'la  signification  parti- 
culière, action  d'appeler,  provocation  d'un  Juge  à 
un  autre  Juge.  Lorsqu'on  appeloit  sans  raison,  les 
appellations  éloient  folles,  frivoles.  (Voy.  Appel.) 
On  dislinguoil  plusieurs  sortes  d'appellations  : 
Vappellatioii  judiciaire  et  extrajudieiaire,  l'appel- 
lation verbale,  l'appellation  que  nécessita  l'abus 
des  appellations  à  la  Cour  de  Rome,  et  que  par  cette 
raison  on  nomma  appellation  comme  d'abus.  (Voy. 
Cotgrave,  Nicot  et  Monet,  Dicl.  —  Laurière,  Gloss. 
du  Dr.  Fr.) 

L'abus  des  appellations  à  la  Cour  de  Rome, 
excitoit  dans  le  xa'  siècle  le  zèle  de  S'  Bernard,  qui 
se  plaignant  au  Pape  Eugène  III,  de  ce  qu'on  appe- 
loit à  lui  de  toutes  les  parties  du  monde  Chrétien, 
l'exhortoit  à  user  avec  modération  et  sagesse,  d'un 
hommage  qu'on  rendoit  à  sa  suprématie  :  «  Mihi 
<•  videtur  et  in  mullam  posse  eas  [appellationes] 
«  devenire  perniciem,  si  non  summo  moderamine 
«  aclilentur.  Appellalur  de  loto  mundo  ad  te  ;  id 
«  quidem  in  teslimonium  singularis  primatùs  tui. 
"  At  tu,  si  sapis,  non  primatu  gaudebis,  sed  fructu.  » 
(Voy.  S.  BernardideConsider.  ad  Eugenium  lib.  III, 
cap.  II.)  Cette  leçon  n'inléressoit  pas  moins  les  Rois 


AP 


AP 


que  les  Papes.  Mais  les  Rois  Chrétiens,  en  reconnois- 
sanl  le  l'ape  pour  Juge  île  leurs  (luerelles  el  arbitre 
de  leurs  traités,  autorisèrent  de  plus  en  plus  les 
peuples  trop  souvent  moins  citoyens  que  Chrétiens, 
à  croire  (lue  le  Chef  de  la  Chrétienté  en  étoit  le 
Monarque  universel,  et  qu'à  ce  titre  il  étoit  le  Juge 
souverain  des  Rois  et  de  leurs  sujets.  Ainsi,  les 
Cours  de  Chrétienté,  c'est-à-dire  les  Cours  ecclé- 
siastiques, dont  on  appeloit  à  la  Cour  de  Rome,  au 
mépris  même  de  la  Juridiction  épiscopale,  parurent 
supérieures  aux  Cours  laïques,  et  elles  furent  pré- 
férées, même  pour  la  décision  d'affaires  purement 
civiles.  «  Voirs  est  que  en  cas  de  convenanches  et 
«  d'obligations,  se  les  parties  s'assemblent  à  plai- 
0  dier  en  la  Cour  de  Sainte  Eglise....  et  se  metent 
«  ou  plet  tant  que  il  soit  entamés,  la  Cour  de  Sainte 
«  Eglise  en  a  la  connoissance....  et  quant  l'une  des 
«  parties  est  condemnée,  elle  puet  contreindre  le 
«  condemné  à  fère  paier  le  jugié  par  forche  d'escom- 
«  muniement.  »  (Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis, 
chap.  XI,  p.  GO.)  Cette  préférence  accéléroit  chaque 
jour  le  progrès  des  usurpations  de  la  puissance 
spirituelle  sur  la  puissance  temporelle.  Il  fut  si 
rapide  que  dans  le  xnr  siècle  et  au  commencement 
du  XIV  les  Ecclésiastiques  se  trouvèrent  en  posses- 
sion déjuger  presque  toutes  les  causes  des  séculiers. 
La  Cour  de  Rome  ayant  été  transférée  à  Avignon, 
en  1308,  par  le  Pape  Clément  V,  on  vit  les  appel- 
lations à  cette  Cour  se  multiplier  en  proportion  de 
l'activité  des  Juges  ecclésiastiques  à  empiéter  sur 
la  juridiction  des  Juges  laïques.  Enfin  la  nécessité 
de  marquer  les  bornes  respectives  de  l'une  et  de 
l'autre  Juridiction  ,  et  de  les  fixer  ,  fut  sentie. 
Philippe  de  Valois  assembla  le  Clergé  de  son  royaume 
et  tint  un  Lit  de  Justice  en  132i),  où  Pierre  de 
Congneres,  Avocat  du  Roi,  soutint  contre  Pierre 
Bertrandi ,  Evêque  d'Autun  ,  que  la  Juridiction 
ecclésiastique  étant  purement  spirituelle,  ne  pou- 
voit  être  devenue  temporelle  que  par  une  extension 
abusive  et  dangereuse.  Mais  le  Roi  dont  la  politique 
suspendit  l'arrêt,  se  contenta  (dit  Pasquier)  de 
recommander  aux  Evêques  la  réforme  des  abus 
dans  leurs  diocèses,  et  il  enjoignit  sous  main  à  la 
Cour  de  Parlement  d'y  veiller.  Quelle  qu'ait  été 
dès  lors  la  vigilance  du  Parlement  à  restreindre  la 
Juridiction  ecclésiastique ,  et  à  en  réformer  les 
abus,  les  moyens  par  lesquels  il  y  parvint,  ne  furent 
connus  que  longtemps  après,  sous  le  titre  d'rt/j;)e/- 
lations  comme  d'abus.  «  Enfin  comme  nous  voyons 
«  l'ours  en  léchant  souvent  ses  petits,  les  rendre 
«  en  la  perfection  de  leur  espèce,  lesquels  aupara- 
„  vaut  ne  paroissoient  estre  qu'une  lourde  masse 
„  de  chair  ;  aussi  discourans  souvent  dans  le  Parle- 
„  ment,  des  abus  qui  se  commettoient  en  Cour 
,  d'Eglise,  et  reblutans  cette  mesme  paste,  furent 
„  formées  entre  nous,  sur  la  fin  du  règne  de  Louis 
„  XII,  ces  appellations  comme  d'abus...  et  establies 
„  sur  quatre  pilliers,  sur  lesquel  sont  aussi  fon- 
„  dées  les  libériez  de  nostre  Eglise  Gallicane.  » 


(Pasquier,  Rech.  liv.  ni,  p.  257.  —  Voy.  Id.  ibid. 
p.  '254  et  suiv.  —  Fleurv,  Institut,  au  Dr.  Ecoles. 
T.  II,  p.  9  et  222.) 

Appellement,  subst.  masc.  Action  d'appeler, 
de  convoquer,  de  nommer,  d'épeler.  Ces  significa- 
tions, dont  on  trouve  la  preuve  dans  Cotgrave . 
Oudin,  Rob.  Estienne  et  Nicot,  Dict.  sont  "toutes 
analogues  à  celles  du  verbe  Appeller.  (Voy.  Appel- 
LATio.x  et  Appelleb.) 

Appelle!',  verbe.  Pousser,  presser,  faire  appro- 
cher, faire  venir.  Citer  à  comparoitre.  Crier,  heurter. 
Invoquer.  Convoquer.  Provoquer  à  combattre  et  à 
plaider  ;  assigner,  sommer,  accuser,  etc.  Requérir, 
prier,  questionner,  interroger,  etc.  nommer,  épeler. 

En  supposant,  avec  les  Étymologistes  Latins,  que 
le  verbe  simple  et  inusité  péllare  (1)  ait  été  formé  du 
verbe  pellere  dont  l'acception  est  relative  à  celle 
du  grec  ncXàv,  faire  approcher,  le  composé  appellare, 
en  françois  appeler,  signifiera  pousser  vers  un  lieu, 
en  latin  appelleve,  peilerc  ad  locum.  (Voy.  Marti- 
nius,  Lexic.  Philolog.)  Il  semble  que  ce  soit  la 
signification  de  notre  verbe  appeler,  lorsque  pour 
désigner  une  personne  que  sa  volonté  ou  la  néces- 
sité "pousse  à  faire  ou  à  aimer  une  chose,  on  dit 
figurément  qu'elle  y  est  appelée.  C'est  peut-être 
encore  dans  un  sens  analogue  à  celui  de  pousser, 
qu'en  parlant  d'une  rançon  dont  on  avoit  poussé, 
porté  le  prix  trop  haut,  l'on  a  dit  :  «  Salehadins 
«  apela  si  haut  le  raen(;on  Bauduin,  que,  etc.  » 
(Chron.  d'Outremer,  ms.  de  Berne,  ir  113,  fol.  121.) 

On  approche  du  lieu  ou  de  la  personne  vers 
lesquels  on  est  poussé,  ou  pressé  de  venir.  De  là,  le 
verbe  appeller  aura  signifié  faire  approcher  quel- 
qu'un, le  faire  venir,  quelle  que  soit  la  façon  dont 
on  le  pousse,  on  l'excite,  on  le  force  à  s'approcher, 
à  venir,  à  paroître,  à  comparoitre. 

Si  Vapicmi  U  lerres  à  soi. 
Dame,  fait-il,  délivre-moi. 
Va,  fait-ele,  ne  doutes  riens, 
Jou  te  délivrerai  moult  biens. 

Bestiaire.  MS.  du  R.  u"  7989,  fol.  172,  V  col.  2. 

Au  figuré,  l'on  disoit  en  parlant  d'une  femme  qui 
approchant  du  terme  oii  elle  devoit  accoucher,  se 
sentoit  pressée  de  mal  d'enfant,  qu'elle  étoit  appellée 
de  maladie.  «  Celle  Dame  estoit  moult  enceincte  de 
«  son  mary. .  . .  mais. .  . .  comme  celle  qui  estoil 
«  appellée  lie  maladie  luy  vint  au  devant  au  mieulx 
«  comme  elle  peut.  «  (Percef.  Vol.  IV,  fol.  11(3.) 

11  seroit  inutile  de  prouver  l'acception  particulière 
d'appeller,  faire  approcher,  faire  venir  en  Justice, 
citer  à  paroître,  à  comparoitre  devant  un  Juge.  On 
a  dit  relativement  à  cette  acception  ,  que  Dieu 
appelle  le  monde,  que  Dieu  nous  appelle  à  lui. 

Par  Dieu  qi  li  raons  apele, 
Mult  doit  estre  chil  irés 
Qi  pert  tout  outréement 
Chou  dont  il  a  bonement. 

Ane.  POBS.  fr.  MS.  du  Vatic.  n"  U90,  fol.  145,  R'. 

Richard,  Duc  de  Normandie,  se  sentant  afîoiblir. 


(1)  Ce  mot  signifiait  parler. 


AP 


—  55  - 


"  Mi  ?M  ^^r  "'^'^'^^  ^0™^-  et  parla  en  tel  manere  • 
«  Ml  Chevalier  et  mi  compaignon,  je  ai  esté  Sîe 
.  Sires  terriens  jusques'aujordùi  ;  mes  puiscml 
-'  nostre  Sires  me  veut  à  soi  apcler,  il  meSn? 

Hist  de"/r  TPx''o\'o/?r"-  ^''  "^"J'^'  «^^  ^"« 
niM   ue  rr.  i.  \,  p.  sno.)  On  remarque  en  oénéral 

que  les  acceptions  usitt4s  de  notre  verbe  fSr 
sont  anciennes  dans  notre  lan"-ue  fW^<?/é;r 

Qu'un  homme,  un  animal  vienne,  qu'il  approche 
au  son  dune  voix,  d'une  cloche,  ou  de  ehme 
autre  instrument,  il  obéit  toujo  ,rs  à  i„,e  Se 
d  impu  sion  dont  ce  verbe  partit  dés  onéi    vïïïl 

simplemenUw,,/,,son  domestique,  son  ciiie,"  etS 
Le  bruit  qu'on  fait  à  une  porte,  soi  en  crhi  '  snu 
en  heurtant  fait  venir  quelqu'un  qui  fSuv  e  De  i  ' 
on  aura  dit  appeler  un  mot,  appeler  à  la  m,,,- 
açons  de  parle,-  de  même  èspèie  que  plusieurs 
autres  qu  on  a  déjà  remarquées,  et  par  iKouei  is 

h7ur£poïrtfaii?(Sii';'  ""^  '"'■'^'  ^'^'^'^^^ 


AP 


A  son  ostel  vint,  si  apele 
Un  mot;  et  sa  famé  l'oi 
yui  moult  forment  s'en  esioi 
Lors  couru  coumo  preus  et  saçe  • 
L  uis  ouvn  sanz  autre  message    ' 

FM.  MS.  du  R.  n-  TBIS^t/ii,  fol.  125,  R.  col.  2. 
•  •  .  Oui  bonne  nouvelle  aporte 
Seurement  apèle  à  la  porte. 

Rom,  de  Rou.  MS.  p  %•■> 

3^;î^™^s^fïïŒ'Hn=F 

Namies  le  voit  ;  Nostre  Dame  en  ow/e 

dillerens  moyens  étant  commr.'c  ^  ^^i   -'^    ,"^'  ^^^ 
appeller,  kapSf  si-n  nUn  1  '"""'  «'^'^''^'a 

criminelles  el  c  v  S   [™J    t^Misioi]  des  alfaries 

cours  .es  Bn^;'i';-,-i«,'s,rifs,îs,is 


une  preuve  évidente  de  la  justice  nnripnn,^ 
fie  l'accusation  ou  de  la  dPmnnrip  f.      ■   ^"^''^® 

=,?erii;SV!i™--s 
ooi;?';'!;f?„;;«sr;?ir,^iïjî™T,ïY„"'^'="- 

HSsIïSilSpS 

on  se  FésentSuen  JuS  aSsavof  'rni.'"'°''''^' 
e  counablp  rl'v  v^n;..    r     '  ''P'^^  avoir  lait  sommer 

-  ra™o  iroj/;   °.r,US:i","«  ,■;"«  lecoml,»lle„>. 

:îSu?,?efr'=''r''™?'°°-  »  iS 

«  Oes    fFf.m  (^    ^'Çcuse  laisoit  le  serment  su  vant  : 
ws   (Ecoute),    homme   que  je    tiens    par    là 


<..  «,.U  .  ,-.„ou.e„e..  .3  .„.„«„  ,,„3  „„,.,.„,  „,^^  ^„^  ^_,  ^^^^^  ^^^  ^^^^^^^^  ^^ 


AP 


—  56  — 


AP 


«  main  seneslre  et  qui  L.  le  fais  appeller-en  bap- 
«  tesme  •  telle  personne  ne  meurdry  en  felonnie  : 
a  ainsi  ui-aist  Dieu  et  ses  Saincls.  "  L'accusateur 
lui  reprochoit  clans  les  mêmes  termes  et  avec  le 
même  serment,  qu'il  s'étoit  parjure.  Le  premier 
serment  éloit  suivi  d'un  second,  par  lequel  chacun 
des  deux  Champions  juroit  de  n'avon-  sur  lui  aucun 
sortiléo-e  qui  pût  l'aider,  ou  nuire  à  son  adversaire. 
Alors  on  leur  donnoit  l'escu  et  le  baston,  et  les 
Quatre  Chevaliers  élus  à  la  garde  du  champ  de 
bataille,  se  placoient  entre  les  Champions  et  }es 
tenoieiit  éloignés  l'un  de  l'autre,    »  tant   qu  ils 
«  eussent  aouré,  c'est-à-dire  prié  avenaument.  " 
Leur  prière  Unie,  les  quatre  Chevaliers  se  retiroient 
aux  quatre  coins  du  champ-clos,  et  les  Champions 
marchoient  l'un  contre  l'autre  et  se  joignoient. 
..  Si  Vappellé  pouvoit  se  défendre  tant  que  les  es- 
.,  toilles  apparussent  au  Ciel,  il  avoit  la  victoire    » 
(Voy.  Ane.  Coût,  de  Norm.  chap.  lxviii,  fol.  88  et  90.) 
Peut-être  qu'en  étendant  l'usage  de  ces  combats 
aussi  odieux  au  Clergé(l)  qu'ils étoient  agréables  a  la 
Noblesse  on  voulut  les  rendre  moins  sanguinaires. 
Telle  pourroit  être  la  raison  de  la  défense  de  com- 
battre avec  d'autres  armes  que  l'écu  et  le  balon. 
Par  une  Constitution  de  Charlemagne,  (Loi  des  Lom- 
bards, liv.  11,  tit.  V,  §'i3,)  le  bâton  etoit  la  seu  e 
arme  permise  dans  le  combat  judiciaire.  Mais  la 
liberté  du  choix  des  armes  fut  autorisée  par  un 
Capitulaire  que  Louis-le-Débonnaire  ajouta  a  la  Loi 
Salique. 

On  croit  voir  dans  l'abus  de  la  preuve  négative 
admise  par  la  Loi  des  Francs  Ripuaires  et  celle  de 
presque  tous  les  peuples  barbares,  une  cause  géné- 
rale de  l'établissement  et  de  l'extension  de  la  loi  du 
combat  «  Il  me  paroît,  dit  M.  de  Montesquieu,  que 
«  la  Loi  du  combat  étoit  une  suite  naturelle  et  le 
a  remède  de  la  Loi  qui  établissoit  les  preuves 
„  néo-atives.  »  Si  Gondebaud  ,  Hoi  des  Bourgui- 
enonl  l'autorise,  c'est  afin  que  ses  sujets  ne  fassent 
Dlus  de  serment  sur  des  faits  douteux,  et  ne  se  par- 
lurent  pas  sur  des  faits  certains.  «  Multos  in  populo 
..  nostro...  ita  cognoscimus  depravari  ut  de  rébus 
„  incertissacramentaplerunqueofferrenondubitent 
..  et  de  cognitis  jugiter  perjurare.  Cujus  scelens 
«  consuetudinem  submoventes  prœsenti  lege  decer- 
<.  nimus  ut  quotiens  inter  homines  nostros  causa 

«  surrexerit,  etc pugnandi  licentia  non  rie- 

«  aetur  >■  (Voy.  Burgund.  Leges,  cap.  xlv.)  Si  1  Lm- 
Dereur  Othon  II  veut  que  celte  même  Loi  décide  les 
contestations  sur  la  propriété  des  héritages,  ces 
nu'on  étoit  sûr  d'être  usurpateur  dès  qu  on  osoit 
être  parjure.  «  H  s'étoit  introduit  depuis  long- 
«  temps  une  détestable  coutume,  à  la  faveur 
«  de  laquelle  un  homme  se  rendoit  propriétaire 
«  d'un  héritage,  en  faisant  serment  sur  les  Evan- 
«  giles  que  là  charte  qu'il  presentoil  et  qu'on  atta- 
«  quoit  de  faux,  étoit  vraye.  >•  (Voy.  Loi  des  Lom- 
bards, liv.  II,  tit.  Lv,  chap.  xxxiv.)  Si  plusieurs  Cons- 
.titutiôns  générales  de  Charlemagne  et  de  Louis-le- 


Débonnaire,  antérieures  à  celle  d  utnoii,  et  insérées 
comme  elle  dans  la  Loi  des  Lombards,  (liy.  II,  tit.  lv, 
S  '>3  )  étendirent  l'usage  du  combat  judiciaire , 
d'abord  aux  affaires  criminelles,  et  ensuite  aux 
civiles,  c'est  qu'avec  autant  de  facilite  d  abuser  uti- 
lement de  la  preuve  négative,  il  étoit  presque  im- 
possible que  l'accusateur  ou  l'accusé,  le  demandeur 
ou  le  défendeur  ne  se  parjurassent.  On  acquiesça 
donc  aux  représentations  de  la  nation  qui  demandoit 
qu'à  la  preuve  par  serment  on  substituât  la  preuve 
par  le  combat. 

Quoique  la  Loi  des  Francs  Saliens,  plus  sage  que 
la  Loi  des  Francs  Ripuaires  et  des  autres  peuples 
qui  admettoient  les  preuves  par  serment,  eut  obvie 
à  la  nécessité  des  preuves  par  le  combat,  en  ordon- 
nant que  toute  demande  ou  accusation  fut  prou- 
vée, et  que  pour  s'en  défendre.  Il  ne  suffiroit  pas 
de  la  nier,  les  constitutions  insérées  dans  la  Loi 
des  Lombards,  furent  ajoutées  a  la  Loi  Salique 
Ainsi  lusage  de  la  preuve  par  le  combat,  devint 
.Général  en  France.  On  n'exclut  cependant  pas  des 
tribunaux,  les  autres  preuves  :  mais  la  na  ion,  libre 
de  suivre  son  génie  guerrier,  préféra  la  Loi  du 
combat  et  retendit  ;  extension  qui  paroit  avoir  été 
la  principale  cause  de  l'oubli  ou  tombèrent  insen- 
siblement les  Loix  Saliques  les  Loix  Romaines  et 
les  Capitulaires.  (Esprit  des  Loix,  T.  II,  chap.  xiii, 

^''0^116  tongea  plus  dès  lors  qu'à  réduire  en  prin- 
cipe l'usage  de  cette  Loi,  et  à  former  le  corps  de 
celte  lurisorudence  militaire  qui  changeoit  toutes 
les  acliSns  dvlfes  et  criminelles,  en  faits  sur  lesquels 
elle  ordonnoit  le  combat.  On  y  réussit  même  au 
point  de  prouver  que  s'il  y  a,  comme  1  observe  à  ce 
siî  et  de  Montesquieu,  «  ""<^  i".fi">\e  de  choses  sages 
u  qui  sont  menées  d'une  manière  très  folle,  il  y  a 
.<  aussi  des  folies  qui  sont  conduites  d'une  manière 
«  très  sage.  «  (Voy.  Esprit  des  Loix,  T.  II,  chap.  xxv, 
P-  331.) 

La  sao-esse  avec  laquelle  on  fixa  les  règles  et  les 
bornes  du  combat  judiciaire,  est  particulièrement 
attestée  par  Beaumanoir.  (Coût,  de  Beauvoisis,  chap. 
Lx-ixiv)  11  arrive  souvent,  dit  cet  Auteur,  que 
dans  les  Cours  laïques  «  li  plet  chieent  en  gages  de 
?  batailles,  ou  que  apensément  li  un  apele  l  autre 
.     e  vilain  fet  par  devant  Jusliche  ;  si  est  bons  que 
«     ous  en  façons  propre  chapitre,  qui  ensaignera 
„  desquiex  cas  l'en  puet  apeler.  et  quelles  personnes 
..  pueent  apeler  et  estre  apeles  et  lesque  es  non   e 
„  comment  l'en  doit  fourmer  son  ay;^/  et  le  per  1 
«  qui  est  entre  tex  apiaux,  et  lesquels  ay*î««.rli  be  - 
„  gneur  ne  doivent  pas  soulfnr,  si  que  chil  qu 
louront  apeler  sachent  comment  il  se  doivent 
:   Silënir  en  plet  de  gages  et  la  fin  en  quoi  il  en 
„  pueent  venir  se  il  enchieent  dou  plet.  »  (Coût,  de 
Reauvoisis,  ubi  supra,  p.  307.) 

Si  le  bàtôn  étoit  encore  d'usage  dans  ces  combats, 
ce  n'éloit  plus  qu'entre  Vilains.  Les  Gentilshommes 
combaltoient  à  cheval  et  avec  telles  armes  qu  il  leur 


(1)  Le  jugement  de  Dieu  admis  par  VEglise  était  le  serment,  (n.  e.) 


AP 


—  a/  — 


AP 


plaisoit  de  choisir,  «  excepté  coustel  à  pointe  et 
«  mace  d'arme  molue.  «  Mais  lorsqu'un  Gentil- 
homme appeloit  ou  provoquoit  un  Vilain,  il  devoit 
se  présenter  comme  lui  à  pied,  sans  autres  armes 
que  l'écu  et  le  bâton,  parce  que  «  s'abaissant  en 
«  apeler  si  basse  personne,  sa  dignité  étcit  ramenée 
«  en  cel  cas  à  telles  armeures  comme  chil  qui  estoit 
«  apelé.  0  (Voy.  Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis, 
chap.  Lxi,  p.  308.  —  Id.  ibid.  chap.  lxiv,  p.  328.) 

La  précaution  de  ceux  qui  louoient  pendant  un 
certain  temps  un  Champion  pour  combaltre  dans 
toutes  leurs  querelles  bonnes  ou  mauvaises,  nous 
paroît  une  preuve  singulière  de  l'extension  prodi- 
gieuse de  l'usagedu  combat  judiciaire.  Beaumanoir, 
pour  qui  cette  Coutume  éloit  ancienne,  remarque 
d'ailleurs  que  du  temps  de  S'  Louis,  il  suffisoit 
encore  qu'une  demande  excédât  la  valeur  de  douze 
deniers,  pour  être  jugée  par  la  Loi  dn  combat  :  Loi 
à  laquelle  on  peut  dire  que  toutes  les  autres  Loix 
étoient  presque  toujours  forcées  de  céder,  jusqu'à 
ce  que  ce  Prince,  abolissant  les  preuves  par  le  com- 
bat, s'occupât  du  soin  de  rétablir  les  preuves  par 
chartes  ou  par  témoins.  (Voy.  Beaumanoir,  Coût. 
de  Beauvoisis,  chap.  .xxxvui,  p.  203.  —Id. ibid. chap. 
Lxni,  p.  325.)  C'étoit  ramener  la  Jurisprudence  aux 
premiers  principes  de  la  Loi  Salique  ;  Loi  conforme 
à  celles  de  presque  toutes  les  nations  du  monde, 
en  ce  qu'elle  assujetlissoit  les  accusations  et  les 
demandes,  les  défenses  et  les  juslilications  à  la 
nécessité  des  preuves  positives.  «  Nous  deffendons 
"  les  batailles,  par  tout  nostre  demaine,  en  toutes 
«  querelles  :  mais  nous  n'ostons  mie  les  dénis,  les 
"  responses,  les  contremans  qui  ayent  esté  accous- 
«  tumés,  selon  les  usages  des  divers  pays,  fors  itant 
«  que  nous  en  osions  les  batailles.  Et  en  lieu  des 
«  batailles,  nous  mettons  priieves  des  tesmoins,  ou 
«  des  Chartres.  »  (Ord.  T.  I,  p.  m.) 

On  pouvoil  s'opposer  à  l'abolition  de  l'usage  du 
combat  dans  les  Juridictions  seigneuriales,  et  S' 
Louis  l'y  laissa  subsister,  excepté  dans  le  cas 
A'appel  de  faux  jugement.  (Voy.  Ord.  T.  I,  p.  113. 
—  Ibid.  p.  25G-258.)  La  prudence  de  ces  ména- 
gemens  nécessaires  avec  des  Seigneurs  jaloux  de 
leurs  prérogatives,  les  prépara  à  souffrir  que  leurs 
vassaux  partageassent  avec  les  sujets  du  Roi,  le 
bienfait  de  la  nouvelle  Jurisprudence. 

Beaumanoir  qui  écrivoit  peu  de  temps  après  la 
mort  de  ce  Prince ,  nous  apprend  qu'il  étoit  «  à  la 
«  Yolenté  des  houmes  dou  Comte  de  Clermont  de 
«  tenir  leur  Court.,  selonc  l'anchienne  Coustume, 
«  ou  selonc  l'Establissement  le  Roy  :  mais  se  li  plès 
«  estoit  lamés  (1)  seur  l'Establissement  par  le  souf- 
«  rance  dou  Seigneur,  li  Sires  ne  le  pouvoit  puis 
«  mettre  à  gages,  etc.  »  (Voy.  Coût,  de  Beauvoisis, 
chap.  Lxi,  p.  309.)  Le  progrès  de  cette  tolérance  de  la 
part  des  Seigneurs  fut  tel  que  la  nouvelle  Jurispru- 
dence, aussi  conforme  à  la  raison  naturelle  et  à  la 
Religion,  que  l'ancienne  y  étoit  contraire,  s'étendit 


de  proche  en  proche,  et  devint  univei'selle  dans  les 
tribunaux  de  Justice.  Le  cri  des  appels  au  combat 
cessa  d'y  retentir  et  d'alarmer  le  citoyen  dont  l'inno- 
cence où  la  propriété  étoit  attaquée.  Mais  hors  de 
ces  mêmes  tribunaux,  il  fallut  à  ce  cri  prendre  les 
armes,  et  au  mépris  des  Loix  politiques  et  reli- 
gieuses dont  la  Noblesse  regardoit  le  respect  comme 
une  lâcheté  déshonorante,  combaltre  pour  la  gloire, 
l'amour  et  la  vengeance.  Ainsi  la  l'aison  victorieuse 
d'une  superstition  ignorante  et  barbare,  fut  soumise 
au  préjugé  fanatique  et  impérieux  de  l'honneur.  De 
là,  l'usage  de  ces  expressions  si  familières  à  nos  an- 
cêtres Gentilshommes,  ajipcllerde  gage,  de  combat, 
de  duel,  de  joute,  etc.  Les  exemples  en  sont  si  fré- 
quens,  surtout  dans  les  romans  de  Chevalerie  et 
dans  les  ouvrages  qui  traitent  des  duels,  des  gages 
de  bataille,  qu'il  suffira  de  les  avoir  indiqués. 
Ces  expressions  ont  d'ailleurs  la  même  signification 
que  celles  encore  usitées,  appeler  en  duel,  appeler 
au  combat. 

Souvent  le  verbe  appeller  a  signifié  seul ,  provo- 
quer à  combattre,  provoquer  à  venir  en  champ-clos, 
y  faire  venir  en  provoquant  au  combat  ;  et  dans 
les  tribunaux  où  l'usage  du  combat  toit  aboli,  pro- 
voquer à  venir  en  Justice  ,  y  faire  venir  quelqu'un 
en  l'assignant,  en  lui  faisant  une  sommation,  en 
formant  contre  lui  une  accusation,  une  demande. 

C'est  dans  le  sens  d'assigner,  qu'on  dit  encore 
aujourd'hui  «y^y^cZa- en  Justice,  appeler  en  témoi- 
gnage, etc.  On  ajoute  qu'anciennement  appeller 
quelqu'un  de  meurtre,  c'éloit  l'en  accuser  ;  que 
Vappeller  de  servage,  c'étoit  le  redemander,  le 
réclamer  comme  serf,  proprement  le  pousser,  le 
forcer  par  cette  accusation,  ou  par  cette  demande, 
à  venir  en  Justice  prouver  sa  liberté  ou  son  inno- 
cence. <■  Se  nus  hom  veut  aj>peller  un  autre  de 
«  murtre,  que  il  soit  ois,  ententivement  ;  et  ([uand 

«  il  vodra  faire  sa  clameur,  que  l'en  li  die 

'<  Soies  bien  certain  que  tu  n'auras  point  de 
«  batiiilles  ;  ains  te  conviendra  jurer  par  bons  tes- 
«  moins  jurez....  Et  se  cil  qui  veut  aj/pcller,  quand 
«  l'en  li  aura  ainsi  dit,  ne  veut  poursuivre  sa  cla- 
«  meur,  laissicr  la  puet.  »  (Ord.  T.  I,  p.  111  et  112.) 
«  Se  aucuns  est  appelle  de  servage ,  ou  de  murtre, 
«  ou  d'aucun  autre  meffet,  etc.  »  (Ibid.  p.  113et285.) 

Bernart,  cist  preudom  vos  ajiele 
D'une  chose  qui  n'est  pas  bêle. 

F^.  MS.  de  Berne,  n-  354.  fol.  7,  V*  col.  i. 

Lorsqu'on  appelle  d'un  jugement,  on  l'accuse  en 
quelque  façon  d'être  injuste,  et  on  provoque  la 
partie  en  faveur  de  laquelle  il  est  rendu,  à  venir 
devant  le  Juge  supérieur  à  qui  l'on  demande  répa- 
ration de  l'injustice  dont  on  se  plaint.  (Voy.  Appel.) 

En  requérant,  en  priant  quelqu'un  d'une  chose, 
on  le  provoque  à  la  faire  ;  on  provo  ;ue  sa  réponse 
en  le  questionnant,  en  l'interrogeant  sur  ce  qu'il 
fait,  sur  ce  qu'il  pense.  De  là, "le  verbe  appeller 
signifioit  requérir,  prier,  questionner,  interroger, 
etc.  dans  un  sens  analogue  à  celui  de  pousser,  pres- 


(1)  Ne  faut-U  pas  lire  tancé?  Tamer  se  trouve  dans  la  Chronique  des  ducs  de  Normandie,  mais  ce  peut  être  une 
erreur,  (n.  e.) 

II.  8 


AP 


—  58  - 


AP 


ser,  provoquer.  «  Me  promistes  tous  quatre  que... 
«  vous  me  délivreriez  de  mort  cliascun  une  fois 
«  quant  je  vous  eu  ro(iuerroye,  dont  tous  en  ont 
«  fait  leur  devoir,  fors  vous  que  je  appelle  de  pro- 
«  messe.  »  (Percef.  Vol.  III,  fol.  157,  Vcol.  l.j 

Arriers  s'est  à  la  voie  mise, 
Ainz  n'enporta  que  sa  chemise. 
Et  la  Contesse  l'an  apele  ; 
Si  li  demande,  quel  novèle  ? 
Por  qu'as  laissié  le  Chevalier  ? 

Fabl.  MS.  de  Berne,  n'  354,  fol.  172,  V  col.  2. 

On  nomme  les  personnes  qu'on  a  quelque  raison 
ù'appeller,  de  faire  approcher,  de  faire  venir  à  soi. 
Ainsi  le  sens  littéral  de  noire  expression  appeller 
quehiu'un  par  son  nom,  seroit  faire  venir,  faire 
approcher  quelqu'un,  l'y  provoquer  en  le  nommant, 
le  nommer  pour  qu'il  approche,  pour  qu'il  vienne; 
expression  qui  est  ancienne  dans  notre  langue. 
«  Nuls  n'apiaut  l'autre  par  son  nom  purement.  » 
(Règle  de  S'  Benoit,  ms.  de  Bouhier,  p.  84.)  Telle 
paroit  être  effectivement  la  signification  du  verbe 
appeller  :  i°  nommer,  prononcer  à  haute  voix  les 
noms  de  personnes  qui  doivent  venir  ou  être 
venues  dans  un  lieu  à  certaine  heure;  2°  nommer, 
lire  tout  haut  le  nom  des  parties  dont  on  appelle  la 
cause,  pour  qu'elles  viennent  plaider.  Enfin, 
lorsqu'au  lieu  d'épeler,  on  disoita/jyjfZZé'/'leslellres 
d'un  mot,  c'étoit  les  nommer,  afin  que  venant,  pour 
ainsi  dire,  l'une  après  l'autre,  elles  composassent  le 
mot  qu'on  vouloit  prononcer.  Ce  ne  seroit  donc  que 
par  abstraction  de  l'idée  d'une  cause  finale,  analo- 
gue à  celle  qui  est  indiquée,  que  le  verbe  appeller 
ou  ujjpcler  auroit  signifié  et  signifieroit  encore  nom- 
mer les  personnes  et  les  choses,  en  dire  les  noms 
et  qualités,  sans  autre  raison  que  celle  de  les 
désigner. 

GONJUG. 

Apeaut,  subj.  prés.  Qu'il  appelle,  qu'il  nomme. 

(G.  Guiart,  ms.  fol.  88,  V°.) 
Apelecent,  subj.  prés.  Qu'ils  appellent.  (Règle  de 

S"  Benoit,  lat.  et  fr.  ms.  de  Beauvais,  chap.  lxui.) 
Apeleil,  participe.  Appelé,  accusé,  nommé.  (Loix 

Norm.  art.  iv,  vi  et  xvii.) 
Apeleit,  part.  Appelé,  nommé.  (S'Bern.) 
Apeleiz,  participe.  Appelé,  nommé.  (Id.  ibid.) 
Apelerad,  ind.  fut.  Appellera.  (Loix.  Norm.) 
Apelet,  ind.  prés.  11  appelle,  il  nomme.  (S'  Bern.) 
Apiau  (j'),  ind.   prés.  J'appelle,  j'accuse.  (Ane. 

Poès.  fr.  MS.  du  Vatic.  n"  1490,  fol.  55,  ^'°.) 
Apiaut,  ind.  prés.  Il  appelle.  (Fabl.  ms.  du  R.) 
Apiaul,  subj.  pr.  Qu'il  appelle,  qu'il  invoque.  (Id.) 

VARIANTES  ; 
APPELLER.  Rom.  de  la  Rose,  vers  22665. 
Apaller.  Chans.  Fr.  WS.  de  Berne,  n°389,  fol.  57,  R». 
Apeler.  S'  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  14,  35,  passim. 
Apeller.  Chans.  Fr.  MS.  de  Berne,  n»  389,  fol.  15,  V». 
Apieler.  Ph.  Mouskes,  MS.  p.  247. 
Appeler.  Orth.  subsist.  —  Cotgr.  R.  Estienne,  Nicot,  Dict. 

Appelleur,  sub&t.  masc.  Appelant.  Les  ac- 
ceptions de  ce  mot  appelleur  ou  appelierres,  plus 
usité  dans  notre  ancienne  langue  qu'appellant  ou 
appelant,  sont  relatives  à  celles  d'appel ,  soit 
qn'appclleiir  désigne  un  champion,  un  accusateur, 


un  demandeur  en  Justice;  soit  qu'il  désigne  un 
oiseau  qui  en  fait  venir  d'autres  dans  les  filets,  un 
oiseau  à  la  suite  duquel  les  autres  volent.  Si  l'on  en 
croit  Cotgrave,  la  signification  d'appelleur  étoit 
quelquefois  analogue  à  celle  du  verbe  appeller, 
épeler.  (Voy.  Appel  et  Appeller.) 

VARIANTES  : 
APPELLEUR.  Du  Cange,  Gloss.  lat.  au  mot  Campiones. 
Apeleres.  Id.  ibid.  col.  113. 
Apelel'R.  Id.  ibid.  —  Loix.  Norm.  art.  xvi. 
Apeliere.  g.  Guiart,  MS.  fol.  87,  V». 
Apelieres.  Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis,  p.  312. 
Apeliers.  Id.  ibid.  n.  22. 
Apelierres.  Id.  ibid. 
Apellieres.  Id.  ibid.  p.  312. 

Appelleres.  Du  Cange,  Gl.  lat.  au  mot  Campiones. 
Appellerres.  Id.  ibid.  col.  114. 
Appelloir.  Assis,  de  Jerus.  p.  49  et  60. 
Appellour.  Skinner,  Yoc.  forens.  expositio. 

Appepd,  adv.  et  express,  adv.  En  pendant. 
On  soupçonne  Monet  d'être  l'auteur  de  l'expression 
à-pend,  et  d'en  avoir  formé  l'adverbe  append.  Il  est 
possible  au  reste  que  dans  une  signification  relative 
à  celle  de  pendre,  suspendre,  on  ait  dit  qu'une 
colomne,  une  vis  suspendue  étoit  une  colunine,  une 
vis  append.  Mais  c'est  une  méprise  d'avoir  confondu 
cet  adverbe  avec  le  participe  appens,  en  disant  que 
le  guet  appens  ou  ù-pens  étoit  embusches  en  lieu 
comme  penchant  et  désavantageux  à  celui  qu'on 
guette.  (Monet,  Dict.  —  Voy.  Appens.) 

VARIANTES    : 
APPEND,  A-PEND,  A -PENS,  appens.  Mouet,  Dict.  au  mot 
Appens. 

Appendances,  substantif  féminin  pluriel. 
Appartenances.  Dépendances. 

11  est  prouvé  que  l'idée  particulière  de  tenir  à  une 
chose  en  y  appcndanl,  étant  généralisée,  on  a  pu 
dire  appendances  pour  appartenances.  (Voy.  Appar- 
tenance.) 

Peut-être  aussi  a-t-on  dit  appendances  pour  dé- 
pendances. «  Je  suis  natif  des  appendances  du 
«  royaulme  de  la  grande  Bretaigne.  «  (Percef. 
Vol.VI,  fol.  43.)  Il  sembleroit  qu'alors  la  préposi- 
tion initiale  à' appendances  seroit  de  même  signi- 
fication que  la  préposition  latine  ah,  qu'en  françois 
on  rend  souvent  par  de.  Au  reste,  comme  ce  qui 
dépend  d'une  chose,  y  est  nécessairement  appen- 
dant  et  par  conséquent  appartenant,  il  est  possible 
que  sans  égard  à  la  différence  de  la  préposition,  les 
mots  dépendances  et  appendances  aient  été  récipro- 
quement substitués  l'un  à  l'autre,  pour  signifier 
appartenances,  en  général  ce  qui  tient  ou  appar- 
tient à  une  chose,  soit  en  appendant,  soit  en  dé- 
pendant. (Voy.  Dépendance.) 

Appendices,  subst.  fém  plur.  Appartenances 
et  dépendances.  Il  est  constant  que  dans  un  grand 
nombre  d'anciens  titres  latins,  le  mol  appenditiœ 
ou  appendiciœ,  en  françois  appendices,  signifie 
seul  ce  que  dans  un  aussi  grand  nombre  d'autres 
signifient  les  mots  réunis  pertinentiœ  et  appendi- 
tiœ. Soit  qu'une  chose  appende  à  une  autre  chose 
ou  qu'elle  en  dépende,  soit  qu'elle  y  soit  soupendue 


AP 


-  59  — 


AP 


ou  suspendue,  elle  y  tient.  Or,  ces  façons  particu- 
lières de  tenir,  d'appartenir  à  une  chose,  étant 
généralisées,  on  a  pu  désigner  \es,  appartenances  et 
dépendances  d'une  terre,  d'une  fief,  d'une  maison, 
en  les  nommant  seulement  appendances  ou  appen- 
dices, dépendances  ou  dépendlces,  quelquefois  sup- 
pendices.  Ce  dernier  mot  est  synonyme  ù'appendi- 
ces  dans  un  titre  de  12C8,  publié  par  Dubouchet. 
(Preuv.  de  l'Hist.  de  la  M.  de  Coligny,  p.  58.  —  Voy. 
Ap^ENDA^■cEs  et  App.\rte.nance.)  «  Contens  fut  entre 
«  moy...  et  l'Abbé  et  le  Convens  dou  mont  Saint- 
«  Eloy....  des  Justices,  desostes(l),  des  terres  et  des 
«  appendisses  de  la  Court  de  Faveril.  »  (Duchesne. 
Hist.  généal.  de  la  M.  de  Béthune,  pr.  p.  13i  ;  tit. 
de  12i7.)  «  Don  li  fit  deLinei  et  des  apendises,  en 
«  mariage.  »  (Id.  Hist.  généal.  de  la  M.  de  Bar-le- 
Duc,  pr.  p.  32.  —  Voy.  Dépe.ndices.) 

V.-iRlANTES  : 
APPENDICES.  Duchesne,  H.  g.  de  la  M.  de  Béthune,  p.  37.3. 
Apendises.  Dubouchet,  ubi  supra,  p.  63. 
Appendisses.  Duchesne,  H.  g.  de  la  M.  de  Béthune,  p.  134. 

Appendis,  subst.  masc.  (2)  Appentis.  Bâtiment 
attenant  aux  murs,  aux  portes  d'une  ville.  Coteau. 

Anciennement,  un  appendis  étoit  ce  qu'on 
nomme  encore  appentis,  un  bâtiment  dont  le  toit 
en  pente  d'un  seul  côté,  append  ou  tient  au  mur 
contre  lequel  il  est  appuyé.  (Voy.  Appendue.)  «  Un 
o  appendeis  qui  se  fiert  en  la  rue  S.  Abrahamj  etc.  » 
(D.  Carpentier,  Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du  Gange,  au 
mol  appoidaria  ;  tit.  de  1295.)  C'est  relativement  à 
l'idée  de  la  possibilité  d'atteindre  ù  certaine  hauteur, 
en  montant  sur  un  appentis,  qu'on  disoit  figuré- 
ment  :  «  Vostre  promotion  en  l'office  de  Conseiller 
«  aux  Généraux,  c'est  un  appentij...  pour  monter 
"  à  une  magistrature  plus  relevée.  »  (Pasquier, 
Lett.  T.  III,  p.  60G.) 

Dans  une  signification  plus  étendue  qu'elle  ne 
l'est  aujourd'hui,  les  bâtimens,  les  maisons  attenant 
aux  murs  ou  aux  portes  d'une  ville,  peut-être  aux 
faubourgs  de  la  ville,  en  étoientles  appentis.  «  Cou- 
«  rurent  les  Mareschaux  du  Roy  d'Angleterre  jus- 
«  ques  bien  près  de  Paris....  Adonc  s'émeut  le  Koy 
»  Philippe,  et  fit  abbattre  les  appentis  de  Paris,  et 
«  s'en  vint  à  Sainct  Denis.  »  (Froissart,  Vol.  I, 
page  146.) 

Il  seroit  possible  que  par  la  même  extension,  un 
terrain^  un  lieu  attenant  à  des  vignes  eût  été 
nomme  l'rtyj/^eHf/is  aux  vignes.  Peut-être  aussi  que 
le  coteau  étant  à  la  montagne  ce  qw'wnappentis  est 
au  mur  contre  lequel  il  est  appuyé,  \q  moi  appendis 
aura  signifié  coteau.  »  Monterez  sur  ceste  petite 
«  montaigne  auprès  de  \' appendis  aux  vignes,  pour 
«  garder  qui  sauldra.  »  (Le  Jouvencel,  ms.  p.  86.  — 
Voy.  Pendant.) 

VARIANTES   : 
APPENDIS.  Le  Jouvencel,  MS.  p.  86. 
Apentis.  Cotgrave  et  Nicot,  Dict. 


ApPENDEts.  D.  Carpentier,  S.  Gl.  1.  deD.  C.  à  Apiiendavia. 
Appentis.  Orth.  subs.  —  R.  Estienne,  Nicot,  Monet,  Dict. 
Appenty.  Pasquier,  Lett.  T.  III,  p.  606. 

Appendre,  verbe.  Pendre.  Etre  attaché,  tenir, 
appartenir.  (Voyez  Appe.ndance.)  Quelques  Etymolo- 
gistes  latins  croient  que  le  verbe  pendere,  pendeo, 
formé  de  pendere,  pendo  (3),  signifie  un  effftt  de  la 
pesanteur;  opinion  d'autantplus vraisemblable  que 
c'est  par  sa  pesanteur,  par  son  poids  qu'une  chose 
pend,  en  latin  pendet.  On  citera  comme  une  preuve 
de  l'analogie  de  ces  deux  idées,  le  vers  suivant  : 

Moult  granz  fez  (4")  à  preudomme  apent. 

Fabl.  MS.  duR.  n"  7-218,  fol.  223,  R-  col.  1. 

Les  rapports  qu'indique  la  préposition  initiale 
de  ce  verbe  composé  appendre,  étant  signifiés  par 
une  seconde  préposition,  il  semble  que  l'acception 
d'appendre  étoit  la  même  que  celle  du  verbe  simple 
pendre,  lorsque  dans  un  sens  actif  on  disoit,  appen- 
dre une  chose  à  une  colonne,  Yappendre  contre  un 
mur,  Yappendre  en  haut.  (Voy.  Monet,  Dict.)  Ron- 
sard et  Du  Bellay  afïectoient  peut-être  un  air  d'éru- 
dition, en  consacrant  spécialement  ce  verbe  à 
désigner  l'action  de  pendre,  de  suspendre  à  la 
voûfe  d'un  temple  les  choses  qu'on  d'Jdieaux  Dieux. 
(Voy.  Nicot,  Dict.)  Il  est  encore  usité  en  cette  signi- 
fication particulière,  maison  a  la  preuve  qu'ancien- 
nement l'usage  en  étoit  plus  général. 

Le  noir  escu  bendé  de  nuit 
Ot  Larrecin  au  col  pendu, 
Et  d'une  torches  apundu. 

FaM.  .MS.  du  R.  n-  7615,  T.  II,  fol.  191,  V  col.  1. 

Plus  souvent  aussi  l'acception  à'appcndre  étoit 
neutre  comme  celle  du  verbe  latin  appendere, 
pendre,  être  pendant.  «  Le  ray  du  feu  faisoit  à 
«  l'estoille  queue  de  trois  toises  de  longueur,  et  celle 
«  queue  estoit  en  appendant  du  costé  de  la 
«  Grand'Bretaigne.  "  (Percef.  Vol.  IV,  fol.  68.)  On 
pourroil  à  ce  passage  en  réunir  d'autres  où  il  seroit 
possible  que  dans  un  sens  relatif  à  celui  des  prépo- 
sitions latines  ab  et  ad,  la  préposition  initiale  et 
inséparable  du  verbe  ajipendre  indiquât  tour-à-tour 
le  point  duquel  s'éloigne  la  partie  inférieure  d'une 
chose  pendante,  et  le  point  vers  lequel  elle  appro- 
che en  pendant.  Dans  le  premier  cas,  appendre 
seroit  de  même  signification  que  le  verbe  dépendre. 
(Voy.  Dépendre.) 

On  sait  qu'en  général  une  chose  pesante  ne  pend 
qu'autant  qu'elle  est  retenue  par  une  autre  chose, 
qu'autant  qu'elle  est  attachée  et  tient  à  cette  même 
chose,  par  un  moyen  quelconque.  De  là,  l'usage 
figuré  du  verbe  s'appendre,  être  appendant,  s'atta- 
cher, être  attaché  à  servir  l'amour  et  à  mériter  ses 
faveurs. 

Veillier,  ploreir,  poene,  travels,  ahans. 
Tout  ceu  covient  as  fins  amans  sentir  : 
Mais  jai  (5)  por  ceu  ne  se  doit  ébahir 
Li  hons  ki  est  à  haus  dons  apendayis. 

Chans.  Fr.  MS.  de  Barne,  n*  389,  pari,  n,  fol.  18,  V'. 


(1)  hospilcs,  tenure  et  condition  intermédiaire  entre  la  liberté  et  le  servage,  (n.  e.)  —  (2)  Ce  mot  nous  semble  fait  sur 
pente  ;  appendiciuin,  qui  est  ordinairement  cité,  aurait  été,  comme  les  mots  en  itia,  termmé  en  esse  ou  en  ice.  (n.  e.)  — 
(3)  La  forme  romaine  vient  même  de  pendere  avec  e  bref,  et  non  de  pendere  avec  e  long  :  pendeo  est  à  pendo,  ce  que  jaceo 
est  àjacio.  (N.  E.)  —  (4)  Faix,  fardeau  pesant.  —  (5)  C'est  le  mot  jamais  (jain  magis)  interverti,  (s.  k.) 


AP 


—  60  - 


AP 


Moût  est  fox  qui  ne  s'apent 
A  amors  servir  toz  dis  ; 
Qu'amors  tient  celui  joiant 
Qui  à  li  est  ententis. 

Ane.  Poët.  Fr.  MSS.  avant  1300,  T.  I,  p.  217. 

Les  lieux  où  un  amant,  consei-voit  un  attachement 
aussi  heureux  qu'honnête,  étoient  des  lieux  où 
appeiuloient  sa  juie  et  son  honneur. 

Se  j'ai  tors  dou  paix  esteit 
Où  ma  joie  et  m'onors  apent  ; 
Por  ceu  n'ai-je  pas  oblieit 
Coinent  on  aimine  loiaulment. 

Clmns.  fr.  .MS.  de  Berne,  n-  389,  part.  II,  fol.  7,  R°. 

Ces  acceptions  llgurées  prouvent  combien  l'on  a 
abusé  de  la  siu;nification  propre  de  ce  verbe.  On 
considéroit  comme  appoidantes  les  unes  aux  au- 
tres, les  personnes  entre  lesquelles  il  y  avoit  une 
relation,  quelle  que  fût  l'espèce  de  relation  par 
laquelle  elles  étoient  attachées  les  unes  aux  autres, 
par  laquelle  elles  se  teuoient.  Ainsi,  pour  désigner 
les  relations  de  la  créature  au  Créateur,  les  relations 
de  l'homme  à  l'homme,  comme  inférieur,  comme 
parent,  etc.  on  disoit  :  «  Fiz  furent  Remon  ki  fu  de 
«  Beroth  et  des  Hz  Benjamin,  e  Beroth  apenileif  à 
'<  Benjamin.  »  (Livres  des  Rois,  ms.  des  Cordel. 
fol.  45,  V°col.  1.) 

Là  est  Guillaume  de  .Inliers, 

A  qui  ilz  sont  touz  apendanz,  etc. 

G.  Guiart,  MS.  fol. 261,  R". 
La  Corone  de  France  doit  estre  si  avant 
Que  tout  autre  Roi  doivent  estre  à  li  apendant. 

Guiteclin  de  Sassoigne.  MS.  de  Gaignat,  fol.  229,  R*  col.  2. 

Diex  où  tout  est  apendant, 

Qui  de  la  Sainte  Virge  nasqui  en  Belléant,  etc. 

Buenon  de  Comraarchis,  Ms.  de  Gaignat,  fol.  200,  R*  col.  1. 
Mais  au  fort  Roi  où  tout  apent, 
En  rendent  grâces  bonement. 

Lucidaires,  MS.  do  Gibert,  fol.  6,  V'. 

On  voyoit  comme  appcndant,  non-seulement  aux 
personnes,  mais  aux  choses,  tout  ce  qui  leur  étoit 
relatif,  propre,  convenable.  «  Yaissèle  d'or...  ki  al 
>i  servise  apencleit,  etc.  «  (Livres  des  Rois,  ms.  des 
Cordel.  fol.  138.)  «  Co  ne  li  apendeit  pas  à  faire.  » 
(Ibid.  fol.  139.) 

Puisque  Dame  aura  ami, 
Et  èle  li  veut  douner 
S'araour  ;  mis  l'a  en  la  voie 
De  rechevoir  la  grant  joie 
K'al  olroi  d'amours  apent. 

Ane.  Poès.  fr.  .VS.  du  Valic.  n*  li90,  fol.  143,  Rv 
Mais  ce  n'est  pas  amors  qu'à  moi  apende. 

Ane.  Poét.  Fr.  MSS,  avant  1300,  T.  I,  p.  411. 

Richart  par  prière 

Ne  fera  chose  qu'il  requière, 
Ne  qui  a  loiauté  s'apande. 

G.  Guiart,  MS.  fol.  25,  V'. 
Dame,  fet-èle,  à  vous  qu'apent  de  cest  afère'' 

Fabl.  MS.  du  R  n-  7218,  fol.  338,  V-col.  1. 

C'est  ainsi  qu'en  généralisant  l'idée  d'une  chose 
qui  tient  à  une  autre  chose  en  y  appendant,  on  a 
fait  du  verbe  appcndre  un  synonyme  d'appartenir. 
«  Si  ascun  (1)  face  purchas  de  comune  de  pasture  en 
«  autruy  soil  (2),  et  ne  eit  nul  tenement  à  qui  cèle 


«  Commune  purra  appendre,  tiel  purchas,  etc.  » 
(Britlon,  des  Loix  d'Angl.  fol.  144.)  •<  Tenement  à 
«  qui  l'avowson  (31  appenl  ove  toutes  les  apurte- 
«  naunces.  »  (Id.  ibid.  fol.  23î.)  «  Advowson  et 
>'  common  de  pasture....  sont  nosmés  appendants 
»  al  maiior,  ou  al  terres  et  tenements.  •>  (Tenures 
deLitUelon,  fol.  41.) 

Et  qui  li  voudroit  fere  droit, 
Normendie  il  apcndmit. 

Roiu.  de  Rou,  MS.  p.  232. 
Uns  riches  Chevaliers  estoit 
Moult  franc,  à  qui  il  appendoit 
Assez  grant  terre  et  grant  honor. 

Fabl.  MS.  du  R.  n-  7615,T.  11,  fol.  173,  V  col.  1. 

VARIAiSTES  : 
APPENDRE.  Britton,  des  Loix  d'Angl.  fol.  144,  V°. 
Apandre.  g.  Guiart,  MS.  fol.  25,  V». 
Apendre.  Livres  des  Rois,  MS.  des  Cordel.  fol.  4. 

Appens,  pari,  et  subst.  Pensé,  réfléchi.  Pensée, 
réflexion  (4).  Temps  pour  penser,  pour  réfléchir. 

Il  semble  que  l'usage  du  participe  appens,  abré- 
viation d'appensé,  ait  toujours  été  restreint  à  l'ex- 
pression encore  usitée,  guet  appens.  (Nicot  et  Monet, 
Dict.  —  Dict.  de  Trévoux  et  de  l'Acad.  Fr.  —  Voy. 
Appensé.)  On  pourroit  regarder  l'addition  de  ce  par- 
ticipe appens  au  substantif  guet,  comme  superflue, 
puisqu'il  n'y  a  point  de  guet  ou  â'agiiet  sans 
pensée,  sans  réflexion.  Mais  Pasquier  observe  qu'en 
François,  comme  en  Latin,  il  n'est  pas  extraordi- 
naire de  réunir  deux  mots  de  même  signification, 
pour  rendre  ce  que  l'on  veut  dire  plus  poignant  ; 
qu'ainsi  le  guet  ou  Vaguet  paroit  d'autant  plus 
odieux,  qu'il  est  appens.  (Voy.  Pasquier,  Rech.  L. 
VIII,  p.  099  et  700.)  C'est  par  ignorance  que  l'on  a 
écrit  à-pend  ou  append.  (Voy.  Âppend.) 

Quelquefois  on  écrivoit  guet-à-pens.  Alors,  le 
participe  pens  signifioit  ce  que  signifie  encore  le 
mot  pensée  qui  n'est  autre  chose  que  le  féminin  du 
participe  pensé,  pris  substantivement  au  moyen 
d'une  ellipse.  Par  conséquent,  le  guet-à-pens  étoit 
la  même  chose  que  le  g  net -à-pensée,  c'est-à-dire 
guet  avec  pensée,  avec  réflexion.  (Voy.  Pens  et 
Pensée.)  Il  résulte  de  celte  observation,  que  le  par- 
ticipe composé  apens  peut  aussi  avoir  signifié 
réflexion,  pensée.  (Voy.  Borel,  Dict.) 

On  croit  même  que  dans  un  sens  relatif  à  celui 
de  l'expression  jour  d'appensement,  on  a  nommé 
appens  un  délai  accordé  en  Justice,  pour  penser  et 
réfléchir  aux  objections  qui  pourroient  être  faites  à 
des  témoins.  «  Qui  delTault  en  sa  prouve,  doit  faire 
«  les  despens,  et  luy  doit  cheoir  li  jour  de  la  def- 
«  faulte  en  producion  ;  et  s'il  deffault  à  veoirs 
«  donner  tesmoins  que  l'en  donneroit  contre  lui,  il 
«  n'aura  plus  appens  îi  dire  après.  Ainczois  dira, 
«  etc.  "  (Ane.  Coût,  de  Bretagne,  fol.  102.  —  Voyez 
Appensement  et  Appe.nseb.) 

VARIA^iTES    : 
APPENS.  Nicot  et  Monet,  Dict. 
Apens.  Pasquier,  Rech.  L.  VIII,  p.  699. 


(1)  aucun  :  ahquns  unus.  (s.  e.)  —  (2)  fonds  de  terre  ;  on  trouve  la  forme  féminine  soile  se  rattachant  à  solum,  devenu  en 
bas-latin  suluim.  -  (3)  Voir  Du  Gange  à  Aduotia.  -  (4)  Comme  on  le  voit  par  ces  vers  (3609)  du  Roman  de  la  Rose  :  a  Mes 
ge  metrai  tout  mon  apens,  Dès  ore  en  Bel-Acueil  garder.  »  (n.  e.) 


AP 


—  61  — 


AP 


Appensé,  participe.  Qui  est  pensé,  réfléchi. 
Qui  a  pensé,  réfléchi.  Occupé,  insirait;  qui  a  des 
idées,  de  la  raison,  de  la  prudence,  etc. 

La  signification  d'appensé  étoit  passive  et  la 
même  que  celle  à'appens,  Inrsqu'en  disant  cliose 
appensée,  fait  appensé,  advis  ou  guet  ap/icnsé,  l'on 
exprimoit  une  pen.sée,  un  dessein  réfléchi  de  nuire. 
(Chron.  S'  Denys,  T.  l,  p.  53.  —  Ord.  T.  I,  p.  57, 
col.  2.  —  Coquillart,  p.  112.  -  Pasquier,  Rech. 
L.  vin,  p.  700.  —  Hob.  Eslienne,  Xicol  et  Monet, 
Dict.  —  Voy.  Appens.) 

Plus  généralement,  le  participe  appensé  signifioit 
la  pensée  sans  dessein  de  nuire.  Il  étoit  actif,  c'est- 
à-dire  qu'il  désignoit  l'état  de  l'homme  ayant  été 
pensant,  et  non  celui  de  la  chose  ayant  été  pensée, 
toutes  les  fois  qu'en  parlant  d'une  personne  qui 
avoit  pensé,  réfléchi,  l'on  disoit  qu'elle  étoit  ap- 
pensée. 

Amours,  se  bien  y  suis  appensée, 
Est  maladie  de  pensée. 

Rom.  de  la  Rose,  ïers  448)  et  4482. 

Apensels  sui  c'une  chose  feroie, 
S'amors  voloit  et  li  venoit  en  greit,  etc. 

Chans.  fr.  MS.  de  Bei'ne,  n"  389,  part,  i,  fol.  21,  V. 

C'est  par  l'analyse  de  l'expression  elliptique  être 
appensé,  qu'on  aperçoit  la  raison  pour  la(iuelle  un 
participe  passé  semble  avoir  quelquefois  la  signifi- 
cation d'un  participe  présent,  comme  en  ce  passage  : 

Lors  esgarde  avant  et  arriéres, 
Et  voit  couvertes  les  gaschieres  (1) 
Des  siens  qui,  serrez  vers  le  val. 
S'en  vont  à  pié  et  à  cheval. 
De  vuidier  le  champ  ape}if:fz. 

G.  Guiart,  MS.  fol.  368,  Rv 

En  pensant,  on  s'occupe,  on  s'instruit,  on  acquiert 
des  idées,  on  se  fait  une  habitude  de  raison,  de 
prudence,  etc.  De  là,  ce  même  participe  appensé 
signifioit,  1°  occupé  : 

Garde  ta  bouche  soit  de  proier  upeusée, 
Tant  que  de  t'amor  soit  esprise  et  eschaufée. 

Fabl.  MS.  du  R.  n-  7G13,  T.  U,  fol.  178,  V  col.  2. 

2"  Instruit  : 

...  De  quanlques  li  demanda 
Le  trouva  si  très-apensé. 
Si  courtois  et  si  avisé,  etc. 

Cléomadès,  .MS.  de  Gaigual,  fol.  40,  R»  col.  9. 

3°  Qui  a  de  la  prudence,  de  la  raison,  etc.  »  Grant 

«  partie  s'accorda  à  ce  que  l'en  li  devoit  aidier 

«  et  s'offrirent  por  li  aidier;  li  autres  disoient  qu'il 
«  n'estoient  mie  appensé.  -  (Martène,  Conlin.  de 
G.  de  Tyr,  T.  V,  col.  710.) 

...  Sa  mère  Done  Ynabele 
Le  reconfortoil  coume  celé 
Qui  ert  apensée  tousjours. 

Cléomadès,  MS.  de  Gaignat,  fol.  57,  Y-  col.  3. 

Qu'il  suffise  d'avoir  indiqué  l'analogie  par  laquelle 
tout  mot  signifiant  une  idée  relative  aux  qualités 
habituelles  d'un  être  qui  s'occupe  l'esprit  et  qui 
pense,  pourroit  être  l'explication  du  participe  ap- 
pensé. (Voy.  Appenséement  et  Appensememt.) 


VAJUANTES  : 
APPENSÉ.  Nicot  et  Monet,  Dict. 

Apensé.  Cléomadès,  fol.  1,  passim.  —  R.  Estierme,  Dict. 
Apenseis.  Chans.  Fr.  MS.  de  Berne,  n»  389,  fol.  21. 

Appenséement,  adverbe.  En  pensant,  avec 
examen,  avec  poids  et  mesure.  A  dessein.  Avec 
réflexion,  avec  prudence,  etc.  (Voyez  Appensé  et 
Appe.nser.) 

Anciennement,  faire  ou  dire  une  chose,  enj'y 
pensant,  en  examinant  les  raisons  de  faire  ou  de 
ne  pas  faire  cette  chose,  de  la  dire  ou  de  ne  la  pas 
dire,  c'étoit  agir  ou  parler  apenséenient  ou  empen- 
séement,  agir  ou  parler  avec  poids  et  mesure,  avec 
examen.  «  Quand  elle  parloit  c'esloit...  mont  apen- 
«  séement.  »  (Vie  d'Isabelle,  à  la  suite  de  Joinville, 
p.  174.)  «  Choses  qui  sont  par  adventure  et  non  mye 
«  apenséement  faictes,  etc.  »  (Fabri,  Art  de  Rélhor. 
L.  I,  fol.  51.1  On  lit,  empensécment.  (Id.  ibid.  f°  52.) 
>'  Le  Roy  Richart  férit  par  adventure  ,  non  mie 
"  apenséement;  si  que  luy  fist  mortelle  playe.  » 
(Chron.  S' Denys,  T.  II,  fol.  26.) 

On  forme  un  dessein  en  pensant,  en  pesant  les 
raisons  de  faire  une  chose  ou  de  ne  la  point  faire; 
de  là,  l'adverbe  appenséement  signifioit  à-dessein. 
■<  Sire,  je  le  vous  diray,  et  suy  cy  venu  apenséement 
«  pour  vous  en  parler.  »  (Modus  et  Racio,  ms.  fol. 
249.)  «  Ce  faisoit  Patience  appenséement  pour  deux 
«  causes.  »  (Ibid.  fol.  258.) 

U  y  a  de  la  réflexion,  de  la  prudence,' [du  bon 
sens,  du  jugement  à  n'agir,  à  ne  parler  qu'après 
avoir  pensé.  Ainsi  l'adverbe  appenséement  signifioit 
avec  jugement,  avec  bon  sens,  avec  prudence,  avec 
réflexion.  (Voy.  Cléomadès,  ms.  de  Gaignat,  fol.  14. 
—  Ibid.  fol.  31».)  u  Li  sages  hardis,  si  est  chil  qui 
«  sagement  et  apenséement  monstre  son  harde- 
"  ment.  »  (Beaumanoir ,  Coût,  de  Beauvoisis , 
chap.  I,  page  8.) 

...  .là  nus  hom  feme  ne  prisera 
Ki  aime  trop  baudeinent  (2). 
En  canpion  qui  apenséement 
Conbat,  a  on  plus  seure  atendance 
Ken  benbancier  de  foie  contenance. 

Ane.  Pocs.  Fr.  MS.  du  Valic.  tl-  1490,  fol.  166,  R'. 

VARIANTES  : 
APPENSÉEMENT.  Modus  et  Racio,  MS.  fol.  25. 
Apenséement.  Ane.  Poës.  fr.  MS.  du  V.  n"  1490,  fol.  166. 
Apensémënt.  Chron.  S'  Denys,  T.  II,  fol.  26,  V». 
Empensée.ment.  Fabri,  Art  de  Rhétor.  L.  I,  fol.  52,  R». 

Appensement,  sul)st.  masc.  Action  de  penser, 
de  réfléchir  ;  pensée,  réflexion.  Qualités  d'un  être 
pensant,  prudence,  etc. 

(Voyez  Appe.nséeme.nt  et  Appensé.) 

On  a  dit  au  premier  sens,  «  que  de  de  fol  apen- 
«  sèment  naist  le  mal  consentement.  »  (Voy.  Rom. 
de  la  Rose,  vers  18C62  et  18663.) 

S'uns  Clercs  est  trop  fos  par  nature, 

Nus  sages  hom  n'a  de  luy  cure  : 

S'il  est  trop  sages  ensement 

Il  entre  en  tel  apensement 

De  quoi  bien  Ten  puet  meskair. 

Ane.  Poèt  fr  MSS  avant  1300,  T.  IV,  p.  13U. 


(1)  Voir  Du  Cange  à  Gascaria  :  terres  nouvellement  défrichées,  (ji'ttines.  (n.  é.)  -  (2)  de  l'allemand  bald  :  avec  trop 
a  expansion,  (n.  e.) 


AP 


—  62 


AP 


.  .  .  A  bataille,  ce  dist-on, 
Est  adès  prouece  en  saison, 
Et  avis  et  apensoneiis 
Et  senrtés  et  hardemens. 

Clëomadès,  MS.  de  Gaigtul.  fol.  G3,  R-  col.  2. 

En  termes  de  procédure,  le  jour  d'appensement 
étoit  un  délai  accordé  à  des  héritiers,  pour  penser, 
réfléchir  aux  raisons  qu'ils  pouvoient  avoir  de 
reprendre  un  procès,  ou  de  l'abandonner.  «  Jour 
«  ù'appc  lise  ment  est  et  sert  tant  seulement  en  cas 
«  où  l'on  seroit  ndjonrné  à  reprendre  ou  délaisser 
«  la  cause  et  erremens  d'un  procez  dont  le  deman- 
«  deur  ou  défendeur  seroit  allé  de  vie  h  trespas.  » 
(Bouteiller,  Som.  rur.  tit.  vu,  p.  39.  —  Voy.  Appens.) 

On  a  indiqué  ailleurs  par  quelle  analogie  ce  mot 
appensement  a  désigné  les  qualités  d'un'  être  pen- 
sant, la  prudence,  etc. 

Moult  durement  les  assailloit  ; 
Car  de  très-grant  vaillance  estoit 
Et  de  très-grant  apensement. 

Cléomadès,  MS.  de  Gaignat  fol.  4,  V  col.  1. 

VAR1.\NTES    : 
APPENSEMENT.  Laurière  Gloss.  du  Dr.  Fr. 
Apensement.  Cléomadès,  MS.  de  Gaignat,  fol.  58. 

Appenser,  verbe.  Penser,  examiner  ;  avoir  une 
idée,  former  un  dessein,  projeter.  (Voy.  Appensé.) 
On  sait  qu'en  Latin,  pensare  signifie  proprement 
peser  une  chose,  l'évaluer  au  poiclsen  la  pesant,  en 
la  tenant  suspendue  dans  la  balance  ;  qu'en  François, 
penser  a  signifié  et  signifie  encore  figurérnent cette 
opération  de  l'àme  par  laquelle  on  pèse,  on  examine, 
on  évalue  les  choses  en  idée.  De  là,  les  anciens 
verbes  composés  ajipenser  et  enpenser  qui  étoient 
de  même  signification  que  le  verbe  simple  penser, 
en  Latin  pensare.  (Voy.  Penser.) 

Il  semble  qn'appenser  des  témoins,  c'étoit  penser 
à  ce  qu'on  pourroit  opposer  à  leurs  témoignages, 
peser  ces  témoignages,  les  examiner  avant  que 
d'y    souscrire.    «   S'il    deffault  à    veoirs  donner 

«  tesmoins  que  l'en  donneroit  contre  lui dira 

«  de  surs  comme  se  il  les  veistpour  tous  appenser, 
«  les  luy  nommant;  et  les  gréera.  >>  (Ane.  Coût,  de 
Bretagne,  fol.  102,  V°.  —  Voy.  Appens.) 

On  a  réuni  appenser  et  enpenser,  parce  que  la 
difîérence  de  la  préposition  initiale  n'en  opéroit 
aucune  dans  la  signification  de  ces  deux  verbes,  soit 
qu'ils  désignassent  la  pensée,  ou  l'idée,  le  dessein, 
le  projet  formé  d'après  la  pensée.  «  Se  aucuns  gens 
«  avoient  enpensé  h  aler  tuer  un  bons,  etc.  »  (Ord. 
T.  I,  p.  134.) 

Cuer  orgueilleux  veult  trop  estre  honoré, 

Et  si  ne  veult  à  nullui  faire  honneur. 

Tout  est  bien  fait  quanqu'il  a  cmpensé; 

Ce  qu'autrui  fait  lui  semble  deshonneur. 

Eust.  Desch.  poës.  MSS.  p.  125,  col.  4. 

La  preuve  que  cette  acception  A'enpenser  étoit 
aussi  celle  à'appenser,  alongeroit  inutilement  cet 
article.  On  le  terminera  en  remarquant  que  dans  le 
sens  de  penser,  peser  ses  idées,  peser,  examiner  les 
raisons  de  faire  ou  de  ne  point  faire  une  chose,  de 


la  juger  bonne  ou  mauvaise,  fausse  ou  vraie, 
le  verbe  appenser,  h  la  différence  d' enpenser,  étoit 
plus  ordinairement  réciproque.  "  Ele  s'apensa 
«  d'une  grant  Iraïson  comme  malicieuse.  »  (Rom. 
de  Dolopathos,  ms.  du  R.  n°  753i,  fol.  293,  V"  col.  2.) 

Lors  s'assist  sor  l'esponde  (1)  et  tint  le  chief  embron  (2); 
Lors  s'dptvîsse  et  porponsse  à  oui  dira  son  bon. 
Fabl.  MS.  du  R  n-  7218.  fol.  347,  V-  col.  i. 

Quand  bien  m'apense, 

Il  ne  me  semble  pas  par  m'ame, 
Qu'amans  Hons,  n'amoureuse  Dame, 
Puist  avoir  greignor  joie  au  monde 
Que  d'amour,  quant  el  s'i  habonde. 
Poi-s.  i.  la  suile  du  R.  de  Fauvel,  MS.  du  R.  n"  681i,  fol.  1,  V  col.  1. 

VARIANTES  : 
APPENSER.  Ane.  Coût,  de  Bretagne,  fol.  102,  V". 
Apanser.  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7615,  T.  II,  fol.  126,  R»  col.  1. 
Apenser.  Ane.  Poët.  Fr.  MSS.  avant  13()0,  T.  IV,  p.  1368. 
Apensser.  Fabl.  MS.  du  R.  u«  7218,  fol.  3i7,  V»  col.  1. 
Empexser.  Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  125,  col.  4. 
Enpenser.  Cléomadès,  MS.  de  Gaignat,  fol.  59,  V»  col.  2. 

Apperceii,  participe.  Connu  par  quelques 
qualités  éminenles.  Ce  participe  apperccu,  dont 
l'acception  générale  et  figurée  étoit  la  même  que 
celle  du  verbe  apercevoir,  avoit  une  signification 
absolue,  toutes  les  fois  qu'en  parlant  d'une  per- 
sonne dans  laquelle  ou  apercevoit,  on  connoissoit 
des  qualités  éminentes,  on  disoit  qu'elle  étoit 
apperçue,  connue  par  son  intelligence,  sa  prudence, 
son  courage,  son  intrépidité,  etc. 

Mes  Theseus  les  ot  veu3 
Qui  vassauz  ert  aperceus. 
Cinq  batailles  issir  en  fait,  etc. 

Athis,  MS.  fol.  99,  V-  col,  2. 

Il  est  sages,  aperceus. 

Si  ne  vuet  pas  estre  déceus. 

Fabl.  MS.  du  R.  n'  7615,  T.  II,  fol.  134,  R-  col.  1. 

Luxure  est  un  péohié  ;  qui  trop  s'y  laisse  vivre, 
Si  vit  jusques  à  la  mort  à  paine  sans  délivre... 
David  et  Salomon  en  furent  si  deceu. 
Et  maint  autre  grant  homme,  et  sage  et  apparceu. 
S.  de  Meun,  Codic.  vers  1705-1770. 

Il  semble  que  les  Soldats  qu'en  Franche-Comté 
l'on  noitiiwoW,  Apperçus  (3),  soient  des  Soldats  con- 
nus par  le  patriotisme  intrépide  et  courageux  avec 
lequel  on  les  avoit  vus  servir  leur  pays  et  le  défen- 
dre. Les  trois  Bailliages  de  cette  province  dévoient 
entretenir  trois  Légions  ou  Régimens  de  cette  espèce 
de  milice  toujours  prête  à  marcher  au  premier 
ordre  ;  milice  à  la  vérité  peu  aguerrie,  mais  à 
laquelle  «  on  avoit  vu  autrefois  que  l'amour  de  la 
«  patrie...  avoit  inspiré  beaucoup  de  courage.  » 
(Pelisson,  Ilist.  de  Louis  XIV,  T.  II,  p.  260,  267  et 
268.  —  Voy.  Appercevoir.) 

VARIANTES    : 
APPERCEU.  S'  Bern.  Serm.  fr.  MSS.p.  7. 
Aparceus.  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7615,  T.  II,  fol.  13t. 
Aparceut.  S'  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  230. 
Aperceus.  Athis,  MS.  fol.  99,  V"  col.  2. 
Apercheu.  Anseis,  MS.  fol.  14,  R»  col.  1. 
Aperzuiz.  S'  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  169. 
Apparceu.  J.  de  Meun,  Codic.  vers  1770. 


(1)  châlit  ;  on  le  trouve  dans  Virgile  :  ,  „ 

propose  in  et  pronus;  Cachet,  dans  son  Glossab-e'clu  Chevalier  au  Ûyipie,  ne  se  prononce  pas  ;  M.  Gautier,  dans'  sa  Chanson 
ae  tU)land,  déclare  cette  étymologie  très  difficile,  (n-  e.)  -  (3)  Paraît  avoir  ici  le  sens  i'appoincté  (Voir  c 


Ati!o;is  qmtm  se  regina  superbis  Aui-ea  coynposuit  sponda.  (n.  e.)  —  (2)  penché  :  Diez 

ir,  dans  sa  Chan 
ce  mot).  (N.  K.) 


AP 


AP 


Appercevable,  rtrfj.  Apercevable.  (Voyez  Oudin 
et  Monet,  Dictionnaire.) 

Appercevance,  subst.  fém.  Faculté  d'aperce- 
voir, de  sentir,  de  connoitre.  Perception,  idée, 
notion,  connoissance.  Cliose  apercevable. 

Les  significations  du  ènbilànWi  appercevance  sont 
toutes  analogues  à  celles  du  verbe  apercevoir. 
C'est  avec  raison  qu'au  premier  sens,  l'on  a  dit  : 
«  Les  sens  sont  l'extrême  borne  de  noslre  apperce- 
«  vance....  Ils  font  Irestous  la  ligne  extrême  de 
«  nostre  faculté.  »  (Essais  de  Montaigne,  T.  II, 
p.  472.) 

Chien  a  grant  Icgeresce  et  grant  apercevance. 

Chasse  de  Gaston  Phébus,  MS.  p.  89. 

Dans  le  second  sens,  appercevance  désignoit 
l'effet  de  cette  faculté  d'apercevoir,  la  perception, 
l'idée,  la  notion,  la  connoissance  qu'on  prend  des 
personnes  ou  des  choses,  en  les  apercevant.  (Voy. 
Oudin,  Rob.  Estienne,  Nicot  et  Monet,  Dict.)  Ainsi, 
lorsqu'une  personne  avoit  peur  d'être  aperçue, 
d'être  connue,  on  disoit  qu'elle  nwoit paor  d' aperce- 
vance. (Fabl.  MS.  du  R.  n°  7218,  fol    330,  Y°  col.  1. 

—  Voy.  Appercevement.) 

Quelquefois  V appercevance  étoit  la  chose  même 
qu'on  apercevoit,  une  chose  apercevable.  (.Nicot, 
Dict.)  «  Ce  dont  nous  avons  encore  veu  de  nostre 
«  temps  quelques  restes  et  appercevances  en  la  rue 
»  Nostre-Dame,  etc.  "  (Pasquier,  Rech.  L.  i.\,  p.  708. 

—  Voy.  Appercevoir.) 

VARIANTES    : 
APPERCEVANCE.  Oudin,  R.  Estienne,  Nicot,  llonet,  Dict. 
Apercevance.  Chasse  de  Gaston  Phébus,  MS.  p.  89. 

Appercevant,  ;j«î'f('cijJ^.  Qui  voit  de  loin,  qui 
voit  bien.  Qui  peut  être  vu,  qui  est  visible.  (Voyez 
Appercevance  et  Appercevoir.) 

Dans  le  premier  sens,  on  disoit  :  «  Le  Roy  qui 
«  estoit  assez  fl;'7J<'/T('i'«H/,  leva  amont  le  visaige, 
"  et  veit  venir...  les  deux  Chevaliers.  »  (Percef. 
Vol.  VI,  fol.  106,  V°  col.  1.) 

Celte  acception  est  figurée  dans  les  vers  suivans  : 

Ll  mesengue  (1)  qui  ert  molt  sage, 

Aperchevaiis  et  enscgnie  ; 

Qui  molt  estoit  de  sens  garnie,  etc. 

Bestiaire,  MS.  du  R.  a'  7989,  fol.  171,  V"  col.  2. 

On  trouve  qu'abstraction  faite  de  l'idée  de  celui 
qui  voit  une  chose,  qui  l'aperçoit  parce  qu'elle  est 
visible,  le  participe  appercevant  a  signifié  ce  qui 
peut  être  vu,  ce  qui  peut  être  aperçu  comme  visi- 
ble. »  Donnant  à  iceulx  deniers  blancz  telle  diffé- 
«  rence  comme  bon  vous  semblera  à  faire,  et  la 
«  moins  apparcevant  que  l'en  pourra.  »  (Ord. 
T.  III,  p.  430.  —  A^oy.  Appercevoir.) 

variantes  : 
APPERCEVANT.  Percef.  Vol.  VI,  fol.  106,  V»  col.  1. 
Aperchevant.  Bestiaire,  MS.  du  R.  n»  7989,  fol.  171. 
Apparcevant.  Ord.  T.  III,  p.  430. 

Appercevement,  subst.  masc.  et  fém.  Action 
d'apercevoir,  vue,  connoissance.  On  a  voulu  justi- 


fier un  égarement  de  l'amour  dans  le  philosophe 
Aristote,  en  disant  qu'il  avoit  été  séduit,  non  par 
Vapersure,  par  la  vue  d'une  femme,  mais  par  le  pen- 
chant de  la  Nature  qui  peut  égarer  la  philosophie. 

Donc  n'a  li  maistres,  ce  me  sanble, 
Nule  coupe  en  sa  mespresure, 
Quant  ne  mesprist  par  apersure, 
Mais  par  nature  droite  et  fine. 

Alex,  et  .\ri5t.  MS.  de  S.  Geriu.  fol.  73,  V*  col.  3. 

Anciennement,  les  amans  craignoient  qu'on  ne 
s'aperçût  de  leur  amour,  et  làchoient  d'en  dérober 
la  connoissance. 

.  .  .  Li  proie  que  sagement 
Me  vueiÛe  fere  enseignement 
Et  demonstrer  en  quel  manière 
J'ai  joie  de  ma  proiere  ; 
Et  que  ce  soit  céléement. 
Qu'il  n'en  soit  apercevement. 

Fabl.  MS.  du  R.  n"  7218,  fol.  205,  V  col.  1. 

Ils  préféroient  leurs  peines  amoureuses  à  des 
plaisirs  pleins  iVappercevemens,  à  des  plaisirs  dont 
la  connoissance  échappe  rarement  à  la  curiosité 
maligne  des  médisans. 

A  pais  ameroie 

Miex  grant  déduis  qui  fust  lens, 
C'un  bien  hastié  ne  feroie 
Tous  plain  d'appercevemens. 

Ane.  Poës.  fr.  MS.  du  Vatic.  n"  1522,  fol.  153.  R-  col.  I. 

On  a  personnifié  la  honte  ;  et  pour  signifier 
qu'elle  redoute  la  vue,  les  regards  de  la  curiosité, 
on  a  dit  : 

Honte...  portoit  une  espée 
Bonne,  clère  et  très-bien  trempée 
Qu'elle  forgea  doubteusement 
De  soucy  d'aparçoijveinenl. 

Rom.  de  la  Rose,  vers  16284-16287. 

VARIANTES  1 
APPERCEVEMENT.  Ane.  P.  fr.  MS.  du  Vat.  n»  1522,  f.  153. 
Ap.\rcoy\'e.ment.  Rom.  de  la  Rose,  vers  16287. 
ArERCEVE.MENT.  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7218,  fol.  205,  V"  col.  1. 
Apersure.  Alex,  et  .Arist.  MS.  de  S' Germ.  fol.  73,  V»  col.  3. 

Appercevoir,  verbe.  Apercevoir,  voir,  ouïr., 
goûter,  sentir,  connoitre,  juger.  Percevoir,  toucher, 
recevoir.  Ou  observera  que  du  verbe  simple  capere, 
prendre,  s'est  formé  le  composé  latin  percipere,  en 
françois  percevoir.  (Voy.  Percevoir.)  Il  semble  qu'en 
réunissant  à  la  préposition  per  la  préposition  a 
dans  apercevoir,  l'on  indique  tout-à-la  fois  l'objet 
et  le  moyen  de  la  perceplion.  C'est  par  le  moyen 
des  sens  sur  lesquels  agissent  les  objets,  que  l'àme 
saisit  ces  mêmes  objets,  qu'elle  en  reçoit  l'idée, 
qu'elle  en  prend  connoissance.  De  là,  l'usage  figuré 
du  verbe  appercevoir  qui  signifioit  voir,  ouïr, 
goûter,  sentir  en  général,  connoitre  par  les  sens, 
juger  d'après  cette  connoissance  réfiéchie.  «  Porons 
'<  aperzoïjvre  par  nostre  esprueve  mismes,  cum 
■^  convenaule  chose  soit,  etc.  »  (S'  Dern.  Serm.  fr. 
Mss.  page  3.)  «  Par  la  grandesce  del  pardon,  pues 
«  aparwivre  la  grandesce  de  la  veniance.  »  (Id. 
ibid.  page  198.) 


(1)  mésange;  en  bas-lalin  »ie:e/i:t(,  de  l'allemand  mcise,  avec  suffixe,  (n. e.) 


AP 


-  64 


AP 


En  l'oslol  fu  plus  de  douze  ans, 
Tant  que  li  Enfes  fu  jà  grans 
Et  se  sot  bien  o()eir«îî'o?V  (1). 

Kabl.  M5.  du  II.  11'  7218,  fol.  151,  R'  ool.  1. 

Dans  une  signification  relative  à  la  différence  des 
sens  par  lesquels  on  prend  connoissance  des  per- 
sonnes et  des  choses,  on  disoit  :  «  Cil  ki  aparceut 
«'ont  le  deleit  de  l'espiritel  vitaille,  etc.  »  (S'  Bern . 
Serm.  fr.  mss.  p.  -230.) 

Au  Roi  a  dit  parole  (qyercheue; 
Sire,  dist-il,  c'est  ventés  seue,  etc. 

Anseis,  lis.  fol.  14,  R-  col.  1. 

Par  sous  le  chaperon  l'esgarde... 
Si  connut  bien  et  aperçoit, 
C'est  son  mary  qui  la  decoit. 

Fabl.  MS.  duR'.  n"  7218,  fol.  163  V  col.  1. 

.le  ne  vos  puis  de  jor  veoir. 
Car  trop  redout  ['apercevoir. 

;,  Cliaus.  Fr.  MS.  de  Berne,  n-  389,  part.  1,  fol.  45,  V'. 

Ce  même  verbe  apercevoir,  dont  on  a  restreint 
l'ancienne  acception  figurée,  signifioit  dans  le  sens 
propre,  toucher,  prendre  avec  la  m.ain,  recevoir, 
percevoir.  «  Huit  deniers  de  cens...  avoit  q{  aper- 
«  cevoit  chascun  an  es  mesons  de  Saint  Salveor.  >> 
(Hist.  généal.  de  la  M.  de  Chastillon,  pr.  page  Gl  ; 
titre  de  1273.) 

CONJl'G. 

Aperceifii),  ind.  prés.  J'aperçois.  (Liv.  des  Rois.) 
AparceifiV),  imp.  Aperçois-toi.  (Ibid.  fol.  32.) 
Aparchut,  indic.  prêt.  Aperçut.  (Ibid.  fol.  82.) 
Aparçoeve  (s'),  subj.  prés.  S'aperçoive.  (Rymer.) 
Aperçoif,  indic.  prés.  J'aperçois.  (G.  Guiart.) 
Apercuit  (s'),  ind.  prêt.  S'aperçut.  (Liv.  des  Rois.) 

V.\RIA>TES   : 
APPERCEVOIR.  Rob.  Estienne,  Nicot  et  Monet,  Dict. 
Aparcevoir.  Fabl.  MS.  du  R.  n"  76-15,  T.  II,  fol.  -124,  V». 
Ap.\rzoivre.  S'  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  198,  239,  etc. 
Apercevoir.  Orth.  subsist.  —  Fabl.  MS.  du  R.  fol.  151. 
Aperçoivre.  Ane.  Poës.  fr.  MS.  du  Vatic.  n»  1522,  fol.  161. 
Apersoivre.  Chans.  Fr.  MS.  de  Berne,  n°  389,  fol.  78. 
Aperzoivre.  S'  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  17  et  35. 
Aperzoyvre.  Id.  ibid.  p.  3. 
Apparcevoir.  Cotgrave,  Rob.  Estienne  et  Nicot,  Dict. 

Appétence,  snbst.  févi.  Convoitise,  appétit. 
(Cotgrave  et  Oudin,  Dict.) 

Appeler,  verbe.  Convoiter,  vouloir,  désirer, 
rechercher,  demander,  etc.  On  sait  qu'au  xyi"  siècle, 
on  affectoit  de  parler  latin  en  françois.  De  là,  le 
verbe  appeler,  en  latin  appetere,  qui  dans  la  signi- 
fication de  convoiter,  vouloir,  désirer,  rechercher, 
demander,  etc.  désignoit  l'effet  de  toute  espèce  de 
sentiment  par  lequel  l'âme  est  invitée  à  satisfaire 
un  besoin  physique  ou  moral.  Il  ne  se  dit  plus  que 
d'un  appétit  dont  la  cause  est  physique,  comme  en 
ces  phrases.  >■  L'estoma£  appelé  les  viandes;  la 
«  femelle  appelé  le  mâle.  »  (Voy.  Appétisser.) 

VARIANTES  : 

APPÉTER.  Orth.  subsist.  -  J.  Marot,  p.  72. 


ApéTEr.  Gloss.  de  Marot.  —  L'Amant  ressusc.  p.  75, 
Apetter.  Du  Bellay,  Mérn.  piéc.  justif.  T.  YI,  p.  311. 

Appétisser,  verhe.  Inviter  à  manger,  mettre 
en  appéfit.  On  excite  l'appétit  des  oiseau.x  qu'on 
veut  faire  chasser,  en  leur  donnant  «  desestouppes 
»  couvertes  de  chair,  en  forme  de  pillule....  Parce 
«  moyen  seront  rendus  plus  sains,  plus  appetissez, 
'•  plus  avides,  plus  légers  et  plus  promps  à  la 
"  proye.  »  Budé,  des  Oiseaux,  fol.  120.  —  Cotgrave 
et  Monet,  Uict.  —  Dict.  de  Trévoux.  —  V.  Appéter.) 

Appétit,  subst.  masc.  Convoitise,  volonté,  désir, 
besoin.  On  a  déjà  observé  qu'en  général  V appétit 
est  l'effet  d'un  sentiment  qui  invite  l'àme  à  vouloir 
et  à  rechercher  la  satisfaction  d'un  besoin  physique 
ou  moral.  (Voyez  Appeter.)  Quoiqu"rt;;/;t7/^  subsiste 
dans  le  sens  de  convoitise,  désir,  il  ne  signilieroit 
plus  la  volonté,  le  désir  de  voir  une  personne  qu'on 
aime. 

Et  Moigne,  et  Clerc,  et  Prestre,  ly  Grands  et  ly  Petit 
De  veoir  leur  Patron  avoient  aypétil. 

Ger.  de  Roussillon,  MS.  p.  201. 

Dans  le  sens  oîi  l'on  dit  que  l'honneur  veut 
qu'on  se  venge  d'une  parole  outrageante,  on  disoit 
figurément  : 

Combien  voit-on  de  dangers  courir 
Pour  quelque  bruit  d'un  faux  raport  qui  vole  ! 
Combien  voit-on  dliommes  braves  mourir 
A  l'oppvlit  d'une  seule  parole! 

Poés.  à  la  suite  des  Dialog.  de  Taliureau,  fol.  191,  R'. 

On  dit  encore  à  l'appétit  d'un  écii;  expression 
adverbiale  dans  laquelle  appétit  signifie  la  volonté, 
le  désir,  le  besoin  d'épargner  un  écu. 

Anciennement  le  besoin  de  vomir,  comme  le 
besoin  de  manger,  étoit  désigné  par  le  mot  appétit. 
On  disoit,  appétit  de  vomir.  (Voy.  Rob.  Estienne  et 
Nicot,  Dict.)  «  Les  Chevaliers  qui  n'avoient  mangé, 
«  et  qui  le  travail  du  Tournoy  avoient  souffert, 
«  dévoient  bien  avoir  appétit  de  manger.  »  (Percef. 
Vol.  V,  fol.  108,  R°col.  1.) 

Enfin,  l'acception  générale  à'appétit  étant  parti- 
cularisée, ce  mot  a  signifié  seul  et  signifie  encore  le 
besoin,  le  désir  de  manger.  Montaigne  ne  sentoit 
jamais  le  besoin  de  manger  qu'en  se  mettant  à  table. 
«  Pour  moy  (dit-il)  je  ne  mange  jamais  trop  tard  : 
«  Vappétil  me  vient  en  mangeant,  et  point  autre- 
«  ment.  Je  n'ay  point  de  faim  qu'à  table.  »  (Essais 
de  Montaigne,  T,  III,  p.  341.  --  Voy.  Appetitif.) 

L'insatiabilité  de  nos  désirs  est  si  naturellement 
exprimée  par  ces  mots  l'appétit  vient  en  mangeant, 
qu'on  en  a  fait  un  proverbe  dont  on  a  cru  que 
Jacques  Amyot,  évêque  d'Auxerre,  étoit  l'auteur. 
On  raconte  qu'ayant  paru  d'abord  ne  désirer  rien 
de  plus  qu'un  Bénéfice  qu'il  obtint,  il  demanda 
ensuite  l'évéché  d'Auxerre;  et  que  le  Roi  l'ayant 
plaisanté  sur  l'accroissement  de  ses  désirs,  il  ré- 
pondit: Sire,  l'appétit  vient  en  mangeant.  (Voyez 
Dict.  de  Trévoux.)  Mais  l'abbé  Lebeuf  croit  qu'Amyot 


(1)  Le  sens  juger  du  latin  percipere  permet  de  rendre  compte  de  ce  vers.  Mais  il  est  difficile  d'expliquer  la  locution 
s'apercevoir  de,  qui,  du  sens  de  voir  scn,  a  passé  au  sens  de  remarquer:  on  en  trouve  des  exemples  dans  la  Chanson  de 
Roland  :  «  Li  amiraiz  auquesi  s'en  aperceit.  »  Le  verbe,  neutre,  aura  ensuite  pu  s'adjoindre  le  pronom  réfléchi,  comme  se 
taire,  se  pâmer,  etc.  (n.  e.) 


AP 


65  - 


AP 


n'est  intéressé  pour  rien  dans  ce  proverbe,  «  en 
«  mangeant  V appétit  vient,  comme  dit  l'évêque 
«  d'Auxerre.  "  Cet  évéque  d'Auxene  lui  paroit  être 
Philippe  de  Lenoncourt  qui  fui  longtenis  appelé  en 
Cour  l'Evêque  d'Auxerre,  depuis  la  résignation  qu'il 
avoil  faite  de  cette  prélature,  et  qui  accumula  grand 
nombre  de  bénéfices.  (Voyez  Hist.  ceci,  et  civ. 
d'Auxerre.  T.  I,  p.  G'(5.)  Au  reste,  l'intempérance 
des  désirs  est  si  naturelle  à  l'homme,  qu'il  n'en  est 
presque  aucun  dont  le  cœur  n'ait  senti  que  l'appétit 
vient  en  mangeant.  On  ne  voit  donc  pas  trop  pour- 
quoi ce  proverbe  seroit  plus  propre  à  Philippe  de 
Lenoncourt  qu'à  Jacques  Amyot.  Une  chose  qui 
paroit  plus  vraie,  c'est  que  l'un  dé  ces  deux  évèques 
d'Auxerre,  et  peut-être  tous  deux  ont  répété  ce 
qu'avant  eux  nombre  de  personnes  auroient  pu  dire 
aussi  raisonnablement  que  l'avoit  dit  Angeston. 
(V.  Rabelais,  T.  1,  p.  27.)  Si  l'on  en  croit  Le  Duchat, 
«  Angeston  est  Jérôme  le  Hangest,  Docteur  de  Paris 
«  et  grand  Scholastique.  »  Rabelais,  qui  semble  le 
désigner  comme  auteur  du  proverbe,  Yappétit  vient 
en  mangeant,  prouve  évidemment  qu'il  n'y  a  pas 
plus  de  raison  d'en  attribuer  l'origine  ù  Philippe  de 
Lenoncourt  qu'à  Jacques  Amyot,  puisqu'il  écrivoit 
plusieurs  années  avant  que  l'un  et  l'autre  fussent 
évèques  d'Auxerre. 

VARIANTES  : 
APPÉTIT.  Orth.  subsist.  -  Géi'.  de  RoussiUon,  MS.  p.  201. 
Apétit.  Poës.  à  la  suite  des  Dialog.  de  Tahureau,  fol.  191. 

Appetitif,  adj.  Convoiteux,  désireux,  concupis- 
cible.  Appétissant.  Dans  le  premier  sens,  on  a  dit  : 

Pourquoy  sont-ilz  d'honneur  appetitifz? 

C.onliedilz  de  Songecreiix,  fol.  106,  R". 

La  faculté  appétitive  (1)  de  l'âme  est  ce  qu'en  style 
dogmatique,  on  nomme  appétit  concupiscible.  (Voy. 
Gotgr.  Oudin  et  Monet,  Dict.  —  Dict.  de  Trévoux.) 

On  connoît  l'espèce  de  métonymie  par  laquelle  le 
substantif  appétit  a  désigné  et  désigne  encore  cer- 
taines choses  qui  donnent  de  Yappétit  et  l'excitent. 
Delà,  vraisemblablement  l'adjectif  appetitif  ([ui, 
dans  un  sens  analogue  à  celui  du  verbe  appctisscr, 
signifioit  appétissant.  (Gotgr.  Dict.  —  V.  Ai-petisser.) 

Appiéceter,  verb.  Rapiéceter.  Mettre  des  pièces 
à  du  linge,  à  des  habits,  etc.  (Gotgr.  Dict.  —  V.  Pièce.) 

Appigner,  verbe.  Exhausser  un  mur,  un  bâti- 
ment, une  maison.  On  observera  que  dans  les 
Coutumes  de  trois  bailliages  de  Lorraine,  lit.  xiv, 
des  Servitudes,  le  verbe  rehausser  paroit  relatif  au 
verbe  appigner  dans  les  Coutumes  de  lévêché  et 
comté  de  Verdun,  tit.  xv,  des  Servitudes.  «  Quand 
«  aucun  édifie  et  dresse  mur  qui  soit  mitoyen  à  kiy 
«  et  à  un  autre,  celuy  qui  n'édifie  pas  et  qui  a 
«  moitié  audit  mur,  doit  contribuer  à  la  reédifi- 
«  cation  dudit  mur,  tant  en  fondement  que  jus([ues 
«  à  la  hauteur  de  la  closture;  et  au  résidu,  s'il  ne 
»  veut  contribuer,  l'autre...  peut  réédifier  ledit  mur 
«  et  y  faire  veue  au-dessus,  de  hauteur  de  closture. 


«  Et  neantmoins  si  l'autre  en  après  veut  réédifier 
«  et  appigner,  il  le  peut  faire  et  s'aider  dudit  mur 
«  en  payant  la  moitié  des  frais  et  dépens  qui 
«  auroient  esté  faits  pour  réédifier  ledit  mur,  et 
«  doit  celuy  qui  a  premier  réédifié,  boucher  ses 
«  veues.  »  (Nouveau  Coût.  gén.  T.  H,  p;ige  433.) 
Lorsque  dans  l'Ancien  Goût.  gén.  T.  Il,  p.  Î701,  on 
lit  que  «  si  de  plusieurs  voisins,  l'un  veut  bastir 
«  pour  mieux  ou  plus  commodément  se  loger,  il  lui 
«  est  loisible  de  contraindre  par  justice  ses  voisins 
«  de  contribuer  aux  fraiz  de  la  réparation  de  murs 
«  communs;  que  s'il  veut  les  reliaulser  plus  qu'à 
«  leur  hauteur  première,  faire  le  doit  à  ses  fraiz, 
«  en  y  faisant  faire  pour  tesmoignage  de  ce  fenestres 
»  de  maçonnerie  qu'il  sera  néanmoins  tenu  d'es- 
»  toupper,  si  le  voisin  voulant  se  servir  de  ladite 
«  rehausse,  offre  contribuer  aux  fraiz,  »  on  aperçoit 
la  relation  du  verbe  reliaulser  au  \evhe  appigner, 
exhausser  un  mur,  un  bâtiment,  une  maison.  Cette 
acception  du  verbe  appigner,  paroit  d'autant  plus 
vraie  qu'elle  est  analogue  à  une  origine  assez  pro- 
bable du  substantif  pigîion  (2).  (Voy.  Pignon.) 

Appigrets,  subst.  inasc.  Chose  où  l'on  grappille. 
Les  alfaires  qui  appartiennent  à  la  Chambre  des 
Comptes  étant  comparées  par  Rabelais  à  des  plants 
de  vignes,  mettre  ou  remettre  une  grappe  sur  le 
pressoir,  c'éloit  mettre  ou  remettre  une  affaire  sur 
le  bureau.  Pour  signifier  qu'on  tiroit  de  l'afTaire 
peu  de  gain,  peu  deproflt,  qu'ilyavoit  peu  de  chose 
à  gagner,  à  grappiller,  Gaigne-beaucoupdisoit  qu'on 
ne  trouvoit  pas  grand  appigrets  [3]  dans  la  grappe. 
(Voy.  Rabelais,  T.  V,  p.  73.)  Ce  mot  que  Rabelais  a 
sans  doule  forgé  d'après  sa  fantaisie,  et  dont  Got- 
grave  altère  l'orthographe,  en  écrivant  appigrès, 
ne  désigne  aucune  chose  à  l'usage  des  pécheurs. 
C'est  une  méprise  de  Golgrave  qui  l'explique  en  ce 
sens.  Il  ne  s'agit  point  de  pêche  dans  Rabelais,  mais 
de  vendange.  Ainsi,  le  mol  appigrets  paroit  signifier 
chose  où  l'on  grappille,  le  gain,  le  profit  qu'on  tire 
d'une  afl'aire  comparée  à  une  grappe  de  raisin  dont 
on  exprime  la  liqueur  en  la  pressurant.  On  soup- 
çonne que  dans  une  signification  relative  à  l'accep- 
tion figurée  â'appigrets,  gain,  profit,  le  sobriquet 
Apigratis  aura  désigné  un  Cuisinier  qui  grappille» 
qui  fait  de  petits  profits  injustes.  (Voy.  Apigratis.) 

VARIANTES  : 
APPIGRETS.  Rabelais,  T.  V,  p.  73. 
Appigrès.  Cotgrave,  Dict. 

Applauier,  verbe.  Aplanir,  planer,  doler,  raser. 
Polir,  rendre  doux  au  toucher.  Caresser  du  plat  de 
la  main,  tlatter,  adoucir,  apprivoiser,  accoutumer. 

La  signification  propre  d'applanier  est  aplanir, 
égaler  fa  surface  de  certaines  choses  en  les  planant, 
en  les  dolant.  «  Prenés  un  billot  qui  ayt  un  demy- 
«  pied  de  long,  et  l'aplanés  à  un  bout,  pour,  etc.  » 
(Modus  et  Hacio,  fol.  83,  R°.  —  Voy.  Plamer.)  Dans 
le  Dict.  lat.  fr.  ms.  qu'a  publié  le  P.  Labbe  (Etym. 


(1)  «  Selonc  Arislote,  cinc  puissancf-s  ou  parties  de  l'àme  sont,  c'est  assovoir  la  veg.  tative,  la  spnsitive,  Vappetitive, 
l'intellective,  la  motive.  »  (Oresme.  thèse  de  Meunier.)  (n.  t.)  —  (2)  On  p  mrr  àt  remontir  jusqu'au  latin pJHim, créneau.  (N.  K.) 
—  (3)  N'y  aurait-il  pas  là  le  mot  apis,  abeille  ;  appigrets  signifieri.it  alors  ce  que  l'abeille  a  Ijutiné.  (n.  e.) 

II.  '  9 


AP 


66  — 


AP 


fr.  p.  498),  le  verbe  latin  dolare  est  rendu  par  le 
françois  uplaigner,  le  même  qu'aplaner  dans  les 
vers  suivans  : 

.  .  .  L'un  des  arcs  esloit  de  bois, 

Tout  cornu  et  mal  aplani:. 

Tout  plaiii  de  neuds  et  mal  tourné. 

Rom.  de  la  Rose,  vers  925-927. 

C'est  relativement  à  l'idée  d'une  surface  plane  et 
égale,  qu'applanier  a  signifié  raser  une  ville,  raser 
les  murs  d'une  forteresse.  »  Frai  de  Jérusalem 
«  cume  fait  l'ai  de  Samarie...  Si  la  destruirai,  aba- 
«  ferai  e  aplanierai,  si  cume  l'un  sultplanier  tables 
c<  de  graife.  »  (Livres  des  Rois,  jis.  des  Cordel. 
fol.  149,  R"  col.  I.) 

Cilz  de  hors  sont  au  mur  monté, 
En  pluseurs  lieux  l'ont  effondré  ; 
Après  ont  tout  aplanie, 
Fossé  et  mur  égaiUié  ; 
Puis  passèrent  tout  plainement. 

Rom.  du  Brul,  JIS.  fol.  48,  V"  col.  2,  et  49,  R"  col.  1. 

On  conçoit  que  ce  verbe  ait  pu  désigner  plusieurs 
autres  idées  aussi  relatives  à  celle  d'une  surface 
plane  et  polie;  surface  qu'en  même  temps  il  peint 
douce  au  toucher.  Tel  est  par  comparaison  le  poil 
du  cbevreuil,  lorsqu'il  n'est  point  hérissé.  «  Quant 
«  il  fuit  au  commencement  devant  les  chiens,  il 

»  fuit...  tout  héricié Quant  il  a  fouy  longue- 

>'  ment,  il  fuit  le  poil  tout  aplaignié,  et  n'est  point 
<•  héricié.  »  (Chasse  de  Gaston  Phébus,  ms.  p.  39.) 

Peut-être  faisoit-on  allusion  ii  l'idée  d'une  chose 
douce  au  toucher,  lorsqu'en  parlant  d'un  jeune 
Prince  dont  on  avoit  soigné  la  parure  en  le 
peignant,  en  le  baignant,  en  le  parfumant,  ondisoit 
qu'il  étoit  aplanoiié. 

Lavés  fu  et  aplanoucs, 
Et  atournés  si  coume  cil 
Qui  fius  estoit  à  Roi  gentil. 

Ph.  Mouskes,  MS.  p.  508. 

Quoi  qu'il  en  soit,  applanier  exprimoit  en  géné- 
ral l'effet  de  l'action  douce  et  coulante  du  plat  de  la 
main  sur  la  télé  d'un  enfant,  sur  le  poil  d'un  chien, 
d'un  cheval,  sur  le  plumage  d'un  faucon,  etc. 
lorsque  dans  la  signification,  caresser  du  plat  de  la 
main,  flatter,  on  disoit  :  «  Comme  ladite  nourrisse 
"  eust  respondu  que  c'estoit  une  fille....  la  Déesse 
"  lielene  la  print  et  luy  applania  le  chef  aucune 
«  espace,  puis  la  rendit  à  la  nourrisse.  »  (J.  Le 
Maire,  lllustr.  des  Gaules,  liv.  n,  p.  261.)  «  Fist 
>■  aplainier,  et  grater,  et  tirer  le  lévrier  par  le  col- 
«  lier...  mais  il  ne  se  bouga.  »  (Chasse  de  Gast. 
Phébus,  MS.  p.  91.)  «  Quant  le  cheval....  sentit  sa 
"  main  qui  luy  aplanijoit  son  doz,  etc.  »  (Percef. 
Vol.  11,  fol.  45.)  «  11  vint  h  son  destrier  qu'il  apla- 
>>  niait  doucement,  et  mist  le  pied  en  l'estrief.  » 
(Hist.  de  B.  du  Guesclin,  par  Menard,  p.  370  et  371.) 

Le  ceval  forment  convoitoit  ; 
Souvent  l'acole  et  aplanie, 
Et  le  ceval  si  bel  manie, 
Por  un  poi  ne  le  vait  baisant  ; 
Il  vit  le  ceval  si  plaisant. 

Ane.  Poft.  Fr.  MSS.  avant  1300,  T.  IV,  p.  1350. 

il  aplanie, 

Il  li  fait  chiere  trés-Ue, 

Que  li  faucons  bien  apperçoit 

Que  son  service  en  gre  reçoit. 

G.  Macliaul,  PoCs.  MSS.  fol.  207,  R-  col.  2. 


Par  cette  manière  de  caresser  les  oiseaux  et  au- 
tres animaux,  ils  s'adoucissent  et  s'apprivoisent. 
De  là,  le  verbe  applanier  signifioit  apprivoiser, 
quelle  que  fût  la  façon  d'apprivoiser,  d'accoutumer 
un  oiseau  ou  autre  animal,  à  être  docile  à  la  volonté 
de  l'homme.  En  parlant  du  faucon,  l'on  disoit  : 
"  Qui  a  ung  faulcon  nouvel...  lui  doit  faire  geclz  de 
«  cuir  de  cerf  mol  et  une  laisse  de  cuir,  laquelle  doit 
«  estre  attachée  au  gant;  et  doit  eslre  pendue  une 
«  petiic  boiiclele  à  une  petite  cordelele,  de  laquelle 
«  on  doit  mener  et  aplainer  le  faulcon  souvent.  » 
(Modus  et  Racio,  fol.  59,  V".) 

Sobresse  duit  les  faulcons  et  affete  ; 
A  hault  voler  les  duit  et  apla»ie. 

Al.  Cliartier,  Poës.  p.  592. 

On  adoucit  les  hommes,  on  les  apprivoise,  on  les 
accoutume  à  tout,  même  à  la  douleur,  en  les  trai- 
tant comme  l'on  traite  certains  animaux,  en  les 
caressant,  en  les  flattant.  De  là  encore,  l'acception 
générale  et  figurée  à'applanier,  caresser,  flatter 
l'humeur  d'un  homme,  sa  fierté,  sa  passion,  sa 
douleur.  «  11  ne  faisoit  sinon  dire  :  Chevalier 
«  malheureux  !  Adonc  l'allèrent  applanier  qu'ilz  le 
«  firent  monter  sur  son  cheval.  »  (Percef.  Vol.  I, 
fol.  156,  R°col.  1.) 

Espoir  par  fois  le  vient  applanier. 

Œuv.  de  Rog.  de  CoUerye,  p.  166. 
Deus  !  ki  sauroit  com  norrist  et  aplaigne 
Amors  tous  ceux  ke  ne  sont  entaichié 
De  fauceteit,  ne  de  boise  enpirié  ; 
Pouc  puet  prixier  dolor  ke  l'an  avaigne. 

Chaus.  Fr.  MS.  de  Berne,  n-  389.  part,  n,  fol.  44,  Vv 

.  .  .  Tant  n'el  sot  aplanoier 
K'il  vosist  Gormont  renoiier. 

Ph.  Mouskes,  MS.  p.  367. 
....  Ceaus  qui  sevent  losengier. 
Ne  les  Seigneurs  uplanier,  etc. 

Alars  de  Comliray,   Moral.  MS.  de  Gaignat,  fol.  165,  V  col.  3. 

Costume  est  de  traître  de  que  redote  aplaigne. 

Hist.  de  Job,  envers,  MS.  de  Gaignat,  fol.  133,  V  toi.  1. 

Enfin  quelle  que  fût  la  manière  de  flatter  la  sen- 
sibilité raisonnable  ou  déraisonnable  d'un  homme, 
ou  la  comparoit  visiblement  à  la  manière  de  cares- 
ser certains  animaux,  tels  que  le  chat,  le  chien,  etc. 
puisqu'on  disoit  : 

.  .  .  Bien  lo  sauroiz  aplaignier 
Si  con  l'an  aplaigne  lo  chat. 

Rom.  de  Perceval,  MS.  de  Berne,  n"  354,  fol.  244,  R-  col.  2. 

C'est  proprement  une  caresse  du  plat  de  la  main 
que  désigne  le  verbe  applanier  employé  substanti- 
vement dans  les  vers  suivans  : 

.  .  .  Trop  plus  douche  est  la  bature 
Dou  poing  qu'on  aime  par  nature, 
Que  d'un  fauls  li  aplaniicrs 
Qui  est  de  llater  raaniiers. 

Hist.  de  Job,  en  vers,  MS.  de  Gaignal,  fol.  174,  R'  col.  1. 

VARIANTES    : 
APPLANIER.  Percef.  Vol.  1,  fol.  156,  R»col.  1. 
Aplaigneu.  Rom.  de  Perceval,  MS.  de  Berne,  n»354.  f.  244. 
Aplaignieh.  Uom.  de  Perceval,  ubi  supra. 
Aplainer.  Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  994. 
Aplaingner.  Chasse  de  Gast.  Phébus,  MS.  p.  99. 
Aplaingnier.  Estiubert,  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7996,  p.  85. 
Aplainier.  Chasse  de  Gast.  Phébus,  MS.  p.  91. 
Aplmnxer.  Fabl.  de  Morel,  MS.  de  N.  D.  fol.  7i. 
Aplainnoier.  Ibid.  fol.  72,  R»  col.  1. 
Aplaner.  Rom.  de  la  Rose,  vers  926. 


AP 


—  67  — 


AP 


Aplanier.  Livres  des  R.  MS.  des  Cordel.  fol.  149. 
Aplaniier.  Hist.  de  Job,  eu  vers,  MS.  de  Gaignat,  fol.  174. 
Apl.\noier.  Ph.  Mouskes,  MS.  p.  367. 
Aplanoiier.  Id.  p.  508. 
/Vplanoyer.  Cotgrave,  Dict. 

Aplanyer.  Gace  de  la  Bigne,  des  Déduits,  MS.  fnl.  76. 
Applaigner.  Rom.  de  la  Rose,  vers  7302. 
Applanoyer.  Rom.  de  la  Rose,  vers  7802. 
Applanyer.  Ibid.  vers  17267. 

Applanieur,  snbst.  masc.  Aplaneur.  Ancienne- 
meiil,  tout  homme  dont  l'occupation  étoit  d'aplanir 
des  choses  inégales,  se  désignoit  par  le  mot  appla- 
nieur. (Voy.  Cotgrave  et  Nicot,  Dict.)  On  observera 
néanmoins  d'après  Nicot,  que  ce  mol  ap/)la7iieiir.  le 
même  qu'appUmisseur,  a  signifié  plus  particulière- 
ment un  ouvrier  que  dans  les  manufactures  de 
couvertures  et  de  draps,  on  nomme  encore  apla- 
neur; par  la  raison  peut-être  qu'en  faisant  venir 
avec  des  chardons  la  laine  aux  couvertures  et  aux 
draps,  après  la  première  tenture,  il  les  aplanit  et 
les  rend  doux  à  la  main.  (Voy.  ArrL.\NiF,R  et  Ai-pla- 

NISSEUR.) 

Applanir,  verbe.  Polir,  rendre  brillant.  (Voyez 
Applanissrmknt  et  Applanisseur.)  On  ne  trouve  le 
verbe  applanier  avec  la  signification  de  notre 
verbe  applanir,  qu'en  remontant  à  l'origine  de  no- 
tre langue.  (Voy.  Applanikr.)  Peut-être  (\u  applanier 
n'étant  plus  connu  qu'avec  la  signification  de  cares- 
ser, flatter,  les  Auteurs  du  xvi*  siècle  éprouvèrent 
le  besoin  du  verbe  applanir,  et  crurent  en  être  les 
créateurs,  avec  d'autant  plus  de  vraisemblance 
qu'avant  eux  il  paroit  avoir  été  d'un  usage  très- 
rare.  C'est  relativement  aux  choses  qu'on  rend  bril- 
lantes en  les  aplanissant,  que  le  verbe  applanir  a 
signifié  rendre  brillant ,  polir  ,  comme  l'ancien 
verbe  applanier  signifioit  polir,  rendre  doux  au 
toucher. 

Si  eut  avecques  ce  Richesse 

Ung  cadre  d'or  mis  sur  sa  tresse... 

De  pierres  estoit  fort  garni 

Précieuses,  et  aphuuj  (1). 

Rom.  de  la  Rose,  vers  1098-1103. 

VARIANTES  : 
APPLANIR.  Cotgrave,  Rob.  Estienne,  Nicot  et  Monet,  Dict. 
Aplanir.  Orth.  subsist.  —  Rom.  de  la  Rose,  vers  1103. 

Applanissement,  subst.  masc.  Aplanisse- 
ment.  L'action  d'aplanir,  de  polir.  (Voy.  Cotgrave, 
Bob.  Estienne,  Nicot  et  Monet,  Dict.)  Il  paroit  que  la 
formation  du  iv\\)s,l-AnV\Uipplanissement  est  relative 
au  commencement  ou  au  renouvellement  de  l'usage 
du  verbe  applanir.  (Voy.  Applanir.) 

VARIANTES  : 
APPLANISSEMENT.  Rob.  Estienne  et  Nicot,  Dict. 
Applanisement.  Cotgrave,  Dict. 
Applanissemant.  Monet,  Dict. 

Applanisseur,  subst.  masc.  Aplaneur.  L'ac- 
ception générale  et  particulière  à' applanisseur  étoit 
la  même  que  celle  à'applanieur.  (Voy.  Nicot  et 
Monet,  Dict.)  Ainsi  la  différence  de  ces  deux  mots 
n'est  que  dans  la  terminaison  ;  l'une  analogue  à 


celle  du  verbe  applanier,  et  l'autre  à  celle  du  verbe 
applanir.  (Voy.  Applanieur.) 

Applatir,  verbe.  Faire  tor.:!'^"  tout  à  plat,  éten- 
dre mort  par  terre.  Le  verbe  applatir  dont  on  con- 
noit  l'acception  usitée,  a  signifié  faire  tomber  tout 
à  plat,  étendre  mort  par  terre,  ;'(  plate  terre.  «  Tant 
«  de  Lombars...  t'eurent  fl/^/;/«//,s et estendus,  que... 
«  on  eust  peu  dire  que  guerre  atîamée  avoit  illec 
«  faict  une  repeue.  »  (J.  d'Auton,  Annal,  de 
Louis  XII,  an.  1499-1501,  p.  37.  —  Voy.  Platir.) 

Applatissement,  subst.  masc.  Aplatissement. 
L'action  d'aplatir,  de  rendre  plat.  (Cotgrave,  Dict.  — 
Voy.  Applatir.) 

Applaudir,  verbe.  Rendre  favorable.  Flatter  en 
donnant  des  claques.  Quelques  Elymologistes 
croient  avec  assez  de  vraisemblance,  que  le  verbe 
simple  plaudere,  d'où  le  composé  applaudere,  en 
franç.ois  applaudir,  est  un  mot  formé  à  l'imitation 
d'un  bruit  auquel  on  a  comparé  celui  du  battement 
de  mains,  signe  ordinaire  d'approbation  et  de 
faveur.  De  \h,  notre  verbe  applaudir  a  signifié  et 
signifie  encore  approuver,  favori^-er.  Mais  on  ne 
diroit  plus  qu'un  \\omme  cowp-AhXe  uplaudit  son  fait, 
lorsqu'il  le  rend  favorable,  en  alléguant  des  choses 
propres  à  le  soustraire  à  la  rigueur  de  la  Loi. 
«  Thomas  dist  qu'il  l'avoit  frappé  d'une  fourche  de 
«  bois,  combien  que  en  vérité  il  n'en  feust  riens  : 
«  mais  le  dist  pour  aplnudir  et  coulourer  son 
"  fait.  »  (Lett.  de  grâce,  an.  1391  —  Voy.  D.  Car- 
pentier,  Suppl.  Gl.'lat.  de  Du  C.  h  Applausivus.) 

Il  semble  qw'ap/ilaudir,  dans  le  sens  de  flatter, 
désigne  le  bruit  que  l'ait  la  main  sur  le  dos  d'un 
chien  qu'on  flatte  en  lui  donnant  des  claques,  en  le 
frappant  légèrement  sur  le  dos.  «  Il  doit  approcher 
X  son  limier,  Yapplaudissnnt  de  la  main  et  luy 
«  donnant  queUiuc  friandise  ;  puis  l'exciter  et  par- 
«  1er  à  luy.  »  (Fouilloux,  Vén.  fol.  113,  V°.) 
variantes  : 

APPLAUDIR.  Orth.  subsist.  -  Fouilloux,  Vén.  fol.  113,  V°, 

Aplaudir.  D.  Carpentier,  S.  Gl.  1.  de  D.  C.  à  Applausivus. 

\pp\sins,ement,  subst.  masc.  Applaudissement. 
(Voy.  Applaudir.)  «  Ne  cherchons  honneur  ny  ap- 
»  plausement  des  hommes,  mais  la  vérité  seule.  » 
(Rabelais,  T.  II,  pag.  178.  — Voy.  Plaudissement.) 

Applégenient,  subst.  masc.  Complainte,  action 
possessoire.  La  raison  pour  la([uelle  applégenient, 
dans  le  sens  général  cautionnement,  caution,  a 
signifié  complainte,  action  possessoire,  est  que  dans 
les  cas  où  la  Loi  aulorisoit  l'action  possessoire,  la 
complainte,  il  fatloit  que  la  Partie  complaignante 
?>'aplilérieât,(\n'el\e  donntàt  une  caution,  sans  la- 
quelle la  Partie  adverse  restoit  saisie.  (Voy.  Applé- 
GER.)  Mais  la  caution  de  poursuivre  le  plait,  une 
fois  donnée  par  le  Demandeur  en  complainte,  il 
obtenoit  la  saisine  qu'on  ôtoit  au  Défendeur,  à 
moins  qu'il  ne  donucàt  aussi  caution,  qu'il  ne  se 


(1)  De  l'existence  du  participe  aplany,  il  ne  faut  pas  conclure  à  celle  d'aplanir  ;  la  rime  a  bien  pu  amener  la  formation  de 
ce  participe,  (n.  e.) 


AP 


—  68  — 


AV 


contr'applégeât.  Ainsi  les  complaintes,  en  deman- 
dant et  en  défendant,  furent  nommées  rt/jy^/('Y/'''"<'«s 
et  conlr'applcfjcniens,  parce  qu'il  y  avoit  une  cau- 
tion réciproiiue,  au  moyen  de  la(|uelle,  la  chose 
litigieuse  éloit  séquestrée  en  main  de  Justice.  (Voy. 
Contu'ai'flégement.) 

Anciennement,  icipplcger,  se  compla'nidrc  d'avoir 
été  dessaisi  de  choses  dont  on  ^  avoit  été  an  et  jour 
«  en  sezine  pcsiblement,  c'étoit  s'appléger,  se 
«  comphiindre  de  nouvelle  dessaisine.  »  On  venoit 
à  son  Sei;jneuret  on  lui  disoit  :  "  Sire,  uns  riche 
«  ou  tit>x  hons  est  venus  à  moy  d'une  meson,  ou 
«  de  pré,  ou  de  vignes,  ou  de  terres,  on  de  cens,  ou 
«  d'autres  choses,  et  m'a  desseisi  de  nouvele  des- 
«  sesine,  que  je  exploitié  au  seu  et  au  veu ,  en 
«  servage  de  Seigneur  jusques  ii  ores,  que  il  m'en 
a  a  dessaisi  à  tort  et  ù  force  dont  je  vous  pri  que 
"  vous  prengniez  la  chose  en  vostre  main.  »  Il  falloit 
dès-lors  «  mettre  pleiges  à  poursuivre  le  plet;  » 
autrement  la  Partie  adverse  resloit  saisie  de  la 
chose  conteutieuse.  Si  le  demandeur  en  complainte 
donnoit  caution,  s'il  «  mettoit  pleiges  bons  et  souf- 
»  fisans,  selon  ce  que  la  querele  étoit  grande,  »  sa 
Partie  étoit  mandée  par  le  Seigneur  qui  lui  disoit  : 
«  Cil  a  mis  bons  pièges  qu'il  est  dessesi  à  tort  et  à 
«  force  de  tele  chose  ...  je  vuel  syavoir  se  vous 
«  meltrés  pièges  au  deiïendre.  »  Dans  le  cas  où  le 
Défendeur  en  complainte  refusoitde  «  mettre  pièges, 
«  de  se  coiitr'ajipU'gev,  »  le  Demandeur  avoit  la 
saisine  de  la  chose  conteutieuse,  «  pour  les  pièges 
«  qu'il  y  avoit  mis.  »  S'il  répondoit  au  contraire: 
«  Je  i  mettre  bons  pièges  au  deffendre  .  .  .  que  ce 
«  est  ma  droiture,  la  .Justice  devoit  mettre  jour  aus 
«  deus  Parties  et  tenir  la  chose  en  sa  main  jusques 
t>  à  tant  que  liquiex  que  fust,  eust  gaigniée  la  sai- 
«  sinne  par  droit.  »  (Voy.  Ord.  T.  I,"p."lâ7  et  158. 
—  Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis,  p.  167.) 

On  pouvoit  être  dessaisi  à  tort,  sans  être  dessaisi 
à  force  ;  c'est-à-dire  que  l'injustice  dont  on  se  com- 
plaignoit  en  cas  de  nouvelle  dessaisine,  n'ètoit  pas 
toujours  accompagnée  de  violence.  De  là,  Beauma- 
noir aura  distingué  ce  qui  paroit  confondu  [ubi 
supra,  chap.  lxv  des  Etablissemens  de  S'  Louis),  en 
séparant  la  nouvelle  dessaisine  à  tort  de  la  nouvelle 
dessaisine  à  force  qu'il  nomme  le  casde force.  Cette 
distinction  est  d'autant  moins  essentielle,  que  le 
cas  de  force  étoit  au  cas  de  nouvelle  dessaisine  ce 
que  l'espèce  est  au  genre;  puisque  de  l'aveu  même 
de  Beaumanoir,  «  nule  tele  force  n'estoit  sans  nou- 
a  vêle  desezine.  Aussi  se  complaignoi!  on  de  nou- 
«  velle  dessaisine  dans  le  cas  de  force  :  mais  lorsque 
«  forche  avoit  été  fête  à  le  dessaisine ,  c'est-à-dire, 
«  lors(iu'on  avoit  été  dessaisi  a  grant  planté  de 
«  gent  ou  à  armes,  si  qu'on  n'i  osasl  estre  pour 
«  paour  de  mort,  on  pouvoit  le  mettre  avant  en  son 
«  clain,  dans  sa  complainte  de  nouvelle  dessaisine.  » 
(Voy.  Beaumanoir,  Coût,  de  Beauvoisis,  p.  37,  167.) 
Alors,  la  complainte  ou  l'action  possessoire  étoit  à 
la  fois  civile  et  criminelle. 


Enfin  les  •<  complaintes  de  nouvelle  dessaisine  à 
'<  tort  et  à  force  dévoient  être  applegiées,  »  par  la 
raison  ((u'eu  celte  matière  il  y  avoit  «  condamnation 
"  de  dépens.  »  Quoique  Ragueau,  dans  son  Indice 
des  Droits  royaux ,  cite  en  preuve  du  contraire, 
"  l'arreslde  la  Dame  de  Vierzon  contre  l'Abbé  de 
«  Foucombaut  (1),  es  Enquestes  du  Parlement  de 
«  Toussaints  1275,  »  il  semble  qu'on  n'en  doive  con- 
clure autre  chose,  sinon  que  cet  Arrêt  n'ètoit  pas  dans 
les  principes  de  l'ancienne  Jurisprudence  établie 
par  S'  Louis.  «  Quar  droit  est  qui  fait  autre  dessai- 
«  sir,  et  il  li  met  sus  que  il  l'a  dessesi  à  tort  et  à 
«  force  et  il  perd  la  querèle,  il  doit  rendre  à  l'autre 
«  partie  ses  coûts  et  ses  despens,  pour  ce  que  il  l'a 
«  fet  dessaisi!',  et  pour  ce  en  prend  l'en  les  pièges.  » 
(Ord.  T.  I,  p.  158.  —  Voy.  Laurière,  Gloss.  du  Dr. 
Fr.  T.  I,  p.  55  et  56.) 

On  avoit  les  mêmes  raisons  d'o])server  la  forma- 
lité de  Yajiplégement  Qldu  contr'applégemenl,  pour 
la  «  complainte  de  nouvelle  eschoite  :  »  complainte 
par  laquelle  un  héritier  se  reconnoissant  dessaisi 
par  l'usurpateur  d'une  succession,  demandoil  à  être 
mis  en  possession  et  saisine  des  héritages  dont  étoit 
«  mort  saisi  puis  an  et  jour  »  celui  à  qui  il  avoit 
droit  de  succéder.  »  Quant  aucun  va  de  vie  à  tres- 
«  passement,  et  celuy  qui  doit  estre  héritier,  est 
«  empesché  es  choses  de  la  succession,  ou  en  géné- 

«  rai  ou  en  particulier; s'il  veut,   il   peut 

»  venir  devers  le  Seigneur,  son  Seneschal  ou  Ser- 
«  gent  du  Baillage  dont  les  choses  sont  sujettes, 
«  dedans  l'an  après  la  mort  du  detTunt  du  quel  il 
■<  se  dit  héritier,  et  déclarer  comment  il  est  pro- 
«  chain  parent  et  héritier  dudit  deffunt ,  et  à  luy 
«  appartient  à  venir  et  eslre  l'eceu  à  la  possession 
«  et  saisine  des  biens  dont  étoit  mort  ledit  deffunt 
«  vêtu  et  saisi  puis  an  et  jour  ....  et  suffit  s'il  dit 
«  par  certains  degrés  et  moyens  a  declairer  en 
«  temps  et  en  lieu,  et  que  pour  ce  soy  s'applege  de 
«  nouvelle  succession  ou  eschoite,  contre  tous  ceux 
«  qui  opposer  ou  contr'appleger  se  voudront.  » 
(Ane.  Coût,  de  Poitou,  chap.  xvin.)  Lorsqu'il  y  avoit 
«  applégement  et  contr'applégement,  la  chose  con- 
«  teutieuse  étoit  mise  en  main  de  Cour.  »  (Voyez 
Laurière,  Gloss.  du  Dr.  Fr.  T.  I,  p.  55-58.) 

En  comparant  le  chapitre  xvmdela  très-ancienne 
Coutume  de  Poitou  avec  le  chapitre  iv  du  Livre  II 
des  Etablissemens  de  S'  Louis,  on  pense  que  «  de- 
«  mander  sésine  d'héritage  »  signifie  la  même  chose 
que  s'appléger  de  nouvelle  eschoite.  «  Quiconques 
«  demande  sesine  d'héritage,  il  le  doit  demander 
»  en  tèle  manière:  Mon  père  ou  mon  frère,  mon 
«  cousin  ou  mon  parent  morut  sesis  et  vestus, 
«  tenans  et  prenans,  ploians  et  desploians  tenant 
»  de  Seigneur,  et  à  ilel  temps,  que  il  ala  de  vie  à 
"  mort,  et  morut  en  paisible  sesine,  sans  suite  de 
«  nului  et  de  tel  héritage,  ....  et  est  assis  en  tel 
"  sesine,  et  en  tel  lieu,  et  en  tel  fié ,  et  comme  je 
«  soie  le  plus  prochains  hoirs,  et  de  cèle  part,  dont 
«  li  héritage  muet,  et  cil  tienne  à  tort  lesdites  cho- 


(i)  Aujourd'hui  Fontgombault,  en  Berry  (Indre). 


AP 


69  — 


AP 


«  ses,  dont  je  requiex  à  avoir  la  sesine;  et  bien 
«  m'en  enlignageray  envers  luy,  se  il  le  me  nie, 
«  en  fesant  vers  vous  ce  que  je  devré,  couime  vers 
«  Seigneur,  ou  Droit;  sçavoir  mon  ,  se  je  le  dois 
«  avoir  ou  non.  »  (Ord.  T.  I,  p.  '2i9.)  Pi  l'on  juge 
d'après  celle  comparaison ,  que  la  demande  de 
«  saisine  d'héritage  «  soit  ce  qu'on  nomme  applé- 
gemcnt  de  nouvelle  eschoite  dans  la  très-ancienne 
Coulume  de  l'oilou,  on  en  conclura  que  Vapidége- 
ment  ou  coinplahite  de  nouvelle  eselioite  n'étoil  pas 
d'un  usage  moins  ancien  que  Vapplégenient  ou 
«  complainte  de  nouvelle  dessaisine  à  tort  et  à 
«  force.  »  Dans  le  «  cas  de  nouvelle  eschoite,  » 
comme  dans  celui  de  «  nouvelle  dessaisine  avec  ou 
«  sans  force,  »  le  complaignanl  qui  s'avouoit  des- 
saisi, agissoit  pour  acquérir  la  saisine  et  la  posses- 
sion, ou  pour  les  recouvrer. 

Il  semble  qu'il  y  avoit  aussi  dessaisine  dans  le 
cas  du  nouveau  trouble  que  Beaumanoir  définit  en 
ces  termes:  «  Nouviaus  troubles  si  est  se  je  ai  esté 
«  en  sezine  an  et  jour  d'une  chose  pesibiement  et 
«  l'en  m'empeesche  ....  coume  se  l'en  oste  mes 
«  vendengeurs  ou  mes  ouvriers  d'une  vigne  ou 
«  d'une  terre  dont  j'aurai  esté  en  sezine  an  et 
«  jour,  ou  en  assés  autiex  cas  semblables  se  sont 
«  nouviau  trouble  ....  et  ai  bonne  action  de  me 
«  plaindre  si  que  la  chose  me  soit  mise  arrière  en 
"  pésible  estât.  La  procédure  en  cas  de  nouveau 
«  trouble,  comme  en  celui  de  nouvelle  dessaisine 
«  avec  ou  sans  force,  devoit  se  faire  selonc  l'Esta- 
»  blissement  le  Roy.  Quand  la  complainte  ou  le 
«  clain  seur  nouviau  trouble  estoit  fait,  le  Comte 
«  ou  son  Lieutenant  devoit  contraindre  la  partie 
«  adverse  à  connoislre  ou  à  nier:  mes  tant  i  avoit 
«  de  délai  que  se  il  vouloit,  il  avoit  jour  de  voue, 
'<  et  au  jour  de  le  veue  11  Quens  devoit  envoler,  et 
«  se  il  treuvoit  le  lieu  dessesi ,  il  le  devoit  faire 
«  ressesir  tout  à  plain  avant  que  il  envoiast  nules 
«  des  detl'ences  au  delfendeur  ;  et  le  lieu  ressesi , 
•■  les  choses  dévoient  tenir  en  la  main  le  Comte,  et 
«  puis  connoistre  la  nouvelle  dessesine  aprez  ce 
«  jour  de  veue.  »  (Voy.  Beaumanoir,  Coût.  deBeau- 
voisis,  p.  1G7.)  Peut-être  reconnoitra-t-on  la  pre- 
mière trace  de  celte  procédure  en  cas  de  nouveau 
trouble,  dans  les  Elablissemens  de  S'  Louis,  liv.  II, 
chap.  .\u,  où  on  lit:  «  Quand  aucuns  est  plaintif  en 
«  jugement  d'aucune  personne  qui  est  venus  à  son 
«  droit,  et  à  son  fié,  ou  à  sa  seignorie,  à  force  et  à 
«  tort  d'armes,  et....  a  portez  ou  fet  porter  mes... 
«  muebles  dont  je  requier  que  li  lieus  en  soient 
«  saisis  entérinement,  et  mes  dommages  amender 
«  jusques  la  monstrance  de  cent  livres,  etc.  » 
(Ord.  T.  I,  p.  289  ) 

Que  le  nouveau  trouble,  sous  le  règne  de  S' Louis 
et  du  temps  de  Beaumanoir,  fût  une  «  dessaisine 
«  de  meubles  ou  d'autres  choses  »  dont  l'enlève- 
ment troubloit  la  possession  d'un  an  et  jour,  on 
croit  en  voir  la  preuve,  non-seulement  dans  la 
nécessité  de  saisir  ou  ressaisir  les  lieux,  des  choses 
qui  en  avoient  été  enlevées,  mais  encore  dans  l'ex- 
pression nouvelle  dessaisine,  que  Beaumanoir  sem- 


ble rendre  commune  au  nouveau  trouble,  en  disant 
qu'après  jour  de  vue,  les  lieux  étant  ressaisis  et  les 
choses  tenues  en  la  main  le  Comte,  on  connoissoit 
la  nouvele  dessesine.  (Coût,  de  Beauvoisis,  iibi  su- 
pra.) Il  est  vrai  que  dans  le  cas  de  nouveau  trouble, 
le  complaignanl  ne  se  disoit  pas  dessaisi  de  la  terre, 
de  l'héritage  même,  comme  dans  les  «  cas  de  nou- 
«  velle  eschoite  et  de  nouvelle  dessaisine  avec  ou 
«  sans  force:  »  mais  il  pouvoit  se  dire  dessaisi  de 
choses  essentielles  à  la  possession  de  ce  même 
héritage,  de  cette  même  terre.  Alors  Vappléf/emeiit 
ou  complainte  de  nouveau  trouble  n'éloit  point  un 
applégemenl  ou  «  complainte  en  cas  de  saisine  et 
«  de  nouvelleté  ;  puisque  celuy  qui  se  plaint  en  cas 
«  de  nouvelleté,  »  dit  l'auteur  du  grand  Coutumier 
de  France,  se  doit  garder  de  dire  qu'il  soit  dessaisy 
ou  despouillé  de  sa  saisine  :  «  car  il  ne  pourroitpas 
«  intenter  la  nouvelleté,  s'il  ne  possédoit  ou  con- 
«  tendoit  posséder.  »  (Voy.  G''.  Coût,  de  Fr.  liv.  n, 
page  loi.) 

Quelque  générale  que  soit  l'opinion  oi!i  l'on  est 
qu'anciennement  le  cas  de  nouveau  trouble  étoit  le 
même  que  «  le  cas  de  saisine  et  de  nouvelleté,  »  il 
est  au  moins  douteux  qu'on  puisse  la  fonder  sur  le 
chapitre  xxxH  des  Coutumes  de  Beauvoisis,  où  est 
défini  le  nouveau  trouble,  et  sur  le  chapitre  de  la 
saisine  dans  les  Elablissemens  de  S'  Louis.  C'est 
néanmoins  d'après  ces  deux  prétendues  autorités 
qu'on  taxe  l'auteur  du  grand  Coulnmier  de  France, 
d'en  avoir  imposé,  en  disant  que  Messire  Simon  de 
Bucy,  Premier  Président  du  Parlement  de  Paris,  fut 
le  premier  qui  «  trouva  et  mist  sus  le  casdesaisine 
«  et  de  nouvelleté.  »  (Voy.  Gr.  Coût,  de  Fr.  liv.  n, 
p.  15G.  —  Laurière,  Gloss.  du  Dr.  Fr.  T.  I,  p.  274.) 
La  fausseté  du  témoignage  d'un  auteur  à  peu-près 
contemporain  de  ce  Magistrat ,  paroissant  moins 
démontrée  que  la  réalité  de  la  dessaisine  dans  le 
cas  du  nouveau  trouble  défini  par  Beaumanoir,  on 
croit  non-seulement  que  ce  nouveau  trouble  diffé- 
roit  essentiellement  de  la  «  saisine  et  nouvelleté  ;  » 
mais  que  le  «  cas  de  saisine  et  de  nouvelleté  »  dont 
l'invention  est  attribuée  à  Messire  Simon  de  Bucy, 
par  un  .lurisconsulte  presque  contemporain,  n'a 
été  réellement  connu  que  dans  le  xiv  siècle.  On 
vouloit  alors  trouver  dans  les  Loix  Romaines  qu'on 
étudioit  avecplusd'ardeur  que  jamais,  tous  les  prin- 
cipes du  Droit  François  et  les  moyens  de  le  perfec- 
tionner. C'est  probablement  en  abusant  d'un  prin- 
cipe de  ces  mêmes  Loix  Romaines,  principe  d'après 
lequel  «  la  volonté  sulTisoit  en  certain  cas  pour 
«  conserver  la  saisine,  "  qu'on  établit  pour  maxime 
générale  que  toute  espèce  de  dessaisine,  soit  de 
choses  essentielles  à  la  possession  d'un héiitage  ou 
d'une  terre,  soit  de  l'héritage  ou  de  la  terre  niême, 
ne  seroit  plus  qu'un  nouveau  trouble  sans  dessai- 
sine. Quelle  que  fût  la  manière  dont  on  avoit  été 
réellement  dessaisi,  on  agissoit  non  pour  acquérir 
ou  recouvrer  sa  possession,  mais  pour  y  être  main- 
tenu sans  trouble  ;  et  cela,  sous  prétexte  qu'on  étoit 
resté  saisi  par  l'effet  de  la  seule  volonté.  On  ne 
connut  plus  dès  lorsque  «  Vapplégement  ou  corn- 


AP 


—  70  — 


AP 


«  plainte  de  saisine  et  (le  nouvelleté,  «  parce  que 
non  seulement  dans  le  cas  de  nouveau  trouble, 
mais  dans  «  ceux  de  nouvelle  eschoile  eî  de  nouvelle 
«  dessaisine.  »  les  Parties  réciproquement  deman- 
deresses et  défenderesses,  ne  se  disoient  que  «  trou- 
o  blées  dans  leur  saisine  ou  possession.  Quoiqu'en 
«  cas  de  saisine  et  de  nouvelleté,  cliascun  fust 
«  demandeur  et  défendeur,  l'un  contredisant  à 
«  Taiitre  en  toutes  choses,  toutefois  ceiuy  qui  avoit 
«  faict  la  complainte,  étoil  proprement  demandeur 
«  original  et  luy  falloit  grâce  et  à  l'autre  non  .... 
«  Cefuy  n'estoit  mie  légitime  contradicteur  qui  con- 
«  tendoil  son  adversaire  posséder;  mais  convenoit 
"  que  luy  mesmes  se  dist  possesseur  ...  Il  conve- 
«  noit  que  chascun  se  dist  saisi  et  empesché.  » 
(Voy.  Gr.  Coût,  de  Kr.  p.  151.  —  Laurière,  Gloss. 
du  Dr.  Fr.  T.  I,  p.  274-ti7C.) 

Il  sembloit  qu'on  lut  d'autant  plus  fondé  «  à  s'ap- 
•  piéger,  à  se  complaindre  de  saisine  et  de  nouvel- 
a  leté  dans  le  cas  de  nouvelle  eschoile,  qu'en 
«  conséquence  de  l'axiome  coutumier  ,  le  mort 
«  saisit  le  vif,  l'usurpation  d'une  hérédité  paroissoit 
«  ne  pouvoir  anéantir  la  saisine  de  celui  à  qui 
«  l'hérédité  apparlenoit.  «  Aussi  la  très  ancienne 
Coutume  de  Poitou,  qu'on  a  déjà  citée  en  preuve  de 
dessais'nie  dans  le  cas  de  nouvelle  eschoile,  laissoit- 
elle  ù  l'héritier  l'option  de  se  dire  saisi  ou  dessaisi. 
«  S'il  veult,  il  s'en  tiendra  pour  saisi,  par  la  Cou- 
«  tume  générale  du  royaume  de  France,  le  mort 
«  saisit  le  vif,  et  se  peut  complaindre  en  cas  de 
«  saisine  et  de  nouvelleté,  des  troubles  et  empes- 
«  chemens  fi  luy  faits  :  ou  s'il  veult,  etc.  »  (Ane. 
Coût,  de  Poitou,  chap.  xvni.  —  Voy.  Laurière,  Gloss. 
du  Dr.  Fr.  T.  I,  p.  57  et  58.) 

On  croit  avoir  suffisamment  expliqué  comment 
«  toute  espèce  de  dessaisine  »  n'étant  plus  regardée 
que  comme  un  <•  nouveau  trouble  sans  dessaisine, 
a  la  complainte  de  saisine  et  de  nouvelleté  fut 
«  substituée  même  aux  complaintes  de  nouvelle 
«  eschoile  et  de  nouvelle  dessaisine.  »  Il  seroit 
inutile  de  répéter  pourquoi  dans  plusieurs  Coutumes 
on  les  nommoit applégemens et eontrapplégeineiis. 
(Voy.  Gr.  Coût,  de  Pr.  liv.  ni,  p.  415.  —  Boutoiller, 
Som.  rur.  lit,  xx.^i,  p.  198.  —La  Thaumassière,  not. 
et  observ.  sur  les  Coût,  de  Beauv.,  p.  ilO.  —  Lau- 
rière, Gl.du  Dr.  Fr.  T.  I,  p.  .55.)  Ces  applégemens  et 
contf  applégemens,  dans  le  cas  même  où  il  s'agissoit 
de  choses  mobiliaires,  dilïéroient  des  adveux  et 
contr'adveux  applégés;  et  la  princip;ile  différence 
consistoit  «  en  ce  que  dans  l'adveu  il  étoit  question 
«  non-seulement  de  la  possession,  mais  aussi  de  la 
«  propriété,  au  lieu  que  dans  Vapplegement  il  n'étoit 


i  jamais  question  que  de  la  possession.  »  (Laurière, 
Gloss.  du  Dr.  Fr.  p.  26.  —  Voy.  Advou.) 

Quant  à  ïanplégement  de  refus  de  plege ,  ou 
«  coiupri.n.L^  faite  au  Supérieur  de  ce  que  l'infe- 
«  rieur  n'avoil  voulu  ordonner  main-levée  ,  ea 
«  baillant  caution  ;  c'étoit  ce  qu'on  nommoit  applé- 
'<  gement  privilégié  dans  l'ancien  Style  d'Anjou.  » 
En  effet,  il  semble  qu'en  définissant  Vapplegement 
de  refus  de  plege,  Ragueau  ait  défini  le  titre  d'ap]ilé- 
gemenl  privilégié,  où  on  lit  :  «  Si  aucun  Seigneur 
«  de  fié  a  prins  et  saisi  en  sa  main  aucune  chose 
«  tenue  de  luy  pour  aucun  cens,  ou  devoir,  ou 
«  autre  cause,  le  Sujet  qui  tient  icelle  chose  peut 
«  venir  requérir  délivrance  du  sien  o  plege,  et  offrir 
«  à  le  bailler  à  son  Seigneur...  et  le  plége  présent 
«  offrir  à  le  piéger.  Et  si  ledit  Seigneur,  ne  ses 
»  Officiers  ne  lui  veulent  faire  délivrance,  ne  faire 
«  raison,  le  Sujet  peut  faire  applégement  contre  le 
«  Seigneur  qui  luy  a  fait  tort,  force,  et  de  nouvel 
«  depuis  an  et  jour  en  ça,  en  détenant  le  sien...  à 
«  tort  et  sur  refus  de  plege.  «  (Ane.  Style  d'Anjou, 
lit.  ii'Apj)lége)n.eiU  privilégié.  —  Voy.  Du  Gange, 
Gloss.  lat.  T.  V,  col.  569.) 

\j' applégement  sur  saisine  brisée  étoil  aussi  une 
espèce  A'applégement  privilégié.  «  Si  aucun  brise 
«  la  saisie  d'un  Seigneur,  il  pourra  faire  applége- 
«  ment  sur  saisine  brisée,  contre  celuy  qui  aura 
ce  exploicté  par-dessus  sa  main,  ou  le  faire  convenir 
«  à  sa  Cour  ou  par-devant  son  Suzerain,  pour  en 
..  avoir  réparation  et  amende.  >>  (Coût,  de  Lodunois, 
au  Coût.  gén.  T.  II,  p.  543.) 

En  général,  Yapplér/ement  privilégié,  distingué 
de  Vapplegement  simple,  étoit  «  de  Seigneur  à  sujet, 
«  comme  sur  le  refus  de  plege,  sur  saisine  brisée 
«  et  en  autres  cas  qui  portoient  soixante  sols,  ou  le 
«  meuble  d'amende.  »  (Ane.  Coût.  d'Anjou,  citée 
«  par  Chopin,  art.  lxix  de  la  même  Coutume.) 

Les  applégemens  simples  étoient  de  sujet  à  Sei- 
gneur, comme  de  «  voisin  à  voisin,  en  simples 
«  exploits  qui  ne  portoient  que  loy  d'amende  comme 
«  en  succession  et  exploit  de  domaine.  ■>  (Chopin, 
ubi  supra.  —  Laurière,  Gloss.  du  Dr.  Fr.  T.  I,  p.  58 
et  50.)  «  Les  applégemens  simples,  faits  de  subjet 
«  à  Seigneur,  comme  de  voisin  à  voisin,  ne  portent 
«  aucune  exemption  d'iceluy  subjet  ne  de  ses  hom- 
«  mes.  »  (Coût  d'Anjou,  au  tout.  gén.  T.  II,  p.  67.) 
Il  est  évident  qu'on  abuse  de  la  signification  de  ce 
mot,  toutes  les  fois  qu'on  nomme  applégement  une 
complainte  sans  caution.  «  Nos  Praticiens  ont  donné 
«  sans  distinction  le  nom  a'applégement  ù  toutes 
«  les  complaintes.  »  (Laurière,  Gloss.  du  Dr.  Fr. 
T.  I,  p.  58.  —  Voy.  Appléger.)  (1) 


(1)  Vapplâijenirnl  ou  plégerie  est,  comme  la  caution,  un  contrat  assurant  l'exécution  d'une  obligation,  donnant  au 
créancier  une  garantie  personnelle.  Au  commencement  du  moyen-âge,  le  débiteur  principal  engageait  sa  propre  personne 
par  un  contrat  dit  nhtwxicitio.  On  promettait  aussi,  dans  la  caulio,  l'ulejussio,  vadium,  de  travailler  pour  le  créancier  jusqu'à 
complet  paiement  de  la  dette. 

A  l'époque  féodale,  Vapplegement  conserve  son  caractère  de  personnnlité  contraire  au  principe  actuel,  qui  est  celui  de 
l'hérédité.  Cependant,  les  héritiers  devaient  acquitter  la  dette,  si  la  personne  recevait  commandement  de  payer  au  moment 
de  mourir.  Les  femmes  pouvaient  cautionner,  mais  en  renonçant  au  bénéfice  du  sénatus-consulte  Velleien. 

Quand  les  parties  ne  justifiaient  pas  de  ta  possession  d'un  immeuble,  le  demandeur  fournissait  une  caution  garantissant 
la  solvabiUté,  au  cas  de  condamnation  (sa «isdddo  de  expeush  rc/iciendis),  et  le  défenseur  déposait  une  somme  qui  restait 
en  justice  jusqu'à  la  fin  du  procès.  Si  Von  agissait  au  nom  d'un  tiers  la  caution  attestait  l'approbation  du  mandant  et 
prenait  le  nom  de  satisdatio  de  restituendo.  (n.  e  ) 


AP  _  71  _ 


AP 


VARIANTES  : 
APPLÉGEMENT.  Gr.  Coût,  de  Fr.  L.  m,  u  415 
Aplegement.  Cotgrave,  Dict. 
Appleigement.  Ord.  T.  I,  p.  157,  note  b. 

Appléger,  verbe.  Donner  caution,  cautionner 
be  complaindre,  intenter  une  action  possessoire 

h.t^u^"?T'^'}}  '  '^''^1"^  ^'^"s  les  Cliamps  de 
bataille  et  les  Cours  de  Justice,  ou  sengageoit  à 
poursuivre  une  alTaire  criminelle  ou  civile  et  à 
satistaire  aux  peines  d'une  accusation  fausse  ou 
d  une  injuste  demande,  le  signe  assez  ordinaire  de 
cet  engagement  étoit  un  ..  pan  de  robe,  un  sanl 
«  ploie.  »  De  là,  on  disoit  «  ploier  un  gage,  ploier 
«une  amende ,  ..  e.xpression  dans  lesquelles  on 
croit  apercevoir  le  principe  de  la  formation  et  de  la 
signilication  des  verbes  appléger,  piéger  et  plévir  (  1  ) 
(Voy.  PLEGp,  Plévir  et  Ploier.)  Ainsi  piéger  ou  aimle- 

^fninnPo"'™"  P'""^f  ^^^ ^  donner' cauliSen 
ploiant  gage  ;  par  extension,  donner  gage,  donner 
caution,  quelles  que  fussent  la  nature  du  gage  etS 
manière  de  le  donnei'  pour  caution  des  cliSsIs  aux- 
quelles on  sobligeoil  de  satisfaire. 

dPmnnlii'^'î'.'^'î  ^°'''  "l'P'^'J'^r  un  adveu,  une 
demande,  cetoit  en  cautionner  la  justice,  donner 
caution  pour  l'amende,  dans  le  cas  où  fadveu  se"oit 
dec  are  injuste.  .<  En  chose  mobiliaire  cbet  SvSû 
«  et  contr  adveu;  et  qui  en  déchet,  après  ce  qu'H 

«  sols  »  (Goût,  de  Tours,  au  Goût.  gén.  T.  II  n  25  \ 
On  a  observe  ailleurs,  que  V adveu  applégé  différoi 
àelapplegement.  (Voy.  Aitlegejient.)  "'"«'oit 

nm.P^iL  ^"'^°'''^  relativement  à  la  caution  donnée 
pour  le  payement  dun  fermage,  pour  rexécution 
d  un  marche,  pour  les  suites  de  l'accusation  ou  32 
a  dénonciation  d'un  crime  public  ou  délit  partmu 
lier,  qu  on  disoit  «  appléger  une  ferme,  un  marché- 
«  appléger  une  accusation,  une  dénonciation  ou 
«  denoncement.  »    \oy.  Ord.  T.  III,  p.  437.-  Coût 

Gi^£^rb;:w^ït^s^ètï;^^p^^^^"'-^^-' 

L'accusation  et  la  dénonciation,  dans  les  Coutn- 
mesd  Anjou  et  du  Maine,  ubl  supra,  n'éloient  Ss 

éfoU  S'tu.' H  ™*^'"'^  '''''''  P"'^'ï"^  raccSsâtfon 
etoit  laite  par  la  personne  que  le  crime  ou  le  délit 
interessoit  particulièrement,  et  la  dénonciation  ni. 

•acï  eu  Zn''!  '^"'J'  Jénoncialeur,  comme 
idtcusaieui,  donnât  caution  ou  i)iéoe  sulTi^ifinf 
«  Quand  la  dénonciation  ou  le  déSëmén  éto  i 
«  duemenl^  applégé  ,  on  meltoit  le  deZnc  |  en 

I  ?e  rilvoirrï^^^'^"}'^""!^"^''''  nn  îu  îro'cès 
ce  qui   avoit  heu  seulement  lorsque  le  crime 

:  Zf,V^'^-  P,"'"/-  '^oiporelle  :  car  lorsque  le  déîu 
«  éto  t  prive,  le  dénuncié  évitoit  la  prison  en  bail- 
;  lan  plege  suffisant  de  fournir  et  obéir"',  droit  „ 
(Laurière,  Gloss.  du  Dr.  Fr.  T.  I  p'ïiVonteut 


voir  dans  le  Style  de  Touraine,  cbap.  xm,  imprimé 
à  la  fin  de  l'ancienne  Coutume,  quelle  éto  t  Ta'^nïS! 
cedure  de  ces  dénonciations,  trop  favon lies  à  îâ 
haine  et  à  la  vengeance,  et  que  pour  la  i-  Silli  é 
des  citoyens,  le  Parlement  a  sagement  prôscSes 

Il  ny  avoit  peut-être  point  de  moyen,  point  dp 
manière  de  cautionner  les  engagemens  publ  éson 
particuliers  d'une  personne,  qu'Sn  né  dé^  g  âuï 
disau  que  cette  personne  éU>it  r^^^S  ï'eSè 
oit  iu'eT' fT.'i.r'^  '^"'""^  ''»""■«  1^  Stiïn,    ! 

«  10  ma£JsJ'di'dS;i^;:èîSc^^;sj;i 

«  qui  soient  jurez,  et  sermentez  et  S;  %S  df 
«  ^ute  loyauté  et  bonne  renommée  et  aussVdé  viS 
•■  marcs  d'argent  fin.  »  (Ord.  T.  m,  p  587  fcon 
"  rat.ers.  face  applégier  et  faire  ^seremintnï: 
(Ibï"p '  loy ciumenl  eulx  menront  ledit  coure"Sgr» 
^  R^'  y-  >  "  ^°"^  '''^ons.  .  .  ordené  que  noz 
«  Receveurs  se  applégassent  en  la  Chambre  de  Sos 
«  Comptes  par  certaine   manière,  et  que  il  ne 

loT?.Tvàt)''' ''"'*'"' '''"'"" '''^"'"''  " 
On  a  vu  sous  le  règne  de  Louis  XIV  le  Francni.: 
encore  trop  jaloux  de  cette  espèce  dé  supS?té 
que  donne  un  tempéramment  fort  et  robus  e  se 
I  faire  gloire  de  vaincre  un  rival  dans  c2s  appelf 
bachiques  dont  on  trouve  l'ancienne  manierépniS 

T  I  l^n.   i  ?'??f,"'"-.  "  (^^'"^<^'  Capit.  Reg.  Fr^ 
1.1,  col.  394.)  L  obligation  d'obéir  à  un  appll  où 

i  hivrÔlff''  '""'^  ""''''  -^^  P^-»"  ^1"^  l-amitil  étoi" 
?,i  nP  vn  n'.''"^  P^"'  '""^■•^'"  l'honneur  d'un  am 
"ï  ion  Pn  hn  .?,?  "'  P°"''«'^  ^^n^^^n^e  à  cette  obli- 
gation en  buvant,  on  croyoit  devoir  Ymmlêaer  1p 
cautionner;  c'est-ù-dire  boire  pour  ffi,  comme 
étant  sa  caution.  Il  est  probable  qu'un  dé  nos  m 
ciens  Poètes  faisoit  allusion  à  cet  usage  dans  u,iê 

^izs^r  '''  ''"'  ^"™*^  '''  -^«^"^ 

L'oste  n'ot  pité,  ne  mercy  ; 
Trie  de  ses  vins  et  ses  biens  ; 
A  run  boit  là,  à  l'autre  cy  ; 
Es  voyrres  ne  demeure  riens. 
Je  boy  a  toy  ;  je  le  retiens, 
iJist  l'un  à  l'autre  :  S'aptà/ié 
N'eusse  esté,  je  fusse  noyé. 

Eusl.  Desch.  Poés.  MSS.  p.  365,  col.  2  et  S. 


On  ajoute  que  du  temps  de  Pasquier,  il  étoit 
encore  permis  à  un  homme  qui  dans  une  partie  de 
débauche  buvoit  moins  que  les  autres,  .,  de  prendre 
«  un  second  pour  le  deffendre  et  jo/t^'ôrfr  contre  tous 


^^B'BiSBsB^^f'"^'^-'^^'^'^ 


AP 


—  72  — 


AP 


.  ceux  qui  le  semondroient  de  ^oire  »  Ces  à 
l'io^norance  el  à  Toubli  de  cet  usage  qu  il  faut  att  i- 
bùl;  1  aZs  qu-on  faisoit  de  la  significalion  du  verbe 
«m,U;îr  ouW(''/n';  toutes  les  fois  qu'abstraction 
?a^,e  dé  toute  /e  dé  cautioi.  autre  que  la  parole  de 
celui  nu-o  1  iuovo.iuoit  i^  boire  une  santé.on  repon- 
doU  au  buveur  qu  Favoit  portée,  •■  je  ^ons  applegc, 
ri  vous  «W.  »  (Voy.  Pasquier,  Rech  L.  vui, 
;  ^52)  on  1  it  «lue  Marie  Stuarl,  Reine  d  Ecosse, 
s'éti^nt  n  se  à  table,  le  soir  de  la  veille  de  sa  mort, 
!  bu  sur  la  fui  du  soupper,  à  tous  ses  gens,  leur 
:  commandant  de  la  piéger  :  ^^^ «J  «?,^:f  f^^ 
«  se  mirent  à  genouil,  et  meslans  leuis  larmes 
c,  avecque  leur  vin  beurent  h  leur  maistresse.  »  [H. 
ihiri    1    vr   D   509.  —  Voy.  Plégée. 

Il  seroU  inutile  de  rappeler  ici  les  d.fférens  cas 
où  ilfalloi  s-appléger,  ou  donnçr  caution,  en  se 
2ïm,  iSS  it,  en  intentant  une  action  possessoire 
qÏ  ùtîise  de  dire  que  relativement  a  l.dee  de 
cette  caution  donnée  ou  non  donnée,  le  veibe 
s'«ï^;/S  a  signifié  en  général,  intenter  une  ac  ion 
pSs/oire,  sicomplaindre.  (Voy.  Applegement.) 

VARlAîsTES  :  ^    TT         r/Q 

APPLÉGER.  Oïd.  T.  Il,  p.  284.  -  Coût.  gén.  T.  II,  p.  ^. 
—  Col  grave,  Dict.  ,_-   ., 

APLÉGER.  Ane.  Coût,  de  Bret.  fol   157  V 
Aplégier.  Eust.  Desch.  Poes.  MSS.  p.  àbo,  col.  à. 


expressions  dans  lesquelles  appoincl  désignoit 
comme  substantif  une  relation  entre  les  choses  et 
te  temps  où  elles  se  disoient  et  f  .«^'^^oi^^  •  "  Le 
„  jeune  homme  voyant  son  apoin  ,  di  ,  etc  »  (ConL 
de  la  Reine  de  Navarre,  T.  11,  p.  Ib6.)  <■  ïl^^.euieni 
rasseoir  leurs  garnisons  en  plusieurs  et  diverses 
:  JaVues  d'icelle,  pour  après  \leur  «pomc  .  ^. 
,<  l'assaillir  alors  universellement^  «  (Du  Bellay, 
Mém.  liv.  IV,  fol.  131.  -  Cotgrave,  Dict.) 

VARIANTES  : 
APPOINCT  Cotgrave  Dict.  Uv.  iv,  fol.  131,  R«. 

Apoinct.  Id.  ibid.  —  Uu  iieuay,  meiu.  ""■,.'  .p^ 
ApoiNT  Contes  de  la  Reine  de  Navarre,  T.  II,  p.  m 
Appoint.  Cotgrave,  Dict.  -  Le  Jouvencel,  Mh.  p.  302. 

Annoinctation,  subst.  féminin.  Tvégociation, 
ar~o"ement.  Significalion  analogue  à  cet  e  du 
ferbëXÏÏ'S  négocier,  accommoder,  etc.  (^oy. 
wf™  1  a  gardé  laditte  ville  d'estre  pillée, 
!  nconnie,  necmnposée,  qui  sera  une  très-bonne 
..  apuncliation,  et  en  nos  présences  api  s ^eser 
,   nipnt  ptc  »  (Lett.  de  Louis  Xll,  T.  1,  p.  !'<>■}  . 

Onconnoit  l'histoire  de  Perrin  Dandin  qui  n  «p- 
co?«"  S  n-accoinmodoit  jamais  un  procès  sans 
nho Cl  lès  Parties  h  boire  ensemble  par  symbo  e  de 

■  .=.?iii.^inn    neùi  les  Taverniers  de  son  village 

[voy.  Rabelais,  T.  m,  p.  t218  et  220.) 


VARIANTES  : 
APPOINCTATION.  Rabelais,. T.  III,  p.  220. 
APUNCTiATioN.  Lett.  de  Louis  XII,  T.  I,  p.  17;}. 

Anooincté,  participe.  Qui  a  une  gratification, 
nnin  une  haute  paye.  On  observera  qu  autrefois  le 

livpment      comme    aujourdhui   Ion    emploie   le 

Se  du  verbe  traiter,,  et  ^^e  Pa^,  ^«f^nsei 

nn  inilé  étoitun  appoincte.  »  Le  Ro\  et  son  tonseu 

eSent  que  en.  .  prenant  trefve  entre  vous  et 

futTouiT^^^^^^^        à  quelque  bon  appointe  M..^ 

„    pTov  mon  maistre  seroit  Irès-joyeulx.  »  (Letl.de 

T     •;  y\i  T  I  mo-e  89  )  Il  n'y  a  d'ailleurs  aucune 

SeS  esseSieSelaus  L   significations  du 

P'rvïpi?lS)Sent  dans  un  sens  relatif  à  celui 
d'.?«ÏÏ«cï  ordonner,  commander  etc..  que  les 
nSrs  ou  Soldats  exempts  de  tout  service  mili- 
ïïipphors^e  combat,  se  nommoient  Appointes.  Ils 

d^ie^S^o/n'e,y  ^f^^rS'SpSS 
,i.-.p  oi"itificatioii.  une  haute  paye,  ue  la,  le  pai  uuipc 

Appoincter.) 


Appoinct,  adv.  adj.  ctsuhst.^  A  point  à  propos 
Qui  est  à  propos.  Instant  d  agir  ou  de  pailer  à 
nrnnos  à  sa  coiumodite,  avec  succès. 
^  En  se  fiSrant  dans  l'espace  successif  du  temps 
uifîoiîtltfe  auquel  on  vise,  PO"/ ,^,Sé  ef  1  on 
d'agir  ou  de  parler  à  propos,  on  f.f'î^'gi  e  et  1  on 
désigne  encore  tout  ce  qui  est  fait  a  piopos,  en 
ÊnîyS  ^t  fait  à  point.  ^  est  évident  ,jue  6^^ 
nrénosition  à  réunie  au  substantil  yjo^Ht/; ,  s  est 

formé    -ancien  adverbe  appoinct.  (\oyez  PoinctO 
Gouverner  leurs  voilles,  tirer  cordes  appoint  et 

l  Si  encrer  et  desencrer,  si  que  besoin  est.  » 

(Le  Jouvencel,  ms.  p.  302.) 

Ne  deglosez  rien  auUreraent  que  o^>po»!^  ^^ 

niiPiniipfois  cet  adverbe  tenoit  lieu  d'adjectif  et 

•  ^  c.]?  m    Pst  •'.  nronos,  la  qualité  d'une  chose 

JgaS  a2"  oS  .  à  f  éToù  l'oil  est  POur  l'instanU 

pou  le  moment.  «  Des  '^l'0^f^^;i»\/^«Srr  tran- 
„  I  nv  la  dispute  nous  en  doit  estre  du  loin  reiran 
l  chle- autrement, SI  vous  en  levez  les  deffences. 
:  sSretk'ndra  un  chacun  en  celle  Loy  se  on  le 
a  pours  de  ses  humeurs  ou  de  ce  qu  il  \eiia  luy 
:  esïi  le  plus  expédient  et  apoint,  pour  parvenir 
l  f  son  intention.  ..  (Pasquier,  Rech.  p.  899.)  . 

Fnfin    aSr  ou  parler  relativement  au  point,  à 

l'instàS  où  on  pouvoit  le  fane  à  propos,  relalive- 

mpnt  aunoinl,  a  l'élal  où  l'on  devoit  èlie  pour  le 

S  à  sa'  Snodilé  et  avec  succès,  c'éloil  agir  ou 

-    parier,  à  son  appoinct,  envoyant  son  appoint.  » 


AP  -  73  - 


AP 


VARIANTES  : 
APPOINCTÉ.  Lett.  de  Louis  XII,  T.  I,  p  90 
Appointé.  Oudin  et  Monet,  Dict. 

Appoiiictement,  siibst.  masc.  Exemption  de 
tout  service  militaire,  hors  le  combat.  Coup  de 
poing.  On  connoitra  les  significations  d'ff»»o/?u'/^- 
meiit,  par  l'explication  de  celles  d-appoincter 
Quelque  nombreuses  et  variées  que  soient  les 
acceptions  du  substantif,  il  n'y  en  a  pas  une  en 
gênerai  qui  ne  soit  commune  au  verbe,  et  par  con- 
séquent relative  h  l'idée  de  point  ou  de  pointe 
(Voy.  Appoincter.)  ^ 

Si  Vappoinclement  étoit  une  exemption  de  tout 
service  militaire,  hors  le  combat,  c'est  que  cette 
exemption  appartenoit  à  Thonneur  d'être  apnoincté 
commande  pour  les  actions  où  il  falloit  un  couraoè 
et  une  expérience  plus  qu'ordinaires.  (V.  Appoincte  ) 
Autrefois,  maltraiter  une  personne,  la  mettre  en 
mauvais  point    dans  un  état  à  faire  compassion, 
cétoit  misérablement  appointe?-  son  corps.  (Vovez 
J.  Le  Maire,  Illusl.  des  Gaules,  p.  249  )  il  est  très- 
possible  que  dans  un  sens  analogue,  appnintement 
ait  sig7iilie  mauvais  Iraitement;  mais  dans  rexnres- 
sion  charger  à-appontclcmenl,  c'est-ù-dire  chai-o-er 
de  coups  de  poing,  on  ne  voit  qu'un  abus  de  la 
consonnancedej9o;H^aveclemot;wmf/.  .,  Pensans 
«  que  ces  charretiers  se  voulussent  mocquer  d'eux 
«  commencèrent  à  les  charger  û'appoinctcment  et 
«  prenans  leurs  armes  qui  estoient  leurs  esguillo'ns 
"    f  ^  ''l'eut  crocheteurs.  »  (Bouchet,  Serées,  p  278  ) 
"  f;^"  .'^f/'^'i'^^.ayaiit  bruit  contre  un  de  ses  frères 
«  H  1  attend  a  1  yssue  de  matines,  et  le  surprenant 
«  en  quelque  coing  du  dortoir,  le  charge  cVappoin- 
«  tement  a  la  faveur  des  ténèbres;  et  à  ce  prSpos 
'<  despuis  on  a  dit,  dangereux  comme  le  retour  de 
«  matines.  »  (Garasse,  Rech.  des  Rech.  p.  850  ) 

VARIANTES  : 

Apointement.  Modus  et  Racio,  MS.  fol  160  V» 
Appointemant.  Monet,  Dict  '"",  v  . 

Appointement.  Le  .Touvencel,  MS.  p.  60  et  Si')   -  Mathi^,, 

Catrerau^^^^^:^];,.^;:;-^-)-;;»^  '^'-  '^^^^ 

Appoincter,  verbe.  Arrêter  à  un  point,  fixer  à 
ce  point;  négocier,  traiter,  accommoder,  arranger 
régler,  juger,  raisonner,  etc.  Diriger  vers  un  nolnt' 
mettre  a  ce  point;  mettre  en  étal,nnjustei  annré  ër' 
préparer  armer,  équiper,  approvIsionneî^Ke: 
tenir,  panser,  ordonner,  commander  nommer 
tromper,  attraper,  etc.  Rendre  pointu!  tèrmher  en 

Fixe  '-dS"""  P?'"^l"'  ''  ^'^™'"^''  e"  Ste" 
n'  '  "  "Ser,  présenter,  opposer  la  pointe  des 
armes.  Attaquer,  se  prépare.-  à  attaquer  Mettre 
pointe  contre  pointe,  opposer 

étanfi~T'i  *'"'^''"*  nos  vues  et  nos  actions, 
eidnt  legarde  comme  un  pont  fixe  aiinnpl  nn 
s  arrête,  le  verbe  appointer  signifie  t^'aiTête,  m 
point,  en  fixant  les  clauses  d'une  négoc  ation  d'un 
traite,  d  un  accommodement,  d'un  .arrangement 


I  ^'^•^"  Considéroit  que.  .  .  l'ennemy  auroit  entrée 

I  >'  pour  empiéter  sou  royaume. . . .  s'il  naimointoit 

-avecques  ledit  Empereur.  ,.  (Du  Bellayf  S 

pi; J  n     A-}  "  :^  ^y  ('PPOinté  avec  Madame  de 

«  Belleville,  de  la  place  de  Montagu;  et  Dlanchefort 

^■,^''^^T^^"  PJ'o'?'^''?  '"^  possession.  ,.  ^Brantôme, 

nnl.  1  ^'  p-  ^f-^  "  L^  ^"^y  ^e^''''  appoincter  avec- 

ques  eulx  pour  le  passaige  et  pour  les  vitailles 

'•  nécessaires.  »  (Le  Jouvencel,  ms.  p.  439  ) ..  il  e«toit 

-XirT'lt'p^SSsV  *'''"''  '^''      ^         '^'  ^'"^ 
Il  y  avoit  et  il  y  a  encore  dans  la  procédure 
diverses   espèces   d-appointe,nms   dont   Lau.S 
semble  rapporter  les  significations  particuHèrès  à 
1  Idée  générale  d'arrêter,  fixer  à  un  point.  Ouôi  qu'il 
en  soit,   appointement  en  général  étoit  un  higenen 
préparatoire,   un  règlement  en  Justice  sur  une 
affaire,  pour  parvenir  à  la  juger  par  rapport    On 
designoitun  règlement,  un  jugement  de  ce  genre 
en  disant  que   les  Parties   étoient  appointes  i 
Mre  appointées  en  droit,  appointées  au  Conseil 
appointées  contraires  et  en  enqueste,  etc.  (Voyez 
Aresia  Amor.  p.  48,  108,  IIG,  130,  158, 197,  passim 
-  Lauriere,  Gl._  du  Dr.  Fr.  -  Mcot  et  Monel,  Dict  ) 
11  semble  (\n  appointer  en  jugement  et  dehors 
w  n!  i"^^'^  ^''^.^  '^^  s=^»s  formes  judiciaires,  juger 
les  Parties,  ou  les  accommoder.  ..  Que  personnes 
«  sages  et  dignes  de  foy...  sachent  faire  justice  et 
«  apointer  h^  parties  et  les  causes  en  jugement  et 
«dehors.  ..  (Ord.  T.  111,  page  081.)  On  ne  voit  pas 
d  ailleurs  pourquoi  le  verbe  appointer  n'auroit  ms 
fZ'ii";  "r  J^ê'^^^ent  fléfinitif,  un  jugement  par 
equel  on  fixe  le  point  où  commence  et  finit  le  droit 
des  Parties.  Aussi  disoit-on  en  ce  sens:  «  Après 
"  parties  ouyes,  et  après  ce  qu'elles  furent  ««- 
"  ^^^^/"'^f«  en  droict,  le  Viguier  appointa  que  les 
"  di  es  lettres  et  reliefvement  ne  seroyent  point 
"  interinees    et  qu'il  n'y  avoit  point  matière  de 
•■  rescinder  ledict  contraict,  .  .  De  laquelle  sen- 
-'  tence. . .  ha  appelle  en  la  Court  de  céans.         et 
«  tout  considéré,  la  Court  dit  qu'il  ha  esté  bien  dict 
"  et  appoinete  par  ledict  Viguier,  et  mal  appelle 

nnof /«^f/'^i^"^"^  ^'  l'amendera.  »  (Arest.  Amor. 
page  4s  et  49.) 

Lorsqu'on  jugeoit  de  ses  affaires  par  soi-même 
lorsque  par  son  propre  jugement,  par  le  raison- 
nement on  fixoit  le  point  d'où  il  falloit  partir  pour 
en  assurer  la  réussite,  c'étoit  appoijiter  de  ses 
aiiaires.  «  Les  assiégez  et  enclos  en  aucune  forte- 
"  resse  doivent  estre  soigneux  de. . .  savoir  par 
«  subtilz  moyens  et  bonnes  Espies,  la  convine  de 

"  leurs  ennemis; car  par  ce  peuent  ilz  mieulx 

«  appoineterâe  leurs  affaires,  par  quoy  ilz  ont  bon 
'.  couraige,  ilz  peuent  savoir  l'eure  que  leurs  adver- 
L^nJ;^!  Tof"*  ^"''  ''^"'"  ^^'''le.  »  (Le  Jouvencel, 

On  ajoute  que  relativement  encore  à  l'idée  d'un 
point  fixe  auquel  on  s'arrête,  le  verbe  appointera 
signifie  arrêter,  fixer  à  certaine  somme  le  salaire 
la  gratihcalion,  l'entretenement  de  quelqu'un,  le 
lixer  lui-même  à  certaine  somme.  «  Un  Prédica- 

10 


AP 


—  74  — 


AP 


.  leur...  appoincté...  à  cent  escus  pour  prescher 
«  tout  le  caresme.  »  (Boucliet,  Serées,  liv.  m,  p.  '■22A.) 
Le  point  auquel  on  se  fixe,  est  souvent  le  point 
vers  lequel  on  a  dirigé  sa  vue,  son  action.  Ainsi, 
le  verbe  apiiohUcr,  soit  au  propre,  soit  au  figure, 
sigiiifioil  ajuster  une  chose  à  une  autre,  diriger 
l'une  vers  l'autre,  comme  vers  un  point  auquel  on 
vise.  «  Les  Arbalestriers. . .  n'avoient  point  remis, 
•  n'appoincté  autres  quarreaux  au  poinct  de  leurs 
«  arbaleslres.  "  (Monslrelet,  Vol.  \,  chap.  xxiv,  f°  19.) 

Cloistriers  qui  tes  dras  et  ton  pié 
Dou  point  de  l'ordre  as  despointié, 
Et  au  point  dou  siècle  apoinlié,  etc. 
Miserere  du  Recl.  de  Moliens,  MS.  de  Gaignal,  fol.  222,  R"  col.  1. 
Plus  droit  qu'ele  puet  l'i  apointe; 
Et  Trubert  ne  fet  pas  le  cointe  (i)  : 
Tout  li  a  dedens  embatu. 

Eslruberl,  FaLl.  MS.  du  R.  n°  7996,  p.  85. 

Pour  les  preudomes  acointier, 
Si  vorrai  mon  sens  apointier 
A  biaus  mos  trover  et  reprendre. 

Dits  de  Baudoin  de  Condé,  MS.  de  Gaignat,  fol.  304,  R'  col.  1. 

L'usage,  l'effet  pour  lequel  on  ajuste,  on  apprête, 
on  prépare  les  choses,  étant  vu  comme  un  point 
vers  lequel  on  les  dirige,  on  disoit  en  ce  sens: 
»  Prist  le  fromage  qui  estoil  appointié  pour  faire 
«  laditte  tartre,  etc.  »  (D.  Carpentier,  Supp.  Gloss. 
lat.  de  Du  Gange,  au  mot  Ajipitnctare;  tit.  de  1399.) 
«  Tel  poison  1^2]  sçay  faire  et  appointer,  que  pourtant 
«  que  luy  en  donnez  à  boire  et  que  après  luy  en 
«  beuvez,...  sur  ton  le  riens  serez  aimée  de  luy.  » 
(Ger.  de  Nevers,  part,  i,  p.  131.)  Appointerun  cheval 
automate,  comme  celui  dont  il  s'agit  dans  le  Roman 
de  Cléomadès,  c'étoit  en  ajuster  les  ressorts,  le 
mettre  à  certain  point,  le  mettre  en  état  de  faire  ses 
mouvemens  ordinaires. 

Quant  son  cheval  ot  apointié, 
Vers  le  chastel  l'a  adrécié. 

Cléomadès,  MS.  de  Gaignal,  fol.  18,  R°  col.  3. 

Quelle  que  fût  la  manière  d'ajuster,  d'apprêter, 
de  préparer  les  choses,  de  les  mettre  à  leur  point 
en  les  dirigeant  vers  l'usage,  vers  l'effet  qu'on  avoit 
en  vue,  elles  pouvoient  être  désignées  par  le  verbe 
appointer.  Aussi  l'acception  en  étoit-elle  si  générale 
qu'on  disoit  :  «  battre  et  appointer  les  gerbes  de 
«  bled  ;  appointer  un  pont  sur  une  rivière  ;  appointer 
«  un  vaisseau  pour  naviguer;  appointer  un  ^a\e- 
«  froi,  etc.  »  (Yoy.  Nouv.  Coût.  gén.  T.  I,  p.  416.  — 
Yigil.  de  Charles  Vil,  p.  96. — Matthieu  de  Coucy, 
lïist.  de  Charles  Vil,  p.  684.  —  Percef.  Vol.  II,  f"  1-22.) 

C'est  toujours  dans  un  sens  analogue  à  celui  de 
mettre  en  état,  préparer,  qu'appointer  son  corps  ou 
s'appointer  signifioit  s'armer,  s'équiper,  s'approvi- 
sionner, etc.  parce  qu'en  s'appiovisionnant,  en 
s'équipanl,  en  s'armant,  on  se  mettoit  en  état  de 
combattre,  de  s'embarquer,  de  voyager,  etc.  (Bout. 
Som.  rur.  page  883.  —  Percef.  Vol.  III,  fol.  64,  etc.) 
En  équipant  une  femme,  en  l'entretenant  de  robes 
et  autres  choses  nécessaires  t\  sa  parure,  on  lui 
prépare  les  moyens  de  s'ajuster,  de  se  mettre  en 
état  de  paroitre  et  de  plaire.  De  là,  on  a  dit  : 


Et  de  faict  l'a  appointée 
De  chaperon  rouge,  au  surplus 
De  corset  de  soye,  de  baudrier, 
De  robbe  :  que  voulez-vous  plus  ? 

Coquillarl,  p.  54. 

La  signification  S'appointer  étoit  absolue,  lors- 
qu'on parlant  d'une  personne  préparée  à  bien  faire 
une  chose,  mise  en  état  de  la  faire  à  son  aise ,  avec 
plaisir,  avec  décence,  on  disoit  qu'elle  étoit  appoin- 
tée. «  Le  Roy  Palamedes  qui  esloit  notablement 
"  appointé ,  pour  ce  qu'il  sçavoit  leur  venue ,  s'en 
«  vint  à  rencontre  d'eulx  noblement  accompaigné 
«  de  Chevaliers.  »  (Percef.  Vol.  III,  fol.  77,  R°  col.  1.) 

Le  soir  vint,  il  fault  préparer 
Le  souper  et  le  vin  tirer. 
Monsieur  fut  scis  et  appoincté  ; 
Et  dist-on  benedicite. 

Coquillarl,  p.  148. 

On  prépare  la  guérison  d'une  blessure  qu'on 
panse  ;  et  cette  guérison  est  le  point,  l'état  où  le 
Chirurgien  veut 'mettre  son  blessé,  le  point  vers 
lequel  il  dirige  l'effet  de  son  opération.  Ainsi,  le 
verbe  appointer  signifioit  panser.  »  Bertran  pria  à 
«  sescompaignons  qu'ilz  le  feissento7.'0«Hf(?rparle 
«  Syurgien.  »  (Triomphe  des  neuf  Preux,  p.  499.) 
«  Matias  icellui  Regnault...  porta  en  la  maison  de 

«  son  maislre  pour  Vapointier Ensuite  il  fina 

«  vie  par  mort.  »  (D.  Carpentier,  Suppl.  Gloss.  lat. 
de  Du  Cange,  au  mot  Aplare  ;  tit.  de  1402.) 

La  chose  dont  on  projette  l'exécution,  étant  com- 
parée à  un  point  vers  lequel  on  dirige  la  volonté, 
l'action  de  ceux  à  qui  elle  est  ordonnée ,  l'on  aura 
dit  appointer  dans,  le  sens  d'ordonner,  commander, 
nommer  pour  faire  une  chose.  <>  Le  Roy  avoit 
«  fl;;/;o/)i/J  que  les  Templiers  feroientl'avantgarde.  » 
(Joiuville,  p.  41.)  «  Fist  barrer  son  logis  et  fut 
«  appoinctié  que  au  plus  matin  ceulx  qui  estoient 
0  nommez,  iroient  devant  et  descouvriroient  le 
«  pays.  »  (Le  Jouvencel ,  ms.  p.  338.)  «  Le  Roy 
«  appoincta  certain  nombre  de  gens  pour  venir  au 
«  lendemain  devers  luy.  »  (Ibid.  p.  412.)  Peut-être 
l'acception  particulière  du  participe  appoincté  est- 
elle  relative  ii  l'ancien  usage  de  nommer,  comman- 
der, ordonner  des  gens  d'élite  pour  une  action  pé- 
rilleuse, un  assaut,  etc.  (Voy.  Appoincté.) 

Si  le  mensonge  et  l'artifice  étoient  les  moyens 
par  lesquels  une  personne  étoit  dirigée,  mise  au 
point  où  l'on  avoit  en  vue  de  l'amener,  le  verbe 
appointer  signifioit  tromper,  attraper. 

Ainsis  ly  ment,  ainsis  l'apoinle  ; 
Ainsis  le  déçoit  et  confont  ; 
Ainsis  pluseurs  femmes  le  font. 

Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  517,  col.  1. 

.   .   .  Son  moyen  de  appoincler  estoit  tel  : 
Quant  il  sçavoit  sa  mère  aller  à  messe, 
Il  s'en  venoit  comme  une  grande  asnesse,  etc. 
Faifeu,  p.  24. 

On  croit  avoir  assez  clairement  démontré  que  ces 
significations,  auxquelles  on  pourroit  en  ajouter 
plusieurs  autres,  ont  entre  elles  une  analogie  dont 
le  principe  est  l'idée  générale  d'un  point  physique 
ou  moral  auquel  on  vise. 


(1)  Vient  peut-être  ici  de  cunclari  :  hésiter,  (n.  e.)  —  (2)  A  ici  le  sens  de  sa  racine  potio,  boisson,  breuvage.  (N.  E.) 


AP 


75 


AP 


C'étoit  relativement  à  l'idée  de  pointe,  que  le 
même  verbe  appointer  signifioit  rendre  pointu, 
terminer  en  pointe.  (Voy.  Nicot  et  Monel,  Dict.) 

Aucuns  font  leur  dars  ferier, 
Et  apointier  les  fers  des  lances, 
Pour  miex  entrer  es  connoissances. 

G.  Guiarl,  MS.  fol.  329,  R". 

Il  étoit  neutre,  lorsqu'en  parlant  d'une  chose  qui 
se  terminoit  en  pointe,  on  disoit  avec  comparaison  : 
Elle  va  en  appointant  comme  une  poire.  (Voy. 
Nicot,  Dict.) 

...  On  voit  naistre  aux  champs  une  flame  légère, 
D'un  bien  petit  de  feu  que  la  foie  Bergère 
A  laissé  par  mesgarde  au  chaume  craquetant, 
Et  ses  ondes  lancer  au  ciel,  en  apoiniaiil. 

Pocs.  de  Perrin.  fol.  7G,  Vv 

Quelquefois,  la  signification  ^'appointer  étoit 
fixer,  diriger,  présenter  la  pointe  des  armes,  l'op- 
poser. (Monet,  Dict.) 

On  sait  que  dans  les  joutes,  les  Chevaliers  cou- 
roient  les  uns  contre  les  autres,  la  pointe  des  lances 
fixée  et  dirigée  vers  leurs  adversaires.  De  là,  le 
verbe  appointer  aura  pu  désigner  l'action  de  pro- 
voquer à  la  joute  et  de  s'y  préparer,  en  fixant  et 
dirigeant  la  pointe  de  sa  lance  vers  celui  qu'on  se 
proposoit  d'attaquer.  «  Joustay  à  quatre  Chevaliers 
«  sans  blasme  recevoir  ;....  mais  le  cinquiesme  me 
«  porta  à  terre....  Après  ce  appointa  mon  compai- 
•1  gnon  de  la  jouste,  etc.  »  (Percef.  Vol.  Il,  fol.  70.) 

Peut-être  a-t-on  fait  encore  allusion  à  la  pointe 
des  traits  avec  lesquels  on  feint  que  l'Amour  attaque 
un  cœur,  lorsqu'on  a  dit  : 

Jusqu'à  Biauvais  fai  une  pointe  : 
Si  me  saluej  à  cuer  haitiè, 
Le  Chastelam  à  cui  s'apoirite 
Amers  qui  le  fait  sage  et  cointe. 
Et  debonère  et  afetié. 

Fa))l.  MS.  du  R.  a'  7218,  fol.  61,  R'  col.  2. 

Enfin ,  le  verbe  appointer  aura  signifié  par  com- 
paraison, opposer  l'une  à  l'autre  deux  personnes  ou 
deux  choses,  comme  l'on  oppose  pointe  à  pointe 
deux  lances,  deux  épées:  opposition  qn  appointer 
désigne  spécialement  en  termes  de  Blason,  lorsqu'en 
parlant  d'épées,  de  flèches  dont  les  pointes  opposées 
se  touchent,  on  dit  qu'elles  sont  appointées.  (Voy. 
Monet,  Dict.  —  Dict.  de  Trévoux.) 

Cette  comparaison,  si  l'on  en  croit  l'auteur  du 
Nouveau  Dictionnaire  de  Droit,  est  le  principe  de  la 
signification  de  ce  verbe,  en  termes  de  procédure. 
Comme  les  prétentions  des  Parties  qui  plaident, 
sont,  dit-il,  toutes  opposées,  le  verbe  appointer, 
dans  le  sens  propre  mettre  pointe  contre  pointe, 
s'est  pris  au  figuré  pour  donner  un  règlement  en 
Justice.  Quelque  favorable  que  paroisse  être  îi  son 
opinion,  l'expression  «  appointer  les  Parties,  par 
o  faits  contraires,  ou  les  ft/i/;o/Kto' contraires,  »  il 
est  possible  que  même  en  ce  cas  d'opposition,  l'ac- 
ception d'appointer  soit  relative  à  l'idée  générale 
d'arrêter,  fixer  à  un  point.  (Voy.  Appoinctement.) 

VARIANTES    : 
APPOINCTER.  Le  Jouvencel,  MS.  page  67.  -  Monstrelet, 
Vol.  I,  fol.  19.  -  Percef.  Vol.  II,  fol.  i22.  -  Rabelais,  T.  III, 
p.  218.  —  Âresta  Amor.  p.  97.  —  Coquillart,  p.  148,  etc. 


Apointer.  Estrubert,  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7996,  page  8.5.  — 
Ord.  T.  Itl,  p.  681.  -  Le  .louvencel,  fol.  89.  -  Eust.  Desch. 
Poës.  MSS.  p.  517,  col.  1,  etc. 

Apointier.  Cléomadès,  MS.  de  Gaignat,  fol.  18.  —  D.  Car- 
pentier,  Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du  Gange,  au  mot  Aptare. 

Appoinctier.  Le  Jouvencel,  MS.  p  338. 

Appointer.  Orth.  subsist.  —  Le  Jouvencel,  MS.  p.  384.  — 
Percef.  Vol.  II,  fol.  70.  -  Lauriore,  Gl.  du  Dr.  Fr.  -  Cotgr. 
Nicot  et  Monet,  Dict. 

Appointier.  D.  Carp.  S.  Gl.  1.  de  Du  Gange,  à  Appunctare. 

Appoincteur,  subst.  masc.  Négociateur.  On 
sait  que  l'histoire  de  Perrin  Dandin  et  de  Tenot 
Dandin  son  fils,  est  une  plaisanterie  de  Rabelais 
très  agréablement  imaginée  pour  ridiculiser  cette 
espèce  de  gens  qu'on  nomme  «  Avocats  sous 
«  l'orme.  »  L'activité  du  fils,  égale  à  celle  du  père, 
pour  appoincter,  accommoder  les  procès,  n'est  pas 
d'abord  aussi  heureuse.  11  s'en  plaint  à  Perrin  Dan- 
din qui  le  console  et  l'encourage  par  l'espérance 
de  mériter  comme  lui  l'honneur  et  tiltre  ù'appoinc- 
teur  irréfragable,  pourvu  que  fidèle  à  ses  leçons,  il 
ne  songe  jamais  à  faire  û'appointement,  d'accom- 
modement qu'au  moment  où  les  Parties  lasses  de 
plaider,  s'aperçoivent  que  «  leurs  bourses  sont 
«  vuides.  »  (Voy.  Rabelais,  T.  III,  p.  ^O  et  221.) 

On  n'avoit  pas  encore  avili  la  signification  de  ce 
mot  appoincteur,  lorsque  dans  un  sens  relatif  à 
celui  du  verbe  appoincter,  négocier,  on  disoit  : 
«  Si  fust  chargé  de  ceste  chose,  pour  aller  en  Alle- 
«  magne,  pour  traiter  ce  mariage,  un  moult  sage 
«  et  vaillant  Chevalier....  et  esloit  nommé  ce  Che- 
«  valier  Messire  Simon  Burle,  sage  et  grand 
«  appointeur.  »  (Froissart,  Vol.  II,  p.  75.  —  Voy. 
Appuincter  et  Appmnxtation.) 

variantes  : 
APPOINCTEUR.  Rabelais,  T.  111,  p.  218  et  219. 
Appointeur.   D.   Carpentier,    Suppl.   Gloss.  lat.    de  Du 
Gange,  au  mot  Appointamcntum. 

Appointir,  verbe.  Rendre  pointu,  terminer  en 
pointe.  Devenir  pointu,  se  terminer  en  pointe. 

La  signification  d'appointir,  active  dans  le  DicL 
de  Cotgrave,  est  neutre  dans  Oudin,  Dict.  Elle  étoit 
encore  neutre ,  lorsqu'on  disoit  :  »  La  forme  du 
«  pied  du  lièvre...  aiguë  et  faite  à  la  semblance 
»  d'une  pointe  de  coùsleau...  vient  tousjours  en 
«  appointissant.  »  (Fouilloux,  Vén.  fol.  CG,  V°.  — 
Voy.  Appoincter  et  Appointuser.) 

variantes  : 
APPOINTIR.  Cotgrave  et  Oudin ,  Dict. 
Apointir.  Cotgrave,  Dict. 

Appointon,  subst.  masc.  Arme  pointue.  Proba- 
blement une  espèce  de  poignard. 

Un  appointon  en  la  main  destre 
Et  une  boiste  en  la  senestre 
Tenoit:  mais  Vappointon  rauchoit 
Derrière  li,  et  concheloit. 

D.  Carpentier,  S.  Gl.  lat.  de  Du  Canjô,  au  mot  Pitnctorium. 

Appointuser  (s'),  verbe.  Devenir  pointu,  se 
terminer  en  pointe.  Par  comparaison,  aller  en  di- 
minuant, en  se  rétrécissant.  (Cotgrave,  Dicl.  — 
Voy.  Appoi-ntir.) 

Apportion,  participe.  Divisé  par  portions  et 
avec  proportion,  partagé.  Il  sembleroit  qn'apportion 


AP 


—  76 


AP 


fût  un  adverbe  composé  de  la  préposition  à  réunie 
au  substantif  por/ioH,  el  qu'étant  par  conséquent 
de  même  espèce  que  Tadverbe  appoinct,  il  a  pu, 
comme  cet  adverbe,  tenir  lieu  d'un  adjectif,  et 
signifier  partageable ,  divisible  par  portions.  On 
croit  néanmoins  qnapportion  est  le  participe  du 
■verbe  apportionner .  (Voy.  Ai'I'ortionner.) 

En  se  conformant  à  la  prononciation  sourde  de  la 
"voyelle  e  supprimée  souvent  dans  la  finale  du  par- 
ticipe anglois  apportioned  ou  apportmid,  Littleton 
aura  prononcé  et  écrit  en  françois  apportion  pour 
apportionné,  c'est-à-dire  divisé  par  portions,  par- 
tagé. «  Le  gard  des  terres  ou  tenements  durant  li 
«  nonage  d'un  enfant...  sont  chateux  realx  et  poyent 
«  estre  apportions  et  severs.  »  'Tenures  de  Little- 
ton, fol.  73.)  11  paroit  que  ce  mot  désigne  plus  spé- 
cialement l'idée  de  proportion,  lorsque  le  même 
auteur  dit:  ■>  Le  bornage  et  féaltie...  ne  sont  pas 
«  annuals  services,  et  ne  poient  eslve  apportion  ; 
«  mes  l'escuage  poit  et  serra  apportion,  solon  que 
«  l'afférence  et  rate  de  la  terre,  etc.  »  Id.  ibid.  p. 
49.  —  Voy.  Apportionsément.) 

Apportionnement,  subst.  masc.  Division, 
partage  en  proportion  des  produits  d'un  fonds. 
Signification  analogue  à  celle  du  participe  appor- 
tion. (Skinner,  voc.  forens.  exposit.  au  mot  Appor- 
tionment.  —  Voy.  Apportion  et  Apportionnement.) 

Apportionnement ,  adverbe.  Proportionné- 
ment.  C'est  dans  un  sens  relatif  à  l'idée  d'une  divi- 
sion proportionnelle,  qu'on  a  dit  :  <■  Si  par  un 
«  mesme  contract  se  treuvent  plusieurs  pièces 
«  vendues,  aucunes  desquelles  soient  de  l'ancien 
«  du  vendeur,  autres  de  son  acquest,  ou  toutes  de 
«  l'ancien  et  partie  de  l'une  de  ses  lignes,  partie  de 
«  l'autre,  le  lignagier  de  chacune  ligne,  venant 
o  à  retraire  ce  que'meut  de  la  sienne,  y  est  receva- 
«  ble  en  rembourceant  au  prorata  les  pris  et  loyaux 
«  cousis,  distribution  d'iceux  faite  à  l'arbitrage  du 
«  Juge  sur  cbacun ,  apportionnement  à  ce  qu'il 
«  emportera  desdites  pièces.  ■■  l'Cout.  de  Lorraine, 
au  Coût.  gén.  T.  II,  p.  1069.  —  Voy.  Apportion.) 

Apportionner,  verbe.  Parlager  en  donnant 
portion.  C'est  la  signification  A' apportionner  dans 
les  Coutumes  où  l'on  partage  les  enfans  ou  les  frères 
puinés,  en  leur  donnant  certaine  portion  d'béritage, 
ou  certaine  somme  d'argent  proportionnée  à  "la 
valeur  de  cette  portion  coutumière.  «  Au  cas  que 
«  les  fils  puisnez  el  filles  n'auroient  esté  rt;j/;o)7;i9H- 
«  ne:::  et  dotez  pendant  la  vie  de  leurs  père  et  mère, 
«  el  que  leurs  dits  père  et  mère  ne  leur  auroient 
«  rien  laissé  en  testament,  l'aisné  qui  aura  succédé 
«  est  tenu  apportionner  les  puisnez,  fils  ou  filles 
«  raisonnablement,  en  or  ou  en  argent,  ou  héritage 
«  à  son  choix,  etc.  »  (Coût,  de  S'  Sever,  au  Coût, 
gén.  T.  II,  p.  692.;  «  Es  maisons  nobles,  vulgaire- 
«  ment  dits  héritages  gentioux,  de  plusieurs  enfans 
«  d'un  mesme  mariage  le  fils  aisné  succède  univer- 
«  sellement  à  ses  père  et  mère  décédez  sans  faire 
«  testament  ;...  lequel  fils  aisné  est  lenu  apportion- 
«  ner  tous  les  autres  fils  ou  filles  raisonnablement 


«  en  argent,  ou  héritages  à  son  choix,  qui  sera 
«  doresnavant,  s'ils  sont  trois  puisnez  ou  plus,  la 
«  tierce  partie  desdits  héritages  nobles;...  el  s'il 
«  n'y  a  trois  puisnez  ,  mais  seulement  deux  ou  un, 
«  leur  portion  sera  la  quarte  partie,...  ou  l'estima- 
'  tion  d'icelle.  »  (Coût.  d'Acs,  ibid.  p.  673.) 

La  portion  d'héritage  des  puinés,  ou  l'estimation 
en  argent  de  cette  portion,  étant  vue,  non  comme 
un  partage  coutumier,  mais  comme  un  moyen  de 
subsister,  comme  un  appanage  en  général,  lé  verbe 
appanagersignifioitla  même  chose  qn  apportionner. 
Enfin,  comme  un  appanage,  de  quelque  nature  qu'il 
soif,  est  une  portion  de  bien,  assignée  à  quelqu'un 
pour  sa  subsistance,  le  verbe  apportionner  signifioit 
réciproquement  la  même  chose  qn'appanager.  On 
a  dit  en  parlant  de  la  Reine  Brunehaud,  que  Chil- 
péric  son  époux  «  la  relégua  en  la  ville  du  Mans, 
"  apportionnée  de  quelque  pension  annuelle  pour 
<■  son  vivre.  »  (Pasquier,  Rech.  liv.  v,  page  399.  — 
A'oy.  App.\nager.) 

Appouvrir,  verbe.  Appauvrir,  faire  pauvre. 
Etre  appauvri,  être  fait  pauvre,  devenir  pauvre. 
(Voy.  PouvRE.j  On  peut  voir  dans  Mcot,  Dict.  au  mot 
Appauvrir  qui  subsiste,  comment  de  l'adjectif 
paiiper  on  a  fait  pauvre,  paovre,  paoure,  paure, 
poHvre,  poure;  et  de  l'adjectif  frangois,  le  verbe 
appourir,  apourier,  apouvrer,  appouvrir,  apaurier, 
appaourir,  appaouvrir,  appauvrir,  dans  le  sens 
actif  faire  pauvre.  (Voy.  Cotgrave,  Rob.  Estienne, 
Nicot  et  Monet,  Dict.; 

La  signification  active  est  celle  d'appauvrir  : 
signification  qui  pourtant  semble  n'avoir  pas  été  si 
particulière  aux  orthographes  de  même  terminaison, 
que  jamais  elle  n'ait  été  commune  aux  orthographes 
apouvrer,  apaurier,  etc.  «  Sont  les  pais  gastez,  les 
«  marchandises  anullées,  et  l'Eglise  mou\[  apouvrée. 
«  Si  vous  prie  et  conseille  le  Roy  que,  etc.  »  (Hist. 
de  B.  du  Guesclin,  par  Menard,  p."  383.)  «  Ont  esté... 
«  grevez,  domagiez  el  apau)iez  par  extorsions  de 
«  très-grandes  usures.  »  Ord.  T.  II,  p.  86. 

C'est  avec  raison  qu'un  ancien  Poète  historien, 
parlant  de  l'anéantissement  du  pouvoir  souverain 
dans  le  xii«  siècle,  disoit  : 

Moult  iert  li  règnes  descreuz, 
Apouriez,  et  decheuz 
De  sa  hautesce  souveraine, 
Puis  la  mort  au  Rov  Kallemaine. 

G.  Guiart,  MS.  fol.  11,  R". 

11  est  possible  que,  surtout  en  ce  dernier  passage, 
la  signification  du  participe  apourié  soit  neutre  et 
relative  à  celle  du  verbe  apourier,  ou  apouroier, 
être  fait  pauvre,  devenir  pauvre. 

Cil  qi  n'a  riens  ne  puet  apourier. 

Ane.  Poés.  fr.  MS.  du  Valic.  n'  liOO.  fol.  143,  R'. 
Riche  gent  érent  à  merveille  ; 
Mais  Deable  qui  tôt  tems  veille 
S'entremist  moU  d'ax  engigner, 
Tant  qu'il  les  fist  apouroier. 

Fabl.  IIS.  de  S'  Germ.  fol.  36,  R*  col.  2. 

VARIANTES  : 
APPOUVRIR.  Xicot  et  Monet,  Dict. 
Apaurier.  Ord.  T.  II,  p.  86. 
.\POURiER.  Miserere  du  Recl.  de  Moliens,  MS.  de  G.  f"  219. 


AP  -  77  - 

Apouroier.  FaW.  MS.  de  S-  Germ.  fol.  36,  R»  col  2 
Apouvrer.  Hist.  de  B.  du  GuescUn,  parlienard/p  '383 
Appaourir,  Appaouvrir.  Nicot,  Dict  '  ^ 

Appourir.  Rob.  Estienne  et  Nicot,  Dict. 
Appovrir.  Cotgrave,  Dict. 

Appouvrisseinaiit,  subst.  mase.  Annauvris- 
semeut.  (Cotgr.  Nicot  et  Monet,  Dict.  -  V.  Appouvbir.; 

VARIANTES  : 
APPOUVRIS.SEMANT.  Monet,  Dict 
Appourissement.  Nicot,  Dict 
Appovrissement.  Cotgrave,  Dict. 

Appréhender,  verbe.  Prendre,  arrêter,  faire 
arrêter.  Prendre,  l'ecevoir  une  idée.  Comprendi-e 
connoitre  évaluer,  juger.  Prévoir,  craindre.  On 
sait  qu  en  latin  apprehendere  signifie  prendre  avec 
]a  main,  et  que  relativement  à  celte  signification 
générale  apprehemler  en  françois,  désignoit  paru" 
culièrement  une  prise  de  corps,  lorsqu'on  disoit 
appréhender  quelqu'un,  Vapprehender  au  corps- 
expression  encore  usitée  en  style  de  Palais  «  Nostrê 
«  grand  Bailly,  comme  souverain  Officier  peut 
«  appréhender  tous  criminels  et  malfaicteurs  et 
«  SI  le  f,ergent  de  nostre  dit  Bailly...  appréhende 
'  an  corps  tmcnnè  malfaicteurs  en  la  terre  d'un 
o-én  't  T  n  -«'i'  *'^''V"  ^^T'-  '^^  "aynault,  au  Coût. 

seil.    1.  J,  p.    /8I.  _  Voy.  Al'1'REIlE.NDITlON.) 

Lest  par  extension  du  sens  propre  qu'on  a  dit 
Srv'utZ'Z  ^"^^r^'«"-  (Voye.  d2s  Accord  ,' 
n  ?iô        V   '  '^°/-  '^'  ^°-  -  ^"^"'ts  de  Strapa.  T.  II 
il       '".V^y-  A^EiiENsioN.)  Le  sens  llguré  dans 
lequel  on  dit  qu'on  a  eu  vent  d'une  chose/ semble 
avoir  que  que  analogie  avec  celui  de  l'ex preSn 
appréhender  qnelqwnn  du  rcuL  le  prendre^  'arrêter 
sans  information  précédcile,  le  faire  arrêter  sm' 
une  forte  présomption  autorisée  par  n  pSence 
ou  parce  qu'un  Juge  peut  avoir  appris  de  la  corn: 
^a'ue  le"B^';:'n  ''  *^^  «l"*^  1'^"  dif  EommunémeTit 
.  Tent     S-J""!  seigneur  peut  appréhender  du 
'  vent     doit  s  entendre  a  l'égard  de  l'étrano-er  des 
"  I»f' -f"',"'^'''"'*^^»'^--  lesquels  le  BaUy  peS 
«  appréhender  sans  informations  précède  Ues    ou 
•<  lesquels  on  trouve  actuellement  délinqS  s  n'um 
"  que  ce  fussent  des  habitans  et  bo3  Ss^Su 
iîin  Ict^'"?'^  '^'^^  véliémentes  présomplons 
et  ind  ces,  ou  la  commune  famé  ou  renommée  '^ 
îcaT^^'^r^''  1'  quelque délict digne  delà  piSn  ? 
(Coût,  de  Gand,  au  nouv.  Coût.  ién.  T.  I  p  looi  ) 
.   Quand  la  prise  de  corps  étoit  justiflée  par  mVi 
information  qui  changeoit  en  conviS,  Ta  nié 
eTT,Zr'"'''  ^"^''^^"elle  on  avoUfai  prendre 
et    aireter    un   malfaiteur,  on   disoit  ou*il   étni» 
appréhendé  et  convaincu  du  fait?  On  ne  peu 
«  condamner  personne  à  la  mort  pour  délicî  sUe 
«•  nestquil  soit  appréhe^idé  et  convainc    dû  /a't 
«  lï    'c'SS;^;fV  '''  ""'T''  tenues  cône 
Peut-être  aussi  que  dans  un  s^us  relalifà  fi' 
ception  générale  et  figurée  d' appréhl.S f,prenSe 


AP 

idée  et  connoissance  d'une  chose,  en  juger  d'après 
cette  Idée  et  cette  connoissance,  on  auni  dit  d'uni 
personne  reconnue  et  jugée  coupable  d'un  déUt 
qu  elle  en  etoit  appréhendée  ?  ' 

La  preuve  qu'appréhender,  signifioit  fiaurément 
prendre  l'Idée  d'une  chose  en  général  c'est  cmVn 
parlant  de  l'entendement  humahi,  on  d  soit  «'  sSS 
«  premier  office. . .  est  de  recevoir  simplement  et 

(sagesse  de  Charron,  p.  loo.) 
La  simple  appréhension  de  l'idée  des  choses  est 

ie  l'iSan,^'"*^^  °"  '"'%  '^'^^P''^"'^  en  sScupan 
et  d'en  i,  Ipp  n",'  P,'''''  '"  '"°>en  de  lesconnoitre 
et  cl  en  juger.  Delà,  les  acceptions  (ï  appréhender 
comprendre,  çonnoitre,  évaluer,  juger.'^tef  (Monet; 
iJict.  —  \oy.  Appreiiendre.)  ' 

Enfin  le  verbe  appréhender,  dans  le  sens  dp 
craindre,  désignoit  et  désigne  encore  l'efflf  d'une 
connoissance  anticipée,  de  cette  prévoyance  inquiète 
avec  laquel  e  on  juge  les  choses  d'après  idée 
facieuse  quon  en  prend,  avant  même  qu'elles  se 
réalisent.  (Monet,  Dict.  -  Yoy.  Appréhensif  ) 


VARIANTES 
APPREHENDER.  Orth.  snbsist  - 
Apprehander.  ironet,  Dict. 


Coût.  gén.  T  I,  p.  781. 


Apprehenditiou,  subst.  fém.  Prise  de  corps 
bigni, cation  relative  à  celle  du  verbe  appréhender 
prendre  arrêter.  ^Cout.  de  Ilaynault,  au  Coût  gén' 
1.  1,  p.  /82.  —  ^oy.  Appréiie.nder.) 

ma'^rf''Tpn'{,^"i^*'^' /'''■''''■•  ^'^""^''^  en  étendant  la 
main.  Tenir  dans  la  main.  Prendre  l'idée  d'une 
chose,  la  retenir  dans  sa  mémoire.  Prendre  une 
1  habitude,  çonnoitre  par  habitude,  s'accoutun"er 
Reprendre,  relever,  faire  çonnoitre'.  Faire  pSre 
1  idée  d  une  chose,  la  faire  çonnoitre,  enseio-ner 
instruire,  etc.  Accoutumer.  Il  est  évident  que  le 
•fi  n  .,       'F°".'''"P'"^"'^'"e,  est  une  contracthjn  du 

P  pnf^'rî'.f  "''•  ^''^-  P^""  ""e  espèce  d'asservis" 
semen  à  1  orthographe  étymologique,  que  dans  le 
siècle  de  l'érudition,  l'on  aura  écrit  appréleZre- 
en  transposant  Ve  final,  appréhender  {i)%yezAp'. 

PREllE.NDER.)  ^   '    ^       .jv.^.  ^1 

n,.?ii^n''  ''"^^  ^^'^  aujourd'hui  la  différence  de  signi- 
nPP,  ,p  ^"^e  apprendre  et  appréhender,  on  a  la 
preuve  que  dans  un  sens  très-analogue  à  celui  du 

avPr'l-f^^f'''"r^"''f"  '^''*"  'W^'^endere,  prendre 
avec  la  mam,  le  verbe  apprendre  signifioit  ancien- 
nement prendre  eu  étendant  la  main.  Tel  étôi!  saSs 
doute  le  sens  d'apprendre,  lorsqu'on  personnifiant  la 


Mors,  moût  os  bien  apris  le  monde. 
De  toutes  partz  à  la  reonde, 
ru  lieves  sor  toz  ta  beniere,  etc 

Fabl.  .MS.  du  R.  n-  7615,  T.  I,  fol.  103,  V  col   1. 

«/J!!;.^''/ens'«nJl  paroît  avoir  signifié  tenir  dans 
sa  main  la  chose  qu  on  a  prise. 


s2SS9aiïs^^Sïî«"=^- 


AP 


78  — 


AP 


Envis  lait-on  cou  qu'on  aprent  (I). 

l'rov.  rur.  et  vulg.  US.  de  N.  D.  n"  2,  fol.  H.  R'  col.  *. 

Au  figuro,  ce  même  verbe  apprendre  signifioit  ce 
qu'il  signilie  encore  aujourd'liui,  prendre  l'idée  de 
ce  qu'on  veut  ou  doit  connoitre,  en  retenir  l'idée 
dans  sa  tôle,  comme  l'on  retient  dans  sa  main  une 
cliose  qu'on  a  prise,  en  prendre  connoissance 
d'après  cette  idée  retenue  dans  la  mémoire  par  la 
force  active  de  l'entendement  humain.  (V.  Apprise.) 

Droiz  dit  que  cil  fait  à  reprendre 
Oui  ne  set,  ne  ne  vuet  aprenctre. 

Fabl.  MS.  du  R.  n'  7615.  T.  I,  fol.  110,  R-  col.  ). 
Nuns  n'enpire  de  bien  apronlrc. 

IbiJ.  T.  II,  fol.  165,  V-  col.l. 

C'étoit  la  même  signification,  lorsqu'en  employant 
comme  substantifs  le  verbe  apprendre  et  le  participe 
apprenant,  on  disoit  : 

....  Je  n'ai  mie  si  chier 
Le  séjor  d'Arras,  ne  la  joie, 
Que  Vaprendre  lessier  en  doie. 

Fabl.  .MS.  du.  R.  u-  7218,  fol.  250,  V'  col.  1. 
Maistre  qui  désensaigne, 
Son  aprenant  méhagne  (2). 

Prov.  du  C-do  Bretagne,  VS.  de  S.  Gerni.  fol.  lU,  V  col.  2. 

Dans  cette  expression  apprendre  à  lettres,  la  pré- 
position à,  en  latin  ad,  étoit  d'autant  plus  inutile, 
que  le  rapport  de  l'action  de  prendre  une  idée,  une 
connoissance,  à  l'objet  de  cette  action,  étoit  suffi- 
samment indiqué  par  la  préposition  initiale  du 
verbe  apprendre,  qui  d'ailleurs  avoit  le  régime  qu'il 
conserve  encore. 

Et  puis  cou  k'il  ot  XL  ans 
Fu  il  à  laitres  aprcndans. 

Ph.  Mouskes,  MS.  p.  416. 

On  ajoute  que  l'acception  de  la  préposition  fran- 
çoise  à,  étoit  relative  à  celle  de  la  préposition  latine 
ab,  quand  pour  indiquer  la  personne  de  qui  l'on 
apprenoit  une  chose,  on  disoit  qu'on  l'apprenoit  à 
cette  même  personne  ;  expression  dans  laquelle  à 
est  de  même  signification  que  de,  usité  comme 
aujourd'hui,  dans  notre  ancienne  langue.  «  Si 
«  covient  ke...  nos  apregniens  del  Saint  des  Sainz 
«  mansuetume  et  la  grâce  de  comune  vie,  si  cum  il 
«  mismes  dist:  apremiz  à  mi  ke  je  suis  sueys  et 
«  humiles  de  cuer  ;  en  latin,  discite  à  me,  quia  mitis 
«  sum,  et  humilis  corde.  »  (S'  Bern.  Serra,  fr.  mss. 
p.  lOi.  —  Id.  ibid.  Serm.  lai.  col.  777.) 

Dans  le  cas  oîi  l'idée  prise  d'une  chose  et  retenue 
dans  la  mémoire,  en  opéroilla  connoissance  parfaite 
et  permanente,  on  disoit  que  cette  chose  étoit 
apprise  du  tout,  ou  tout  au  long,  qu'elle  étoit  apprise 
par  cœur.  L'apprendre  par  avant  ou  auparavant, 
c'étoit  en  avoir  une  connoissance  anticipée,  en 
prendre  une  idée  que  la  prévoyance  réalise  dans 
l'avenir.  (Rob.  Estienne,  Nicot  et  Monet,  Dict.) 

Quoique  ce  verbe  apprendre,  dont  l'acception 
figurée  n'a  presque  point  varié,  signifie  encore 
l'habitude  qu'on  prend  de  certaines  choses  aux- 
quelles on  s'accoutume  en  lesconnoissant  par  cette 
même  habitude,  on  ne  désigneroit  plus,  1°  une 
personne  qui  connoîtroit  l'agrément  d'une  compa- 


gnie à  laquelle  elle  se  seroit  accoutumée,  en  disant 
qu'elle  a  appris  compagnie  : 

.  .  .  Qui  a  compaignie  aprise, 
Bien  sai  de  voir  que  petit  prise 
L'aise  qu'il  a  sans  compaignie. 

Fabl.  MS.  du  R.  n-  7218,  fol.  213,  R'  col.  1. 

2°  Une  personne  qui  ne  seroit  pas  accoutumée  à 
l'air  d'un  climat,  en  disant  qu'elle  n'en  a  pas 
appris  l'air  : 

...  Le  mal  plus  griement  l'a  pris. 
Pour  l'air  qu'il  n'avoit  pas  apns. 

G.  Guiart,  MS.  fol.  36.  V-. 

3°  Une  personne  qui  ne  connoîtroit  pas  la  pauvreté 
faute  d'y  être  accoutumée,  en  disant  qu'elle  n'a  pas 
appris  la  pauvreté.  «  Grant  cruauté  seroit  que  l'en 
«  la  laissast. . .  désespérer  par  poureté  que  elle 
«  n'auroit  pas  aprise.  >•  (Beaumanoir,  Coût,  de 
Beauvoisis,  chap.  xxx,  p.  103.) 

A°  Une  personne  qui  connoîtroit  le  plaisir  d'être 
riche  ou  à  son  aise,  et  s'y  seroit  accoutumée,  en 
disant  qu'elle  a  appris  ses  aises,  qu'elle  a  appris  la 
richesse.  «  S'enclinoyeal  à  la  guerre  poures  Cheva- 
»  liers...  qui  avoyent  a/;pm  leurs  aises  et  souste- 
«  noyent  leur  estât  sur  la  guerre.  »  (Froissart, 
Vol.  IV,  page  111.) 

.  .  .  Qui  f(  (tpris  la  richèce, 
Moult  i  a  dolor  et  destrèce, 
Quant  l'en  chiet  en  autrui  dangier, 
Por  son  boivre  et  por  son  mengier. 

Fabl.  MS.  du  R.  n-  7218,  fol.  299,  R-  col.  1. 

5°  On  ne  désigneroit  plus  enfin  une  jeune  per- 
sonne dont  les  membres  délicats  ne  sont  point 
accoutumés  aux  blessures,  en  disant  que  ses  mem- 
bres n'ont  pas  appris  qu'on  les  blesse.  "  Si  bel  pié  et 
«  ses  bêles  mains...  n'avoient  mie  apris  c'on  les 
»  bléçast.  "  (Fabl.  ms.  du  R.  ir  7989,  fol.  77.  —  Voy. 
Apprentl're  et  Apprisure.) 

Quelquefois  l'acception  figurée  du  verbe  reprendre 
étoit  celle  d'apprendre;  de  façon  qu'apprendre  le 
vice  signifioit  reprendre  le  vice,  le  relever  comme 
on  relève  une  chose  en  la  prenant  avec  la  main, 
faire  connoître  le  vice,  en  faire  prendre  une  idée 
odieuse  en  le  présentant  aux  yeux  de  l'esprit, 
comme  on  présente  à  ceux  du  corps  une  chose 
qu'on  lient  à  la  main. 

Li  Philosophe  tel  estoient, 
Que  à  nule  rien  n'entendoient, 
Fors  qu'à  bien  dire  et  à  aprendre 
Les  malvès  vices,  etc.. 

Bible  Guiot,  MS.  de  N.  D.  a'  E.  6,  fol.  89,  V°  col.  1. 

Encore  aujourd'hui,  apprendre  une  chose  à  quel- 
qu'un ,  c'est  lui  en  faire  prendre  une  idée  qu'il 
retienne  dans  sa  mémoire,  lui  faire  connoître  cette 
chose  en  lui  en  présentant  l'idée,  en  l'enseignant, 
en  l'inslruisant,  etc.  (Voy.  Apprenture  et  Apprisfre.) 
Mais  on  ne  diroit  plus,  apprendre  quelqu'un  les 
Sciences,  ou  tout  simplement  l'apprendre,  pour 
enseigner  ;\  quelqu'un  les  Sciences,  l'instruire  dans 
les  Sciences.  «  Glergie  vint  en  France  par  Alcuin.... 
u  Dui  moines  Escoz  aprenoient  les  gens  sapience 
«  pour  l'amour  Nostre  Seignour.  »  (Chr.  S'  Denys, 


(1)  C'est  à  regret  qu'on  laisse  ce....  (n.  e.)  -  (2)  blesse,  lèse. 


AP 


—  79  — 


Reç.  des  Hist.  de  Fr.  T.  V,  pa^e  263.)  «  Nous 
:i^^^p>Jftmes,  et  il  sot  moult  retenir.  ..  (Rom  de 
Dolopathos,  Ms.  du  R.  n-  7534,  fol  '^94  )      ^ 

On  ne  supprimoil  pas  toujours  la  prénosition  à 
qui  orsqu'elle  ne  désignoit  point  la  pSnne  qu'on 

doï  'on ^tr;? 'nf ''^""^''  quelqifefois"lT ?hose 
aont  on  1  instruisoit,  comme  en  cette  exoressinn 
;  apprendre  une  Nymphe   aux  ébas  Sour    ' 

ainreS-nt,^''^''  'i'''^  PI"'  ancUnnem  n 
•eKstîrV^.fi?^^^^       d'une  chose,  »  c'étoit  aussi 
îa'S^uSre  Siilr  ''''"'''  ''^'^^e  de  cette  chose, 

0  lui  ara  encanteours, 

Et  moult  divers  engingneors 

yui  de  tous  maus  Vaprendront. 

Lucidaires,  MS.  de  Gihert,  fol.  24,  V°. 

On  disoit  d'une  chose  qu'on  pouvoit  connoîtrp 
sans  instruction,qu'elle  »  nefaisoit  mie  à  «Sï  ! 

-  Rom.  de  Rou,  ms.  p.  no'.  -  Voy  A  Îre 't.   ) 
difoiis  qui  mslruisenl  de  la  v&ilé  te  Ms 

En  celui  termine  meisme 
Ou  faus  devise  Uopra»c/,'es, 
be  boisa  h  Quens  de  Flandres. 

G.  Giiiart,  MS.  fol.  232,  R". 
.  .  .  Envoya  li  Quens  de  Flandres 
A  Furnes,  ce  dit  li  aprendres 

Id.  fol.  236,  R». 


AP 


Apprins  ou  Aprins,  participe.  Annris  insfmif 
accoutume.  (Rob.  Estienne,  NicotetZIt  dS?  ' 
Apraujnet,  s  pr.  Qu'il  apprenne.  (S- Bern  s  fr  ) 
jPrcdnet,  subj  prés.  Qu'il  apprenne.  (IdibTé  f '^ 
Apregniens.  subj.  pr.  Que  nous  apprenions  rid  \ 

ApnncioU  indic.  imp.  Apprenoit.  fCléomadi'"? S 
Am'igeH,  subj.  pr.  Qu'il  apprenne    L  des  Ro  s  ^ 
(Rom  Soton!:i£-  P'-^t'/PPr^'"*^^^^'  enselfn.fmS 

^Sis  ï>  '  S-'i^P-  '^"^'  '^PP^'t.  (S-  Bern.  S.  r.) 
^^/çs/.iu's,  subj.  imp.  Que  vous  apnrissie?   a 

Apustrent,  ind.  prêt.  Apprirent.  (Athis,  ms.  ^54.) 

APPRÉHENDRE.  Colgr^ûS'  ' 

ÏT.Z-Àl\tl  ëîcT-  '''''■  '^  ^-  ^^-"-  T.  n,p.  1391. 

pS^C^^Siaî^!^^i|'-^^«r'^°'-'^'P'"^- 

Aprendre  Rom.  de  Rou,  MS.  p   ilo  ' 

APRENRE.  Beaumanoir,  C.  de  B^eaiv oisis,  chap.  xl  p  22. 

"  de  ce  quon  ht  aux  histoires  Romaines  de  cpnv 
"  qui  avant  le  jour  des  batailler^ss  "ni?  ,^^ 
«  moient  aussi'  P-'ofondément  que  sf  c'estoif  [; 
«  lendemain  de  leurs  nopces  :  je  S-  LSll  st 
"  S?pir'''"'"''f-  ;(-^'^^'»-deMontlîiT  I  p'?|9' 

Appréhender  et  APPREHENSION.^  Prevoii .  (Voyez 


avoir  certaines  ciuaîte-s      b  Slfes^'on  "rïl'' ' 
parlant  de  fumiel^  qu'il  est  .S".fl^^2^^^  '''  ^" 

L'habit  de  pris, 
Fard  bien  compris, 
Font  d'un  laid  corps  le  parement  • 
Ainsi  que  les  Heurs  du  pourpris   ' 
Reparent  le  fumier  appns     ^ 
De  puyr  natureUement. 

J.  Marot,  p.  200. 
.  .  CONJUG. 

(coî5£rp."?5i'?S,!"£5î:?."|^r--- 


Appréhension,  subst.  fém  Prise  snisip-  nr.-o^ 
..o,mnéMaistreWlïï"„lt';v  S' Sis"  ,,ra*î2 


..e  ™  u..g,  ,.■„,  „,.  .,,„,..  * ;»=  20..,  on  „„„v.  <ie,a  :  .  Mal, .,  .p.j,  y  „„  .„^,,  ,^^^  ^  ^^  _^^  _  ^^^  ^^  ^^^  ^^^ 


AP 


—  80  - 


AP 


de  comprendre,  la  compréhension.  (Cotgrave,  Rob. 
Estienne,  Nicot  et  Monet,  Dict.) 

On  a  désigné  même  par  ce  mot  appréheimon, 
l'idée  plus  ou  moins  vraie,  la  connoissance  plus  ou 
moins  certaine  qu'on  prend  des  choses,  le  jugement 
qu'on  eu  l'orme  d'après  cette  idée,  cette  connois- 
sance. "  11  eut  une  appiélwnsion  que  c'étoient  ses 
«  enfans.  »  (Nuits  de  Strapar.  T.  I,  page  300.)  «  La 
«  femme  de  S'  Hilaire...  prit  une  vive  appréhension 
«  de  la  béatitude  élerneiie  et  céleste.  »  (Essais  de 
Montaigue,  T.  I,  page  350.)  «  Les  hommes  ont  eu 
«  apprélicnsion  de  Dieu  par  les  astres  qui  nous 
«  a|)paroissent.  »  (Amyol,  Moral,  de  Plutarque,  T.  II, 
p.  -218.  -  Voy.  Monet,  Dict.) 

Qu'il  suffise  d'avoir  uidiqué  ailleurs  par  quelle 
analogie  ce  mot  apprélienslon,  qui  désigne  encore 
l'idée  qu'on  prend  d'une  chose,  a  signifié  et  signifie 
crainte.  (Voy.  Appréhender  et  Appréhensif.) 

Apprentis,  adjectif  subst.  masc.  et  féni.  Qui 
apprend  une  chose,  qui  est  encore  à  l'apprendre. 
(Voyez  Ari'HEiiENDiuc.)  On  voit  que  l'ortliographe 
apprenti,  préférée  aujourd'hui  à  l'oiihographe  ap- 
prcntif,  n'est  pas  nouvelle  dans  notre  langue.  L'une 
et  l'autre  ont  fait  oublier  l'ancienne  orthogiaphe 
apprentis,  dont  se  forme  si  naturellement  le  subs- 
tantif ap[irentissage  qui  subsiste  (1).  Encore  aujour- 
d'hui, un  apprenti  est  quelqu'un  qui  apprend  un 
métier,  ou  autre  chose  en  général;  quelqu'un  à  qui 
il  faut  apprendre  ce  métier  ou  cette  autre  chose. 

Mais  on  ne  diroit  plus  avec  Montaigne  :  «  Je  ne 
«  me  prens  gueres  aux  nouveaux  livres,  pour  ce 
«  que  les  Anciens  me  semblent  plus  pleins  et  plus 
«  roides;  ny  aux  Grecs,  parce  que  mon  jugement 
«  ne  sçait  pas  faire  ses  besognes  d'une  puérile  et 
«  apprentisse  intelligence.  »  (Essais  de  Montaigne, 
T.  II,  page  136.) 

On  a  voulu  sans  doute  désigner  le  chant  naturel 
des  oiseaux,  ce  chant  qu'ils  n'apprennent  point  de 
l'art,  lorsqu'on  a  dit  : 

A  chanter  furent  ententis 

Les  oyseauLx,  non  comme  aprentis, 

Ne  aussi  comme  non  sachans. 

Rom.  de  la  Rose,  vers  692-694. 

Anciennement,  l'acception  d'apprentis  éloit  si 
générale,  que  pour  signifier  qu'on  étoit  encore  i\ 
apprendre  des  nouvelles  de  quelqu'un,  on  disoit 
qu'on  en  étoit  aprentis. 

En  demandoit  par  tous  pays; 
Mais  aussi  en  ert  apprentis 
Que  il  fu  au  commencement. 

CléomaJès,  MS.  de  Gaignat,  fol.  46.  R*  col.  1. 

VARIANTES  : 
APPRENTIS.  Cléomadés,  MS.  de  Gaignat,  fol.  46,  R"  col.  1. 
Apprentie.  Monet,  Dict.  au  mot  Appris.  —  D.  de  Trévoux. 
Apprenti.  Orth.  subsist.  —  Rob.  Estienne  et  Nicot,  Dict. 
Apprenty.  Nicot,  Dict.  au  mot  Apprenti. 


Aprenti.  Rom.  de  la  Rose,  vers  693. 
Apprentisse.  Essais  de  Montaigne,  T.  II,  p.  136.  —  Dict. 
de  Trévoux. 

Apprenture,  suhst.  féminin.  Enseignement, 
instruction  ou  coutume,  habitude.  SignificaUons 
relatives  à  celles  du  verbe  apprendre,  instruire, 
accoutumer.  (Voy.  Appréiiendre.)  «  Peu  de  gens  est 
«  qui  soint  hardiz  par  nature  ;  mais  mains  devien- 
«  nent  hardiz  par  art  et  par  apprenture.  «  (Instr. 
de  Chevalerie  et  exerc.  de  Guerre,  ms.  fol.  12,  R».  — 

Voyez  At'RENE.ME.NT.) 

Apprise,  subst.  fém.  Apprentissage.  Connois- 
sance d'une  chose  apprise.  Espèce  d'Enquête. 
Entreprise.  Ce  mot  aprise  ou  aprinse,  dans  le  sens 
d'apprentissage,  signifioit  l'exercice  par  lequel  on 
apprend  un  métier,  par  lequel  on  s'y  instruit  sous 
les  yeux  d'un  Maître.  «  Pourveu  qu'il  ait  servi  trois 
»  ans  en  bonne  aprise,  etc  »  (Ord.  T.  VIII,  p.  513. 
—  Voy.  Api'RisiRE.) 

Il  semble  qu'être  de  Vaprinse  d'un  métier,  c'étoit 
être  né  dans  un  métier  dont  on  a  fait  l'apprentissage 
en  s'y  exerçant  dès  l'enfance.  «  Se  il  est  filz  de 
«  Maistre  et  de  la  dicte  aprinse,  il  ne  payera,  etc.  » 
(Ord.  T.  IX,  p.  45.) 

On  a  dit  d'une  personne  qui  avoit  appris  une 
langue,  qui  en  avoit  la  connoissance,  l'intelligence, 
qu'elle  «  étoit  de  cette  langue  par  aprise.  «  (Voyez 
ArpRÉiiENDRE.)  «  Encores  que  je  ne  soye,  par  nature, 
«  ou  par  apprise,  de  la  langue  d'Alemaigne;  si 
»  ay-j'enquis,  à  la  vérité,  de  ceste  généalogie,  le 
«  plus  qu'il  m'a  esté  possible.  »  (Méin.  d'Ol.  de  la 
Marche,  p.  12.  —  Voy.  Apprisure.) 

L'espèce  d'enquête  qu'un  Juge  faisoit  d'office 
pour  apprendre  la  vérité  d'un  fait,  étoit  une  apprise. 
(Voy.  Du  Cange,  Gloss.  lat.  au  mot  apprisia,  col.  590 
et  591.  —  Lalirière,  Gloss.  du  Dr.  fr.)  L'Enquête  en 
général  différoit  de  Vapprise,  en  ce  que  Yapprise, 
qui  se  faisoit  d'office  et  sans  le  consentement  de 
celui  qu'on  soupçonnoit  d'être  coupable,  ne  portoit 
pas,  dit  Beaumanoir,  fin  de  querelle.  »  Quant  aucun 
«  est  pris  pour  soupechon  de  vilain  cas...  l'en  doit 
«  demander  à  cheli  qui  est  pris,  se  il  viout  atendre 

«  enqueste  dou  fet S'il  ne  veut  atendre  l'en- 

«  queste,  adonques  i  appartient  aprise;  che  esta 
«  dire  que  li  Juges  de  son  office  doit  aprenre  et 

«  enchercliier  dou  fet Mes  à  che  que  il  fust 

«  condempnés  i^  mort  par  Vaprise,  il  convient  bien 
«  que  li  fès  fust  sens  clers  par  plus  de  trois  tesmoins 
«  ou  de  quatre,  si  ([ue  li  jugement  ne  soit  pas  fait 
«  tant  seulement  par  l'aprise,  mes  pour  fet  notoire. 
«  La  différence  qui  est  entre  aprise  et  enqueste,  est 
«  tele  que  enqueste  porte  fin  de  querele,  et  aprise 
><  n'en  porte  point  :  car  aprise  ne  sert  fors  de  tant 
«  sans  plus  que  li  Juges  est  plus  sages  de  la  besoigne 


(1)  Les  deux  formes  apprentif  et  apprentis  ont  dû  être  contemporaines.  Dans  Berthe  aux  grans  pies  (vers  1),  on  trouve: 
«  Aprentif  jugleor  et  escrivain  marri  ;  »  et  dans  le  Livre  des  Métiers  d'Et.  Boileau,  du  xiir  siècle,  comme  le  poème 
précédent:  «  Il  peut  avoir  tant  d'apprentis  et  de  vallés  comme  il  li  plaist.  »  (Edition  Depping,  p.  18.)  Le  féminin  était 
a/j/j/(,')i/ife;  cet  archaïsme  est  encore  employé  par  quelques  personnes.  —  Voir  sur  l'uppre»*;,  YEssai  sur  l'organisation  de 
ioulustrie  à  Paris  aux  XIII'  et  XIV'  siècles,  art.  de  G.  Fagniez.  —  Bibliothèque  de  l'Ecole  des  Chartes,  1874  (p.  479  à. 
497).  (N.  E.) 


AP 


—  81  - 


«  quil  a  apme.  »  (Beaumanoir,  Coût,  de  Beau- 
VOisis,  chap.  XL,  p.  221.  _  Voy.  Ord.  T.  I,  p.  575  ) 
Dans  la  signification  d'entreprise,  ce  mot  aprise  (1) 
étoitlememe  qu'emprise.  »  Les  Zassons...  s'avan- 
«  turoyent  pour  gaigner,  par  bonne  façon  ;  voire 
«  jusques  h  gaigner  et  emmener  de  nos  gens.  De 
«  telles  petites  prises  et  aprises  firent...  sur  nostre 

«  compaignie Plusieurs    chevaux    et  4ns 

ml^r  d'ol*  ^I'^^m'""',"'  P^^'"  ^'^"^^^  emprises,  elc.  ! 

VARIANTES  : 


AP 


APRisîf  Ord^xT^n'.^'r'-  \=''-  ^H  ^ot^pprisia,  col.  590. 
Apri'kse.  Ord.  T   l5;  l%7  ''"""''■^'  '^'°^^-  *•"  ^r.  fr. 

Apprisure,  siibst.  fém.  Apprenlissa^-e  Ensei 
gnement,  instruction,  etc.  Coutume,  1  abii&^^^^^ 
APPREHE.NDRE  et  APR.soN.)  On  a  dit  au  premier  sens  :' 


■  •  Il  firent  leur  apresure 
U  armes,  sans  nule  mespresure. 

Pli.  Mouskes,  MS.  p.  823. 

Dans  le  second  sens,  une  histoire  à'apresnre 
étoit  une  histoire  où  Ton  pouvoit  s'inslru  re  une 
personne  de  bêle  «/.,ï'.«r/étoit  une  perso  ne  beii 

p.  ddj.  —  Ane.  Poet.  fr.  mss.  av.  1300,  T.  II,  p.  70G.) 

Amours  nélie  et  escure 

Le  cuer  k'éle  a  bien  saisi. 

Vaillant  le  fait  et  hardi; 

Est  de  courtoisie  apresure  ■ 

Biens,  sans  li,  n'est  fors  que  painture. 

Ane.  Poés.  fr.  MS.  du  Vatican,  n-  U90,  fol.  94,  R.. 

C'est  relativement  aux  effets  d'un  long  annren- 
tissage  et  d'une  instruction  continuelle,  me  le  S 
appnsure  paroît  avoir  signiHé  coutume. 'habituSe 

C'ert  moult  fort  cho.se  d'apresure  ■ 
Mes  nature  deust  pas.ser,  etc. 

Fahl.  MS    du  R.  n"  7-218,  fol.  225,  R-  col.  ). 
VARfANTFS  ' 

APPRISURE.  G.  Machaut,  Poës.  MSS.  fol  19  r»  col   1 
Apreseure.  Ph.  Mouskes  MS.  p  331  '         °'-  ^• 

Apreslre.  Vie  de  S'eThaysies,  MS.  deS.  chif.  xxvn,  col.  16. 

Approbation,  subsf.  fém.  Action  d'énrouver 
épreuve.  Action  de  prouver,  preuve    L'acceïïion' 

2Tr!uTl'',  •?'  ''  '"^^  appràation,  est  la  Sï 
que  ce  le  du  latin  appvobatio.  (Voy.  Àpprouvement  t 
Delà,  Il  aura  signifié,  1° l'action  d'ép  ouver,  e'Jreuve- 
«  b.  ne  vous  plaist  me  donner  cette  petite  S  S  on 
«  pour  m  approuver,  parce  que  de  telle  arnSSi 
M^rn'^T'^  '''■  "  ^^"""P''  '''  ''  niille  Dame, 

^nni.^  f *^i'-^"  ^^  prouver,  preuve,  comme  lorsau'en 
pariant  dune  action  qui  prouVoit  dé  H  hnnnn 
volonté,  on  disoit  qu'elle  éK  ,  unetiSS 
«  de  bonne  volonté.  »  (Du  Bellay,  Mém  Km  7 
«  Dame,  vous  direz  ce  qu'il  vous  plaira  mais  ' 
«  oncques  Monseigneur  Lancelot  ne  se  neS  de 
«  faire  ce  que  vous  luy  mettez  sus.  Il  a  bien  monshé 
«  àceste  assemblée,  ilist  la  Royne  •  doTt  sr^oy^e 

11 


j  moy  que  l'approbation  en  est  si  apparovssante    ,, 
(Lanc.  du  Lac,  T.  III,  fol.  121,  R»  col   1  ) 

Approfitement,  subst.  masc.  Action  de  mettrP 
a  prolit.  L'action  de  faire  valoir  une  cl  ose  L^  r  sn? 
ou  pour  quelqu'autre.  (Cotgrave  et  S  dTc 
\oy.  Approfiter.)  ci.  moui,  uict. — 

Approfiter,  verbe.  Mettre  à  profit,  faire  vilnir 
Mettre  en  état  de  profiter,  de  faire  valor^rofuér" 
Etre  profitable.  Ce  verbe,  composé  de  la  préposit  on 
«  reunie  au  verbe  simple  profiler,  signifioif  me  tre 
a  profil  une  chose,  la  faire  vn  ni  r  nnnr  =ni   ^       ^ 

pour  1  usage,  'Utilité  des  autres.  «  Les  cSnnlfestes 
"  faictes  sur  les  ennemis...  il  faut  amrS  Jl 
«^non  prodiguer,  ny  dissiper.  »  (S^Sseï SSr'ron^! 

En  cas  de  »  séquestre  estably  en  un  bénéficp 

*:  sS"/'  "  °.^*^''^"  ^"<^  "  "^  '-evenu  de  ce  bé,  éfice 
«  seroit  approfite  par  un  tiers,...  au  moven  ellZot 
«  qu'i  avoit  promis  faire  le  dit  rw;nS»iSf  la 
"  Z^'^-^T  et„P'?'Ception  des  fru:    s  au  SJe 

se  rendre  utile,  qu'rw^.o/?/^./,  Je  qu'un  éiTens 
sgnifioit  le  mettre  en  ét;.t  de  profitei' ,  le  mettre  en 

qL'on  lif  P,i;'^''^  ''  ^'"■«"  ''''  P«"'-  lui 'le  bien 
qu  on  lu  lait.  .  Seigneur,  quant  je  pense  en  mnv 
•■  en  quelz  ne  en  quanz  biens  tu  m'as  aproufité  II 

etc.  «  (Liiasse  de  Gaston  Phebus,  ms.  p.  387  1 
La  signification  active  de  ce  verbe  etoit  -ibsoinp 
lorsque  pour  désigner  une  personne  qupontou' 
qui  faisoit  qu'une  chose  fût  p.uir  ele  en  Til' 
rendant  utile,  on  disoit  qu'elle  appo/^ft  'VoStc? 
"  mes  euvres  ordene  à  ton  dou  x  plaisii   si  oue  l 

«  Que  aproup te  à  ta  charité,...  si  je  iS  en  mn 
PeuVÎi't-  "  (P'^^^sse  de  Gaston  Phébus,'  m  p'383 
Peut-être  qu  aproufier,  en  latin  proftcere  nW 
!  V."n.?r  d  «•■n^os-'iaphe  dans  le  Jassaîé  sùivLu 
«  Le  meilleur  médecine.  .  .  si  es  .  .  Tes  lessipr 
«  mengier  tout  quant  qu'iîz  voudront  ;  car  aud  S 

ibif?'VTfr^rf,i°"''''''""''«^^''''»/'^"'  ('^)'^ien.  '(id^ 
.,..    P-  r?''ù   ^*^'"^  conjecture  paroit  d'autant  n ki s 
vraisemblable,  qu'on  trouve  plusieurs  fois  'nVn  n 
graphe  aproitfiter  dans  le  même  o^TagS  "" 

VARIANTES  ' 
APPROFITER  Contes  de  Des  Périers,  T  I  p  151 
Aproufier.  Chasse  de  Gaston  Phébus   MS  n  105 
Aprûufiter.  Ibid.  p.  359,  383,  etc  ^' 

Ce'^'ol 'Tn^n^'l'n'**""''"^'.  '"*^^-  '««^^-  P>'Ovision. 
ce  mot,  forme  de  provende,  en  latin  prœbendu  par 


AP 


—  82  - 


AP 


contraction  de  prœhiheiula,  désigne  une  chose  que 
doit  avoir  d'avance,  ou  par  provision,  celui  à  qui  on 
la  donne.  <•  Au  regard  de  Vapprouvandeynent...  pour 
a  la  plaine  affolure,  lequel  avoit  esté  limité  à  huict 
«  muids  de  bled,  etc.  "  (Coutumes  de  Hainaull,  au 
nouv.  Coût.  gén.  T.  I,  p.  59.  —  Voy.  Provende.) 

V.4R1A.NTES  : 
APPROUVANDEMENT.  Du  Cange,  Gloss.  lat.  à  Provenda. 
Aprovandement.  Coût.  gén.  T.  I,  p.  784. 

Approuve,  subst.  fém.  Epreuve.  Preuve.  Il 
semble  que  dans  un  sens  relatif  à  celui  du  verbe 
approuver,  éprouver,  l'on  ait  dit  en  parlant  d'un 
Prélat  en  général  : 

Les  bons  et  les  maulvais  sont  dessoulz  tes  approuves  : 
Qui  scet  ou  qui  ne  scet,  t'appartient  que  tu  preuves  (1). 

J.de  Meun,  Codicile,  vers  593-595. 

Peut-être  la  rime  exige-t-elle  que  dans  ces  vers 
on  lise  appreuve,  comme  dans  le  passage  suivant 
où  ce  mot  signiiie  preuve.  «  Hercules  en  faisant  ses 
«  voyages...  passa  par  le  pays  que  l'on  nomme  à 
«  présent  Bourgongne,  et  y  prit  en  mariage...  l'une 
«  de  ses  femmes  nommée  Alise  ; ....  et. ..  de  ceste 
«  Alise  il  eut  génération,  dont  sont...  yssus  les  pre- 
«  miers  Roys  de  Bourgongne  :  et  pour  appreuve, 
«  vous  trouverez  au  Duché  de  Bourgongne,...  appa- 
«  rence  d'une  cité  ou  ville  qui  se  nommoit  Alise.  » 
(Mém.  d'Ol.  de  la  Marche,  p.  21.  —  Voy.  Approuver.) 

VARIANTES  : 
APPROUVE.  J.  de  Meun,  Codicile,  vers  593. 
Appreuve.  Mém.  d'OI.  de  la  Marche,  p.  22. 

Approuvement ,  subst.  maso.  Appi'obation. 
(Cotgrave,  Rob.  Estienne,  Nicot  et  Monet,  Dict.  — 
Voy.  Approuver.) 

Approuvender,  verbe.  Approvisionner.  (Voy. 
Approuvanuement.)  Signification  relative  à  celle  du 
substantif  approuvandeincnt,  formé  de  provende. 
On  a  dit  figurément  : 

.   .  .  Carités  qui  en  tous  lieus 
Est  grandement  recommendée, 
Garnie  est  et  ap}irouvc)idée 
De  largèce,  sans  nul  dangier. 

Froissaii,  Poès.  MSS.  p.  42,  col.  2. 

Approuver,  verbe.  Eprouver.  Prouver.  L'ac- 
ception encore  usitée  du  verbe  approuver,  est  la 
même  que  celle  du  lalin  approbare.  Martinius  la 
présente  comme  acception  primitive  du  verbe  sim- 
ple latin  probare,  qui  par  une  espèce  de  métonymie 
signifioit  éprouver.  (Voy.  Aprob.)  C'étoit  aussi  la 
signification  du  verbe  françois  composé  approuver. 
<■  Aucune  fois  Dieu  afflige  les  humains  pour  les 
«  approuver;  sgavoir  est  les  bons,  comme  Job  et 
«  Tobie.  »  (Triomphes  de  la  noble  Dame,  fol.  277.) 
«  Nous  qui  de  voslre  loial  et  approviée  diligence 
«  nous  fions,  etc.  »  (Ord.  T.  I,  p.  528,  notes,  col.  2.) 

Mais  de  moult  lointains  seigneurages, 
Par  fiez  tenir  et  par  hommages, 
Grant  honneur  aprovoil. 

G.  Guiarl,  MS.  fol.  »,R'. 

Dans  le  sens  de  prouver,  en  latin  probare,  on 


disoit  :  «  Je  vous  prometz  que  c'est  le  Chevalier  à 
«  l'aigle  d'or  ;  et  ce  vous  appreuve-je  par  son  escu.  ^ 
(Percef.  Vol.  111,  fol.  19.)  "  Pour  vous  approuver  et 
<"  justifier  leurs  faicts,  etc.  »  (Du  Bellay,  Mém.  Liv. 
VI,  fol.  178,  R°.  —  Voy.  Prouver.). 

variantes  : 
APPROUVER.  Orth.  subs.  -  G.  de  RoussUlon,  MS.  p.  188. 
Appkeuver.  Percef.  Vol.  III,  fol.  19,  R°  col.  1. 
Approer.  Ord.  T.  III,  p.  578. 
Approvier.  Ord.  T.  I,  p.  528,  notes,  col.  2. 
Aprover.  g.  Guiart,  MS.  fol.  11,  R». 
Aprovier.  Ane.  Poët.  Ir.  MSS.  avant  1300,  T.  IV,  p.  16CQ. 
Aphouver.  Modus  et  Racio,  MS.  fol.  236,  V». 
Apruever.  Fabl.  M.  du  R.  n»  7615,  T.  II,  fol.  127,  V»  col.  1. 

Appuy,  subst.  masc.  Appui,  accoudoir,  dos- 
sier, etc.  Dans  le  sens  étymologique  (2),  chose  sur 
laquelle  on  pose  les  pieds  afin  de  se  soutenir  :  par 
extension,  chose  sur  laquelle  on  pose  la  main ,  le 
coude  ;  chose  contre  laquelle  on  pose  le  dos  :  en 
général,  soutien,  tant  au  propre  qu'au  figuré.  (Voy. 
Appuyer.)  U  semble  qu'un  banc  sans  appois,  dans 
les  Honneurs  de  la  Cour,  ms.  p.  54,  est  un  banc  sans 
accoudoirs  et  sans  dossier.  On  conçoit  que  les 
explications  de  ce  mot  appuy  pourroient  être  aussi 
variées  que  le  sont  les  noms  par  lesquels  on  spé- 
cifie, 1°  les  choses  propres  à  soutenir  différentes 
parties  du  corps,  les  choses  propres  à  soutenir  les 
personnes,  comme  un  balcon,  un  garde-fou,  une 
balustrade,  etc.  2°  les  choses  propres  à  en  soutenir 
d'autres,  comme  une  étaye,  un  étançou,  etc.  (Voy. 
Appuyal  et  Appuyé.) 

variantes  : 

APPUY.  Cotgrave,  Rob.  Estienne  et  Nicot,  Dict. 

Appoi.  Honneurs  de  la  Cour,  MS.  p.  54. 

Appuyai,  subst.  masc.  Appui,  balcon,  che- 
ville, etc.  (Voy.  Appuy.)  Ce  mot  appuyai,  de  même 
origine  qu'appuy,  signifioit  soutien  en  général  ;  en 
particulier  un  balcon  pour  s'appuyer,  se  soutenir: 
«  Firent  les  deux  Roys  loges  dresser  emmy  les 
«  prez,  où  il  y  avoit  fenestres  et  appuyaulx  aux 
u  Dames  et  aux  Damoiselles.  »  (Lanc.  du  Lac,  T.  II, 
fol.  82,  V°  col.  2.) 

Une  cheville,  ou  autre  chose  propre  à  fermer  une 
porte,  à  l'appuyer,  à  la  soutenir  contre  l'effort  de 
quiconque  voudroit  l'ouvrir.  «  La  porte...  n'est 
«  fermée,  ne  à  poste,  ne  ti  barre,  ne  à  nul  appoyal, 
«  sinon  à  gons  où  elle  est  sellée.  »  (Lanc.  du  Lac, 
T.  I,  fol.  147,  R-col.  1. 

Au  figuré,  la  signification  à'appuyal  étoit  la  même 
que  celle  de  notre  mot  appui,  soutien.   «  Loys^ 
«  Monseigneur  de  Luxembourg,...  appuyai  du  peu- 
«  pie,  le  parement  de  Court  ell'onneur  du  royaume 
ic  de  France.  »  (J.  d'Auton,  Annal,  de  Louis  XII, 
MSS.  an.  1503-1505,  p.  93.) 
Vile  roiaus  des  Cités, 
Se  tes  appoia7(s 
Fust  vrais  et  loiaus,  etc. 

Ane.  PoOt.  fr.  MSS.  avant  1300,  T.  IV,  p.  1301. 

VARIANTES  : 
APPUYAL.  Lanc.  du  Lac,  T.  II.  fol.  82,  V°  col.  2. 
Apoial.  D.  Carp.  s.  Gl.  lat.  deD.  C.  d.\imot  Apodiamentum. 


(1)  Tu  éprouves,  tu  juges  à  l'épreuve.  -  (2)  De  ad  et  podium,  pui,  élévation,  colline.  (N.  E.) 


J 


AP 


-  83 


AP 


Apoyal.  Lanc.  du  Lac,  T.  I,  fol.  147,  R°  col.  1. 
Appoiau.  Ane.  Poët.  fr.  MSS.  avant  1300,  T.  IV,  p.  1?01. 
Appu.^il.  Al.  Chartier,  de  l'Espérance,  p.  285. 

Appuyé,  subst.  fém.  Appui,  galerie  à  balcon, 
balustrade,  accoudoir,  etc.  Dans  la  signification 
particulière  de  galerie  à  balcon,  balustrade,  le  mot 
appuije  étoit  le  même  qu'appuy,  galerie  et  saillie 
sur  quoi  on  s'apptiije  pour  regarder  hors  la  maison. 
(Voy.  Cotgrave  et  Nicot,  Dict.) 

L'acception  à'appoiée,  accoudoir,  est  relative  à 
eelle  d'appoi.  «  Deux  pommeaulx  des  appâtées  du 
«  dit  siège  despiciés  par  moittié,  etc.  »  (D.  Carpen- 
tier,  uht  supra.  —  Voy.  Appuy  et  Appuyelle.) 

VARIANTES  : 
APPUYE.  Cotgrave  et  Nicot,  Dict. 
Appoiée.  D.  Carp.  s.  Gl.  1.  de  D.  C.  au  mot  Appodiatorium. 

Appuyelle,  suhst.  (ém.  Appui,  garde-fou. 
Espèce  de  parapet,  ou  de  barrière  sur  laquelle  on 
s'appuie  pour  ne  pas  tomber  en  passant  sur  un 
pont,  sur  une  chaussée,  etc.  «  Les  Eschevins  ont 
«  connoissance  du  fait  des  cauchies,  plaucques  et 

«  appuielles,  et  es  chemins; les  dits  chemins, 

«  plancques  et  appuielles  et  cauchies,  etc.  »  (Coût. 
de  Richebourg,  au  nouv.  Coût.  gén.  T.  I,  p.  392, 
coL  2.)  On  trouve  appuy  avec  la  même  signification 
particulière,  dans  la  Coût,  de  Ham.  (Ibid,  p.  381, 
col.  1.  —  Voy.  Appuy.) 

VARIANTES    : 
APPUYELLE.  Coût,  de  Lessines,  au  n.  C.  g.  T.  II,  p.  214. 
Appuielle.  Coût,  de  Ricjiebourg,  ibid.  T.  I,  p.  392,  col.  1. 

Appuyer,  verbe.  Soutenir,  se  soutenir,  s'accou- 
der, s'adosser,  s'asseoir.  Poser,  mettre,  arrêter, 
assurer,  établir,  confirmer.  Frapper,  presser,  fouler, 
renverser.  Opposer.  On  sait  que  du  mot  grec  noiç, 
noâôç,  pes,  pedis  en  latin,  s'est  formé  nifioy  en  grec, 
en  latin  podium  (4);  d'où  le  verbe  latin-barbare  ap- 
podiare,  en  françois  appuyer.  C'est  peut-être  à  l'idée 
de  pied,  partie  du  corps  sur  laquelle  on  est  stable, 
sur  laquelle  on  se  soutient,  on  s'atïermit  et  s'élève, 
que  sont  relatives  les  acceptions  des  substantifs /;«;/ 
et  appuy,  aussi  bien  que  celles  du  verbe  appuyer, 
&' appuyer  ;  proprement  se  soutenir,  s'affermir  sur 
les  pieds,  être  stable,  poser  les  pieds,  se  soutenir, 
s'affermir  en  posant  les  pieds  sur  une  chose  qui  ail 
de  la  stabilité.  Il  semble  du  moins  que  dans  un 
sens  analogue  aux  significations  indiquées,  l'on  ait 
dit  :  «  Ne  n'en  atroverons  mies  trop  estroite  la  sente 
«  del  pont. . .  De  trois  tisons  (2)  est  faite  celte  sente  (3), 
«  por  ceu  ke  li  piet  de  ceos  ki  à  lei  se  verront  apoier, 
«  ne  puist  glacier  (4)  en  la  voie.  »  (S' Bernard,  Serm. 
fr.  MSS.  p.  340  (5).) 

A  un  tertre  monter  s'appuie. 

Desoz  ert  la  valée  fière  ; 

Parmi  coroit  une  rivière. 

Blanchandin,  MS.  de  S.  Germ.  fol.  176,  R"  col.  2. 

En  comparant  à  cette  façon  naturelle  de  se  soute- 


nir sur  les  pieds,  de  se  soutenir  en  posant  les  pieds 
sur  quelque  chose,  toute  autre  fa(;on  de  se  soutenir 
sur  différentes  parties  du  corps  ;  de  se  soutenir  en 
posant  la  main  sur  un  bâton,  le  coude  sur  une 
fenêtre,  le  dos  contre  une  porte,  en  s'asseyant  sur 
un  fauteuil,  en  posant  partie  du  corps  ou  le  corps 
entier  sur  une  chose  qui  le  soutienne,  on  aura  dit 
par  extension  :  «  s'appuyer  ou  s'espuyer  du  genoil, 
"  de  la  main,  du  côté,  etc.  s'appuyer  d'un  bâton  ou 
«  sur  un  bâton,  s'appuiier  à  une  fenêtre,  s'appuyer 
«  à  un  huis,  sur  un  faudestuel,  h  un  banc,  etc.  Le 
«  suppliant  cuida  tumber  h  terre,  et  lui  convint 
«  sojj  espuyer  d'un  genoil  et  d'une  main  à  terre.  » 
(D.  Carpenlier,  Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du  Gange,  au 
mot  apodiare;  Tit.  de  1480.)  «  Se  assist  emmi  le 
«  chemin,  en  soy  espuyant  du  costé  à  terre.  »  (Id. 
ibid.  Tit.  de  1.381.)  «  As-tu  espérance  en  cez  de 
«  Egypte  ki  sont  eu  me  baston  de  rosel  pesceed  (6)  sur 
«  qui  si  l'um,  se  apuied,  tost  falsed  e  depiesced  (7.)  » 
(Livres  des  Rois,  ms.  des  Cordel.  fol.  144,  V°  col.  1.) 

.  .  .  Vos  resemblez  le  gaignon  (8) 
Qui  se  venge  en  abaiant  ; 
Pour  ce  avez  mors  en  mon  baston 
De  quoi  je  m'aloie  apuant. 

Ane.  Poft.  fr.  MSS.  avant  1300,  T.  I,  p.  476. 

Quoique  appuyer  signifie  encore  soutenir,  on  ne 
diroit  plus  «  appuyer  ses  memhves  »  dans  le  sens 
du  verbe  réciproque  s'appuyer. 

Faulx-semt)lant  qui  bien  se  retourne,... 
Après  s'en  va  sans  Esouyer  ; 
Et  pour  les  membres  apuijer. 
Eut,  ainsi  que  par  impotance, 
De  trahison  une  potance 

Rom.  de  la  Rose,  vers  12815-12819. 

Sans  désigner  la  chose  sur  laquelle  un  soldat 
blessé,  par  exemple,  se  soutenoit  pour  fuir  dans 
une  déroute  générale,  on  disoit  qu'il  s'en  alloit 
apurant,  à  la  différence  de  celui  qui  n'étant  point 
blessé,  s'en  alloit  droit. 

S'en  vont  l'un  droit,  l'autre  upuiant, 
Le  plustost  qu'il  pevent  fuiant. 

G.  Guiart,  MS.  fol.  256,  V'. 

Il  paroit  que  la  signification  de  s'appuyer  est 
s'accouder  dans  le  passage  suivant  :  «  La  Damoy- 
«  selle  se  leva  sus,  délaissant  Liziart  s'apoyant  à  la 
«  fenestre,  la  main  à  la  maiselle(9).  »  (Ger.de 
Nevers,  Part.  I,  p.  16.) 

Probablement  s'adosser,  dans  ces  vers  : 

Hersent  qui  n'estoit  mie  loins, 
Qui  n'est  encore  réconcilié, 
S'estoit  à  un  huis  apoié. 

FM.  MS.  du  R.  n"  7218,  fol.  U6,  R"  col.  1. 

Enfin,  s'asseoir,  dans  ces  autres  vers  : 

....  Diex  vos  gart,  Sire  Prévost  ; 
Venez  vos  apoier  lez  moi. 
Cil  respont,  Dame  je  l'otroi. 
Desor  un  faudestuel  vermeil 
S'apoiereiit,  en  un  conseil. 

Blanchandin,  MS.  de  S'  Germ.  fol.  180.  R»  col.  2. 


(1)  Le  podium  était  un  soubassement  peu  élevé  et  formant  marche  le  long  du  mur  d'une  chambre  ou  d'un  bâtiment.  Dans 
l'amphithéâtre,  ce  soubassement  était  élevé  de  dix-huit  pieds  au-dessus  de  l'arène  ;  on  y  plaçait  les  chaises  d'ivoire  (selles 
cwules)  de  l'empereur,  des  magistrats  curules,  des  vestales.  Enfm,  en  architecture,  c'était  un  socle,  une  console,  (n.  e.)  — 
(2)  poutres,  pieux.  —  (3)  tablier  du  pont.  —  (4)  aUsser.  —  (5)  Edition  Le  Roux  de  Lincy,  Paris,  18il,  à  la  suite  du  Livre  des 
ilois.  (N.  E.)  -  (6) fait  de  pièces,  (n.  e.)  —  (,7)  se  désagrège,  se  dépèce,  se  rompt,  (n.  e.)  —  (8)  chien.  —  (9)  ,Toue  ;  en  latin  maxilla. 


AP 


—  84  — 


AP 


Et  Tristan  à  un  banc  s'apow. 

Fabl.  MS.  dj  Berne,  n-  354,  fol.  154,  R*  col.  i. 

C'est  sans  doute  relativement  à  l'idée  de  poser  le 
pied  ou  quelinie  autre  partie  du  corps  sur  une 
chose  qui  soutienne,  iiu'aiipuyer  une  chose  à  une 
autre,  une  chose  sur  une  autre,  a  signifié  et  signifie 
encore  donner  du  pied  îi  cette  chose,  l'affermir,  la 
poser,  la  mettre  de  façon  qu'elle  soit  ferme  et 
stable,  de  façon  qu'elle  soit  soutenue  par  la  chose 
sur  ou  contre  laquelle  elle  est  mise,  elle  est  posée. 
(Voy.  Appuy.) 

Je  montai  sans  lui  dire  mot, 
Qu'il  ne  me  sorprist  à  pié  ; 
Et  pris  en  ma  main  mon  espié 
Qu'à  un  pin  apoié  avoie. 

Fabl.  MS.  du  R.  n'  7615,  T.  II,  fol.  187,  R-  col.  2. 

Mes  aiisi  pense  apoier 
L'espié  à  une  roche  bise,  etc. 

Ibid.  fol.  187,  V  col.  1 

Puis  a  un  rasor  desploié  ; 
Si  l'a  sor  l'anclume  apoié. 

Fabl  MS.  de  Berne,  n'  354,  fol.  l.'.S,  V-  col.  2. 

Dans  un  sens  analogue  à  l'idée  d'une  position 
ferme  et  stable,  par  conséquent  sûre,  le  verbe  ap- 
puyer ou  s'appuyer  aura  signifié  s'arrêter  en  sûreté 
dans  un  lieu,  s'y  mettre  en  sûreté  : 

Mordret  s'enfuit  toute  la  nuit, 
Quérant  rechet  où  il  s'apuit. 

Rom.  de  Brul,  MS.  fol.  100,  R"  col.  2. 

Au  figuré,  s'arrêter  à  une  personne,  à  une  chose, 
s'assurer  en  cette  personne,  en  celte  chose,  y  met- 
tre sa  confiance. 

Fox  est  qui  va  veoir  s'amie, 
S'il  y  moine  tel  compaignie 
Où  ne  se  doie  moult  fier  ; 
On  ne  set  à  cui  apuier. 

Athis,  MS.  fol.  11,  V  col.  1. 

.  .  .  Raempliz  de  couardise 
Où  leur  flo  se  va  apuiciiit. 
S'en  revont  vers  Furnes  fuiant. 

G.  Guiart,  MS.  fol.  241,  V-. 

.  .  .  Qu'aucune  à  ce  ne  s'apuie 
Que  sa  net  guerpisse  et  s'enfuie. 

Id.  fol.  312,  R'. 

...  Cil  qui  par  son  sens  se  set  bien  avoier, 
Ne  doit  son  bon  conseil  por  autrui  sens  lessier, 
Se  on  ne  le  puet  fère  à  meillor  apoier. 

Fabl.  MS.  du  R.  n"  7218,  fol.  335,  R"  col.  2. 

En  termes  de  procédure,  s'appuyer  à  droit,  s'ap- 
puijer  à  jugement  on  en  jugement,  c'étoit  établir 
en  droit  une  question,  établir  une  demande,  la 
soutenir  en  droit,  la  soutenir,  fétablir  en  justice. 
«  Un  Chevalier  qui  avoit  à  plaidier  ...  se  fistesso- 
«  nier  ;  et  chil  qui  avoient  à  lui  à  faire  .  .  .  s'apue- 
«  rent  à  droit,  savoir  mon  se  il  povoit  fère  en  la 
«  manière  dessusdite.  »  (Beaumanoir,  Coût,  de 
Beauvoisis,  chap.  m,  p.  27.)  <■  Toutes  resons  .  .  . 
«  doivent  estre  mises  avant  que  li  jugement  soit 
»  enchargiés:  car  puisque  chil  qui  doivent  fère  le 
«  jugement  ont  les  paroles  receues  des  Parties ,  et 
"  ils  se  sont  apuié  à  droit,  ils  n'i  pueenl  ne  mètre 
«  ne  ester.  •>  (Id.  ibid.  chap.  vu,  page  45.)  «  Leurs 
«  resons  oies  et  apuiées  en  jugement,  nous  disons 
«  par  droit,  etc.  »  (Id.  ibid.  chap.  lxvii,  page  343.) 
«  Quant  l'en  rent  jugement,  il  n'est  pas  resons  de 


«  tout  recorder  che  qui  fu  proposé  des  deux  Par- 
«  ties,  sur  quoi  il  s'apuièrent  à  jugement.  «  (Id.  ibid.) 

C'est  encore  relativement  fi  l'idée  de  rendre  ferme 
et  stable,  qu'appuyer  siguifioit  confirmer.  «  Ordon- 
"  nous  et  commandons  en  appuiaiit  et  ratifiant 
<■  ladite  Ordonnance,  etc.  »  (Ord.  T.  I,  p.  580  et  581.) 

L'origine  de  ces  significations  étant  ainsi  expli- 
quée, il  est  aisé  de  saisir  l'analogie  des  significa- 
tions actuelles  du  verbe  appuyer  avec  les  anciennes. 
Quoiqu'il  désigne  encore  aujourd'hui  l'action  de 
peser  sur  un  corps,  en  posant  les  pieds  dessus,  par 
extension  les  mains,  les  poings,  etc.  faction  de  le 
presser,  de  le  fouler  en  tombant  dessus,  en  le  char- 
geant, en  le  frappant,  etc.  on  ne  diroit  plus  : 

Lor  dona  tex  cox  des  basions 
Qui  s'aponicnl  des  moignons. 

Fabl.  MS.  de  Berne  n"  354,  fol.  155,  V'  col.  2. 

Il  semble  que  la  signification  de  espoier,  est, 
presser,  fouler,  renverser,  dans  les  vers  suivans  : 

.  .  .  Guide  bien  que  nostre  guerre 
Fausist,  quant  le  Mor  vi  à  pié  ;        ' 
Car  je  le  voil  de  mon  espié 
Encontre  la  terre  espoier. 

Fabl.  MS.  du  R.  n"  7615,  T.  II,  fol  187.  V  col.  1. 

Enfin,  s'appuyer  ù  une  bataille,  c'étoit  s'y  oppo- 
ser en  la  pressant,  en  la  chargeant,  en  tombant  sur 
elle,  les  armes  à  la  main. 

Di.x  batailles  à  trois  s'apoient  ; 
N'est  merveille  s'elles  s'ennoient. 

Athis,  MS.  fol.  73,  Vcol.  1. 

CONJUG. 

Apuied{s'),  ind.  prés.  S'appuie.  (Livres  des  Rois.) 
Apuiout{s'),  ind.  imp.  S'appuyoit.  (Ibid.  fol.  41.) 
Apuit  (s'),  subj.  pr.  S'arrête,  se  mette  en  sûreté. 
(Rom.  de  Brut,  ms.  fol.  100,  R°  col.  2.) 

VARIANTES  : 
APPUYER.  Orth.  subsist.  -  Lanc.  du  lac,  T.  II,  fol.  108. 
Ap.uer  (peut-êlre  Apoiier.)  .\nc.  Poët.  fr.  T.  III,  p.  1059. 
Apeuer.  Fabl.  MS.  du  R.  n"  7989,  fol.  67,  V»  col.  1. 
Apoier.  S'  Bernard,  Serm.  fr.  IISS.  p.  320,  347,  etc. 
Apoiier.  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7989,  fol.  77,  V»  col.  2. 
Apooier  Fabl.  MS.  de  Berne,  n^  354,  fol.  155,  'V"  col.  2. 
Apoyer.  S'  Bernard,  Serm.  fr.  MS.  p.  104. 
Apouyer.  Chasse  de  Gaston  Phébus,  MS.  p.  202. 
Appoier.  Gloss.  du  P.  Labbe,  p.  488. 
Appouieu.  Miserere  du  Recl.  de  Moliens,  MS.  de  G.  fol.  209. 
Appuier.  Ord.  T.  I,  p.  581. 

AruER.  Ane.  Poët.  fr.  MSS.  avant  4300,  T.  I,  p.  476. 
Apuier.  Ane.  Poët.  fr.  MS.  avant  1300,  T.  I,  p.  429. 
Apuyer.  Rom.  de  la  Rose,  vers  12817. 
Espoier.  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7615,  T.  II,  fol.  187,  V»  col.  1. 
ESPUER.  D.  Carpentier,  s.  Gl.  1.  de  D.  C.  au  mot  .ipodiare. 
ESPUIER.  Id.  ibid.  Tit.  de  1381. 
EsPUYER.  Id.  ibid.  Tit.  de  1480. 

Aprenement,  subst.  inasc.  Enseignement, 
leçon.  (Voy.  Apprenture.)  Signification  relative  à 
celle  du  verbe  apprendre,  enseigner,  etc.  Il  semble 
que  dans  les  saisons  du  printemps  et  de  l'été,  le 
spectacle  de  la  Nature  renaissante  et  féconde  soit 
pour  l'homme  une  leçon  d'aimer.  De  là  ,  on  aura 
dit: 

Ver  est  plus  dous  et  plus  temprés  ; 

Près  son  parant  il  et  Estex... 

D'amor  donnent  aprenement. 

Athis,  MS.  fol.  38,  Vcol.  1. 

Après,  part,  et  prép.  Opprimé.  Adjoint,  associé. 
Près,  auprès.  Après,  secondement,  d'après.  Il  esfc 


AP 


85  — 


AP 


possible  que  comme  on  écrivoit  apus  pour  apusé, 
participe  du  verbe  apiiser,  le  même  qu'aposer  ci- 
dessus,  appens  pour  appen&é ,  etc.  l'on  ait  écrit 
après  pour  apressé  et  pour  apressée  ,  apresse.  Ou 
trouve  en  effet  (\uapprcsse  est  une  abréviation  du 
participe  féminin  appressée  ,  opprimée ,  dans  ces 
vers  où  l'on  a  dit,  en  parlant  de  Sextus  Tarquin  ; 

S'efforça  tant 

Qu'il  print  Lucresse. 

Quand  l'eut  oppresse, 

Tost  fust  Maîtresse 
'Vengeance,  que  Tarquin  le  Grand 
Chassa  de  Rome  en  telle  presse,  etc. 

Blason  des  Faulces  amours,  p.  252. 

Ce  participe  féminin  oppresse  suppose  le  mascu- 
lin apprès.  Aussi  croit-on  qu'après  est  un  participe 
employé  comme  substantif,  lorsque  dans  un  sens 
analogue  à  celui  du  verbe  oppresser,  suivre  de 
près,  suivre,  la  Prudence  personnifiée  nomme  son 
flyw'cs,  c'est-à-dire,  son  adjoint,  son  associé,  un 
Poète  qui  en  suivant  son  parti  et  ses  avis,  s'associe 
et  se  joint  à  elle  pour  l'exécution  de  ses  desseins. 

J'apperceu  tost  approcher  celle  Daine... 
Elle  sentoit  meilleur  que  nul  ciprés. 
Sa  doulce  bouche,  quant  de  moi  fut  auprès, 
Pour  me  parler  ouvrit  si  doulcement, 
Disant  ainsi  :  mon  amy,  mon  après,  etc. 

Nef  des  Dames,  prolog.  fol.  2V",  et  3  R'. 

Peut-êtie  faut-il  chercher  dans  le  latin  pressum, 
l'origine  des  prépositions  près  et  après ,  en  Italien 
pressa  et  oppressa  ?  On  a  pu  se  figurer  comme 
pressées  ou  pressant  les  unes  sur  les  autres ,  les 
personnes  et  les  choses  entre  lesquelles  il  y  a  pro- 
ximité, suite,  ordre  successif  dans  un  espace  de 
lieu  ou  de  temps  ;  faire  abstraction  de  cette  idée  de 
presse  spécialement  exprimée  par  les  participes 
j:;m  et  «/jct's  ;  prendre  ces  mêmes  participes  dans 
un  sens  absolu,  et  les  employer  comme  préposi- 
tions, pour  désigner  les  idées  générales  de  proxi- 
mité, de  suite,  d'ordre  successif,  lors  même  que 
cette  proximité,  cette  suite,  cetordresuccessif  n'oc- 
casionnoientaucunejuressc.  Telle  pourroit  être  l'ori- 
gine des  prépositions  près  et  après,  très-anciennes 
dans  notre  langue  (1).  Quant  à  la  préposition  auprès, 
elle  paroit  formée  de  la  préposition  à  et  de  l'article 
/(?  confondus  ensemble,  et  réunis  à  la  préposition 
simple  près.  (Voy.  Aui'Rés.) 

Anciennement,  la  préposition  après,  qui  dans 
l'usage  actuel  ne  désigne  plus  que  l'idée  générale 
de  suite,  d"ordre  successif,  désignoit  aussi  l'idée 
générale  de  proximité,  comme  les  prépositions, 
simple  et  composée,  après,  auprès.  «  Oza  estendid 
«  sa  main  vers  l'Arche  .  .  .  e  nostre  Sire  s'en  cure- 
«  chad  vers  Ozam  ...  e  il  chaid  morz  en  la  place 
«  «jB?'('S  l'Arche  Nostre  Seigneur.  »  (Livres  des  Rois, 
Ms.  des  Cordel.  fol.  47.)  «  Conchioient  tôt  co  qui 
«  estoit  après  del  Temple.  »  (Ibid.  fol.  177.) 

.  .  .  D'eus  onbraier  (2)  après  pin 
N'ont  pas,  ce  dit-on,  tel  courage, 
Comme  d'être  de  guerre  sage. 

G.  Guiart,  MS.  fol.  344,  R". 


C'est  relativement  à  l'idée  générale  de  suite, 
poursuite,  qu'exprime  encore  la  préposition  après, 
qu'on  a  dit,  soit  au  propre,  soit  au  figuré  :  1°  «  Etre 
«  rt//r(^"s  une  personne,  «  poursuivre  une  personne, 
la  presser  d'agir  ;  «  être  après  une  chose,  »  pour 
suivre  une  chose,  la  poursuivre,  en  presser  l'exé- 
cution, l'accomplissement,  etc. 

2°  «  Quérir,  chercher,  courir  «jun's  une  personne 
«  ou  après  une  chose,  »  pour  se  mettre  à  la  suite 
de  cette  personne,  de  cette  cliose;  être  pressé  de 
voir  la  personne,  de  la  joindre,  être  pressé  de  trou- 
ver la  chose,  de  l'obtenir,  en  cherchant,  courant, 
désirant,  etc. 

3°  «  Crier  après  une  personne  ou  après  une 
«  chose,  »  pour  être  à  la  suite  de  cette  personne, 
de  cette  chose  ;  les  suivre,  les  poursuivre  en  criant, 
presser  par  des  cris  la  volonté,  l'action  de  la  per- 
sonne, l'acquisition,  la  jouissance  de  la  chose. 

4»  »  Demander  après  une  personne  ou  après  une 
"  chose,  "  pour  se  mettre  à  la  suite  de  cette  per- 
sonne, de  cette  chose;  être  pressé  de  rencontrer  la 
personne,  la  chose  qu'on  demande,  presser  par  sa 
demande  l'instant  do  les  rencontrer. 

5°  "  Enfin,  dans  l'expression  «  dépenser  après 
«  une  personne  ou  après  une  chose,  »  la  préposi- 
tion après  peut  signifier  la  suite  d'un  projet,  d'un 
dessein  relatif  à  la  personne  ou  à  la  chose  pour 
laquelle  on  dépense  :  l'empressement  de  voir  arri- 
ver la  personne,  de  voir  se  réaliser  la  chose  qu'on 
attend,  dans  cette  autre  expression  «  allendve  après 
«  une  personne  ou  après  une  chose.  «  Quelques 
citations  prouveront  que  l'usage  de  la  préposition 
après  n'a  point  ou  presque  point  varié  depuis 
qu'elle  existe.  «  Il  délibéra  qu'il  demanderoit  .  .  . 
«  «Tjj't'sleChaslel.  »  (Percef.  Vol.  VT,  fol.  .52.)  «  Criad 
«  Jonathas  après  le  vadlet  ;  vien  hastivement.  » 
(Livres  des  Rois,  ms.  des  Cordel.  fol.  28.)  «  Estoit  là 
«  Monsieur  de  Sedan  cherchant  après  ses  enfans; 
»  lequel  les  trouva  en  très-mauvais  ordre.  »  (Mém. 
de  Rob.  delà  Marck,  Seigneur  de  Fleuranges,  ms. 
p.  184.)  '<  Nos  avons  jai  atroveit  trois  fontaines  ;  or 
«  quarons  ajsm  la  quarte.  «  (S'  Bern.  Serm.  fr. 
Mss.  page  130.) 

Plus  on  réfléchit,  plus  on  croit  voir  que  les  signi- 
fications d'après,  quelque  variées  qu'elles  puissent 
être,  sont  toutes  relatives  à  l'idée  de  suivre,  presser 
en  suivant,  en  approchant  ;  idée  analogue  à  celle 
de  succéder  et  qui  n'est  pourtant  pas  tout-à-fait  la 
même,  par  la  raison  qu'on  ne  succède  pas  toujours 
à  ce  qu'on  approclie,  à  ce  qu'on  suit.  On  désigne 
donc  l'idée  générale  d'ordre  successif,  plus  spécia- 
lement que  celles  de  suite  et  de  proximité,  lorsque 
dans  le  sens  propre  ou  figuré,  l'on  dit  encore, 
comme  autrefois,  qu'une  personne  naît ,  se  place , 
marche,  agit,  parle  après  une  autre  ;  qu'une  chose 
existe,  qu'elle  a  lieu,  qu'elle  se  passe,  qu'elle  se  fait 
après  une  autre,  etc.  «  Adonias  .  .  .  fud  li  secundz 
I  des  fiz  le  Rei,  après  Absalon.  »  (Livres  des  Rois,  ms. 


(1)  Dans  la  Chanson  de  Roland,  on  trouve,  vers  1160  :  «  Sun  cumpaignun,  après,  le  vait  sivant.  »  (n.  e.)  —  (2)  se  tenir 
à  l'ombre. 


AP 


—  86  — 


AP 


des  CoPflel.  fol.  77.)  «  Micliiaus  li  Empereres  de 
«  Coiistaalinoble  .  .  .  l'Empire  laissa,  etpuis  devint 
«  Moines.  ii;;ms  li  reçut  la  dignité  de  TEmpire, 
<»  Leons  qui  fu  filz  Bardele  palricho.  »  (Chron.  S' 
Denys,  Rec.  des  llist.  de  Fr.  T.  V,  p.  262.)  -<  Premie- 
«  rement,  se  les  maisons  sont  faites  d'avoir  qui 
«  malement  sont  gaainés  ;  apré ,  s'on  les  aimme 
«  miex  ke  ces  coses  qui  ja  n'auront  fin,  etc.  >>  (Lu- 
cidaires,  .ms.  du  R.  n°  7989,  fol.  22C.)  On  borne  à  ce 
dernier  passage  où  apré,  le  même  qn'après,  est  mis 
pour  secondement,  la  preuve  qu'anciennement  la 
préposition  après  signifioil  comme  à  présent  une 
idée  générale  d'ordre  successif  entre  les  personnes 
et  les  choses.  Cet  ordre  successif  n'étoit  indiqué 
que  par  le  sens  de  la  phrase,  toutes  les  fois  qu'en 
supprimant  après,  plusieurs  Ecrivains  des  xv  et 
xvr  siècles  se  servoient  des  façons  de  parler  suivan- 
tes ou  d'autres  semblables.  «  Eux  avoir  pris  leur 
«  lieu,  Messire  .Jaques  se  partit  de  l'Eglise.  »  (Mém. 
d'Ol.  de  la  Marche,  L.  i,  p.  297.)  «  Avoir  le  tout 
«  entendu,  Robertet  a  dit,  etc.  »  (Lett.  de  Louis  XII, 
T.  I,  p.  499.)  "  Avoir  bien  beu  et  bien  repeu,  Editue 
«  nous  mena  en  une  chambre  bien  garnie.  »  (Rabe- 
lais, T.  V,  p.  25.)  «  Quoy  entendant  Cœsarin ,  et 
«  avoir  quelque  peu  songé,  dit ,  etc.  »  (Nuits  de 
Strapar.  T.  Il,  p.  274.) 

Enfin,  il  est  possible  qu'on  ait  vu  ce  qui  se 
rapproche  par  la  ressemblance  ou  par  l'imitation, 
comme  étant  placé  dans  un  ordre  successif,  et  que 
de  là  on  ait  dit  :  «  Les  daims  toutes  leurs  natures 
«  ont  après  la  guise  d'un  cerf,  fors  tant  que  le  cerf 
«  va  plustost  au  ruit.  »  (Chasse  de  Gaston  Phébus, 
MS.  p.  27.) 

Fist  la  kapièle  (1)  faire 

Ausi  biele  com  nul  el  monde  ; 
Et  si  le  fist  faire  reonde 
Apriès  l'ongle  de  son  ceval 
Ki  senti  l'aiguë  caude  el  val. 

Ph.  Mouskes,  MS.  p.  68. 

Après  Savis  a  nom  Savine. 

Alhis.MS.  fol.  122,  V  col.  1. 

On  sait  qu'aujourd'hui  l'on  diroit,  d'après  avec  la 
même  signification. 

VARIANTES    : 
APRES.  Orth.  subsist.  -  S'  Bernard,  Serra,  fr.  MSS.  p.  96. 
Apré.  Baluze,  Hist.  généal.  de  la  M.  d'Auvergne,  pr.  p.  9'2. 
Apriès.  Pli.  Mouskes,  MS.  p.  3. 
Apris.  Carpentier,  Hist.  de  Cambrai,  T.  II,  pr.  p.  31. 

Apresser,  verbe.  Presser,  opprimer,  fouler, 
affaisser.  Etre  près,  presser,  approcher,  suivre, 
poursuivre,  etc.  Les  passions  qui  captivent  l'espèce 
humaine  el  la  tyrannisent,  les  besoins  qui  l'asser- 
vissent et  la  tourmentent,  les  maux  auxquels  l'as- 
sujettit la  Nature,  ceux  que  lui  font  souffrir  le 
despotismeetl'injustice,  étant  comparés  à  un  poids, 
à  un  pesant  fardeau  sous  lequel  elle  est  pressée, 
opprimée,  foulée,  affaissée,  etc.  l'on  a  désigné  toute 
espèce  d'idées  relatives  à  un  état  d'oppression,  par 
le  verbe  apresser,  comme  le  prouvent  les  citations 
suivantes  :  «  Ensi  que  li  Sergenz  ne  fust  apprcissez 


«  de  plus  fière  sentence  par  le  maltalent  del  Sei- 
0  gnor,  etc.  »  (S'  Bern.  Serm.  fr.  mss.  p.  305.)  «  Cil 
«  qui  sont  Prélat  et  Justice  de  Sainte  Eglise,...  s'il 
«  apressent  le  Pueple crueuement  et  à  tort,  si  auront 
«  grant  torment  devant  tous  les  autres.  »  (Luci- 
«  daires,  ms.  du  R.  n"  7989,  fol.  225.)  «  Chil  qui 
«  point  ne  parle  par  che  que  il  sont  muets  dès 
«  nature,  ou  si  apressé  de  maladie  que  il  ont  per- 
»  dus  la  parole,  etc.  »  (Beaumanoir,  Coût,  de  Beau- 
voisis,  chap.  xii,  p.  71.)  «  N'avoient  que  manger; 
«  si  les  appressa  moult  la  faim.  ■>  (Hist.  de  B.  du 
Guesclin,  par  Ménard,  p.  104.)  «  Naissons  en  cha- 
»  tiviteit...  ensi  k'ancor  fussiens  nos  saige  et  fort, 
«  si  seriens  nos  tote  voies  appresseit  desoz  le  jus 
•<  de  ceste  chaitive  servituit.  »  (S'  Bern.  Serm.  fr. 
MSS.  p.  260.)  a  Li  terrienne  habitations  apresset  lo 
«  sen  (2)  ki  à  maintes  choses  penset,  ensi  k'il  con- 
«  tremont  ne  se  puist  drecier  as  bien  celestiens.  >• 
(Id.  ibid.  p.  261.)  «  Il  estoit  griefment  apresseiz  de 
«  la  templacion  de  sa  char.  »  (Id.  ibid.  p.  319.) 

....  Se  pristrent  à  pensser 
Comment  se  porroient  tensser. 
"Vers  poureté  qui  les  apresse. 

Fabl.  MS.  du  R.  n-  7218,  fol.  227,  V*  col.  2. 

.  .  .  Bons  Clers,  Chevaliers  en  jeunesce, 
Ne  se  doivent  pour  or,  ne  pour  richesce, 
Bouter  au  feu  qui  art  et  qui  estrangle 
Les  mariez  ;  car  tous  maulx  les  apresse. 

Eust.  Desch.  Poês.  MSS.  p.  256,  col.  1. 

Qu'au  lieu  de  comparer  les  maux  de  l'homme, 
ses  besoins  et  ses  passions  à  un  poids  qui  l'opprime 
et  l'affaisse,  on  se  les  figure  comme  autant  d'êtres 
actifs  qui  le  poursuivent,  qui  le  pressent  en  le 
poursuivant,  en  l'approchant,  le  verbe  apresser 
désignera  plutôt  les  idées  de  poursuite  et  d'approche 
que  celles  d'oppression  et  d'affaissement.  Cette 
acception  d'apresser  paroil  d'autant  plus  vraisem- 
blable dans  quelques-uns  des  passages  qu'on  a  cités, 
que  ce  verbe  signifioit ,  soit  au  propre,  soit  au 
figuré,  «  être  près,  approcher  de  près,  suivre, 
«  poursuivre  de  près  ;  presser  en  approchant,  en 
«  suivant,  en  poursuivant,  en  insistant,  en  pous- 
«  sant,  etc.  »  (Voy.  Après.) 

Les  Roys  ressemblent  les  painctures... 

Se  bien  y  sçavoit  prendre  garde 

Cil  qui  les  painctures  regarde, 

Oui  plaisent  qui  ne  s'en  apresse  ; 

Mais  de  près  la  plaisance  cesse. 

Rom.  de  la  Rose,  vers  19147-19451. 

Li  sages  cm  ki  confiessa 
L'Empereis,  moult  apriesn 
De  viellaice  et  de  maladie. 

Ph.  Mouskes,  MS.  p.  777. 

Dans  la  signification  de  suivre,  poursuivre  de 
près,  approcher,  presser  en  suivant,  en  poursui- 
vant, on  disoit  : 

Turc  et  Païen  moult  les  apriesent, 
Glatissent,  cornent  et  engriesent. 

Ph.  Mouskes,  MS.  p.  194. 

Au  figuré  : 

Se  pitié  n'est,  de  mort  suy  apresse. 

Eust.  Desch.  Poes.  MSS.  p.  117,  col.  3. 


(1)  cha  elle.  -  (2)  esprit. 


AP 


-  87 


AP 


Quelquefois  le  verbe  ajiresser  a  signifié  seul  l'étal 
de  presse  où  se  trouve  l'homme  aux  approches  de 
la  mort. 

Et  quant  li  Rois  fu  apriessés, 
Et  de  la  mort  fu  engriesés,  etc. 

Ph.  Mouskes,  MS.  p.  638. 

En  ce  sens  on  l'employoil  comme  substantif  : 

Et  tout  li  autre,  aine  Vapricser, 
S'orent  fait  ausi  confieser. 

Ph.  Mouskes,  MS.  p.  215. 

C'est  dans  la  signification  figurée  de  notre  verbe 
presser,  insister  auprès  de  quelqu'un  pour  qu'il 
fasse  une  chose,  le  pousser  à  la  faire,  qu'on  a  dit  : 

...  Il  n'a  talent  d'arrester  ; 
Pour  ce  ne  l'en  veut  apresser. 

Cléomadès,  MS.  de  Gaignal,  fol.  46,  V»  col.  3. 

Enfin,  «  apresser  l'ame  dehors  d'un  corps ,  » 
c'étoit  la  presser  d'en  sortir,  comme  l'on  feroit 
sortir  quelqu'un  du  lieu  où  il  seroil,  en  le  poussant, 
en  le  jetant  dehors. 

Un  Chevalier  moult  noble  et  cointe 
Fiert  si  par  ambes  deux  les  flancs 
Que  d'autre  part  en  saut  li  sans  ; 
Et  l'ame  prent  congié  au  cors 
Que  cil  a  apressce  dehors. 

Rom.  de  Glygel,  MS.  du  P..  n*  C987,  fol.  271,  P,"  col.  2. 

On  terminera  cet  article  en  observant  qu'entre 
les  idées  de  presse  et  de  proximité,  il  y  a  une  telle 
analogie,  qu'on  peut  soupçonner  qn'apresser  en 
certains  cas  n'est  qu'une  variation  d'orthographe 
du  verbe  aprocher,  aprecev,  aprescer^  etc.  (Voyez 
Aprocueu.) 

CONJUG. 

Appresseit,  part.  Opprimés  ;  en  latin  appressi.  (S' 
Bern.  Serm.  fr.  mss.  p.  8.) 

Apjn-esseiz,  part.  Opprimé,  pressé  ;  en  latin  pres- 
sais, (id.  ibid.  p.  245.) 

Appreijssevet,  indic.  imparf.  Opprimoit.  (Id.) 

Apresset,  ind.  prés.  Affaisse,  abaisse.  (Id.) 

VARIANTES  : 
APRESSER.  S«  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  276. 
Appresser.  S'  Bern.  Serra,  fr.  MSS.  p.  125. 
Aprieser.  Ph.  Mouskes,  MS.  p.  194,  215  et  777. 
ApRiESSER.  Id.  p.  638. 

Aprest,  subst.  masc.  Action  de  s'apprêter.  L'ac- 
tion de  se  mettre  en  état  de  défense,  dans  ces  vers  : 

Un  porc  espic...  voyant  l'intérest 
Qu'on  luy  faisoit,  bruoyt  oultre  mesure  ; 
Ses  dars  fronçoit  tant  qu'à  veoir  son  aprest, 
Bien  se  monstroit  déhbéré  et  prest 
Garder  ses  pars  et  royale  pasture. 

J.  Marut,  p.  56. 

On  reconnoitra  dans  le  verbe  apreslerle  principe 
de  la  formation  et  de  la  signification  du  substantif 
aprest.  (Voy.  Aprester  et  Aprestise.) 

Aprester,  verbe.  Etre  devant ,  se  mettre,  s'arrê- 
ter devant.  Apprêter,  mettre  en  état,  disposer, 
habillei',  parer,  préparer.  Etre  preste,  être  vite,  être 
adroit.  Il  semble  que  relativement  à  la  signification 
étymologique  du  verbe  latin  prœstare,  d'où  les 
verbes  françois  prester  et  aprester,  on  ait  désigné 
une  personne  étant  devant  une  autre,  se  mettant, 


s'arrêtant  devant  elle,  en  disant  qu'elle  s'aprestoit 
devant  cette  personne. 

Issir  voit 

De  la  cave,  amont  un  degré. 
Un  vilain  treslot  hérupé... 
Devant  Gauvains  s'est  aprestez  ; 
Si  l'a  maintenant  salué  : 
Et  Gauvains  a  moult  regardé 
Sa  contenance  et  sa  figure. 

Fabl.  MS.  de  Berne,  n-  354,  fol.  30,  V"  col.  2  et  31,  R"  ool.  1. 

Nous  croyons  apercevoir  un  principe  d'analogie 
entre  celte  acception  et  les  acceptions  encore  usitées 
du  verbe  aprester,  ou  apprester  qu'aujourd'hui  l'on 
écrit  apprêter.  Il  est  possible  qu'en  généralisant 
l'idée  particulière  de  se  disposer  à  faire  une  chose 
en  se  mettant  devant  celle  chose,  en  se  mettant  en 
avant,  en  s'avançant  pour  la  faire,  on  ait  dit  par 
extension  et  figurément,  s'apprester  pour  se  mettre 
en  état  de  faire  une  chose,  quelle  que  soit  la  chose, 
quel  que  soit  le  moyen  de  se  mettre  en  état  de  la 
faire,  de  s'y  disposer. 

Je  qui  hete  les  autres,  sui  li  mains  aprestez, 
Li  mains  aisiez  d'atendre,  et  li  plus  endetez. 

Fabl.  MS.  du  R.  n'7615,  T.  Il,  fol.  144,  V  col.  2. 

En  habillant  une  personne,  en  la  parant,  on  la 
met  dans  l'étal  où  elle  doit  être  avanl  qu'elle  puisse 
se  montrer  avec  décence,  ou  avec  rcs|MTaiiL'e  de 
plaire.  De  là  le  verbe  aprester  a  signifié  babiller, 
parer,  etc. 

....  Charles,  li  bons  Rois  natures, 
De  main  (1)  lever  estoit  acoustumez 
Et  d'oyr  Messe,  si  tost  k'ert  aprestez. 

Enfance  d'Ogier  le  Danois,  MS.  de  Caignat,  fol.  114,  V  col.  1. 

A  peines  puet  estre  famé  de  mal  faire  tornée  (2)  ; 
Car  quant  un  preudons  l'a  veslue  et  atornée 
De  roubes,  et  de  jouiaus  garnie  et  aprestée,  etc. 

Fabl.  MS.  du  R.  n-  7015,  fol.  140,  R°  col.  2,  cl  V  col.  1. 

On  apreste  les  choses,  lorsqu'on  les  met  dans 
l'état  où  elles  doivent  être  avanl  qu'elles  soient 
propres  à  l'usage  pour  lequel  on  les  préprre.  «  Que 
«  nulz,  se  il  n'est  Lormier  (3),  ne  puist  aprester,  ne 
«  faire  aprester  ouvre  de  Lormerie.  »  (Ord.  T.  HT, 
p.  187.) 

Les  choses  qu  on  apreste  à  quelqu'un,  sont  des 
choses  que  pour  ainsi  dire,  on  met  devant  celui 
pour  le  besoin  duquel  elles  sont  préparées. 

Qui  ce  qu'il  vait  querant 

Troeuve  apreste,  s'il  ne  le  prend  errant, 
Mal  oseroit  un  grant  fais  entreprendre. 
Com  récreans  est  bien  dignes  de  pendre. 

Ane.  Poës.  fr.  MS.  du  Vatic.  n"  1522,  fol.  155,  V  col.  2. 

On  reconnoîl  sans  doute  qu'elle  pouvoit  être 
l'analogie  des  significations  du  verbe  simple  prester 
avec  celles  du  composé  aprester,  lorsqu'on  disoit, 
comme  l'on  dit  encore  aujourd'hui,  prêter  à  une 
personne  les  choses  dont  elle  a  besoin,  se  prester  à 
ses  besoins,  etc. 

Enfin,  la  vitesse  et  la  dextérité  avec  lesquelles  on 
fait  les  choses,  étant  en  proportion  de  la  vilesse 
avec  laquelle  on  s'avance  pour  les  faire,  de  la 
dextérité  avec  laquelle  on  s'y  dispose  et  s'y  prépare, 
il  est  possible  qu'aprester  ait  signifié  être  preste, 
être  vite,  être  adroit. 


(1)  matin  ;  en  latin  manè.  —  (2)  détournée.  —  (3)  sellier  et  éperonnier.  (N.  E.) 


AP  -8 

L'on  ne  poiirroit  mieulx  apprester 
De  circonsir  plus  gentement 
Que  l'enfant  est  :  benignement 
En  suit  loué  Dieu  noslre  père. 

Hisl.  du  Tliéàlre  Fr.  T.  I,  p.  UT. 

VARIANTES  : 
APRESTER.  Ane.  Poës.  fr.  MS.  du  Vatican,  fol.  155. 
AMPRESTiiR.  Athis,  MS.  fol.  87,  R°  col.  1. 
Apprester.  Ger.  de  Nevers,  Part,  i,  p.  5b. 
Aprestrer  (corr.  Aprester.)  Ane.  Poes.  fr.  MS.  du  V.  f°  IbS. 

Aprestise,  siihsi.  [cm.  Apprêt,  préparatif.  Ce 
mot  aprestise,  que  D.  Carpeiitier  expluine  comme 
étant  une  altération  à'apertise,  pareil  avoir  une 
signification  analogue  à  celle  du  verbe  aprester. 
(Voy.  Aprester.) 

Les  essais  et  les  ajicesfises 

Qui  se  font  pour  son  adrecer  ; 

Ce  sont  les  dévotes  aprises 

Qui  sont  pour  bataille  requises.  „„„,,„,  „« 

Rom.  du  Ch"  Délibéré,  D.  Carpenlier,  h.  Gl.  1.  de  Du  C.  T.  I,  col.  243. 

On  le  croit  de  même  origine  qu'aprest.  (Voy. 
Aprest.) 

Apretier,  verbe.  Evaluer  en  argent,  fixer  à  cer- 
tain prix.  Quoique  apprécier,  en  latin  apprettare, 
signilie  encore  aujourd'hui  évaluer  une  chose,  1  es- 
timer en  fixer  le  prix,  on  ne  diroit  plus  qu'une 
redevance  en  grain  évaluée  en  argent  est  appréciée 
à  argent.  (Voy.  Uob.  Esticnne,  Nicot  et  Monet,  Dict. 
au  mot  adénérer.)  C'est  probablement  dans  la  signi- 
fication d'évaluer  et  faire  payer  en  argent  une  rede- 
vance en  grain,  qu'on  a  dit,  en  faisant  l'éloge  de  la 
bonté  de  la  femme  du  Premier  Président  de  Thou  : 
«  Geste  bonne  Dame...  ne  changea  jamais  de  Fer- 
«  miers,  ni  ne  leur  aprétia  grain  ;  estans  par  ce 
«  moyen  tous  devenus  riches  avec  elle.  «  (Lett.  de 
Pasquier,  T.  1,  p.  434.  —  Voy.  Aprisagier  et 
Aprisier.) 

variantes  : 

APRETIER.  Lett.  de  Pasquier,  T.  I,  p.  434. 

APPRECIER.  Orth.  subsist.  -  R.  Est.  Nicot  et  Monet,  Dict. 

Apreuf,  préposition.  Après.  (Voy.PREUF.)  Si  l'on 
fait  réflexion  que  non-seulement  b,  mais  f,  est  de 
même  organe  que  p,  on  apercevra  la  possibilité  que 
preuf  soit  de  même  origine  que prob,  en  latin /«'o;;t^ 
O'oy  ApRoii.)  Quoi  qu'il  en  soit,  cette  préposition 
preuf,  c'esl-à-dire  proche,  près,  étant  précédée  de 
la  préposition  o,  signifioit  (qwès,  dans  un  sens  rela- 
tif à  ridée  de  deux  choses  qui  s'approchent  l'une  de 
l'autre  en  se  suivant  de  près,  en  se  succédant. 

Un  sarouel  fist  appareillier, 
Lez  la  messière  du  monstier, 
A  meilre  apreuf  sa  mort  son  cors, 
Sous  la  goutiere  de  deffors. 

Rom.  de  Rou,  MS.  p.  159. 

Apriiner,  verbe.  Opprimer,  accabler:  ou  appro- 
cher, incommoder.  Peut-être  que  dans  un  sens  rela- 
tif îi  celui  du  verbe  latin  premere,  A'ovi  le  compo.se 
opprimere,  en  françois  apprimcr,  on  aura  désigné 
l'incommodité  d'une  chaleur  accablante,  en  disant 
qu'elle  aprimoit. 

Enz  en  un  bois  espès,  ramu, 

Sont  entrées,  moult  bien  foillu. 

Li  chauz  les  vait  moult  cprimciit,  etc. 

Fabl.  MS.  de  Beruc,  n-  354,  fol.  150,  V*  col.  2. 


AP 

Peut-être  aussi  que  le  verbe  aprimer  dans  ces 
vers  désigne  l'incommodité  de  la  chaleur  qui  appro- 
choit  etcommençoit  à  devenir  insupportable.  Alors, 
il  seroit  une  variation  d'orthographe  du  verbe 
aproismer  qu'on  écrivoit  aprismer,  aprimer,  etc. 
(Voy.  Aproismer.) 

Aprisagement,  subst.  masc.  Evaluation,  esti- 
mation. Signification  relative  à  celle  du  verbe  apri- 
sagier. (Voy.  Aprisagier.) 

VARIANTES  : 
APRISAGEMENT.  D.  Carp.  supp.  Gl.  1.  de  D.  C.  à  Apjn-essio. 
Apprésagement.  Id.  ibid.  Tit.  de  1334. 

Aprisagier,  verbe.  Evaluer,  estimer.  Dans  le 
sens  étymologique,  mettre  à  prix  une  chose,  la  fixer 
à  certain  prix,  en  l'évaluant,  en  festimant.  (Voy. 
Aprétier  et  Aprisier.)  La  signification  d'aprisagier 
étoit  évaluer,  estimer,  lorsqu'on  disoit  :  «  Par  vertu 
«  dicelles  lettres...  eust  fait a/jnsa(/i«' les  arrérages 
«  h  certaine  somme  de  deniers,  contenue  au  dit 
«  aprisagement.  »  (D.  Carpentier,  suppl.  Gloss.  lat. 
de  Du  Cange,T.l,col.255.)  «  .Nous  vous  mandons... 
<.  que...  vous  faciez  apprésagier  les  diz  domma- 
«  ses.  »  (Id.  ibid.)  ■■  Lesquelx  blés...  apresagiez 
«  valoir  en  somme  en  revenue  de  terre,  la  somme 
«  de  XX  livres  de  terre  par  an,  etc.  »  (Id.  ibid.  — 
Voy.  Aprisagement.) 

VARIANTES  : 
APRIS.\GIER.  D.  Carp.  suppl.  Gl.  de  Du  C.  à  Appressio. 
Apprésagier.  Id,  ibid.  au  mot  Apprettare  ;  Tit.  de  1334. 
Apprisagier.  Id.  Mem.  de  la  Ch.  des  Comptes  de  Paris.  - 
Aprésagier.  Id.  ibid.  Tit.  de  1376. 

Aprisier,  verbe.  Apprécier.  (Voy.  Aprétier  et 
Priser.)  On  prise  les  choses  plus  ou  moins  qu'elles 
ne  valent;  dans  le  prix  qu'on  y  met,  il  y  a  souvent 
de  l'arbitraire  :  mais  les  apprécier,  c'est  en  propor- 
tionner le  prix  à  la  valeur  réelle.  Telle  étoit  la  signi- 
fication du  verbe  aprisier,  (ovmé  comme  aprisagier 
du  substantif  prix  ou  pris,  en  latin  precium  ou 
pretium,  lorsqu'en  parlant  de  choses  dont  la  valeur 
réelle  ne  pouvoit  être  appréciée,  on  disoit  : 

...  On  ne  poroit  aprisier 

Sa  valor,  ne  sa  dignité  : 

Car  je  vos  dis  par  vérité 

K'ilh  est  de  pierres  précieuses,  etc. 

Prison  d'Amours,  MS.  de  Turin,  fol.  18,  V  col.  2. 

Aprismement,  subst.  mase.  Action  d'appro- 
cher. On  observera  (lue  du  verbe  latin  approximare, 
s'est  formé  le  français  aproismer  ou  aprismer,  de 
même  oi-igineet  de  même  signification  qu  aiirocher. 
(Voy.  Aprociier.)  De  là  le  substantif  aprismement, 
dans  le  sens  d'approcbement,  l'action  d'approcher, 
lorsqu'en  «  disoit  avoir  aprismement  à  une  per- 
ce sonne  »  pour  l'approcher. 

.\insi  vet  de  la  poure  gent  ; 
S'aus  riches  ont  aprismement, 
Forment  les  cuident  corroucier, 
Domage  faire  et  anuier. 

Fabl.  MS.  du  R.  n-  7615,  fol.  85,  R'  col.  l. 

Aprison,  subst.  fém.  Enseignement,  instruction. 
(Voy.  Apprisere.)  On  indiquera  le  sens  propre  du  mot 
simple  prison,  en  observant  que  le  composé  aprison 
pourroit  avoir  signifié  prise.  (Voy.  Prison.)  La  signi- 


AP 


-  89  — 


AP 


fication  de  ce  même  composé  aprison,  instruction, 
enseignement,  est  figurée  dans  ces  vers,  où  on  lit 
que  Richard  I"  roi  d'Angleterre,  voulant  faire 
assassiner  Philippe-Auguste  son  ennemi  : 

Faisoit  enfanz  endoctriner, 
Pour  lui  ocire  et  afiner. 
Qui  jà  ièrent  touz  embarniz  (1), 
Et  de  tele  aprisoit  (2)  garniz, 
Que  chascun  d'eus  homme  oceist, 
Tel  con  son  Mestre  li  deist. 

G.  Guiart,  MS.  fol.  39,  R°. 

Aprissance,  subst.  féni.  Prééminence.  Ce  mot 
flpn'ss«»f?  qui  dans  une  traduction  de  Lettres  de 
Charles  V,  en  faveur  des  bourgeois  de  Paris,  répond 
au  \Siiin  pi'eeminencia,  n'est  probablement  qu'une 
altération  à'apparoissance  pris  dans  le  sens  de 
prééminence,  avantage  avec  lequel  on  paroît  supé- 
rieur aux  autres.  «  11  appartient  à  Haultesse  royale 
«  que  elle  eslieve  de  plus  large  honnour  et  apris- 
•  sance  (3),  ceulx  envers  lesquielx  elle  a  ordonné 
«  principalement  la  chaere  de  sa  proppre  Majesté.  » 
(Ord.  T.  V,  note,  p.  418.  —  Voy.  Apparoissance.) 

Apriver  (s'),  verbe.  S'apprivoiser,  se  familiari- 
ser. (Voyez  Priver.)  On  observe  que  le  mol  privus, 
dans  lequel  on  croit  voir  le  principe  de  la  formation 
des  verbes  françois  priver,  apriver,  aprivoiser,  étoit 
en  latin  de  même  signUicalion  que  si iigulus  nnicits. 
(Voy.  Martinius,  Lexic.  philolog.)  Il  y  a  des  antipa- 
thies naturelles  entre  les  animaux  :  ceux  dont 
quelque  cause  altère  et  adoucit  réciproquement  le 
naturel  antipathique,  deviennent  uniques  et  singu- 
liers dans  leur  espèce,  en  vivant  privémenl  ensem- 
ble et  familièrement.  C'est  peut-être  relalivement 
à  ce  sens  étymologique,  qu'en  parlantd'un  chien  et 
d'un  loup  que  la  faim  nécessitoit  à  vivre  l'un  avec 
l'autre,  on  a  dit  qu'ils  s'aprivoieut,  et  qu'aujour- 
d'hui l'on  diroit  qu'ils  s'apprivoisent.  (Voy.  Apri- 
voiser.) 

Li  chiens  va  o  le  leu  muiant; 

De  commune  proie  vivant, 

Chien  et  leu  se  vont  aprivaiil, 

Tant  li'ensamble  font  leur  covine  (4),  etc. 

Dit  de  Charité,  MS.  de  Gaignat.fol.  221,  R"  col.  1. 

Aprivoiser,  verbe.  Apprivoiser,  rendre  privé 
et  familier  (5).  (Voy.  Aprivoisir.)  Peut-être  qn'apri- 
voiser  ou  apprivoiser  un  animal,  le  rendre  privé 
en  adoucissant  son  naturel  farouche, c'est  le  rendre 
unique  et  singulier  dans  son  espèce,  par  la  docilité 
avec  laquelle  il  obéit  à  l'homme  qu'il  reconnoit 
pour  maître.  (Voy.  Apriver.) 

Hours,  liepars  et  lions,  leu,  guerpil,  singe  et  chien 
Donte  l'en  bien  par  nature  et  aprivoise  on  bien. 

Fabl.  MS.  du  R.  n-  7615,  fol.  140,  V-  col.  1. 


Il  paroît  qu'anciennement  «  s,' aprivoiser  de 
<•  quelqu'un,  »  c'étoit  se  familiariser,  se  rendre 
avec  lui  un  peu  trop  privé,  être  avec  lui  d'une  fami- 
liarité singulière  et  unique. 

Faux-semblant,  dist  Amours,  dy  moy  : 
Puisque  de  moy  tant  i'uprivoij,  etc. 

Rom.  Je  la  Rose,  vers  12703  et  12704. 

VARIANTES  : 
APRIVOISER.  Fabl.  MS.  de  S'  Germ.  fol.  140,  V»  col.  1. 
Aprevesier.  Dit  d'Amours  flnes,  MS.  de  Turin,  fol.  11. 

Aprivoisir  (s'),  verbe.  S'apprivoiser.  (Voy. 
Apprivoiser.)  Dans  le  sens  du  verbe  aprivoiser,  chan- 
ger le  naturel  farouche  d'un  animal  sauvage,  on  a 
dit  : 

S'aprivoisisI  mainte  beste  sauvage... 
L'un  par  douceur,  l'autre  par  oultrage 
Que  l'en  leur  fait,  changent  condicion. 
Ainsi  est-il,  selon  m'entencion 
En  l'aage  humain  de  mainte  créature 
Qui  par  doucour  ou  par  contempcion 
Mue  souvent  et  change  sa  nature. 

Eust.  Deschamps,  poc-s.  MSS.  p.  29,  col.  4  et  30,  col.  l. 

Aprob,  préposition.  Auprès.  Après.  (Voyez 
Apreif  (6).)  Lorsqu'on  sait  que  p,  b  et  f,  comme  let- 
tres de  même  organe,  se  substituent  les  unes  aux  au- 
tres, que  /■  est  l'adoucissement  de  l'aspiration  h,  que 
parmi  quelques  peuples  //  se  prononce  ch,  et  que 
cette  prononciation  étoit  même  particulière  aux 
anciens  Francs;  on  n'est  plus  étonné  que  la  prépo- 
sition latine  propê  soit  l'origine  de  la  préposition 
françoise  proche  :  préposition  que  par  le  change- 
ment de  la  voyelle  o  en  eu  l'on  écrivoit  quelquefois 
preiif,  et  prob  dans  le  langage  des  pays  Méridio- 
naux. De  là,  la  préposition  "composée  fl/;)'o6  qui 
signifioit  proche,  auprès. 

Coms  (7)  fo  de  Roma,  e  ac  (8)  ta  (9)  gran  valor  (10) 
Aprob  Mallio  lo  Rei  Emperador,  etc. 

Fragm.  de  la  Vie  de  Roèce,  MS.  de  S.  Benoîl-sur-Loire,  p.  270  (H). 

La  signification  à'aprob  est  la  même  que  celle 
à'apreuf,  après,  dans  cet  autre  passage  : 

Quan  veng  la  fis  (12)  Mallio  Torquator, 

Donc  (13)  venc  Boeci  ta  (14)  grand  dolors  al  cor, 

No  cuid  (15)  aprob  altre  dois  (IC)  li  demor. 

Fragm.  de  la  Vie  de  Boùce.  MS.  îibi  supra. 

Qu'on  nous  permette  de  hasarder  ici  une  idée 
absolument  différente  de  celles  des  Etymologistes 
latins,  sur  l'origine  des  verhesprobare  et  approbare. 
Il  seroit  possible  que  ces  verbes,  dont  on  a  fait  en 
françois  prouver  et  approuver,  dérivassent  comme 
prob  et  aprob,  de  la  préposition  propè  qui,  dans  le 
sens  étymologique  indiqué  par  Martinius  et  Vossius, 
signifie  pro  pedibus,  aiitè  pedes.  Alors,  prouver  une 
chose  à  quelqu'un,  ce  seroit  l'approcher  de  lui,  au 


(1)  Dans  des  lettres  de  rémission  de  1447,  pièce  581  du  registre  JJ.  176  du  Trésor  des  Chartes,  on  lit  :  «  La  mère  d'iceUe 
Magnon  s'aperceut  que  sa  fille  embaj-yussoit  et  engrossissoit  de  corps.  »  Le  sens  est  donc;  devenus  gros  et  grands  ;  la 
racine  est  la  même  que  celle  de  baron,  banmge  (voir  ces  mots),  (n.  e.)  —  (2)  Ce  mot  a  été  fait  sur  le  participe  appris,  de 
apprendre.  (N.  E  )  —  (3)  Le  sens  estime  est  suffisant,  apprissa>7ce  venant  àe  priser,  (n.  e.)  —  (4)  association.  —  (5)  Ce  mot, 
dérivé  du  précédent,  vient  d'un  adjectif  fictif  pm'ois,  en  latin  privensis,  dérivé  lui-même  de  privits.  Le  n  tombe  dans  ces 
formes  en  ensis,  et  le  c  long  devient  oi  :  niensis,  mesis,  mois.  etc.  (N.  E.)  —  (6)  La  forme  apreuf  (aprof  au  vers  1577  de  la 
Chanson  de  Roland),  qu'on  écrivait  plutôt  apriief,  vient  Ijien  de  propè;  Vo  bref  s'est  écrasé  en  ue.  Ye  final  est  tombé,  et  le  p, 
comme  c'est  la  tindynce  générale  des  consonnes  finales,  s'est  renforcé  en  f:  de  même  sepes  a  donné  .soî/'  (haie);  capul, 
chef  ;  mais  1'  forme  provençale  devrait  être  aprop,  et  non  aprob,  ce  qui  embarrasse  l'étymologiste.  (N.  e.)  —  (7)  Comte.  — 
(8)  Eut.  —  (9)  Tant.  —  (10)  Crédit.  —  (11)  M.  P.  Meyer  vient  de  pubher,  à  la  librairie  Franck,  un  recueil  de  textes  bos-latins 
et  provençaux  :  la  Vie  de  Boèce,  qu'il  a  revue  et  corrigée  sur  le  manuscrit,  s'y  trouve,  et  doit  seule  être  consultée,  (n.  e.)  — 
(12)  Fin,  mort.  -  (13)  Alors  ;  en  latin  tune.  -  (14)  Tant.  -  (15)  Que  je  ne  crois  pas  que,  etc.  -  (16)  Douleur. 

II.  12 


AP 


—  90  — 


AP 


propre  la  melire  à  ses  pieds,  et  par  conséquent  sous 
ses  yeux,  pour  qu'il  la  voie  et  la  recounoisse. 
Approuver  une  personne  ou  une  chose,  dans  la 
significalion  d'éprouver,  ce  seroit  les  approcher  de 
soi  pour  les  voir  et  les  connoilre,  pour  avoir  l'idée 
de  ce  qu'elles  sont  et  de  ce  qu'elles  valent.  Enlin, 
les  approuver,  dans  le  sens  contraire  à  celui  des 
verbes  désapprouver,  reprouver,  ce  seroit  les  juger 
agréables,  utiles  et  bonnes,  d'après  l'idée  qu'on 
peut  s'en  faire  en  les  approchant  de  soi  pour  les 
voir  et  les  connoilre  ;  ou  les  approcher  de  soi,  s'en 
approcher  d'après  une  idée,  un  jugement  qui  pré- 
céderoil  l'aclion  d'approcher,  et  dont  cette  action 
seroil  pour  lors  le  signe  et  la  conséquence,  ^otre 
conjeclure  sur  le  principe  des  significations  et  de 
la  formation  des  verbes  prouver,  approuver,  désap- 
prouver et  reprouver,  paroitra  peut-être  d'autant 
plus  vraisemblable,  que  nécessairement  on  se  figure 
l'esprit  opérant  de  même  manière  que  le  corps,  et 
qu'un  moyen  aussi  simple  que  naturel  de  voir  et  de 
connoilre  corporellement,  c'est  d'approcher  de  soi 
les  personnes  ou  les  choses.  De  lîi,  sans  doute, 
l'identilé  de  signification  des  verbes  reprouver  et 
reprocher.  (Voy.  Reprocher  et  REPRorvER.)  On  trouve 
aussi  qu'aprocher  a  signifié  approuver  dans  le  sens 
de  prouver.  (Voy.  Approuver  et  Aprocher.) 

Aproclie,  sitbst.  fém.  Approche,  action  d'appro- 
cher. L'origine  de  ce  mol  aproclie  ou  approche  (1), 
est  sans  doute  la  même  que  celle  de  la  préposition 
aprob.  (Voy.  Aprob.)  Si  l'on  fait  réflexion  que  la 
préposition  simple  proche  ne  semble  être  adjectif  el 
substantif,  que  parce  qu'en  disant  «  maisons  pro- 
«  ches  de  la  rivière,  un  de  mes  proches,  »  on  fait 
ellipse  de  qui  sont,  on  reconnoitra  la  possibilité 
qu'approche  soil  réellement  une  préposition  com- 
posée el  de  même  origine  qxi'aprob,  quoiqu'elle 
paroisse  être  un  substantif  dans  noire  langue. 
(Voy.  Proche.)  Il  résulte  de  cette  observation  ,  qu'au 
moyen  d'une  métonymie  par  laquelle,  en  exprimant 
ce  qui  suit,  on  désigne  ce  ([ui  précède,  le  mot  apro- 
che  ou  approche,  fût-il  préposition,  peut  avoir 
signifié  comme  substantif,  le  mouvement  ou  la 
position  d'après  lequel  une  personne  ou  une 
chose  se  trouve  proche  d'une  autre.  Ainsi,  l'accep- 
tion encore  usitée  d'approche ,  éloit  la  même 
que  celle  d'approchement,  l'aclion  d'approcher. 
(Voy.  ApRociiER.) 

De  là,  on  a  nommé  aproches  en  général,  une 
aproclie  d'assiête,  les  tranchées  el  autres  travaux 
par  lesquels  on  approchoil  du  corps  d'une  place 
qu'on  assiégeoit  ;  les  machines  et  l'artillerie  qu'on 
approchoil  des  murailles  de  cette  place,  ou  avec 
lesquelles  on  s'en  approchoil. 

.  .  .  Firent  de  grans  escarmouches 
Sans  cesser,  presque  tous  les  jours, 
BastiUes,  bollevers,  approuches, 
Affin  qu'il  n'y  entrast  secours. 

Vigil.  de  Charles  VU,  pari.  I,  p.  94. 


Coitivy  pour  lors  Admirai, 
A  faire  l'api-ouche  d'assiette 
Eut  grant  peine,  amont  et  aval. 

Ibid.  p.  180. 

Les  approches,  en  terme  de  guerre,  étoient  de 
deux  espèces  ;  les  aproches  découvertes  et  les  apro- 
ches couvertes.  «  On  commença...  à  faire  des  «pra- 
"  ches  couvertes  el  découvertes,  dont  le  Bourgeois 
«  conduisoil  une,  el  Jacques  de  Chabannes  l'autre  : 
«  mais  celle  du  Bourgeois  fut  la  première  avancée 
«  jusques  ti  la  muraille,  el  puis  l'autre  arriva,  et 
<'  fui  minée  la  muraille.  »  (Hisl.  d'Arlus  III,  duc  de 
Bretagne,  p.  788.  —  Voy.  Aprochement.) 

VARIANTES  : 
APROCIIE.  llist.  d'Artus  III,  Duc  de  Bret.  p.  788. 
Approuche.  Vigil.  de  Charles  VIT,  part,  i,  p.  94. 
Aprouche.  Ibid.  p.  M. 

Aprochement,  subst.  niasc.  et  fém.  Action 
d'approcher,  approche.  Lieu,  position  où  l'on  est 
après  s'être  approché.  Anciennement,  aprocher  à 
une  personne,  ou  avoir  aprochement  h  elle,  signi- 
fioit  s'approcher  d'elle,  rapprocher.  «  Par  ti  ayens 
«  aprocliement  al  fil,  ô  lu  bien-aurouse  troveresse 
«  de  grâce.  »  (S'  Bern.  Serm.  fr.  mss.  p.  '21.  —  Voy. 
Aprocher.)  Le  participe  féminin  de  ce  verbe  aprocher 
signifioit  par  ellipse  d'un  substantif  de  même  genre, 
le  mouvement  par  lequel  on  approche  de  quelqu'un, 
on  s'avance  vers  lui  pour  le  rencontrer,  l'attaquer. 

Les  Angloys,  amont  et  aval, 
Firent  des  fossez  et  tranchées, 
Affin  (jue  les  gens  de  cheval, 
Ne  feissent  sur  eubc  aprouchées. 

Vîgil.  de  Charles  VU,  part.  II,  p.  86. 

Sous  l'idée  A' aprochement,  action  d'approcher, 
mouvement  par  lequel  on  s'approche,  étoil  voilée 
l'idée  du  plaisir  vers  lequel  ou  s'avance  en  obéissant 
h  la  Natiire  el  à  l'amour.  «  Si  de  aprecement  à 
«  femmes  demandés,  sacés  que  dès  ier  e  de  avant- 
«  ier  nus  eimes  guardez.  »  (Livres  des  Rois,  ms.  des 
Cordel.  fol.  28.)  L'expression  étoil  moins  modeste, 
lorsqu'on  disoit,  «  connoilre  une  femme  par  char- 
«  nel  aprecement.  «  (Ibid.  fol.  76,  V"  el  77,  R°.) 

Quelquefois  ce  qu'on  nommoil  aprochement 
d'amour,  étoil  un  signe  démonslralif  de  l'amitié 
qui  nous  invile  h  nous  approcher,  à  nous  rappro- 
cher les  uns  des  autres.  «  Si  eut  \h  grans  approche- 
«  mens  el  grans  recongnoissances  d'amour,  quand 
«  ils  se  trouvèrent  tous  ensemble.  »  (Froissart, 
Vol.  I,  p.  3G3.)  «  Envoyoit  le  Roy  de  Portugal  au 
«  Duc  et  à  la  Duchesse...  de  beaux  mulets  blancs... 
»  et  avecques  ce  grans  salus  et  grands  approche- 
«  mens  d'amour.  »  (kl.  Vol.  III,  p.  131.) 

En  termes  de  guerre,  «  {m'e\esapproche7nents  » 
d'une  place  qu'on  assiège,  en  faire  les  approches, 
c'éloit  s'en  approcher  à  l'aide  des  tranchées  et  des 
machines ,  s'en  approcher  avec  l'artillerie  qu'on 
faisoit  avancer  vers  les  murailles  de  la  place  assié- 
gée. «  Ils  pressèrent  fort  la  ville  de  fossez  el  d'ap- 
«  prochements.  »  (Berry,  Chron.  depuis  140'2-1461, 


(1)  Approche  \ient  de  ad  et  pi-opius,  comparatif  de  propè.  Propius  est  devenu  propjus,  et,  comme  p  était  une  consonne 
forte,  j  s'est  transformé  en  ch;  approcher  est  dérivé  d'approche;  il  n'est  pas  besoin  de  la  longue  discussion  que  le  lecteur 
rencontrera  plus  loin.  (n.  e.) 


AP 


—  91  — 


AP 


p.  451.)  «  Firent  leurs  «p/J/'or/i?/H^HS  les  François, 
«  et  assortirent  canons  et  bombardes  ;  et  firent  de 
B  grands  approuchemens  de  jour  et  de  nuit,  tant 
«  qu'à  la  fin  les  Anglois,  etc.  »  (Al.  Chartier,  Hist. 
de  Charles  VI  et  Charles  VII,  p.  133.) 

Si  furent  faitz  approuchemens 
A  jetter  bombardes,  canons  ; 
Et  moult  divers  habillemens 
Pour  rompre  bastilles  et  pons. 

Vigil.  de  Charles  VII,  part.  I,  p.  182. 

Enfin,  le  mot  approchement  signifioit  le  lieu,  la 
position  oîi  l'on  se  trouvoit  après  s'èlre  approché, 
s'être  avancé,  lorsqu'on  disoit  :  «  Ils  approchèrent 
«  contre  ceulx  de  la  cité....  tellement  que  on  pouvoit 
«  jetter  une  pierre,  de  Y  approchement  d'iceux  Fran- 
1  çois,  dedens  la  dicte  cité.  »  (Al.  Chartier,  Hist.  de 
Charles  VI  et  Charles  VII,  p.  113.  —  Voy.  Aprociie.) 

VARIANTES  : 
APROCIIEMENT.  S'  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  21. 
Approchement.  Cotgrave,  Oudin,  Rob.  Estienne,  Nicot 
et  Monet,  Dict. 
Ai'PROUCHEMENT.  Al.  Chartier,  Hist.  de  Charles  VI,  p.  133. 
Aprecement.  Livres  des  Rois,  MS.  des  Cordel.  fol.  28. 
Aprouchement.  Vigil.  de  Charles  VII,  part,  i,  p.  225. 
Aprouchée.  Vigil.  de  Charles  VII,  part,  ii,  p.  86. 

Aproclier,  verhe.  Approcher,  s'approcher; 
avancer,  s'avancer.  Approcher,  rendre  proche. 
Assigner  à  comparoir.  Rapprocher,  faire reconnoître. 
Prouver.  On  peut  voir  à  l'article  aprob,  comment  il 
est  possible  que  de  la  préposition  latine  propè,  c'est- 
à-dire  pro  pedibus,  ante  pedes,  on  ait  formé  la  pré- 
position françoise  proche,  d'où  naît  le  verbe  apro- 
cher,  que  par  le  changement  très  ordinaire  de  la 
voyelle  o  en  ou,  en  u  et  même  en  e  muet ,  on  pro- 
nonçoit  aproitcher,  aprucher,  aprecher,  etc.  L'ortho- 
graphe aperchier  ou  apercher,  est  conforme  à  la 
prononciation  adoucie  de  pre  dans  aprecher.  On 
ajoute,  qu'en  certaines  provinces  le  peuple  prononce 
encore  aprecher,  et  avec  un  e  ouvert  aprescher. 

Enfin,  l'aspiration  /;  à  laquelle  les  anciens  Francs, 
entr'autres  peuples,  ont  substitué  ch,  se  changeant 
très  fréquemment  en  s  dans  toutes  les  langues,  il 
est  probable  que  pour  apresclier  l'on  aura  écrit 
apresser.  On  a  observé  ailleurs  pourquoi  cette 
variation  d'orthographe  du  verbe  aprocher  est  sou- 
vent peu  facile  h  distinguer  du  verbe  apresser  formé 
d'aj»'és.  (Voy.  Apresser.) 

Le  sens  littéral  de  la  préposition  latine  propè,  en 
françois  proche,  étant  reconnu,  l'on  aperçoit  par 
quelle  analogie  le  verbe  aprocher  ou  approcher  a 
signifié  et  signifie  encore  une  idée  générale  de 
mouvement  e"t  de  position,  au  moyen  desquels  on 
se  trouve  près,  auprès  d'une  personne  ou  d'une 
chose,  devant,  à  côté,  etc.  (Voy.  Aproismer.) 

Il  est  évident  que  dans  le  verbe  composé  aprocher, 
la  préposition  a  est  de  même  énergie  qu'en  cette 
ancienne  expression  «  procher  à  une  personne,  se 
«  procher  à  elle,  »  lorsqu'on  dit  l'ajtprocher.  (Voy. 
Procher.)  «  Saul  sur  sa  lance  s'apuiout  ;  e  les  curres, 
«e  feschiele  des  Chevalers  Vaprucout ,  etc.  » 
(Livres  des  Rois,  ms.  des  Cordel.  fol.  41,  R°  col.  1.) 


«  Se  le  cerf  est  froyé,  neVaprouche  m\e.  »  (Modus 
et  Racio,  MS.  fol.  2G,  V°.) 

On  exprimoit  deux  fois  un  rapport  suffisamment 
indiqué  par  la  préposition  initiale  A'aprocher,  en 
disant  aprocher  à  une  personne,  à  une  chose.. 
«  Por  ceu  vint  en  cest  munde  li  soloz  de  justice... 
«  ke  tuitcil  k'enlumineit  vorroient  estre,  aproches- 
"  sent  h  lui.  «  (S'  Bern.  Serm.  fr.  mss.  p.  71.) 
«  Aprocheons  h  la  taule  (1),  et  d'un  chascun  de  ces 
«  maz  assaverons  (2).  »  (Id.  ibid.  p.  350.)  «  Li  Pru- 
«  veire  ki  sacrefiouent  es  munz,  ne  se  apriichonent 
«  pas  al  altel  Nostre  Seigneur  en  .lerusalem.  » 
(Livres  des  Rois ,  ms.  des  Cordel.  fol.  151 ,  R"  col.  1.) 
C'est  avec  même  inutilité  qu'en  substituant  vej's 
ou  de  à  cette  seconde  préposition  A,  l'on  a  dit  : 
«  Cume  Golias  vers  David  apruçad,  David  curut 
«  encontre.  »  (Livres  des  Rois,  ms.  des  Cordel.  fol. 
23.)  Cl  La  Dame  aprescad  vers  celé  compaignie.  » 
(Ibid.  fol.  33.)  «  David  vers  le  Reis  s'fl7;resd;rt(/,  etc.  » 
(Ibid.  fol.  32,  R°col.  1.) 

.  .  .  Tant  par  grâce  s'apressa 

De  nous,  qu'en  luy  nous  ennexa, 

Sans  jamais  faire  départie. 

J.  de  Meun,  Tesl.  vers  1251-1253. 

Dans  un  sens  relatif  à  l'idée  du  mouvement  par 
lequel  on  aproche  en  s'avançant  vers  les  personnes 
ou  vers  les  choses,  on  a  dit  figurément  :  »  Li  termes 
«  del  coronement  rt;;roif«,  et  fu  coronez,  etc.  » 
(Villehard,  p.  inS.)  «  Ala  totejor  parmi  la  foresl.... 
«  et  quant  il  vit  que  li  vespres  aperçoit,  si  comença 
«  à  plorer.  »  (Fabl.  ms.  du  R.  n°  7089,  fol.  78.) 

Quoique  ce  verbe  désigne  encore  aujourd'hui 
l'approche  du  temps  et  des'événemens  qu'il  amène 
à  sa  suite,  on  ne  diroit  plus  dans  la  signification 
active  d'avancer,  qu'on  «  approche  une  affaire,  un 
•<  voyage,  etc.  »  (Voy.  Ord.  T.  I,  p.  6i3.  —  Ger.  de 
Nevers,  part,  i,  p.  1Ô2,  etc.) 

Dans  la  signification  d'approcher,  faire  qu'une 
personne  ou'qu'une  chose  soit  proche  d'une  autre, 
on  a  désigné  la  familiarité,  la  faveur  auxquelles  on 
étoit  admis  auprès  de  son  maître,  en  disant  qu'on 
en  étoit  aproché.  «  Le  Trésorier  Robertel .  .  .  gou- 
«  vernoit  tout  le  Royaume  ;  car  depuis  (jue  M.  le 
«  Légat  d'Amboise  mourut,  c'estoit  Ihommeleplus 
«  aproché  de  son  maistre.  »  (Mém.  de  Rob.  de  la 
Marck,  Seigneur  de  Fleuranges,  ms.  p.  218.) 

Une  façon  très-naturelle  de  comparer  les  person- 
nes ou  les  choses,  c'est  de  les  approcher,  de  poser 
ou  mettre  l'une  devant  l'autre ,  de  mettre  l'une  à 
côté,  auprès  de  l'autre.  De  là,  on  a  dit  :  «  Ce  ne  sont 
«  certes  que  roses  de  vostre  accident,  si  vous 
»  Vaproche%,  et  en  faictes  comparaison  avec  ma  for- 
ci tune.  »  (L'Amant  ressusc.  p.  504.  —  Voy.  Aproprier.) 

Sans  doute  que  relativement  à  la  même  accep- 
tion, le  verbe  aprocher  aura  signifié  en  style  de 
procédure  encore  usité  dans  la  plaidoirie  Normande, 
assigner  quelqu'un  à  comparoir  devant  un  .luge,  le 
mettre  en  Justice,  le  meltre  pour  ainsi  dire  devant 
le  .Juge.  «  Que  noz  Railliz,  Prevoz  et  autres  Justi- 
«  cieVs,  de  leur  volonté  ne  de  leur  office,  ne  puis- 


Ci)  Table.  -  (2)  Goûtons. 


AP 


—  92  — 


AP 


«  sent  aucun  a/);;?'odi/('c  sans  aucun  fait,  détenir, 
»  ne  emprisonner.  »  (Ord.  T.  1,  p.  ôGi.)  «  Que  au- 
«  cuns  ne  soit  ajiprueltie~^d'oU\ce,  sans  information 
«  soufllsant.  »  (Ibid.  T.  11,  p.  407.) 

On  indiquoit  la  raison  de  l'assignation  à  compa- 
roir devant  un  Juge,  en  disant  qu'on  aprochoitune 
personne  sur  le  fait  d'usure ,  qu'on  «  Yaprochoit 
«  d'un  fait  en  général,  qu'on  Vaproclioit  de  coinp- 
•'  ter,  d'abuser  d'un  privilège,  etc.  »  (Voy.  Ord.  T.  1, 
p.  299.  —  Coût.  géii.  T.  1,  p.  1043.  -  Ord.  T.  1, 
p.  775.  —  La  Tliaumassière,  Coutume  de  Berry, 
p.  430,  etc.)  "  Aucun  des  Mestres  ne  pourra  aucune 
«  personne  upprochiev  de  ce  dont  la  congnoissance 
«  li  appartiendra,  jus(iues  à  tant  qu'il  en  soit  bien 
«  enfourmé.  »  (Ord.  T.  11,  p.  24G.) 

Peut-être  aussi  qu'en  plusieurs  cas  judiciaires 
ou  non  judiciaires,  ■^^  aprocher  d'un  fait  »  la  per- 
sonne qu'on  soupçonnoit  ou  qu'on  savoit  eu  être 
coupable,  c'étoit  en  quelque  sorte  la  rapprocher  de 
ce  même  fait,  le  lui  faire  reconnoitre  en  la  rappro- 
chant des  lieux,  des  temps  el  des  circonstances  qui 
pi-ouvoient  qu'elle  en  étoit  coupable.  «  Que  l'en  ne 
«  puisse,  en  cas  de  crime,  aller  encontre  les  Nobles 
«  par  dénonciation,  ne  par  soupe(;on,  ne  eus  juger 
«  ne  condampner  par  enquestes,  se  il  ne  s'y  met- 
«  tenl;  jaçoit .  .  .  ([ue  la  souspeçon  pourroit  estre 
«  si  grant  et  si  notoire  que  li  souspeçonnez  contre 
"  qui  la  dénonciation  seroit  faite,  devroit  demeurer 
«  en  l'hoslel  de  son  Seigneur...  une  quarantaine.... 
«  et  se  en  ce  termine  aucun  ne  Vajijirocluiit  du 
«  fait,  etc.  »  (Ord.  T.  I,  p.  558.)  «  Leur  plaise  uions- 
«  trer  au  Roy  que  il  ne  veuille  se  esmovoir  envers 
«  Monseigneur,  ne  tant  Yaprocher  de  ce  qu'il  tient 
«  des  Anglois  en  sa  compaignie.  »  (D.  Lobineau  , 
Hist.  de  Bret.  T.  11,  pr.  col.  581.)  C'est  au  contraire 
le  fait  qui  est  rapproché  et  mis  sous  les  yeux  du 
coupable,  lorsqu'on  le  lui  reproche.  (Voy.  Raprociier 
et  Reprocher.) 

Enfin,  "  approclier  son  droit,  »  c'étoit  le  prouver, 
le  mettre  sous  les  yeux  de  celui  à  qui  on  vouloiten 
faire  connoitre  la  justice.  «  Enseigner  ceaus  que 
«  mester  en  auront,  el  auront  droit  et  le  requerront, 
«  de  savoir  le  «yjî'oc/ricr  el  desreigner  ;  et  à  ceaus 
«  à  qui  l'on  requerra  ce  que  estlor  droit,  desavoir 
«  les  esloigner  et  deffendre.  »  (Assises  de  Jérusa- 
lem, chap.  V,  p.  16.  —  Voy.  Aprob.) 

CONJIG. 

Aprecerum,  ind.  f.  Approcherons.  (Livres  des  R.) 
Apresçad  et  Apreschad,  passé  déf.  Approcha.  (Ib.) 
Aprochessent,  sub.  imp.  Approchassent.  (S"  Bern.î 
yl/»7/('/(«HiHs,passé  déf.  Approchâmes.  (Liv.desR.) 
Apruclioiient,  ind.  imp.  Appiochoient.  (Ibid.) 
Aprucled,  part.  Approché.  (Ibid.  fol.  130,  R".) 
Aprucoud,  ind.  imp.  Approchoil.  (Ibid.  fol.  41.) 

VARIANTES  : 
APROCHER.  S-  Bern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  71. 
Apercer.  Fabl.  MS.  du  R.  n"  7989,  fol.  78,  V»  col.  2. 
Aperchier.  ilodus  et  Racio,  MS.  fol.  163,  V». 
Appresser.  J.  de  Meun,  Test,  vers  1251,  etc.. 


Approcher.  Orth.  subsist.   —  Rob.  Estienne ,   Nicot  et 
Monet,  Dict. 
Approchier.  OrJ.  T.  I,  p.  562,  etc. 
Approucher.  J.  Marot,  p.  57,  etc. 
Approuchiek.  Ord.  T.  III,  p.  138,  etc. 
Aprescer.  Livres  des  Rois,  MS.  des  Cordel.  fol.  33,  V». 
Aprescher.  Ibid.  fol.  32,  R»  col.  1. 
Aprocer.  Villehard,  p.  26. 

Aprochier.  Assises  de  Jérusalem,  chap.  v,  p.  16,  etc. 
Aproicer.  Villehard,  p.  108. 
Aproucher.  Modus  et  Racio,  MS.  fol.  26,  V",  etc. 
Aprouchier.  Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  181,  col.  1,  etc. 
Aprucer.  Livres  des  Rois,  MS.  des  Cordel.  fol.  23,  R'  col.  3. 
Aprucher.  Ibid.  fol.  53,  R»  col.  2. 
Apruchier.  Modus  et  Racio,  MS.  fol.  332,  V». 
Aprucier.  Livres  des  Rois,  MS.  des  Cordel.  fol.  130,  R°  col.  2. 
Apruecher.  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7218,  fol.  13,  R»  col.  1. 

Aproismer,  verbe.  Approcher,  s'approcher. 
Lorsqu'on  sait  que  de  propè  les  Latins  ont  fait  le 
superlatif  yjrox/Hie,  d'oîi  le  verbe  approximare,  en 
françois  aproismer,  aprismer,  aprimer,  apremier, 
apermcr,  on  ne  s'étonne  plus,  qu'abstraction  faite 
de  l'idée  superlative,  le  verbe  apruismer,  de  même 
origine  qua])rocher,  ait  eu  même  signification. 
Aussi  disoit-on  indifféremment  aprocher  ou  aprois- 
mer les  personnes  et  les  choses,  aprocher  o\i  aprois- 
mer à  elles,  s'aprocher  ou  s'aproismer  d'elles,  etc. 
(Voy.  Aprismement  et  Aprocher.) 

La  Dame,  quant  le  vit  venir, 

Isnelement  prent  à  fuir  ; 

Le  S'  hom  le  vait  enoauchant, 

Auques  le  va  jà  aproisinaiit. 

Vie  de  S"  Marie  ÉgypI.  MS.  de  Sorb.  chif.  LXI,  col.  21. 

Tout  li  moisnet  (1)  dehors  estoient 
Qui  au  blé  aproismier  n'osoient. 

Bestiaire,  MS.  duR.  ii"  7989,  (ol.  181,  V"  col.  2,  fabl.  83. 
Delez  l'erabuchement  passèrent  ; 
Mes  onques  point  n'i  aperinèrent. 

Alliis,  MS.  fol.  95,  R-  col.  2. 
Et  empoisonne  et  envenyme 
Tout  homme  qui  de  luy  s'aprime. 

Rom.  de  la  Rose,  vers  17iG4  et  17465. 

Au  figuré,  «  s'«ion)H.er  aux  raisons  »  de  quelqu'un, 
c'étoit  approcher  de  lui  par  la  façon  de  sentir  et  de 
raisonner,  se  rapprocher  du  sentiment  d'après 
lequel  il  raisonnoit.  «  Les  raisons  qu'ilz  y  mettent 
«  sont  moult  courtoises  ;  et  toutesfois  je  ne  m'y 
<>  pourroye  pourtant  aprimer  :  car  l'ardeur  de  mon 
"  amour,  etc.  >■  (Percef.  Vol.  VI,  fol.  102,  V°  col.  2.) 
C'est  encore  relativement  à  la  signification  pro- 
pre d'approcher  deux  personnes  fune  de  l'autre, 
qu'on  a  dit  : 

A  tant  leva  un  mal  talenz 

Entre  les  pères  as  enfanz... 

Geste  chose  fist  destorber 

Les  deus  enfanz  à  assembler. 

D'eus  aprimer  par  mariage. 

Pyrame  et  Tisbé,  MS.  de  S.  Germ.  fol.  98,  R'  col.  3. 

VARIANTES  : 
APROISMER.  Ph.  Mouskes,  MS.  p.  509. 
Apermer.  Athis,  MS.  fol.  95,  R°  col.  2. 
Approimer.  Froissart,  Poës.  MSS.  p.  196,  col.  2. 
Apremier.  Rom.  de  Rou,  MS.  p.  112. 
Apresmier.  Ibid.  p.  71. 

Aprimer.  Ibid.  p.  94.  -  Rom.  de  la  Rose,  vers  17465. 
Aprimier.  Rom.  de  Rou,  MS.  p.  60. 

APRI3.MER.  Floire  et  Blanchetlor,  MS.  do  S'  Germ.  fol.  197. 
Aprismier.  Fabl.  MS.  du  R.  n"  7615,  fol.  79,  V»  col.  2. 


(1)  Moineaux. 


AP 


93  — 


AP 


Aproimer.  Bestiaire,  JIS.  du  R.  n»  79 
Aproismier.  Ph.  Mouskes,  MS.  p.  69 


[»,  fol.  164,  V»  col.  1. 


Api'ompt,  part.  Emprunté.  Dans  le  sens  qu'in- 
dique rélymologie  la  plus  vraisemblable  de  promp- 
IHS,  participe  du  verbe  //roinere,  une  chose  que /rti 
aprompte,  est  une  chose  que  j'ai  fait  mienne,  en  la 
prenant  de  celui  qui  consent  à  ce  que  j'en  use 
comme  d'une  chose  ù  moi,  et  par  conséquent  tou- 
jours prête  pour  mon  besoin.  ^Martinius,  Lexic. 
philolog.  —  Vossius,  Etym.  Liug.  lat.)  On  voit  par 
cette  définition,  quelle  pourroit  être  l'analogie  de 
la  signification  de  l'adjectif  prompt ,  prêt  à  faire 
une  chose,  avec  celle  du  participe  aprompt,  em- 
prunté. «  Obligacion  ...  est  vestue  ...  de  chose, 
«  quaunt  ascune  chose  est  aprompt  de  rendre  à 
«  certeinjour;  et  par  ceux  enpromptz  sount  les 
«  dettours  obligés  as  creaunsours  de  mesme  les 
«  choses  apromptes  rendre  en  ausi  bon  point ,  ou 
«  en  meillour,  corne  il  les  receurent.  »  (Britlon , 
des  Loix  d'Angl.  fol.  G2,  R°.  —  Voy.  Ai'romi'te.) 

Aprompte,  siibst.  Emprunt.  Il  semble  qu'rt- 
promple  soit  le  féminin  du  participe  rtyjcoHi/yf.  (Voy. 
Aprompt.)  Peut-être  que  par  ellipse  du  mot  somme, 
ce  participe  aprompte  aura  signifié  comme  substan- 
tif, la  même  chose  (\\xempriuil.  «  Poit  home  dever 
«  par  apromptes  de  deniers.  »  (Britton  ,  des  Loix 
d'Angi.  fol.  G9,  R°.  —  Voy.  Emprunt.) 

Apropriement,  subst,  masc.  et  fém.  Action 
d'approprier.  Appropriation.  L'acception  figurée 
d'approprU'nwnt  ou  iVajipropriance,  est  relative  au 
sens  élymolui;ii|ue  du  vciiie  aproprier,  soit  que  ce 
substantif  signifie  l'acliou  d'approprier  une  chose, 
de  la  rendre  propre,  de  la  disposer  dans  un  état  de 
propreté,  ou  l'action  de  se  l'approprier,  de  se  la 
rendre  propre,  de-s'en  assurer  la  propriété  par  des 
voies  légitimes  ou  illégitimes.  (Voyez  Cotgrave , 
Oudin  et  Monet,  Dict.) 

En  Bretagne,  Vapproprianee  ou  Y appropriement 
est  non-seulement  une  acquisition  de  propriété  de 
chose  immobiliaire  par  bannie  ou  par  laps  de  temps, 
mais  une  acquisition  de  propriété  avec  affranchis- 
sement d'hypothèques.  (Voy.  Laurière ,  Gloss.  du 
Dr.  fr.  T.  l,  p.  61.  —  Coût,  de  Bretagne,  au  nouv. 
Coût,  génér.  T.  IV,  p.  417.)  C'est  par  la  raison  que 
les  bannies  ou  proclamations  pour  Vapproprianee, 
l'acquisition  de  propriété,  purgent  les  hypothèques, 
qu'on  a  dit:  «  Àppropriance ,  en  la  Coutume  de 
«  Bretagne,  est  la  même  chose  que  Décret  parmi 
«  nous.  »  (Nouv.  Dict.  de  Droit.  —  Dict.  de  Tré- 
voux. —  A'oy.  Aproprier.) 

VARIANTES  ! 
APROPRIEMENT.  Coutume  de  Bretagne,  au  Nouv.  Coût, 
gén.  T.  IV,  p.  417,  col.  1. 
Appropriement.  Cotgrave,  Oudin  et  Monet,  Dict. 
Appropriance.  Cotgr.  Dict.  —  Laurière,  Gloss.  du  Dr.  fr. 

Aproprier,  verbe.  Approcher,  rapprocher,  assi- 
miler, comparer,  etc.  On  croit  avec  les  Etymologis- 
tes  latins,  que  de  j5ro;>é,  proche  en  françois,  s'est 


îormé proprium,  en  françois  propre.  (Voy.  Martinius, 
Lexic.  philolog.  —  Vossius,  Etym.  Ling.  lat.)  Cette 
opinion  sur  l'élymologie  de  Vud'ieciU proprium  ,  et 
par  conséquent  sur  celle  du  verbe  latin  barbare 
ajipro/irtare,  en  françois  approprier  (1  ,  est  d'autant 
plus  vraisemblable,  que  dans  notre  ancienne  lan- 
gue il  y  avoit  une  analogie  réelle  entre  les  signifi- 
cations des  verbes  approcher  et  aproprier.  Il  est 
évident  que  l'acception  d'approprier  étoit  relative  à 
celle  d'approcher,  rapprocher,  réunir  en  rappro- 
chant, lorsque  dans  le  sens  de  l'ancienne  expression 
<-  raprocher  un  fief,  >■  on  disoit  figurémenl  :  «  Nous 
«  avons  approprié,  unie  et  annexé ,  .  .  .  .  appro- 
«  prions,  unions  et  annexons  perpétuelement  à 
«  nous,  à  noz  Successeurs  et  au  Domaine  de  la 
«  corone  de  France,  etc.  »  (Ord.  T.  V,  p.  413.  — 
A'Oy.  Aprociier  et  Raprocher.) 

C'est  encore  relativement  à  la  signification  d'ap- 
procher une  chose  de  l'autre  pour  juger  quel  rap- 
port elles  ont  entr'elles ,  qnapjiroprier  signifioit 
assimiler,  comparer.  «  Us  avoyenl  pris  or  et  argent 
«  pour  rendre  Bourbourg  ...  et  vouloyent  les  au- 
>'  cuns  gens  en  Angleterre  ce  fait  approprier  h 
"  trahison.  »  (Froissart,  Vol.  III,  p.  2-2 i.)  «  Le  dain 
«  et  le  chevi'el  .  .  .  ont  cornes,  et  ycelles  représen- 
«  tent .  .  .  couronnes;  pour  quoy  je  puis  aproprier 
«  ces  deux  bestes  aux  Empereurs  et  aux  Rois.  » 
(Modus  et  Racio,  ms.  fol.  87,  \\) 

Les  significations  actuelles  du  verbe  approprier, 
ne  sont  pas  moins  analogues  que  les  anciennes  à 
celle  d'approcher,  pmsqu  approprier  les  choses,  les 
ajuster,  les  approprier,  les  ajuster  h  d'autres,  c'est 
les  rapprocher  en  les  comparant,  les  disposer  de 
façon  qu'elles  soient  entr'elles  dans  un  rapport 
conforme  à  certaines  vues  d'utilité  ou  d'agrément. 
L'effet  agréable  de  ces  rapports  est  ce  qu'on  nomme 
propreté. 

On  ajoute  qu'une  manière  très  simple  de  se  pro- 
curer la  jouissance  d'une  chose  et  de  s'en  assurer 
la  possession,  c'est  d'approcher  de  soi  cette  même 
chose,  de  l'avoir  proche  de  soi.  sous  ses  yeux,  sous 
sa  main.  De  lu,  le  verbe  approprier,  de  même  ori- 
gine qu'approcher,  aura  signifié  les  idées  de  pos- 
session et  de  jouissance  à  titre  de  propriété  légitime 
ou  illégitime.  (Voy.  Apropriement.) 

VARIANTES  : 
APROPRIER.  Modus  et  Racio,  MS.  fol.  87,  V". 
Approprier.  Orth.  subsist.  —  Froissart,  Vol.  III,  p.  234. 

Apte,  adj.  Qui  a  certaine  disposition.  Qui  a  cer- 
taine proportion.  Il  est  probable  que  l'orthographe 
acte  ('2)  est  une  altération  du  mot  apte  encore  usité 
au  Palais,  et  que  dans  un  sens  relatif  à  l'acception 
générale  du  latin  aptus,  on  a  désigné  une  personne 
qui  n'étoit  pas  formée  au  vice,  qui  n'y  avoit  aucune 
disposition  acquise  ou  naturelle,  en  disant  qu'elle 
étoit  «  non  acte  et  non  suspecte  de  quelque  vice.  » 
(Voy.  Hist.  de  la  Toison  d'or.  Vol.  II,  fol.  139.) 

Lorsque  cette  même  personne  étoit  formée  avec 


(1)  Quoique  ce  mot  se  trouve  dès  le  xuv  siècle,  il  est  de  formation  savante.  (N.  E.)  —  (2)  Il  est  probable  que  acle  est  la 
forme  aate  :  une  partie  de  l'a  aura  été  effacée,  (n.  e.) 


AQ 


^  94  — 


AR 


les  dispositions  nécessaires  pour  trouver  le  bonlieur 
dans  la  vertu,  et  ne  le  devoir  qu'à  elle-même,  on 
disoit  qu'elle  étoil  apte  de  soij-mesmes.  «  0  !  toy 
«  paourc  fol  et  insensé,  tu  ne  sçaiz....  de  quelle 

«  force  est  la  vertu Unliomme  ne  sçauroit  estre 

«  que  parfaitement  lieureux,  qui  est  comme  tout 
«  apte  de  soy-mcsmes,  ou  qui  en  soy  seul  met  et 
«  constitue  tout  le  sien.  «  (L'Amant ressusc.  p.  115.) 
Il  semble  qu'un  Chevalier  «^e  ou  aate,  étoit  celui 
qui  avoit  les  dispositions  acquises  et  naturelles  pour 
tous  les  exercices  de  Chevalerie,  pour  monter  à 
cheval,  pour  combattre,  etc. 

Moult  .sont  andui  bon  Chevalier, 
Et  moult  aatc,  et  moult  legier. 

Parlon.  de  Blois,  MS.  de  S'  Cxerm.  fol.  136,  R"  col.  I. 
Ce  est  Atys  li  bien  ates, 
Au  pié  votiz,  au  cuisses  plates, 
Au  fier  corace,  à  douz  semblant,  etc. 

Alhis,  MS  fol.  ■32,  R-  col.  i. 

Peut-être  qu'en  prononçant  et  écrivant  apte,  l'on 
a  cru,  dans  le  siècle  de  l'érudition,  franciser  pour 
la  première  fois  l'adjectif  latin  rtyjfns  qu'on  nerecon- 
noissoit  plus  dans  les  anciennes  orthographes  ate 
et  aate.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  signification  û'aate 
étoit  évidemment  la  même  que  celle  du  latin  aptus, 
lorsque  pour  désigner  la  juste  proportion  d'une 
chose,  on  disoit  qu'elle  étoit  aate. 

Puis  a  estroit  et  bel  chauciez 
Ses  bêles  janbes  et  ses  piez. 
Chances  de  soie  bien  aates  (1) 
Et  bons  sorchauz  d'escarlates. 

Parlon.  de  Blois,  MS.  de  S'  Germ.  fol.  143,  R'  col.  2. 

Notre  mot  aptitude,  qui  se  trouve  dans  Cotgrave 
et  Monet,  Dicl.  paroissoit  au  P.  Bonheurs  un  peu 
barbare.  (Dict.  de  Trévoux.) 

VARIANTES  : 
APTE.  Oitb.  subsist.  -  Essais  de  Montais^ne,  T.  II,  p.  314. 
Aate.  Parton.  de  Blois,  MS.  de  S'  Germ.  fol.  1.S6,  R»  col.  1. 
Acte.  Hist.  de  la  Toison  d'or,  Vol.  II,  fol.  139,  Ro  col.  2. 
Ate.  Athis,  MS.  fol.  72,  R»  col.  1. 

Aquilaine,  adj.  fém.  Terme  de  Droit.  On 
observe  qu'Aquilius  Gallus,  contemporain  de  Cice- 
ron  et  son  ami,  fut  l'auteur  d'une  espèce  de  stipu- 
lation que  par  celte  raison  les  Jurisconsultes  fran- 
çois  du  xiv  siècle,  à  l'imitation  des  Jurisconsultes 
romains,  nommoienl  aquilaine,  en  latin  aquiliann. 
Quelle  que  fût  la  cause  d'une  ancienne  obligation 
litigieuse,  quelle  qu'en  fût  l'incertitude,  on'lixoit 
cette  obligation  par  la  stipulation  aquitaine,  qui  la 
changeoit  d'ailleurs  en  une  obligation  nouvelle  et 
verbale  dont  on  étoit  quitte  et  libéré  par  l'acceptila- 
lion.  «  Par  stipulation  aquilaine  les  obligations  et 
«  actions  de  toutes  choses  estoient  transférées  en 
«  stipulation  et  novées,  et  ladite  stipulation  estoit 
«  périmée  par  l'acceptilation.  »  (Bouteiller,  Som. 
rur.  Liv.  I,  tit.  xli,  p.  301t.)  ■•  Transaction  de  nou- 


«  velle  stipulation,  que  les  Clercs  appellent  stipu- 
«  lation  aquitaine,...  chose  incertaine  met  en  obli- 
"  galion  certaine  par  lien  de  paroles.  »  (Id.  ibid. 
p.  30G.)  «  Moyennant  certaine  transaction  que  nous 
«  fismes  ensemble  par  acquilaine  stipulation,  qu'il 
«  m'en  promist  à  rendre,...  je  fis  à  celui  quittance, 
«  et  luy  promis  que  rien  ne  luy  demanderoy-ie.  » 
(Id.  ibid.  p.  308.) 

VARIANTES  : 
AQUILAINE.  Bouteiller,  Som.  rur.  Liv.  I,  tit.  xli,  p.  30'j. 
Acquilaine.  Id.  ibid.  p.  308. 

Aquilant,  adj.  Bai  ou  vite.  (Voy.  Aquilin.)  Il  est 
probable  que  relativement  à  la  couleur  du  plumage 
de  l'aigle,  en  latin  aquila,  ou  bien  à  la  vitesse  de 
son  vol,  on  aura  désigné  par  l'adjectif  aquilant  (2) 
un  cheval  bai  ou  vite. 

Forqueres  point  le  destrier  aquilant. 

Rom.  d'Aubcry,  MS.  cité  par  Du  Gange,  Gloss.  lat.  T.  I,  col.  619. 

Aqiiilé,  participe.  Courbé  en  bec  d'aigle.  Dans 
la  signification  particulière  de  notre  adjectif  aquilin, 
l'on  a  dit,  en  parlant  de  la  Force  personnifiée, 
qu'elle  avoit  les  «  ieuls  fort  pénélrans,  le  nés  aqui- 
"  lés,  et  la  couleur  clere  et  brune.  »  (Triomphe  de 
la  noble  Dame,  fol.  23,  V°.) 

Aquilin,  adj.  Qui  a  rapport  à  l'aigle.  Ce  mol  qui 
par  comparaison  se  dit  encore  d'un  nez  dont  la 
forme  a  quelque  rapport  à  celle  du  bec  de  l'aigle, 
s'est  dit  aussi  de  la  pierre  qu'on  nomme  aujourd'hui 
pierre  d'aigle,  parce  qu'on  la  trouve  quelquefois 
dans  le  nid  de  cet  oiseau.  C'est  peut-être  d'après 
l'observation  vraie  ou  fausse  de  Mathiole,  qui  assure 
que  sans  la  pierre  aquiline  ou  pierre  d'aigle  les 
petits  des  oiseaux  de  proie  ne  pourroient  éclore, 
qu'on  s'est  persuadé  que  celle  pierre  attachée  au 
haut  de  la  jambe  d'une  femme,  avançoit  et  facilitoit 
remaniement.  (Cotgrave  et  Oudin,  Dict.  —  Voy. 
Aquilant.) 

Ar,  subst.  Moitié.  On  observe  qu'en  langue  Alle- 
mande, Angloise,  Flamande,  etc.  le  mot  lialf  signi- 
fie moitié;  dans  le  sens  général  et  étymologique 
indiqué  par  Skinner,  partie  d'un  tout.  (Voy.  Junius, 
Elym.  Angiic.  —  Skinner,  Elym.  ling.  Anglic  )  Le 
changement  réciproque  de  /  en  r  et  de  r  en  /,  étant 
commun  à  toutes  les  Langues,  il  seroil  possible  que 
«r  fût  une  altération  de  ce  mot  /irt//",  prononcé  et 
écrit  sans  aspiration  et  avec  retranchement  de  la 
consonne  sifllante  f.  On  peut  d'ailleurs  fonder  cette 
conjecture  sur  l'identité  de  signification,  puisque 
dans  l'expression  Françoise  et  elliptique  deux  et 
rt?-(3),  le  mot  ar  signifie  évidemment  la  même  chose 
que  liatf  dans  l'expression  Angloise  •<  two  pence  and 
«  half-peny;  »  c'est-à-dire  deux  sous  et  moitié  de 
sou,  deux  sous  et  demi.  La  preuve  est  que  dans  les 


(1)  Acijes  vient  ici  do  adaplus,  «  bien  justes  ;  ><  le  mot  se  trouve  déjà  dans  la  Chanson  de  Roland  en  parlant  de  destriers, 
vers  1651  et  3876  :  «  E  lur  cheval  sunt  curnnt  el  aate;  »  il  ne  peut  signifier  dans  notre  exemple  rapide,  comme  le  croit  Diez, 
qui  le  l'ait  venir  du  nordique  al.  Dans  la  Chanson  de  Roland,  même,  il  peut  signifier  maniable,  bien  dressé  ;  au  vers  suivant 
on  voit,  en  effet,  gu'on  lâche  les  rênes  aux  chevaux  ;  il  faut  donc  qu'ils  soient  doriles  :  enfin  on  ne  peut  dire  qu'un  cheval 
courant  est  presse,  ce  serait  une  tautologie  trop  naïve,  (n.  e.)  —  (2)  Signifie  brun,  comme  le  latin  ai/uilua,  qu'on  trouve 
déjà  dans  Plante  :  «  Staturà  non  magnà,  corpore  aquilo  :  ipsa  ea  est.  »  (Pasnus,  V,  2,152.)  (n.  e.)  —  (3)  Xe  faudrait-il  pas  lire 
deux  et  as?  As  signifierait  un,  comme  au  jeu  de  dés.  On  trouve  d'ailleurs  dans  les  mémoires  de  François  de  Scepeaux, 
publiés  en  1757,  au  tome  II,  page  8  :  «  Il  demeura  sur  l'heure  en  suspens,  et,  comme  l'on  dict,  entre  cieitx  et  as.  »  (n.  e.) 


AR 


-  95  - 


AR 


Œuvres  de  Rabelais,  édition  de  Dolet,  l'expression 
six-blancs,  c'est-à-dire  deux  sous  et  demi,  répond 
à  celle  de  deux  et  ar  en  ce  passage.  «  Aulx  funé- 
.'  railles  du  Roy  Charles,  l'on  avoit  en  plain  marché 
«  la  toison  pour  deux  etar.  »  (Rabelais,  T.  II,  p.  130.) 
Il  est  probable  que  relativementà  l'idée  de  moitié, 
de  partie  d'un  tout,  on  aura  nommé  rythme  de  deux 
et  ar,  une  espèce  de  rytlime  où  deux  ou  trois  lignes 
de  semblable  longueur  et  léonines  étoient  croisées 
par  une  autre  ligne  qui  n'ayant  qu'une  partie  de  la 
longueur  des  précédentes,  étoit  sans  doute  regardée 
comme  demi-ligne,  moitié  de  ligne.  Voici  un'exera- 
ple  de  cette  espèce  de  rythme  : 

Princes  et  Roys  qui  estes  hault  montez 
En  royaumes,  en  ducliez,  en  contez  ; 
Du  hault  degré  fault  que,  les  pas  comptez, 
Ou  que  à  ung  sault, 
Vous  chéez  bas,  sans  que  on  vous  donne  assault,  etc. 

Par  abus  de  l'extension,  l'espèce  de  rythme  où  ces 
deux  ou  trois  premiers  vers  étoient  croisés  par  un 
vers  d  égale  mesure,  aura  été  aussi  nommée  rythme 
de  deux  et  ar.  «  Une  espèce  de  rytlime...  s'appelle 
"  aeiix  et  ar,  pour  ce  que  deux  ou  trois  lignes  de 
■<  semblable  longueur  sont  léonines,  et  celle  qui 
«  croyse  est  plus  courte;  ou  de  semblable  lon- 
-•  gueur.  ..  (Fabri,  Art  de  Réthorique,  L.  II,  fol.  23.) 

Arabe,  subst.  fém.  Arabie.  (Voy.  Akabiant.)  Pays 
d  Asie  dont  on  altéroit  le  nom  latin  Arabia,  en  écri- 
vant Araibe,  Arabe,  Arable,  etc. 

Ematite 

Ke  de  vertu  n'est  pas  petite, 

D'Ethyope  r'est  aportée. 
Et  d'Afabe  o  ele  est  née. 

Marbodus,  de  Gemni.  art.  xxxii,  col.  1CG4. 

H  est  possible  que  Arage  soit  formé  d'Arabia, 
comme  le  mot  rage  du  latin  rabies,  et  que  relative- 
ment à  l'idée  de  l'Arabie  heureuse  si  riche  en  mines 
d  or  et  d  argent,  on  ait  désigné  d'immenses  riches- 
ses par  l'expression  grand  trésor  A' Arage  (1). 

Li  plus  rice  sont  si  tenant  ; 
Ce  sont  cil  ki  or  vont  cloant  ; 
Parmi  lor  grant  trésor  d' Arage 
Muèrent  de  faim  et  vont  à  rage. 

Ane.  Poèt.  fr  MSS.  avant  1300,  T.  IV,  p.  1355. 

variantes: 
ARABE.  Marbodus,  de  Gemm.  art.  viii  col  1G48 
Arable.  Fabl.  MS.  de  S'  Germ.  fol.  1,  Ro  col  3    ' 
Arage.  Ane.  Poët.  fr.  MSS.  avant  1300,  T.  IV,  p.  1355 
Araibe.  Marbodus,  de  Gemm.  art.  1,  col  1640 
Arrabe.  Pb.  Mouskes,  MS.  p.  134. 

Ai-al)ech,  adj.  Qui  est  propre  aux  Arabes  C'est 
avec  ellipse  du  substantif  langage,  que  Montaigne 
parlant  de  son  éducation,  disoit  :  «  J'avois  plus  de 
"  SIX  ans  avant  que  j'entendisse  non  plus  de 
«  François  ou  de  Périgourdin,  que  à' Arabesque  » 
(Essais  de  Montaigne,  T.  I,  p,  205.) 

Irbougua  bûcha  Nassardin  : 
Si  h  a  dit  en  son  latin, 
C'est-à-dire  en  Arabech,  etc. 

G.  Machault,  prise  d'Alexandrie,  MS.  p.  230,  R-  col.  1. 


En  sous-entendant  le  substantif  ornement  les 
Peintres  et  les  Sculpteurs  ont  désigné  et  désignent 
encore  par  l'adjectif  Arabesque,  une  espèce  d'orne- 
mens  propres  aux  Arabes  (2),  ces  neurons  ou  rin- 
ceaux d'où  sortent  des  feuillages  faits  de  caprice,  et 
dans  le  goût  des  Arabes.  (Voy.  Cotgrave,  Dict.) 

VARIANTES  : 
ARABECH.  G.  Machaut,  prise  d'Alexandrie,  MS  n   230 
Arabesque.  Essais  de  Montaigne,  T.  I,  p.  265. 

Arabeis,  subst.  masc.  plur.  Arabes.  Les  habi- 
tans  de  1  Arabie;  en  latin  Arabes. 

Evax  fut  un  multe  riches  Reis  • 
Lu  règne  tint  des  Ambais. 

Marbodus,  de  Gemm.  prolog.  col.  1638. 
VARIANTES  '. 

ARABEIS.  Marbodus,  de  Gemm.  prolog.  col  1638 
ARAB.4IS.  Id.  ibid. 

Arabi,  adj.  Qui  est  d'Arabie.  Rapide.  Les  che- 
vaux qu  aujourd'hui  l'on  nomme  Barbes  parce 
qu  ils  viennent  de  Barbarie,  sont  de  race  Arabe  de 
la  race  des  chevaux  qu'anciennement  on  nommoit 
Arabts. 

Cbevaulx  d'Espaigne  et  Arabis. 

Rom.  d'Athis,  iMS.  cilé  par  Du  Cange,  Gl.  1.  T.  III,  col.  120. 

On  écrivoit  arabis  au  singulier,  comme  le  prou- 
vent les  deux  vers  suivans  où  ce  mol  semble  exuri- 
mer  la  rapidité  du  cours  d'un  fleuve,  comparée  à  H 
vitesse  de  la  course  d'un  cheval  arabi.  Peut-être 
aussi  qu  en  ce  sens  arabis  est  l'adjectif  latin  ravi- 
dus,  rabidus,  avec  l'«  emphatique. 

Entr'aus  et  la  terre  as  formis 
Qeurt  un  llueves  molt  arabis. 

Bestiaire  de  la  Div.  Escrit.  MS.  du  R.  u»  7989,  fol.  195,  V  col.  1. 
VARIANTES  : 
ARABI.  Du  Cange,  Gloss.  lat.  T.  III,  col  3i3 
Arabis.  Bestiaire  de  la  Div.  Escrit.  MS.  du  R.  fol.  195. 

Ambiant,  adj.  Qui  est  d'Arabie.  (Voy.  Arabe) 
L  or  le  plus  estimé  aujourd'hui  est  l'or  d'Asie,  que 
nos  anciens  Romanciers  paroissent  avoir  nommé 
or  Un  arabiant,  parce  qu'un  des  pays  d'Asie  le  plus 
fécond  en  mines  d'or  est  l'Arabie  heureuse,  que 
les  relations  des  croisades  avoient  sans  doute  fait 
connoilre. 

En  une  balancetes  d'orfm  arrabiant 
A  mis  loel  Aristotes  :  quant  ot  fait  son  talant,  etc. 
Rom.  d'Ale.\andre,  MS.  du  R,  n"  6987,  fol.  208,  R"  col.  2. 
VARIANTES  : 
ARABIANT.  Du  Cange,  Gloss.  lat.  T  I   col   873 
Arrabiant.  Rom.  d'Alex.  MS.  du  R.  n"  6987,  fol.  208 
Arrabien.  Lanc.  du  Lac,  T.  I,  fol.  73,  V»  col.  1. 

Arabie  ftf/jf-.  Arabique.  L'adjectif  arabique,  qui 
est  aujourd  hui  de  tout  genre,  étoit  anciennement 
le  féminin  cVarabic.  (Voy.  Cotgrave,  Dict.) 

Arabiois,  adjectif.  Qui  est  propre  aux  Arabes. 
(Voy.  Arabech.)  u  Salam,  c'est  Diex  en  la  langue 
«  Arabioisse.  »  (Ilist.  de  Charlemagne,  ms.  de  la 
Clayette,  p.  93,  col.  2.) 

Arable,  adjectif.  Propre  à  être  labouré,  qui  est 


a  ^h\btol^'^f!ÊjZZ.  t)-\i'ZiX'iron'l  San'^l'^ntlâ-^i •'"  'î'^^  '"  '^^^^^"'^.^  précédente  était  douce  :  de  même  on 
des  versets  du  Coran  et  non  des  feumages^lN.  e.-^)   "^^"^^  ^  «"'"I""^  greco-romame  ;  Varabesque  arabe,  d'aiUeurs,  entrelace 


AR 


96  — 


AR 


labourable.  Propre  îi  labourer,  qui  est  de  labour. 
On  a  mille  preuves  que  dans  quantité  de  mots  où 
la  lettre  finale  s  est  aujourd'hui  le  signe  du  nombre 
pluriel,  cette  lettre  n"otoil  anciennement  qu'un 
caractère  très-ordinaire  de  ressemblance  entre  la 
terminaison  latine  et  la  françoise.  C'est  ainsi,  par 
exemple,  que  d'après  le  mol  latin  arabilis,  on  écri- 
voit  au  singulier  arables.  (Voy.  Gloss.  du  P.  Labbe, 
page  489.) 

Il  y  a  sans  doute  moins  de  raison  que  de  caprice 
à  préférer  l'expression  terres  labourables,  à  l'an- 
cienne expression  terres  arables,  qu'on  trouve  dans 
Cotgrave,  Oudin,  Nicot  et  Monet,  Dict.  iD.  Lobineau, 
Hist.  de  Paris,  ï.  V,  pr.  p.  G32,  col.  1,  etc.)  Un  de 
nos  anciens  Poêles,  comparant  la  Vierge  mère  à  une 
terre  féconde  sans  labour,  disoit  qu'elle  éloil  terre 
non  arable.  (Voy.  Arer.) 

Tu  es  la  terre  non  arable, 


Vierge  sacrée  et  vénérable  : 

En  toy  s'est  fait  œuvre  admirable, 

Oultre  usaige  de  Nature,  etc. 

Crêlin,  Poés.  p.  32  et  33. 

Dans  le  second  sens,  on  nommoil  bœuf  arable, 
un  bceuf  de  labour,  un  bœuf  propre  au  labourage. 
«  Fit  publier...  que  homme  de  guerre...  ne  fust  si 
«  hartly  de  tuer  ny  faire  tuer  bœuf  arable  ny  vache 
«  laiclière.  »  (Mathieu  de  Coucy,  Ilist.  de  Charles 
VII,  p.  GIO.  —  Voy.  Ar.^toire.) 

VARIANTES   : 
ARABLE.  D.  Lobineau,  Hist.  de  Paris,  T.  V,  pr.  p.  632. 
Ar.vbles.  Gloss.  du  P.  Labbe,  p.  489. 
Ar.\ule.  D.  Carpentier,  S.  Gl.  1.  de  Du  C.  T.  I,  col.  268. 

Arage,  subst.  masc.  Terre  labourable.  Terrage. 
Campagne.  La  signification  de  ce  mot  arage  étoit  la 
même  que  celle  de  l'expression  terre  arable, 
lorsqu'on  disoit  :  «  Arages  seans  en  ban  et  ou 
«  finage  de  ladite  ville,  etc.  »  (D.  Carpentier,  ubi 
sujyra  ;  Tit.  de  13-24.  —  Voy.  Arable.) 

On  doute  qu'il  signifie  la  même  chose  dans  un 
Titre  de  1255,  où  on  lit  :  »  Ont  donné  et  octroyé... 
«  quant  que  ils  avoient...  en  tailles,  en  bans,  en 
«  justices  grandes  et  petites,  en  plaiz  généraux, 
«  en  araiges,  eu  prez,  en  corvées,  en  terres  gaigna- 
«  blés,  etc.  »  (Perard,  Rec.  pour  l'IIist.  de  Bourgo- 
gne, p.  483.)  Peut-être  ces  «r«/(/es  sont-ils  des  droits 
de  teirage,  de  l'espèce  de  celui  qui  paroit  indiqué 
dans  une  Charte  d'alfranchissement  en  faveur  des 
habitans  de  Bourlemontetde  Frebecourt.  «  Devront 
«  et  paieront  les  habitans  au  Seigneur  autant 
«  à'araige  comme  de  denré ,  de  toutes  labours 
«  qu'ils  feront  es  bans  et  linage  de  Boullaumonl  et 
«  de  Frebecourt.  »  (Ord.  T.  VI,  p.  631.)  On  sait  que 
l'obligation  de  payer  ce  droit  à'arage  (1)  qu'en  cer- 
taines Coutumes  on  nomme  terrage,  étoit  une  con- 
dition ordinaire  des  concessions  de  terres  arables 
que  les  Seigneui-s  faisoient  ii  leurs  vassaux. 

11  est  possible  que  par  extension  de  l'acception 
terre  labourable,  ce  même  mot  arage  ait  signifié  en 


général  campagne  où  on  laboure,  et  qu'en  opposant 
la  campagne  à  la  ville,  on  ait  dit  : 

Li  traïsons  tout  par  tout  meuce  ;... 
Par  coi  no  vile,  n'o  nrage 
Nus  ne  veut  faire  mariage 
Por  grant  avoir  ne  por  argent  ; 
Ains  le  fait  on  por  honir  gent. 

Ane.  Poèt.  Fr.  MSS,  avant  1300,  T.  IV,  p.  1321. 

Peut-être  que  soubmettre  Vairage,  c'étoit  asservir 
leshabitans  delà  campagne,  les  soumettre  à  quelque 
espèce  de  servitude  aussi  odieuse  à  l'humanité  que 
nuisible  à  l'Agriculture. 

Qui  Seignourir  veult  amiableraent, 

Et  en  grâce  tenir  son  héritage  ; 

De  tel  douçour  doit  gouverner  sa  gent, 

Non  pas  conlr'eul.K  user  de  divers  langaige. 

Eulx  retranchier,  et  soubmettre  {2)Vairage, 

Leur  fait  haïr  tel  dominacion, 

Le  lieu  fuir,  etc. 

Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  30,  col.  1. 

Peut-être  aussi  que  l'expression  «  soubmettre 
«  Vairage,  «  désigne  en  ces  vers  les  attentats  de  la 
tyrannie  féodale  contre  la  propriété  des  héritages. 
On  a  la  preuve  qn'airage,  de  même  origine  que 
hérage,  a  signifié  héritage.  (Voy.  Hérage.) 

variantes  : 
ARAGE.  D.  Carpentier,  S.  Gl.  1.  de  Du  C.  T.  I,  col.  268. 
Airage.  Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  30,  col.  1. 
Araige.  Ord.  T.  VI,  p.  631. 

Aragne,  sabst.  fém.  Araignée.  Toile  d'arai- 
gnée. Espèce  d'étoffe  claire  et  légère.  Treillis  de 
fil-d'archal.  Quelque  différente  que  soit  la  termi- 
naison des  noms  aragne  et  aragnée,  il  est  possible 
qu'il  n'y  ait  aucune  réalité  dans  la  distinction  que 
Monet  semble  indiquer,  en  opposant  aragne,  en 
latin  araneus,  à  aragnée,  en  latin  aranea  (3).  (Voy. 
Monet,  Dict.)  Il  résulteroit  de  cette  distinction  appa- 
rente, que  le  nom  françois  aragne .  originairement 
masculin,  auroit  été  fait  du  genre  féminin,  par  une 
erreur  dont  la  terminaison  ù'aragne  peut  être  la 
cause. 

....  Uirmiinc  ménagère, 

Filant  ses  rez  à  l'entour 

De  la  mouche  passagère,  etc. 

D.  Florès  de  Grèce,  Épil.  p.  8,  col.  1. 

Pour  signifier  que  la  Justice  n'est  inflexible  et 
rigide  que'  l'our  le  coupable  sans  argent  et  sans 
faveur,  on  a  dit  : 

.  .  .  .Tustice  est  la  toile  de  Vyrahujne 
Qui  ne  retient  que  les  poures  chetis  : 
Les  grans  larrons  laisse  aler  et  aplaine, 
En  tous  Estais  et  par  tous  les  Pais. 

Eust.  Desch.  poës.  MSS.  p.  251,  col.  3. 

L'espèce  de  métonymie  par  laquelle  le  nom  de 
l'araignée  a  signifié  l'ouvrage  même  de  cet  insecte, 
une  toile  d'araignée,  paroît  d'autant  plus  naturelle, 
que  le  verbe  hébreu  dans  lequel  Ménage  croit  voir 
l'origine  assez  vraisemblable  du  nom  aragne  ou 
aragnée,  en  latin  araneus  ou  aranea,  en  grec 
dqàxfi,,  désigne  l'opération  de  l'araignée  qui  tire  de 
son  corps  la'  substance  gommeuse  dont  elle  forme 


(1)  ou  champart.  —  (2)  Veut  dire  mettre  au  dernier  rang  le  labourage;  arage  vient  d'une  forme  araticum,  devenue  plus 
tard  aragium.  (N.  E.)  —  (3)  Anigne  est  l'animal  même  et  vient  d'aranea,  avec  l'accent  sur  ra  ;  araignée  était  primitivement 
la  toile  de  l'insecte  et  vient  de  araneata,  avec  l'accent  sur  at.  (n.  e.) 


M 


AR 


—  97 


AR 


le  tissu  merveilleux  de  ses  filets,  (toy.  Ménage, 
Dict.  élym.  au  mot  aragnée.  —  Monet,  Dict.^  On  sait 
que  les  filandres,  ces  fils  blancs  et  longs  qui  volent 
en  l'air  dans  les  beaux  jours  d'automne,  sont  l'ou- 
vrage d'une  espèce  d'araignées  vagabondes,  plus 
petites  et  plus  noires  que  les  autres.  Les  fils  que 
ces  araignées  n'abandonnent  pas  au  vent,  elles  les 
étendent  sur  les  chaumes,  ou  sur  l'herbe  des  prai- 
ries, en  forme  de  tissu,  de  crêpe  qu'on  nommoit 
aragne.  «  La  praerie...  estoit  ourdye  et  tissue 
«  d'arignes  que  avoient  ouvré  les  arignées,  h  la 
«  doulceur  de  la  nuyct  et  de  l'aube  du  jour.  » 
(Percef.  Yol.  V,  fol.  72.  —  (Voy.  Abantelles.) 

Il  est  probable  que  dans  un  ancien  compte  de 
fournitures  pour  habillement  de  Chevaliers  et 
d.'Ecuyer&,\'iiraing  ne  [i]  est  une  espèce  d'étoffe  claire 
et  légère,  comme  le  crépon,  le  crêpe  ou  le  voile,  et 
dont  on  comparoitle  tissu  à  celui  de  Varagne,  delà 
toile  d'araignée.  «  Pour  151  aunes  de  brunelte,  en 
«  plusieurs  pièces,  de  la  petite  moison  de  Louvain,... 

«  pour  4  escarlates  vermeilles  de  Bruxelles, 

«  2  ijmingnes  de  la  grant  moison  de  Louvain,  etc.  » 
(Du  Cange,  Gloss.  lat.  T.  IV,  col.  7iO.) 

Enfin,  la  toile  de  l'araignée  des  jardins  est  un 
lissu  à  claire  voie,  une  espèce  de  réseau  auquel  on 
a  comparé  un  treillis  de  fil  d'archal,  «  une  contre- 
o  vitre  en  treillis  de  fil  d'archal,  »  lorsqu'on  a  dési- 
gné ce  treillis  par  le  nom  de  Varagne.  »  Si  le 
«  Maistre  à  qui  est  la  muraille  en  laquelle  l'on  veut 
«  appuyer,  a  en  icelle  muraille  fenestrages  portant 
0  bort,  ferrures,  ou  yraig)ie,....  l'on  ne  pourra 
«  appuyer,  n'autrement  empescher  la  veuedes  dits 
«  fenestrages.  »  (Coût.  gén.  T.  II,  p.  478.  —  Lau- 
rière,  Gloss.  du  Dr.  Fr.  —  Ménage,  Dict.  Etym.  ~ 
Monet,  Dict.  -  -  Voy.  Aragkee.) 

VARIANTES    : 
ARAGNE.  Monet,  Dict. 
AiBAiGNE.  Cotgrave  et  Oudin,  Dict. 
AiREiGNE.  Merlin  Cocaye,  T.  II,  p.  379. 
Araigne.  Riibelais,  T.  IV,  p.  205. 
Araine.  Doctrinal  de  Sapience,  fol.  35,  R». 
Aricne.  Percef.  Vol.  V,  fol.  72,  V»  col.  1. 
Arreigne.  Coût,  de  Metz,  au  nouv.  Coût.  gén.  T.  II,  p.  433. 
Eraigne.  Borel,  Dict. 
Iragne.  Contes  d'Eutrapel,  p.  184. 
IRAIGNE.  Cotgrave,  Dict. 
Yraigne.  Cotgrave  et  Borel,  Dict. 
Yraixgne.  Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  521,  col.  3. 

Aragnée,  siibst.  féin.  Araignée;  Toile  d'arai- 
gnée, etc.  En  latin  aranea.  Ces  deux  premières 
significations  ne  sont  pas  les  seules  qui  soient 
communes  au  mot  aragnée  avec  celui  A' aragne.  Ils 
désignoienl,  l'un  comme  l'autre,  «  une  contre-vitre 
<i  en  treillis  de  fil  d'archal,  »  un  treillis  de  fil 
d'archal  comparé  au  lissu,  au  réseau  de  l'araignée 
des  jardins.  «  Baltes  et  assiette  de  ventilions, 
"  grilles,  araignées  du  dehors  de  la  feneslre...  sont 
«  signes  et  marques  de  servitude  de  jour.  »  (Coût. 
de  S-  Mihiel,  au  nouv.  Coût.  gén.  T.  II,  p.  105G.  — 
Voy.  Aragne.) 

11  paroit  inutile  de  multiplier  les  preuves  qu'au 


moyen  de  la  comparaison,  l'on  a  pu  nommer 
araignes  ou  araignées,  les  choses  qui  offrent  à  l'œil 
et  à  l'esprit  quelque  ressemblance  avec  la  toile  de 
l'araignée,  ou  avec  la  figure  de  l'araignée.  (Voy. 
Ménage,  Dict.  étym.  — Aubin, Dict.dela  Marine,elc.) 

VARIANTES    : 
ARAGNÉE.  Monet,  Dict.  -  Ménage,  Dict.  étym. 
Araignée.  Orth.  subsist.  -  Nouv.  Coût.  gén.  T.  II,  p.  1056. 
Arignée.  Cotgrave,  Oudin,  Rob.  Estienne  et  Nicot,  Dict. 
Arragnée.  Nouv.  Coût.  gén.  T.  II,  p.  1167,  col.  2. 
Iraignée.  Villon,  p.  8. 

Iregnie.  Rom.  dAudisïier,  MS.  de  S'  Germ.  fol.  66. 
Ybaig.nie.  Gloss.  du  P.  Labbe,  p.  489. 

Aragnète,  subst.  fém.  Petite  araignée.  Dimi- 
nutif d'aragne.  (Voy.  Monet,  Dict.) 

Aragneus,  adjectif.  Plein  d'araignées.  Plein  de 
toiles  d'araignée.  Propre  ;^  l'araignée.  Semblable  à 
la  toile  d'araignée.  Qui  se  nourrit  d'araignées.  On 
trouve  la  première  et  la  seconde  signification  de 
l'adjectif  araignens,  en  latin  araneosus,  dans 
Cotgrave  et  Oudin,  Dict.  (Voy.  Aragne.) 

Il  signifioit  une  chose  propre  à  l'araignée,  lorsque 
pour  toile  d'araignée  on  disoit  toile  yraigneuse. 
(Poës.  de  Loys  le  Caron,  fol.  13.  —  Voy.  Araignier). 
Dans  le  tableau  qu'un  Poëte  du  xvi'  siècle  a  tracé 
de  la  surprise  de  Mars  et  de  Vénus  épiés  par  Vul- 
cain  qui  les  enveloppe  d'un  filet  invisible,  le  mot 
iraigneur  exprime  la  ressemblance  fabuleuse  de  ce 
filet  avec  la  toile,  le  filet  dont  l'araignée  se  sert 
pour  arrêter  sa  proie. 

Celuy  qui  a  veu  le  tour 

De  l'iraigne  mesnagère 

Filant  ses  rez  à  l'entour 

De  la,  mousche  passagère  ; 

Il  a  veu  Mars  et  Venus 

Encliaisnez  à  membres  nuds, 

Et  Vulcan  guygnant  auprès 

De  son  embusche  iraigneuse 

Qui  la  couple  vergongneuse 

AUoit  serrant  de  si  près. 

II.  Florès  de  Grèce,  Epil.  p.  8,  col.  1. 

On  a  nommé  figurément  rets  «rfli5'»é;!fj",  ce  qu'en 
parlantd'unecourlisane,  on  nommeroit aujourd'hui 
ses  filets,  aussi  dangereux  pour  l'homme  que  le 
sont  pour  la  mouche  les  filets  de  l'araicnée.  (Voy. 
Merlin  Cocaie,  T.  11,  p.  Gl.) 

Enfin,  la  souris  araigneuse,  autrement  la  musa- 
raigne, en  latin  mus  araneus,  est  un  peiit  animal 
quadrupède  qu'on  a  ainsi  désigné,  comme  se  nour- 
rissant d'araignées,  et  ressemblant  à  la  souris  par 
la  grosseur  et  un  museau  alongé  et  pointu.  (Col- 
grave,  Dict.) 

VARIANTES  : 
ARAGNEUS.  Monet,  Dict. 
AiRAiGNEUX.  Cotgrave,  Dict. 
Araigneux  Cotgrave  et  Oudin,  Dict. 
IRAIONEUX.  D.  Florès  de  Grèce,  Epit.  p.  8,  col.  1. 
Yraigneox.  Poës.  de  Loys  le  Caron,  fol.  13,  R». 

Araignier,  adj.  masc.  adj.  et  subst.  fém.  Pro- 
pre à  l'araignée.  Semblable  à  l'araignée.  Semblable 
à  la  toile  d'araignée.  Membrane  cristalline ,  Arach- 
noïde. Le  premier  sens  de  l'adjectif  araignier,  est 


(1)  C'était  un  drap  de  luxe,  fabriqué  ordinairement  à  Ypres,  fort  à  la  mode  sous  les  trois  premiers  Valois,  (n.  e.) 
II.  13 


AR 


-  08 


ÀR 


le  même  que  celui  à'ciraigneus,  dans  l'expression 
toile  (trayneuse.  (Colgrave,  Dict.) 

Dans  le  second  sens,  on  désignoit  par  ce  même 
adjectif  certaines  choses  qui  avoient  de  la  ressem- 
blance avec  la  ligure  de  l'araignée.  (Colgrave,  Dict.) 

Il  signifioit  aussi  la  ressemblance  d'une  chose 
avec  une  toile  d'araignée.  (Voy.  Aragneus.)  C'est  par 
la  raison  de  celle  ressemblance  que  la  tunique  ou 
membrane  dont  quelques  Anatomisles  croient  l'hu- 
meur cristalline  de  l'œil  immédiatement  envelop- 
pée, a  été  nommée  membrane  ou  tunique  arai- 
gnère.  (Voy.  Colgrave,  Dict.) 

De  là,  l'adjectif  «r«/;7H('r<' signifioit,  avec  ellipse 
du  substantif,  tunique  ««//;;»(')■(',  cette  membrane 
cristalline  qu'en    terme  d'Anatomie  l'on  nomme 
Arachno'ide.  (Voy.  Oudin,  Dict.) 
VARIANTES  : 

ARAIGNIER.  Colgrave,  Dict. 
Araignère.  Colgrave  et  Oudin,  Dict. 

Araim,  subst.  niasc.  Airain.  On  reconnoît  le 
mot  latin  œrumeu,  formé  de  œs ,  œris ,  dans  l'an- 
cienne ortho'graphe  araim  :  orthographe  qu'on 
n'avoit  pas  encore  trouvée,  lorsqu'on  a  réuni  sous 
Mrin,  les  variations  érain  et  arain.  (Voyez  .Erin 
et  Araine.) 

VARIANTES  : 
ARAIM.  Livres  des  Rois,  MS.  des  Cordai,  fol.  72,  R»  col.  2. 
AREI.M.  Ibid.  fol.  88,  V  col.  1. 

Araine,  subst.  /"f^'m.  Espèce  de  trompette  ;  Trom- 
pette. (Voy.  Araim.)  Les  trompettes  qu'on  nommoit 
araines,  parce  qu'elles  étoient  A'arain,  de  cuivre 
jaune,  paroissent  avoir  été  distinguées  des  trompes, 
comme  l'on  dislingue  aujourd'hui  le  clairon  de  la 
trompette.  «  Firent .  .  .  huier  trompes  et  arènes 
«  sonner.  »  (Chron.  S"  Denys,  Rec.  des  Hist.  de  Fr. 
T.  III,  p.  311.) 

.  .  .  Lors  oist  tentir  araines 
Qu'en  fait  par  les  deux  oz  sonner, 
Tabours  croislre,  corz  bondonner, 
Flagiex  piper  et  trompes  braire. 

G.  Guiart,MS.  fol.  313,  V. 

Cette  espèce  de  trompette,  connue  de  nos  anciens 
Historiens  et  Romanciers,  éloit  probablement  un 
clairon  semblable  à  celui  que  les  Portugais  ont 
emprunté  des  Maures,  faisant  le  dessus  des  cors, 
des  buisines  et  des  trompes  ou  trompettes  qui  son- 
noient  en  taille  ou  en  basse-contre,  et  que  parcelle 
raison  l'on  aura  quelquefois  nommé  grosse  araine. 
«  Firent  sonner  maintes  trompettes  et  maint  arai- 
«■  nés,  et  assemblèrent  pour  combattre.  »  (Hist.  de 
B.  du  Guesclin,  par  Ménard,  p.  357.) 

A  fait  ses  cors  bondir. 

Ses  buisines  soner,  ses  araines  tentir. 

Rom.  d'Alexandre,  MS.  du  R.  a-  6987,  fol.  180,  V-  col.  2. 

1  ot  cornés  et  douçaines, 

Et  trompes  et  grosses  araines. 

CléoBiadès,  MS.  de  Gaignat,  fol.  66,  V'  col.  3. 

On  conçoit  au  reste  combien  il  est  naturel  que 
toute  espèce  de  trompette  de  même  métal  que  celle 


dont  on  a  distingué  souvent  l'espèce  particulière, 
ail  été  désignée  en  général  par  le  mot  araine. 

Ses  arainnes  fist  haut  sonner 
Pour  les  Flamens  à  estourner. 

Vh.  Mouskes,  MS.  p.  586. 
Lors  si  a  fait  sonner  ses  trompes 
A  grans  alainnes  et  à  longes. 
Moult  sonnèrent  bien  les  arainnes. 

Id.  p.  584. 

variantes  : 
ARAINE.  Ph.  Mouskes,  MS.  p.  587. 
Arainne.  g.  Guiart,  MS.  fol.  131,  R». 
Areine.  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7615,  fol.  \9\,  R»  col.  2. 
ARENE.  Chron.  S'  D.  Rec.  des  Hist.  de  Fr.  T.  III,  p.  311. 

Araire,  subst.  Instrument  de  labourage;  Char- 
rue ;  Machine  à  labourer.  (Voy.  Afaire.)  On  soup- 
çonne que  les  instrumens  de  labourage,  qu'en 
Bresse  on  nomme  araires,  sont  lesinstrumensdont 
les  Lyonnois  et  les  Languedociens  composent  leur 
araire,  c'esl-à-dire  leur  charrue  ou  autre  machine 
sans  roues  propre  à  labourer.  (Voy.  Laurière,  Gloss. 
du  Dr.  Fr.  —  Dict.  de  Trévoux.  —  Colgrave  et  JNicot, 
Dicl.  —  D.  Carpentier,  Suppl.  Glossaire  latin  de  Du 
Gange,  T.  I,  col.  270.) 

Ce  mot  araire  encore  usité  dans  plusieurs  pro- 
vinces, avec  la  signification  de  charrue  ou  autre 
machine  à  labourer,  peut  être  aussi  ancien  dans 
notre  langue  que  le  verbe  arer.  (Voy.  Arer.)  On  dé- 
signoit l'inutilité  des  etîorts  amoureux  d'un  jeune 
homme  pour  s'insinuer  dans  un  cœur  dur  et  insen- 
sible par  fierté,  en  disant  figurément  : 

Tu  as  en  dure  terre  enroyé  ton  areres  ; 
Tu  deusses  amer  fille  d'une  commère. 

Fabl.  MS.  du  R.  n"  7218,  fol.  345,  V  col.  2. 

Il  est  très  probable  que  relativement  à  l'idée  de 
contre,  partie  essentielle  de  Varaire,  de  la  charrue, 
on  aura  dit  que  l'araire  vaut  peu  sans  le  contre  (1), 
pour  signifier  une  expédition  impossible  sans  le 
secours  essentiel  d'un  Chef.  On  croit  qu'au  lieu 
i'afaires  il  faut  lire  araires  dans  ce  vers  : 

Peu  vaut  Yafaires  sans  le  coutre. 

Ph.  Mouskes,  MS.  p.  796. 

VARIANTES  : 
ARAIRE.  Cotgrave,  Nicot  et  Monet,  Dict. 
Arere.  Fabl.  MS.  du  R.  n°  7218,  fol.  345,  V  col.  2. 
Areyre.  d.  Carpentier,  S.  Gl.  1.  de  Du  C.  T.  I,  coL  270. 

Araisiiement,  subst.  masc.  Action  de  parler, 
d'adresser  la  parole  ;  entretien,  conversation.  Signi- 
fication analogue  ù  celle  du  verbe  araisonner  ou 
araisner,  parler,  s'entretenir,  converser.  (Voyez 
Araisonner.) 

variantes  : 

ARAISNEMENT.  S'  Rern.  Serm.  fr.  MSS.  p.  149. 

Arraisonnement.  Cotgrave,  Oudin,  Nicot  et  Monet,  Dict. 

Araisneour,  subst.  masc.  Raisonneur,  parleur. 
Celui  qui  perd  à  raisonner,  à  parler,  un  temps  qu'il 
emploieroit  mieux  à  agir.  Telle  éloit  la  signification 
d'araisneour,  lorsqu'on  faisoit  l'éloge  de  la  valeur 
active  d'une  Nation,  en  disant  : 

Onques  en  lor  contrée  n'ot  un  araisneour  : 
Ains  se  fièrent  de  près,  o  les  brans  de  coulor  (2). 
Rom.  d'Alexandre,  MS.  du  R.  n"  6987,  fol.  176,  R"  col.  3. 


(1)  L'ai-cii're,  en  effet,  n'a  pas  de  roues,  (n.  e.)  -  (2)  avec  les  épées  étincelantes.  (n.  e.) 


AR 


—  99  - 


AR 


Araisniement,  adv.  Avec  opiniâtreté  d'idées  ; 
avec  une  volonté  opiniâtre.  (Voy.  Araisonner.)  Signi- 
fication relative  à  celle  du  verbe  amisonner  dans 
l'expression  ?,' amisonner  à  une  chose ,  la  vouloir. 

Cilh  ne  sot  pas  qu'il  covenist 
Rechivoir  son  commandement  ; 
Si  li  dist  araisnieinaiit 
Ke  mie  ne  le  laisseroit. 

Les  IV  Filles  le  Roy,  MS.  de  Turin,  fol.  38,  R*. 

Araisonner,  verbe.  Questionner,  interroger, 
demander  des  raisons.  Parler,  converser,  s'entre- 
tenir, donner  des  raisons,  les  détailler.  Sommer, 
accuser.  Intenter  et  poursuivre  une  action.  Appré- 
cier. Etre  ou  devenir  raisonnable.  Vouloir  une 
chose,  s'y  préparer.  On  ne  peut  juger,  ni  parler 
raisonnablement  des  choses  transmises  à  l'âme  par 
le  moyen  des  sens,  qu'autant  qu'elles  y  existent  en 
idée,  telles  qu'elles  existent  en  réalité  dans  la  Na- 
ture. La  conformité  de  celte  existence  idéale  des 
choses  avec  leur  existence  physique,  est  ce  qu'on 
nomme  raison,  en  latin  ratio  :  terme  abstrait  dont 
on  trouve  l'origine  dans  ratus,  participe  du  verbe 
latin  reor  formé  du  substantif  générique  res ,  en 
françois  chose.  Ainsi,  notre  verbe  françois  raison- 
ner, de  même  origine  et  même  acception  que  le 
latin  7'eri,  signifiera  littéralement  réaliser  en  idée, 
faire  qu'une  chose  existe  en  idée,  comme  elle  existe 
en  réalité;  assimiler  à  l'existence  physique  des 
choses,  leur  existence  idéale,  la  voir  et  la  juger 
conforme  ;  exprimer  cette  conformité  d'existence, 
la  faire  voir,  la  rendre  sensible ,  la  faire  connoitre 
aux  autres  par  la  parole ,  qui  représente  plus  ou 
moins  fidèlement  les  idées,  comme  les  idées  repré- 
sentent les  choses.  (Voy.  Raison  et  Raisonner.) 

De  là,  l'ancien  verbe  composé  araisonner,  par 
contraction  araisner,  arainer,  signifioit  question- 
ner, interroger,  etc.  presser  quelqu'un  de  parler, 
de  faire  connoitre  en  parlant,  en  répondant  à  une 
question,  aune  interrogation,  quelles  idées  il  se 
fait  des  choses,  quelles  sont  les  raisons  de  sa  façon 
de  sentir,  de  penser  ou  d'agir.  «  Sis  mariz  Belehana 
«  le  areisuna,  si  li  dist:  pur  quel  plures?  «  (Livres 
des  Rois,  MS.  des  Cordel.  fol.  2,  R-  col.  1.)  (1) 

Ne  se  vielt  ore  plus  celer  ; 
Ains  va  le  Roi  amtisoner. 
Rois,  fait-il,  c'as-tu  enpensé? 

Vie  de  S"  Calherine,  MS.  de  Sorb.  chiff.  LX,  col.  59. 

Quant  je  la  veoie, 

Le  pooir  des  membres  perdoie. 
Qui  me  vousist  aresoner, 
Ne  li  peusse  mot  soner. 

Fabl.  MS.  du  R.  n-  7-218,  fol.  356.  V*  col.  2. 

De  toutes  pars  je  fuz  environné 

Des  assistans,  et  d'euLx  arraisonné 

Que  je  queroys,  et  qui  vers  eux  me  meine. 

Faifeu.  p.  18. 

Lorsqu'on  étoit  moins  empressé  de  connoitre  les 
idées  des  autres  que  de  leur  faire  connoitre  les 
siennes,  araisonner  une  personne,  ou  s'araisonner 
avec  elle,  c'étoit  lui  parler,  lui  adresser  la  parole  ; 


raisonner  avec  elle,  lui  exprimer  une  sensation,  en 
parlant,  en  conversant,  en  s'entretenant  avec  elle, 
lui  peindre  l'idée  qu'on  se  faisoit  de  la  chose  qu'on 
sentoit,  et  dont  on  lui  parloit.  (Voy.  Araisnement.) 
«  Nous  arainons  ceos  ki  vrai  Geu  (2)  sunt,  ceos  qui 
«  sunt  semence  Abraham.  »  (S'  Bernard,  Serm.  fr. 
Mss.  p.  57.)  «  La  pucelle...  avoit  grant  merveilles 
«  pour  quoy  le  Bachelier  ne  Yarraisonnoit  ;  car  à 
«  son  advis  il  devoit  premièrement  emprendre  la 
»  parole.  »  (Percef.  Vol.  VI,  fol.  -42,  R°  col.  1.) 
«  S'fl?T«iso;ina«iavecle  Prince,  lui  demanda,  etc.  » 
(Nuits  de  Strapar.  T.  II,  p.  209.) 

Ne  desprisiez  pas  poure  gent  ; 
Mes  aresniez  les  doucement. 
Qui  rien  ne  lor  done  del  sien, 
Si  lor  fet  li  biaus  parlers  bien. 

Fabl.  MS.  du  R.  ir  7-218,  fol.  130,  R"  col.  2. 

Dans  la  signification  de  parler  d'une  chose  à 
quelqu'un,  on  disoit  l'araisonner  d'une  chose. 

Durement  me  doi  merveiller 
Que  m'oses  de  cou  araisnier. 

Fabl.  MS.  du  R.  a'  7939,  fol.  67,  R'  col.  1. 

Il  seroit  heureux  en  amour  de  toujours  croire 
aux  sermens  des  femmes  ;  on  croiroit  toujours  à 
leur  fidélité. 

Qui  d'amors  les  araisonnast, 
Ni  a  cèle  qui  ne  jurast, 
S'il  fust  qui  croire  l'en  vousist, 
Que  onques  n'i  mesprist. 

Fabl.  MS.  du  R.  n-  7615,  fol.  lU,  R"  col.  1. 

Cet  ancien  verbe  araisonner  ou  arraisonner,  dont 
Mézeray  faisoit  encore  usage,  a  longtemps  subsisté 
dans  notre  langue  avec  la  signification  de  parler  (3). 
«  Faunus,  le  prince  des  bocages,...  m'ha  souvent 
«  arraisonné  d'amours,  sans  effect  de  sa  prière.  » 
(J.  Le  Maire,  illuslr.  des  Gaules,  L.  I,  p.  77.  —  Voy. 
Nicol  et  Monet,  Dict.  —  Dicl.  de  Trévoux.) 

Quelquefois  araisonner  un  choix,  araisonner  un 
fait,  c'éloit  exprimer  le  rapport  de  ce  fait,  de  ce 
choix,  à  ridée  qui  l'avoit  déterminé,  en  faire  con- 
noitre les  raisons,  les  détailler.  «  Les  occasions  font 
«  aucunes  fois  les  causes  piteuses,  qui  amolissenl 
«  les.Iugesquifontles/■rtù•^x■rt/•ra?so?^Mcr.  »  (Percef. 
Vol.  VI,  fol.  G9,  V"  col.  2.)  «  Charles  le  Sage  ayant 
«  fait  mettre  sur  un  carreau  de  veloux  un  sceptre  et 
«  une  couronne  d'or,  et  sur  un  autre  un  armet  et 
<<  une  espée.  commanda  à  son  fils,  Dauphin  de 
«  France,  de  choisir  l'un  ou  l'autre  ;  lequel  promp- 
«  tement  courut  à  l'espée  et  à  l'armet,  avec  ceste 
«  repartie  araisonnant  son  choix,  que  c'estoit  l'espée 
«  qui  conqueroit  et  maintenoit  les  couronnes  et  les 
«  sceptres.  «  (Savaron ,  Espée  françoise,  p.  8  et  9.) 

En  sommant  une  personne  de  faire,  ou  de  réparer 
une  chose  qu'on  exige  d'elle,  ou  qu'on  lui  reproche, 
en  la  sommant  de  comparoitre  devant  le  .Juge,  en 
l'accusant,  on  la  presse  de  parler,  de  faire  connoitre 
les  raisons  avec  lesquelles  elle  prétend  se  défendre, 
et  l'on  fait  connoitre  celles  avec  lesquelles  on  persiste 
à  la  poursuivre.  Il  est  donc  possible  que,  relalive- 


(1)  Dans  la  Chanson  de  Roland  :  «.  Mult  fièrement  Carie  en  araisunet  (vers  3536).  »  (n.  e.)  —  (2)  ,Iuifs.  —  (3)  Saint-Simon 
l'employait  encore:  «  Tandis  que  i'arraisonnais  M.  le  duc  d'Orléans,  le  roi  consultait  et  sa  famille  et  son  conseil.  »  (Edition 
de  1842;  ch.  247,  p.  209.)  (n.  e.) 


AR 


—  100  - 


AR 


ment  aux  acceptions  indiquées,  le  verbe  araisonner 
ou  aru'micr  ail  sifçnilié  sommer  de  faire  une  cliose, 
sommer  de  la  réparer,  sommer  de  comparoilre 
devant  le  Juge,  accuser,  etc.  "  Ne  fu  nus  qui  les 
«  osast  contraindre,  ne  rtrra/Hicr  de  rendre  treu.  » 
(Glu'on.  S'  Denys,  Hec.  des  Ilist.  de  Fr.  T.  III,  p.  157.) 
'<  Ou  doit  araisonner  son  Seigneur,  avant  que  on 
<'  ait  bon  apel  contre  la  défaute  de  droit.  «  (Beau- 
manoir,  Coût,  de  Beauvoisls,  chap.  lxu,  p.  319.)  Une 
preuve  évidente  qw' araisonner  désigne  ici  une  som- 
mation en  réparation  de  la  défaute  de  droit,  c'est 
qu'à  la  fin  de  ce  même  chapitre,  on  lit  qu'il  «  ensaigne 
«  comment  on  doit  sommer  son  Seigneur  avant  que 
«  l'en  le  puistapeler  de  défaute  de  dVoit.  >>  (Id.  ibid. 
p.  322.1  «  Quant  je  veiz  le  grant  oultraige  qu'il  me 
<'  faisoit,  si  le  feiz  arraisonner  devant  le  Roy.  » 
(Lanc.  du  Lac,  T.  II,  fol.  !)(j.)  «  Qui l'oseroit  araisnier 
«  de  ceste  chose.  »  (S'  Bern.  Serm.  fr.  .mss.  p.  381.) 

Les  araisonne  (i) 

De  meffait,  et  les  ochoisonne. 

Dits  do  Baudoin  de  Condé.  WS.  do  Gaignat,  fol.  320,  R'  col.  3. 

Dans  les  anciennes  loix  d'Anglelerre,  l'assise  ou 
bref  en  verlu  duquel  on  pouvbit  intenter  et.  pour- 
suivre une  action  en  Justice,  faisoit  connoître  les 
raisons  de  cette  action.  De  là,  on  disoil,  «  arraigner 
«  assise  de  nouvelle  dessaisine,  arrainer  assise  de 
«  mort  d'ancestres,  etc.  »  pour  intenter,  poursuivre 
une  action  de  nouvelle  dessaisine,  de  mort  d'ancê- 
tres, etc.  «  Puis  le  lessée  (2)  arraigne  assise  de  novel 
«  disseisin  de  la  terre,  envers  le  lessor  lequel  plede 
«  que  il  fist  nul  tort  ne  nul  disseisin ,  et  sur  ceo 
«  l'assise  soit  prise,  en  cest  case  les  Recognitors  del 
«  assise  poyent  dire,  etc.  »  (ïenures  de  IJttleton, 
fol.  8."),  V°.)  .'  Si  le  frère  pusné  soit  entré  en  l'héri- 
«  tage  son  piere  et  hors  de  sa  seisine  eyt  feffé  ascun 
«  estrau nge,  sur  qui  le  frère  ey né  eyt  arrainé  assise 
<•  de  mor  ifaiincestre,  et  cel  tenaunt  voche  à  garaunt 
<■  le  frère  pusné  son  feffour ,  et  celuy  veigne 
«  garaunter,...  pur  ce  ne  reineyne  mie  l'asise.  » 
(Britton,  des  loix  d'Angl.  fol.  200,  V°,  et  201,  R-. 

Il  est  évident  que  c'est  relativement  à  l'idée  qu'on 
se  fait  ou  doit  se  faire  des  choses,  qn'araisonner  la 
marchandise  signifioit  mettre  un  prix  raisonnable 
à  la  marchandise,  l'apprécier  conformément  à  l'idée 
de  sa  valeur  réelle.  (Voy.  Cotgrave,  Dict.) 

Lorsque  la  volonté  d'une  personne,  les  mouve- 
mens  de  son  âme,  ses  passions,  étoienl  ou  devenoienl 
conformes  aux  idées  qu'elle  devoit  avoir  des  choses 
qui  l'affectoient,  aux  vraies  idées  de  prudence  et 
de  sagesse ,  on  disoit  que  sa  volonté  estoit  araison- 
née,  iiue  celte  personne  s  araison)ioit  on  s' araisnoit. 
«  Les  jeunes  pucelles  ne  regardoient  pas  fort  à  leur 
"  voulenté  qui  n'estoit  pas  encore  araisnnnée.  » 
(Percef.  Vol.  II,  fol.  -128,  R°  col.  2.)  «  Tous  hommes 
«  hors  des  premiers  mouvemens,  lesquels...  durent 
»  et  tiennent  aux  uns  plus,  aux  autres  moins,  se 
«  peuvent  modérer  et  «rraïsoHHfr  plus  aisément.  » 
(Montbourcher,  des  Gages  de  bataille,  fol.  28,  R°.) 


Tant  pécha 

Li  mondes  et  folia, 

Ke  Diex  el  siècle  envola 

Le  diluve  ki  noia 

Fors  Noë  ki  eschapa... 

Par  lui  donc  s'aresna. 

Recrut  et  recommença 

Li  mondes  dès -lors  en  cha. 

Ane.  Poél.  fr.  .MSS.  av.  1300,  T.  H,  p.  87i  et  875. 

On  veut  une  chose,  on  se  prépare  à  la  réaliser 
d'après  une  idée,  une  raison  qui  dirige  la  volonté 
ou  régare.  De  là,  «  s'cn'rt/.so/uicr  à  faire  une  chose,  » 
aura  signifié  vouloir  faire  une  chose,  s'y  préparer 
conformément  à  ses  idées.  (Voy.  Araisniemf.nt.) 

Cil  qui  se  armisoitite  ou  se  fonde 
A  parler  d'amours  tout  au  long. 
Simple  est  :  car  hom  tout  ne  veit  onc. 

Chasse  et  départ  d'Amours,  p.  115,  col.  2. 
Et  cils  qui  au  parler  s'arine. 
Les  fist  venir  en  un  tropel  (3), 
Et  dist  ;  Dimence  a  bonne  estrine,  etc. 

Froissart,  Poês.  MSS.  p.  293. 

Il  est  au  moins  vraisemblable  qu'en  ces  vers 
l'orthographe  ariner  est  une  contraction  du  verbe 
ara/sonner,  comme  l'orthographe  urainer  qui,  dans 
S'  Bern.  (Serm.  fr.  .mss.  p.  57,)  répond  au  latin 
alloqui ,  interprété  par  arresiner  dans  le  Gloss.  du 
P.  Labbe,  où  il  faut  lire  aresnier.  Si  l'orthographe 
arranguier,  en  latin  ajfari,  n'étoit  pas  dans  lemême 
Glossaire  une  faute  pour  nrrang)iier,  on  croiroit 
voir  dans  arrainer,  arraigner,  arranguier,  contrac- 
tions et  altérations  (ï araisonner,  l'origine  de  notre 
verbe  haranguer  (4).  (Voy.  Haranguer.) 

VARIANTES  : 
ARAISONNER.  Cotgrave  et  Nicot.  Dict. 
Araigner.  Rom.  de  Perceval,  MS.  de  B.  n»  354,  fol.  223. 
Araignier.  Etat  des  Offic.  du  D.  de  Bourgogne,  p.  307. 
Arainer.  S'  Bern.  Serra,  fr.  MSS.  p.  57. 
Araisner.  Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  236,  col.  1. 
Araisnier.  Cléomadès,  MS.  de  Gaignat,  fol.  3S,  'V"  col.  2. 
ARjUsoner.  Laurière,  Gloss.  du  Dr.  fr. 
Arasoner.  Anseis,  MS.  fol.  M,  V"  col,  2. 
Aregnier.  Ane.  Poës.  fr.  MS.  du  Vatican,  n»  1522,  fol.  162. 
Arei-SUNer.  Livres  des  Rois,  MS.  des  Cordel.  fol.  2,  R». 
Arenier.  Chron.  S'  D.  Rec.  des  Hist.  de  Fr.  T.  III,  p.  157. 
Aresner.  Athis,  MS.  fol.  120,  R"  col.  1. 
Aresnier.  Ane.  Poët.  fr.  MS.  avant  1300,  T.  I,  p.  304. 
Aresoner.  Fabl.  MS.  du  R.  n°  7218,  fol.  361,  V»  col.  1. 
.Aresonner.  Athis,  MS.  fol.  71,  R»  col  2,  etc. 
Ariner.  Froiss.  Poës.  MSS.  p.  293,  col.  1. 
Arisner.  Anseis,  MS.  fol.  59,  'V»  col.  \. 
Arraigner.  Tenures  do  Littleton,  fol.  85,  V". 
Arrainer.  Britlon,  des  Loix  d'Angl.  fol.  192,  V». 
Arrainier.  Chron.  S>  D.  Rec.  des  Hist.  de  Fr.  T.  III,  p.  157. 
Aruaisoner.  Vie  de  S<=  Calh.  MS.  de  Sorb.  chif.  lx,  col.  59. 
Arraisonner.  Percef.  Vol.  VI,  fol.  42,  R»  col.  1. 
Arranguier  (peut-être  Arraurpiier.)  Gl.  du  P.  Lab.  p.  487. 
Arranner.  Britton,  des  Loix  d'Angl.  fol.  112,  V". 
Arrayner.  Id.  Ihid.  fol.  148,  R". 
Arraysonner.  Rom.  de  la  Rose,  vers  2394. 
Arresiner  (lisez  Arvesnier.)  Gloss.  du  P.  Labbe,  p.  488. 
Arresneu.  Fabl.  MS.  de  S'  Germ.  fol.  I,  V»  col.  2. 

Arantelles,  subst.  fém.  plur.  Filandres.  On 
croit,  d'après  l'auteur  du  Spectacle  de  la  Nature, 
que  les  filandres  qui  volent  en  l'air  dans  les  beaux 
jours  de  l'automne,  et  qu'en  Poitou  l'on  nomme 


(1)  blâme.  —  (2)  Possesseur  d'un  franc  tenement  laissé  à  vie  et  à  charge  d'une  rente.  —  (3)  en  une  troupe,  c'est-à-dire 
les  rassembla,  (n.  e.)  —  (4)  Il  n'y  a  aucun  rapport  entre  ces  deux  mots  :  harangue  vient  de  l'allemand  rhing,  cercle  ;  parler 
à  une  assemblée  rangée  en  cercle,  (n.  e.) 


AR 


—  101  - 


AR 


arantelles,  c'est-à-dire  toiles  d'aragne,  sont  l'ou- 
vrage d'une  espèce  d'araignée  vagat)onde.  (Voyez 
Aragne.)  Dans  le  cas  où  il  seroit  plus  vrai  de  dire, 
avec  ie  Seigneur  du  Fouilloux,  que  «  les  arantelles 
«  ne  sont  point  filées  des  areignées,  »  la  ressem- 
blance de  ces  filandres  aux  fils  d'araignée,  seroit  la 
raison  pour  laquelle  on  les  ■ànommés arantelles (1). 
"  Ne  faut  pas  s'arresler  à  un  las  de  resveurs  qui 
«  disent  que,  quant  on  trouve  des  arantelles  dedans 
«  la  forme  du  pied  de  cerf,  c'est  signe  qu'il  va  de 
«  hautes  eri'es  ;....  car  incessamment  les  arau^e/Zt's 
«  tombent  du  ciel  et  ne  sont  point  filées  des  arei- 
«  gnées  :  ce  que  j'ay  vu  par  expérience  d'un  cerf 
«  qui  passoil  à  cent  pas  de  moy,  là  où  j'allay  sou- 
«  dainement  voir  ;  je  n'y  sceu  jamais  estre  à  temps 
«  que  les  filandres  ou  aranlelles  ne  fussent  tombées 
■'  dedans  la  forme  du  pied.  »  (Du  Fouilloux,  Vén. 
fol.  29.— Voy.  Mén.  Dict.  étym.  — Dict.  de  Trévoux.) 

VARI.iNTES   : 
ARANTELLES.  Du  FouUloux,  Vén.  fol.  29,  R». 
-Vrantèles.  Dict.  de  Trévoux. 

Arap,  subst.  masc.  Acte  de  violence  ;  rapt,  vol. 
On  fait  violence  à  la  femme  ou  à  la  fille  qu'on  ravit, 
à  l'homme  dont  on  ravit  le  bien.  Ainsi,  arap  peut 
avoir  signifié  rapt,  vol,  en  général  acte  de  violence. 
(Voy.  Gloss.  sur  les  Coût,  de  Beauvoisis.  —  Du 
Gange,  Gloss.  lat.  T.  I,  col.  623.) .  Qui  veaut  appeller 
«  homme  d'ara/)  ou  de  brisseure  du  chemin,  ou  de 
«  force  quel  qu'elle  soit,  ou  d'un  marc  d'argent  ou 
"  de  plus,  ou  d'autre  chose  de  quoi  l'on  pert  vie  ou 
"  membre  qui  en  est  attaint  ou  prové,  il  doit,  etc.  » 
(Assises  de  Jérusalem,  chap.  cv,  p.  8i.)  «  Se  feme 
"  qui  ait  baron  veaut  faire  apeau  de  murtre,  ou 
«  d'omecide,  ou  d'arap,  ou  de  brisseure  de  chemin, 
<'  ou  de  chose  en  que  ait  bataille,  etc.  »  (Ibid.  chap. 
r.vi.  —  Voyez  Araper.) 

Araper,  vei'be.  Prendre  avec  violence,  avec 
force.  Tenir,  se  tenir  avec  force  et  violence.  Il  est 
évident  qu'araper  est  un  verbe  tel  qu'est  en  latin 
arripere,  composé  du  verbe  simple  rapere ,  en 
françois  ravir  ;  qu'en  le  prononçant  on  exprime 
autant  qu'on  le  peut  avec  l'organe  de  la  voix,  une 
idée  de  violence,  de  force,  etc.  "  Le  Suppliant  rtm/jff 
«  ledit  Pierre  au  col  et  lui  donna  de  la  canivete  ou 
«  coustel  qu'il  tenoit  en  sa  main.  >•  (D.  Carpenlier, 
Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du  Gange,  au  mot  Arrapare; 
tit.  de  1456.) 

De  là,  «  s'arraper  à  une  chose  »  signifioit  tenir 
fortement  une  chose,  s'y  tenir  avec  force  et  violence. 
"  Guillaume....  s'arrapa  à  l'un  des  bras  de  la  dilte 
«  femme,  en  tirant  à  soy.  »  (Id.  ibid.  tit.  de  1382.) 

L'analogie  de  la  signification  de  ce  verbe  araper 
avec  celle  d'agrapper,  agraffer(2),  est  d'autant  plus 


naturelle,  que  l'expression  vocale  et  imitative  des 
choses  et  des  idées  est  le  principe  général  de  la 
formation  d'une  infinité  de  mots  communs  à  diffé- 
rentes langues.  (Voy.  Agr.^ffer.) 

VARIANTES  : 
ARAPER.  D.  Carpentiar,  S.  Gl.  lat.  de  D.  C.  T.  I,  col.  306. 
Arraper.  Id.  ibid.  tit.  de  1382. 

Aratoire,  adj.  Propre  à  labourer,  qui  est  de 
labour.  Dans  plusieurs  Coutumes,  les  bœufs  ara- 
toires sont  les  bœufs  qu'on  nommoit  quelquefois 
arables  ou  bœufs  d'arc^'.  (Coût,  de  Marsan,  au  nouv. 
Coût.  gén.  T.  IV,  p.  907.  —Goût,  de  S"  Sever,  ibid. 
p.  928.  —  Du  Gange,  Gloss.  lat.  T.  I,  col.  1246.  — 
Voyez  Arable  et  Arée.) 

Arbaleste,  subst.  /'ej/î.  Arbalète (3) ;  Baliste.  Por- 
tée d'arbalète.  Arbalétrier.  On  décomposoit  le  nom 
d'arbalesle  ou  d'arbalestre,  formé  d'arcus  et  balista, 
en  françois  arc  et  baliste,  lorsqu'on  escrivoit  arc  à 
baleste,  ou  arcq  à  balestre.  «  Soubs  le  nom  de 
>'  bâtons  d'armes  emolues,  sont  compris  arcq  à 
"  balestre,  arcq  à  la  main,  etc.  »  (Coût,  de  Hainaut, 
au  nouv.  Coût.  gén.  T.  II,  p.  60.) 

L'arbalesle  portative  étoit  un  arc  de  bois,  de 
corne  ou  d'acier,  monté  sur  un  fût  que  la  corde  de 
l'arc  débandé  coupoit  à  angles  droits.  On  peut  voir 
la  figure  de  cette  espèce  d'arbalesle  que  le  P.  Daniel, 
(Mil.  Fr.  T.  I,  p.  407,)  a  fait  graver  d'a;irès  un  mo- 
nument du  xu'  ou  du  xiii'  siècle,  où  étoit  représenté 
un  piéton  arbalestrier  avec  son  armure.  Il  paroit 
que  la  corde  de  Tare  se  tendoit  avec  la  main,  et  que 
pour  l'amener  plus  facilement  au  point  où  il  falloit 
l'arrêter,  on  mettoit  le  pied  et  quelquefois  les  deux 
pieds,  dans  l'espèce  d'étrier  qui  est  à  l'extrémité 
supérieure  du  fust  de  l'arbalesle.  (Voy. le  P.Daniel, 
ubi  supra.  —  Fauchet,  Milice  Fr.  p.  121.  —  Philipp. 
L.  VII,  p.  312.) 

Telles  furent  sans  doute  les  premières  arbalestes 
portatives ,  dont  l'usage  en  France  remonte  au 
commencement  du  xii"  siècle  (4).  C'est  avec  une  nom- 
breuse troupe  d'Archers  et  d'.\rbalestriers,  en  latin 
«  cum  magnà  militari  Sagitlarià  manu  et  Balista- 
«  rià,  »  que  Louis  VI  attaque  Drogon  de  Monchy. 
On  retrouve  ces  Archers  et  Arbaleslriers  à  l'attaque 
et  défense  du  château  de  Gournay  assiégé  par  ce 
Prince,  qui  occupa  les  premières  années  de  son  règne 
à  réprimer  les  violences  de  ses  Vassaux  rebelles. 
«  P>epellentes  repellere  insistunt,  balistarios  et 
«  sagittarios  jacere  compellunt.  "  (Du  Chesne,  Hist. 
Franc.  Script.  T.  IV,  p.  284,  291,  etc.) 

Il  résulte  de  ces  passages,  relatifs  à  l'histoire  des 
premières  années  du  règne  de  Louis  VI,  parvenu  à 
la  couronne  en  1108,  que  l'usage  des  arbalestes 
étoit  connu  dès  le  commencement  du  xii'  siècle,  et 


(1)  .irantetles  signifie  encore  toile  d'araignée  en  Berry,  et  vient  de  aranea  et  tela.  Quoi  qu'en  dise  du  Fouilloux,  les  cerfs 
ont  ordinairement  aux  pieds  des  filandres  en  forme  de  toile  d'araignée,  (n.  e.)  —  (2)  Arapper  a  le  sens  et  rétymologie 
d'agrapper,  agripper,  agrafrr;  on  avait  déjà  en  bas- latin  grappa  (Voir  L.  Quicberat,  Addenda  le.cicis  latmis),  qui  sans  Joute 
vient  du  celte  ou  du  haut  allemand,  (n.  e.)  —  (3)  Nous  écrivons  maintenant  arbalète  par  un  accent  grave  ;  l'accent  circonflexe 
vaudrait  mieux,  puisqu'on  écrit  têle  pour  leste,  (n.  e.)  —  (4)  On  les  connaissait  à  la  fin  du  xi'  siècle,  comme  le  prouve  le 
vers  2265  de  la  Chanson  de  Roland  ;  «  D'un  {corr.  plus  qu')  arch'xleste  ne  poet  traire  un  quarrel.  a  Le  moine  Richer  en  parle 
et  elles  sont  représentées  d^ms  des  miniatures  du  temps  de  Louis  d'Outremer  ;  l<;s  armées  romaines  du  Bas-Empire  en 
firent  aussi  usage.  (N.  E.) 


AR 


102 


AR 


que  par  conséquent  l'époque  de  ce  même  usage  en 
France,  touche  à  celle  de  la  première  Croisade  qui 
finit  en  1099.  Peut-être  que  la  forme  de  Varbniesie 
portative,  moins  simple  que  celle  de  l'arc,  étoit  une 
invention  des  Infidèles  ;  et  qu'en  se  défendant 
contre  les  Chrétiens,  ils  leur  apprirent  de  quelle 
utilité  pouvoit  être  à  la  guerre  cette  arme  offensive 
et  meurtrière,  dont  le  second  concile  de  Latran, 
tenu  l'an  1139,  sous  le  pontificat  d'Innocent  II, 
anathématisa  l'usage,  deux  ans  après  l'avènement 
de  Louis  VII  au  trône.  <  Artem  illam  mortiferam  et 
«  Deo  odihilem  Ballistrariorum  et  Sagittariorum 
«  adversùs  Christianos  et  Catholicos  éxerceri  de 
«  celero  sub  anathemate  prohibemus.  "  (Harduini 
concil.  T.  VI,  part,  n,  col.  I21i.) 

Quelque  prompte  qu'ait  été  la  soumission  des 
Franrois  à  l'autorité  de  ce  Concile,  qui  semble 
réserver  pour  les  Infidèles  une  arme  dont  il  n'in- 
terdit l'usage  odieux  qu'entre  les  Chrétiens,  il  est 
peu  probable  que  quarante  ou  cinquante  ans  après  le 
décret  du  pape  Innocent  II,  au  commencement  du 
règne  de  Philippe-Auguste,  cette  arme  fût  inconnue 
en  France;  et  tellement  inconnue,  que  dans  ses 
armées  il  n'y  avoit  pas  un  seul  homme  qui  sût  faire 
usage  de  Vavbaleste.  Ce  témoignage  de  Guillaume 
le  Î3ielon  ,  Poète  historien  de  Philippe- Auguste , 
prouve  seulement  qu'alors  les  François  respectoient 
encore  l'autorité  apostolique,  à  laquelle  ils  avoient 
sans  doute  obéi  sous  le  règne  de  Louis  VII,  depuis 
1139  jusqu'en  1180,  année  de  la  mort  de  ce  Prince. 
Mais  au  retour  de  la  Croisade  entreprise  l'an  1188, 
la  guerre  ayant  duré  quelques  années  entre  la 
France  et  l'Angleterre,  Philippe-Auguste  parut  forcé 
de  partager  la  désobéissance  de  Richard,  Cœur-de- 
lion,  qui  sans  crainte  de  l'anathème  fulminé  par  le 
Pape,  avoit  renouvelé  l'usage  de  Varbaleste  qui  lui 
fut  futaie  à  lui-même.  Il  mourut  en  1199,  d'un  coup 
de  flèche  tiré  par  un  Arbaleslrier.  C'est  une  de  ces 
remarques  qui  ne  prouvent  rien,  et  qu'on  aime  à 
faire  parce  qu'on  aime  le  merveilleux.  (Voy.  le  P. 
Daniel,  Ilist.  de  la  MO.  Fr.  T.  II,  p.  424-'4'2G.) 

Le  commencement  du  xur  siècle  est  donc  l'épo- 
que à  laquelle  on  peut  fixer  l'usage  constant  des 
arbalestes;  usage  que  les  François  avoient  pris, 
laissé  et  repris  dans  le  cours  du  siècle  précédent. 
Il  paroit  que  le  zèle  d'Innocent  III,  pour  la  conser- 
vation du  peuple  Chrétien,  n'étoit  pas  moins  ennemi 
des  Arbalestriers  que  celui  de  son  prédécesseur 
Innocent  II,  qui  les  avoit  frappés  d'anathème.  Dans 
le  quatrième  concile  de  Latran  tenu  l'an  1215,  il  les 
appelle  des  hommes  de  sang.  «  NuUus  quoque 
«  Clericusruptariis(l), autbalistariis, authuiusmodi 
«  viris  sanguinum  prœponatur.  «  (Harduini  concil. 
T.  VII,  col.  3.">.)  On  voit  dans  ce  Concile  une  preuve 
que  Philippe-Auguste  continuoit,  au  commencement 


du  xiii"  siècle,  l'usage  de  Varbaleste,  qu'à  la  fin  du 
xn"  il  avoit  renouvelé  à  l'imitation  de  Richard,  roi 
d'Angleterre.  Cet  usage  (2)  devint  chaque  jour  plus 
commun,  puisqu'en  1230,  Thibaud  VI,  comte  de 
Champagne,  vouloit  que  «  chascunsde  la  commune 
«  de  Vitré  qui  auroit  vaillant  vingt  livres,  eust 
«  atibeleste  en  son  ostel  et  quarriaux  jusque  cin- 
«  quante;  »  et  que  vers  l'an  1250  ou  1251,  du  temps 
de  la  première  Croisade  de  S'  Louis,  »  Symon  de 
"  Monceliart  estoit  Mestre  des  Arbalestriers  le  Roi.  » 
(Voy.  Du  Cange,  Gloss.  lat.  T.  I,  col.  275.  —  Join- 
ville,  Ilist.  de  S'  Louis,  p.  115;  édit.  de  1761.)  Il 
paroit  qu'alors  l'arc  et  Varbaleste  étoient  d'un  égal 
usage.  «  Nos  Serjans  à  pié.  .  .  .  commencierent  à 
«  hardier  à  eulx  et  d'arcz  et  d'arbalestres.  «  (Id. 
ibid.  p.  114.)  Mais  «  on  se  servit  dans  la  suite  beau- 
«  coup  plus  des  arbalètes  que  des  arcs,  par  ce  que 
«  les  flèches  étoient  lancées  avec  plus  de  force  par 
«  Varbalête  ;  que  l'on  miroit  plus  juste  avec  cette 
«  arme  qu'avec  l'arc  ;  et  que  le  mouvement  de  la 
«  délente  qui  faisoit  partir  la  flèche  étoit  bien  plus 
><  sûr  que  celui  de  la  main  qui  débandoit  l'arc.  » 
(Le  P.  Daniel,  Mil.  Fr.  T.  I,  p.  426.)  Ainsi  l'usage  de 
Varbaleste  subsista  constamment  depuis  la  fin  du 
règne  de  Philippe-Auguste,  jusqu'au  règne  de  Fran- 
çois I"  qui  l'abolit  presque  entièrement  en  France, 
excepté  parmi  les  Gascons.  (V.  Id.  ibid.  p.  426  et  427.) 

Les  arbalestes  portatives  du  xu'  siècle  et  du  com- 
mencement du  xur  n'étoient  pas  aussi  composées 
qu'elles  le  furent,  après  qu'un  long  et  continuel 
usage  les  eût  perfectionnées.  On  peut  enjuger  par  la 
comparaison  de  la  forme  d'une  arbaleste  que  le  P. 
Daniel  décrit  [ubl  supra,  p.  423),  avec  la  forme  de 
celle  du  Piéton-arbalêtrier  qu'on  voit  représenté 
(ibid.  p.  407),  et  dont  on  a  déjà  parlé  (3).  L'une  ne 
ressemble  à  l'autre  que  pour  les  parties  essentielles. 

Ces  premières  arbalestes  portatives  étoient  sans 
doute  très-semblables  à  celles  dont  il  est  mention 
dans  Fauchet,  (Mil.  Fr.  p.  121  ;)  «  à  ces  arbalestes 
«  qui  au  hault  de  l'arbre  avoient  un  fer  en  façon 
«  d'eslrier,  pour,  en  mettant  le  pied  dedans  et  en 
«  tirant  à  mont...  le  bout  du  bandage  encorné,  plus 
«  aisément  bander  l'arc.  ■>  Peut-être  que  Varbaleste 
nommée  arbaleste  simple  dans  les  Chron.  d'Outre- 
mer, (ms.  de  Berne,  n°  113,  fol.  1681)  étoit  une  de 
ces  premières  arbalestes,  une  arbaleste  dont  l'arc 
se  tendoit  avec  le  pied  et  la  main,  ou  seulement  à 
force  de  bras,  sans  le  bandage  qu'on  nommoit  pied 
de  chèvre,  cranequin,  à-l'armatot  (4). 

Ce  bandage  nommé  pied  de  chèvre,  parce  qu'il 
étoit  fourchu  du  côté  qu'il  appuyoit  sur  Varbaleste 
et  la  corde,  étoit  de  bois,  de  corne  ou  de  fer,  comme 
le  cranequin  que  les  Arbalestriers  d'Allemagne,  les 
Cranequiniers  portoient  à  leur  ceinture.  Il  est  pro- 
bable que  ce   bandage  étoit  nommé  cranequin,  à 


(1)  Routiers  ;  c'était  leur  beau  temps  ;  Philippe- Auguste  en  prit  à  son  service  pour  conquérir  la  Normandie  ;  l'un  de  leurs 
chefs,  Cadoc,  fut  créé  bailli  de  Gisors.  (n.  e.)  —  (2)  L'arbalète  alors  en  usage  fut  Varbalcte  à  étriev.  (Voir  p.  101,  col.  2.) 
Avant  Saint-Louis,  on  employait  Varbalùte  à  tour,  mécanisme  disposé  le  long  de  l'arme  et  qui  dispensait  de  la  renverser, 
quand  on  tendait  la  corde,  (n  e.)  —  (3)  On  peut  voir  à  la  page  241  de  l'Histoire  du  Costume,  de  M.  Quicherat,  un  arbalétrier 
de  1375  environ  (B.  N.  ms.  fr.  281.3),  armant  une  arbalète  à  étrier.  (n.  e.)  —  (4)  hu.  xv  siècle,  on  employait  les  arbalètes  à. 
tilloles,  mot  qui  paraît  signifier  poulie;  c'était  Varbcdéte  à  tour  transformée.  0'°'''  Quicherat,  1.  c,  p.  306.)  (n.  e.) 


AR 


—  103  — 


cause  de  quelque  ressemblance  avec  le  bec  de  la 

mnH  nn"i'  ^"'''"'',  ^T''''^''  Pe"l-èlre  aussi  le  nom- 
moû-on  a- 1  armât ot,  p;irce  qu'au  moyen  du  ban- 
dage qu  on  adaptoit  au  fût  de  Yarbalelte,  on  avo  t 
bientôt  mis  cette  arme  en  état  de  lancer  une  flèche 
Dans  un  duel  entre  un  Italien  et  un  Gascon,  celui- 
ci  ayant  le  choix  des  armes,  envoya  à  son  adversaire 
"  une  bonne  grosse  arhaleste  de  passe,  avec  son 
«  bandage  qu  on  appeloit  ù-1'armatot  et  qu'on  pen- 
"  doit  a  la  ceinture.  »  L'Italien,  forcé  de  combattre 
avec  une  arme  dont  l'usage  lui  étoit  étranger  fut 
vaincu  par  le  Gascon  à  qui  cette  arme  étoU  fami- 

fm'.ln  'T"'  ''"^  ''■:Î"'^*'  ^'  rebandé,  et  tiré  deux 
.  fois  dans  le  corps  du  pauvre  Italien,  qu'il  n'eut 
«le  loysir  ny  l'adresse  de  bander  son  arballeste.  » 
(Brantôme,  sur  les  Duels,  p.  81  et  82  —  Vov  Fm. 
chet.  Mil.  Fr.  -  Le  P.  Daniel,  Mil.  Fr.  T.  1,  p  423) 

On  trouve  dans  cette  anecdote  une'  preuve 
év  dente  qu  il  y  avoit  des  «  arba/estes  de  passe  por- 
dP  Si';; ''T"'''y'';''''/'^'^''«^«''''^'^«nt  Catherine 

£   f^û  ^>™?'  /o'^t  à  tirer,  et  tiroit  fort  bien. 

Quand  elle  s  alloit  promener,  faisoit  porter  son 
..  ^'^^aleste  a  tallet;el  quand  elle  voyoit  quelque 
«  beau  coup,  elle  tiroit.  ..  (Voy.  Brantôme  Dames 
Illustres,  p.  48.)  Sans  doute  qu'il  f^nuTlHaS 
a  jallet,  espèce  darbaleste  avec  laquelle  on  jetoit 
des  pierres  rondes  nommées  jalet,  auiourlrhu 
galet,  et  au  dé  aut  de  ces  pierres  des  petites  1  ouïes 
de  terre  cuite.  \  oy.  Dict.  de  Trévoux,  au  mot  Jalet) 

JS'l'i/'"'  e,^"t  «'-^'^'s/^  à  allais  pour  arba/csie 
jaet  dit  que  1  arbalesle  a  gctai,  étoit  la  même  uue 
kni  oiu/p' 1  ^"Vf'  ^i^^.^-arbalc.tc  avec  laquelle  on 
Kinçoit  des  boulets  de  pierre.  (Voy.  Cotgrave,  Dict  ) 
Or  larbalese  a  ,/V//f^  qu'on  assure  avoii  é^  a 
même  que  Varbaleste  à  boulet,  étoit  portative  •  el 
spécialement  celle  dont  Catherine  de  Medicis  aimoi 
exercice.  Il  y  avoit  donc  parmi  les  arbalcstes  à 

^Si^^;:s'' ''''''"''  '^«"^^  p^™"- 

Il  semble  qu'on  ait  désigné  toute  espèce  d'rt?-6«- 
lesteportative,soaàjalet,  soit«  boulet  ou  de  passe 
en  disant  qu'on  ..  pouvoit  la  bander  aus  reins  .na,' 
conséquent  sans  tour,  sans  moulinet  ni  poulie 
«  Dehusseront...  toute  la  grosse  artillerie  et  autre 
«  qui  n  est  point  portative  à  cheval  et  ù  pied  et 
«  par  especial  ar;;«/cs/ts  qu'on  ne  peut  bander  àus 
«  reins.  »(J.Chartier,  Hist.de  Charles  VII  p  033  ^ 
Quoiqu  on  ait  pu  faire  usage  du  tour  pour  les 
arbalestes  portatives  et  faciles  à  bander  aux  reins 
Il  sera  toujours  vrai  de  dire  en  général  ni  e?es 
arbalestes  qu-on  ne  pouvoit  bander  aux  Sus 
etoient  celles  qu'on  nommoit  arbalestes  à  tour' 
dénomination  sous  laquelle  pouvoient  être  réunies 
nLn'J'f'T  'f  *'"'^''  '^^  «'•'^a/estes  de  /msTlll 
arbalestes  (leehantelle,  et  toute  autre  espèce  d'«?- 

pSulS'  ''^     ''"'  '"^P^^^'^'e  de  bander  sans  tour  ni 
L'espèce  d'arbalète  avec  laquelle  Monet  dit  mr^n 
lancoitdes  boulets  de  cent  livres,  dés  boulets  ëm 

celles  avec  lesquelles  les  Turcs  lançoient  anciemTe^  J 


AR 


foM)cP,''''iH'i"^/v"'  riiistoire  de  Froissart,  (Vol.  II 

t^iJïïHnSrs'iîSiïS^tsS 

«  a«rS  ^^^f,'^^^-^^^  on  k^fkoit'S; 
chSSn  o n  riP  1.  '^  //  jusquau  pied  des  murs  du 
l'iS  rJ  "*  ;'"*^  "  ^'"^l"e"e  on  vouloit  donner 
1  assaut.  Chaque  étage  du  passavant,  ou  du  passe 
étoit  garni  darbalestes,  que  par  cette  raison  l'on 
aura  nommé  arbalestes  dépasse;  .  et  lés  Arïa  es" 
1'  ssn  nf/  '^"«f  "iPO'^'-  faire,  quand  on  vSulo U 
D  ?,      ■•  ^^(^°>•  froissart,  V.  III,p.  71    72  el  7S 

eijm.  J.    ,  p.  //.    On  a  déjà  observé  qu'il  v  nvnif 

rmpnf  î'^r -'''1  '^' J""''  Portatives,  e?llv  consé 
uet  différentes  de  celles  que  Fauchet  (Mil  Fr 
P^  120  )  assimile  aux  ribaudequivs,  qui,  pour  leur 
pesanteur,  demeuroient  sur  les  murs  des  forte 
resses,  et  qu'on  bandoit  à  l'aide  d'un  to  1,  mÏÏié 
par  un  ou  deux  et  quatre  hommes.  Lesarl>Steî 
de  1  espèce  de  celles  qu'on  assimiloit  aux  r  S£! 
fjuuis  ei  qu'on  distinguoit  des  arbalestes  de  DassP 
portatives  et  faciles  à  bander  aux  reins  eS  les 
nommant  grandes  ou  fortes  arbalestes  de  passf 
etuient  des  arbalestes  à  tour.  Aussi  trouve-t-on  mf^ 
tendre  avec  les  mains  une  arbaleste  "toui-,  ou  bS- 
la''pîSuve'd'unp"r'?'''7''''^'''^'^  ^'^  passe,'c'étoit 
daiSGarointn  .-.  ""^  de  corps  plus  quhumainfe 
uansbaigantua,  a  qui  Rabelais,  (T.  I   n   l(î-,  Uiif 

et  !S;.  r -^  T:'^''  ^«'^tes  «;^i/.i  de  p  .ssè 
et  dans  Gérard  de  Roussillon,  qui,  si  l'on  en  croit 

Ouf  rpPf^r/H*^'  demy  a  de  longueur  sa  toise  ".' 

a"eval  ifnt    "v^^'^l  ^  ^^^  "'^'"'^  estendoit, 
Llieval  et  Chevaliers  tout  armés  porfendoit  • 

Et  tinllfà'"  ''"°''  '"^  '■°^«^'  en  attour,      ' 
tt  tendoit  a  ses  mains  une  arbalesle  à  tour. 

Rom.  de  Ger.  de  Roussillon,  MS.  p.  8. 


En  effet,  il  n  y  a,  dit  Brantôme,  «  homme  ni 
»  gean  qui  pût  de  la  main,  ou  aux  reins,  c'estS  dire 
«  sans  tour  m  poulie,  bander  une  de  ces  batistes 
«  de  ces  arbalestes  à  tour  ou  de  passe  :  mais  a  ec 
.'  le  tour  nomme  engin,  du  latin  higenium  rien  de 
«  plus  facile.  »  Aussi  le  Grand  capital  eGonsnKp 
de  Cordoue,  à  la  gloire  duquel  l'esprit  servit  ?n?in? 
et  plus  que  la  vaillance,  prit-il  pour  ïeVs'e  une 
grande  arba  este  de  passe  avec  ces  mots  -  ingenium 
«  superat  vires,  »  pour  signifier  „  qu'il  n'y  a  ?^ 
«  belle  force  que  l'esprit  et  l'industrie  de  l'hlmmè 
:  tanràPS.nf''*^';''^  P«"'-'^"t  n'estouTofnt 


AR 


—  104  - 


AR 


La  gfrosse  arbalcsle  de  chantelle,  ainsi  nommée 
peul-cire  à  cnused'une  pii''cedel)Ois,d'inu'Iievalet, 
en  latin  cantciius,  sur  lequel  on  la  posoil  comme 
en  cliantier,  6\o\[  sans  doute  une  balisie  de  l'espèce 
des  grandes  et  fortes  cirbalcstcs  de  passe,  qui 
étoient  des  nrbalestes  à  tour,  avec  lesquelles  on 
lançoit  des  traits  qui  bien  souvent  perfoient  trois 
et  quatre  hommes  tout  d"un  seul  coup,  comme 
Faucliet  (Mil.  Fr.  p.  120,)  l'atleste.  «  Feist  le  duc  de 
«  Bourbon  metti'c  avant  les  grosses  arbalcstres  de 

0  chanlelle  au  devant  de  la  bataille  des  Anglois 

«  et  lendemain  par  malin  vint  le  comledeBourgui- 
«  gnan  et  ses  Anglois  en  bataille  rangée...  devant  la 
«  bastiedu  duc  de  Bourbon  ;  et  lui  estant  en  bataille, 
«  Thomas  le  Genevois  et  Domiges  feirent  tirer  la 
«  grosse  arbalesle  de  chantelle  en  la  bataille  du 
«  Comte,  qui  lua  deux  hommes;  dontfeurent  esbahis 
«  les  Anglois  :  car  onques  n'avoient  veu  si  gros 
«  traict.  »  (Ilist.  de  Loys  III,  duc  de  Bourbon,  p.  OG.") 

Quoique  les  canons  et  bombardes  aient  fait  dis- 
paroître  les  balisles  et  arbalètes,  on  trouve  que 
pendant  plus  de  deux  siècles  l'usage  des  armes  de 
trait  a  subsisté  en  même  temps  que  celui  des  armes 
à  feu  ;  armes  non  moins  ennemies  de  prouesse  que 
les  arbalestes  et  batistes,  abhorrées  de  nos  anciens 
Chevaliers,  comme  «  armes  traiteresses  avec  quoi 
«  un  coquin  se  tenant  a  couvert  peu  tuer  un  vail- 
«  tant  homme  de  loin  et  par  un  trou.  »  (Yoy.  le  P. 
Daniel,  Mil.  Fr.  T.  I,  p.  411.  -  Fauchet,  Mil.  Fr. 
p.  121  et  12-2.  —  M.  Gaillard,  Hist.  de  la  Rivalité  de 
la  France  el  de  rAngletorre,  T.  II,  p.  87.) 

11  seroit  facile  de  multiplier  à  l'infini  les  preuves 
que  pour  la  baliste  et  Yarbalête,  il  y  avoit  une 
espèce  particulière  de  flèches,  que  rarement  on 
lançoit  avec  l'arc.  Ces  flèches,  dont  le  fer  étoit 
quarré  se  nommoient  quarreaux;  ou  viretons, 
parce  qu'elles  viroieni,  tournoient  en  l'air,  au 
moyen  des  pennes  qu'on  y  ajustoit  pour  l'équilibre. 
On  "lit  dai;s  la  vie  de  Louis  VI,  par  Suger,  que  Raoul 
de  Vermandois  eut  un  œil  crevé  d'un  quarreau 
d'arbalète.  (Voy.  Duchesne,  Hist.  Fr.  T.  IV,  p.  317. 
—  Le  P.  Daniel,  Mil.  Fr.  T.  I,  p.  417,  418  et  419.) 
«  Au  son  du  siblet  saillirent  bien  de  la  sente  de  la 
«  galie  quatre  vingts  Arbalestriersbien  appai'eillés, 
«  les  arbaleslvcs  montées,  et  misirent  maintenant 
«  les  carriaux  en  coche.  "  (Joinville,  Hist.  de- 
S'  Louis,  p.  80;  édit.  de  1701.)  <■  N'avoient  point 
«  remis  n'appoincté  autres  quarreaux  au  poinct  de 
«  leurs  arbalestres.  »  (Monstrelet,  Vol.  I,  chap.  24, 
fol.  19.)  «  Les  Arbalestiers  Genevois  ne  failloyent 
«  là  où  ils  visoyent;  si  en  y  eut  de  frapés....  de  ces 
«  longs  viretons  parmy  leurs  testes.  »  (Froissart, 
Vol.  m,  p.  68.) 

On  connoit  les  différentes  mélonymies  par 
lesquelles  arbaleste  a  signifié  1°  portée  ù'arbalête  : 
«  Estoil  li  forest  près  ù  deux  arbales^trcs.  »  (Fabl. 
ws.  du  R.  n°  7989,  fol.  77.  —  Voy.  Arbalestée.) 

2°  Arbalétrier  :  «  Menons  avec  nos....  deux  mil 
«  Arbalestriers  qui  ont  arbalestres  à  lor,  et  trois 
«  mil  arbalestres  simples.  ■>  (Chron.  d'Outrem«r, 
ws.  de  Berne,  n°  113,  fol.  1(58.  —  Voy.  Arbalestier.) 


3°  Peut-être  meurtrière,  ouverture,  fente  par 
laquelle  on  pouvoit,  étant  à  couvert,  tirer  de  Yarba- 
lête. "  Se  retira  en  une  tour  en  bas,  oîi  il  y  avoit 

><  de  petites  rt/'ftrt/cî^f.s  et  fenestres bien  estroi- 

«  tes.  Toutes  fois  on  lui  percea  les  deux  cuisses 
"  d'une  lance,  par  une  des  lucarnes.  »  (Hist.  de  la 
Pucelle  d'Orléans,  p.  499.  —  Voy.  Arbalestiere.) 

VARIANTES  : 
ARBALESTE.  Gcr.  de  RoussUlon,  MS.  p.  8. 
Arbalesthe.  ViHehardouin,  p.  66. 
ARBALETE.  Monet,  Dict. 
Ahballeste.  Brantôme,  sur  les  Duels,  p.  81. 
Arrastre  (cor.  Ai-ba!eslre.)  Athis,  MS.  fol.  66. 
Arbei.este.  .Toinville,  p.  39. 
Aubeleste   Du  Cange,  Gloss.  lat.  T.  I,  col.  275. 
Aubelestre.  Id.  ibid.  Rom.  de  Garin,  MS. 

Arbalestée,  siibst.  fém.  Portée  d'arbalète. 
L'espace  que  parcourt  le  trait  d'une  arbaleste  étant 
en  proportion  du  plus  ou  moins  de  force  avec 
laquelle  il  étoit  lancé,  on  ne  peut  déterminer  avec 
précision  quelle  longueur,  quelle  distance  on  dési- 
gnoit  par  un  trait  (\' arbalestée,  par  une  arbalestée. 
«  Li  dux  de  Venise....  ot  ses  nés,  el  ses  uissiers,  et 
«  ses  vaissiaux  ordenez  d'un  front;  et  cil  front 
«  duroit  bien  trois  arbalestrées.  «  (ViHehardouin, 
p.  06.)  »  Quant  ilz  vindient  au  fret  d'une  arbales- 
«  trée,  ilz  ferirent  des  espérons,  etc.  »  (Modus  et 
Racio,  MS.  fol.  299  V".) 

I.e  pas  que  j'ai  ci  devisé, 
Où  cil  sont  de  guerre  atisé,... 
lert  bien  à  trois  arbalentées, 
S'au  certain  dire  me  déport, 
Loin  de  Gravelingues  le  port. 

G.  Guiarl,  MS.  fol.  279,  Rv 

On  concluroit  sans  doute  du  particulier  au  géné- 
ral, si  l'on  disoit  que  la  distance  d'une  arbalestée, 
d'une  portée  d'arbalesle  étoit  de  deux  arpens,  par 
la  raison  qu'être  ii  un  arpent  ou  à  demie  arbalestée 
paroit  avoir  désigné  une  égale  distance.  ■■  Je  vous 
"  pry  que,  sitost  comme  nous  serons  à  un  arpent 
«  près  d'eulx,  nous  descendons  tous  à  pié;....et 
«  quand  ilz  furent  près  d'eulx  comme  à  demie 
«  arbalestée,  illec  descendirent  à  pié  et  se  rengé- 
»  rentemmi  le  pré.  «  (Hist.  de  B.  du  Guesclin,  par 
Ménard,  p.  416  et  417.) 

VARIANTES  : 
ARBALESTÉE.  ViHehardouin,  p.  63. 
Arbalestrée.  Hist.  de  Loys  III,  D.  de  Bourbon,  p.  46. 
Arbelestrée.  Chron.  S'  Denys,  T.  II,  fol  197,  V». 

Arbalestel,  stibst.  mase.  pliir.  Arbalètes. 
On  croit  que  ce  mot  est  le  même  qu'arbaleste  dont 
on  alléroit  la  terminaison  en  faveur  de  la  mesure 
el  de  la  rime. 

En  la  plus  maistre  tor  sont  cent  arbaleslel ; 
El  se  getent  ensanle  quatorze  mangonel. 

Rom.  d'Alexandre,  MS.  du  R.  n-  61187,  fol.  212,  R-  col.  1. 

11  est  probable  que  l'expression  barbeoite  d'arba- 
lestiax,  est  une  allusion  aux  baibes  des  plumes 
avec  lesquelles  on  garnissoit  quelquefois  les  traits 
d'arbalète.  (Voy.  Fabl.  ms.  du  R.  n"  7989,  fol.  45, 
V°  col.  1  ;  Var.  du  ms.  de  Berne,  n'  351.) 

Par  une  métonymie  semblable  à  celle  d'après 
laquelle  arbaleste  a  signifié  arbalétrier,  le  mot  arba- 
lestel ou  arbalestiaus  pourroit  avoir  la  même  signi- 


AR 


—  105  - 


ification  dans  quelques-uns  de  nos  anciens  Poètes 
Tel  est  par  exemple,  celui  qui,  comparant  àlVxPr 
çice  de  l'arbalète  ou  de  Farbal^^trier  iSvité  d'un 
jeune  homme  plus  robuste  que  délica?  en  amour" 

Li  novices  petit  sent 

Damour,  ne  de  ses  reviaus  • 

Li  gieus  des  arbalestiaux     ' 

Soufist  si  fais  emplumés 
...  .  .Li  saiges  qi  est  amés, 
Kl  bien  connoist  kamours  li  puet  valoir 
A  plus  soufisaument  joious  voloir  ' 

Ane.  Poes.  fr.  MS.  du  Valic.  n-  J490,  fol.  107.  R-, 

ARBALKSTRAus.  Fabl.  MS.  du  R   no  TQsi^ubt'supra. 


AR 


Arbalestier,  stibst.  masc.  Arbalétrier  On 
observera  que  par  la  raison  qu'aujourd'hu  il'on  hpp 
fère  à  l'orthographe  arbalètre  celle  d'arb'lète    n" 

En  cherchant  à  fixer  les  époques  auxauellP^  ^ 
commence  et  cessé  pour  un  temps  reconXencée^ 
cesse  pour  toujours  l'usage  de  l\^rba!tHe  ^5?  ' 

qu  11  tut  aboli,  «  on  ne  se  servoit  plus  euère  d'Ar 
«  baletners  en  France  vers  le  milieu  du  rè^ned; 
«  traneois  I"  :  je  dis  en  France  ;  car  on  s'en  servni^ 
"  "rî^'T  f.?  Angleterre  sur  là  tin  du  rèoïe  ÏÏ 

(Voy  T1  'Dànie^t'r"^'^'■|^"'^  deLouls.xflI.'! 
V*uy   le  1-.  Daniel,  Mil.  l-r.  p.  42G  et  4t>7  i 

S.  1  on  en  croit  Brantôme,  les  Anglois  apprirent 
aux  Gascons  1  exerces  de  l'arbalèfe  •  m^ic  if 

mmmm 

msmm 
mâêmm 


Philippe  de  Valois  .  en  envoya  quérir  jusnue.  à 
■wvni  nf  Arbalestriers  Genevois,  dit  Froissart 

S  nf^r"'  P""'  ^^P't^""'^  généraUiarquePde 
sous  le  rè'-ne  de  PhVriAc  vt  '   •   ^-  ***"'•)  *^"  '™"ve 

«  Convient  avnrri,         ■      '  ('°y-  A"1!aleste. 

croc.  etc.  »  (Le  Jouvencel,  ms.  p.  '291  ]  ' 

n  9sr.  "^  ,V.',  'f-^es  Ulfic.  des  D.  de  Bour^oo-np 
«  dit  Fauchet  (Mil   F-   n   Vi^       '■     ''  ^  *^"  ^™it' 

eto'ttïitsru7irrSe'dret''^  '  ^^-^' 

son  fils  aîné  Charles  Lie.ftennn  '^f^^b  P"'''^"^ 
accepta  par  ses  Let'ris'  du 'mo'  'de  1évru7'l r ,■ ' 
1  otïre  que  les  Etats  du  Languedoc    n  t     nt'd   lîl 


mvarbart  d-  -^"  "" -""g"c"w  lui  nrent  de  1  ai- 

14 


AR 


—  106  - 


AR 


der  d-un  corps  à' Arbalétriers  dont  moitié  seroit  à 

%;itô^ris^:a^=-'--^T'^ 

Sm  à  che^^l,  qui  eonçourujeut  au  succès  d^^ 
„  appelloilCranequiniers  »(\oy.  bauUiei,Hu.  ^ 

^TJfrbalestriers  h  pied  comme  les  ^rbaZesfWers 

T   I   n  S8'»et6Gl. — Ibid.  l.ilU  P-  "— •  " 

cliet  Mifr'-P  121-)  ces  Gens-d-armes  ou  sergents 

WsÊiséMm 

:  fourSroltJ  Ès  paroisses  ou  aUleurs,  s.  cens 

.,  des  paroisses  n-estoient  souffisanz  .  .  •,•  •/\,"f 

=ix  il  vpii  aura  deux  il r/^a/csinm.  »  ^Ord.  T.  I, 

;  38i    insensiblement  les  non  Nobles,  toujours  si 

rpiiibie  1355,  dans  lesquelles  on  lil .  «  Pour  ce  que 

f  Sucuni  de'noz  Subgiez  se  «venturero.ent  vo  on- 

„  tiprs  "i  o-rever  noz  ennemis  en  coi  ps  et  en  meub 

l  pf de  ceie  lefraingnenl  aucune  fois,  pour  ce  que 

nofueultenans,  gonnestables,  Admiraulx,  Mais- 

«  l^£^Arbalesriers,  Trésoriers  des  guerres  e 

Sresde  noz  Officiers  demandent  et  rec  ameiU 

«  aucuns  droits,  parts  ou  portions  es  geignes     ou 

.  es  pilles  faites  sur  noz  ennemis  nous         orde- 

,  nan^  fiiip  chascun  puisse  prendre,  gaignier  et 

S- sur  noz  diz  ennemis,  senz  ce  que  aucuns 

de  noz  Officiers  dessusdiz,  ou  autres,  y  puissent 

deiSderoureclamerpailoupourcion,ouaucui 

S?  se  ainsi  n'est  qu^^eulz  ou  leurs  genz  soient 
..  •>  la  besoingne.  •  (Ord.  T.  111,  p.  35  et  36.) 

La  saoesse  de  Charles  V,  son  (ils  et  son  succes- 
seu?  ^t  dans  ce  patriotisme  les  moyens  de  reparer 
e  malheur  de  l'Etat,  et  les  calcula.  Par  ses  Lettres 


fin  10  iuillet  1367.  «  11  enjoint  et  commande  à  tous 
\\lS^sllArbalestriÀs  demourans  en  ses  bon- 
nes villes  qu'ils  se  mettent  en  estât  ;  et  que  pai 
es  Gouverneurs  en  chacune  d'icelles  villes  soil 
sceu  queTnombre  d'Archiers  et  Arbalestriersy 
a  et  combien  on  en  pourroit  avoir,  se  besoin 
estoit  •  et  de  ce  facent  registre  en  cliascune  viiie 
I  sur'lSut  le  certifient  au  P'uslost  qu  ds  pour- 
ront;  et  avecques  ce  enjoignent  et   induisent 
toutes  jeunes  gens  à  exerc.ter,  continuer  ^l  ap- 
„  nrendre  le  fait  et  manière  detran-e   »  (Oïd.  i.  iv, 
p  Ï6    1  est  probable  que  le  peuple  devenu  tout-à- 
fait -uenier  seconda  en  général  la  politique  de  ce 
Priife  en  oubliant  les  jeux  de  hasard  et  en  prefé- 
rânà'tout  exercice  non-seulement  de  l'espri   mais 
du"tor  s'celui  de  l'arc  et  de  l'arbalète ,  çon  ormé- 
menl  k  l'Ordonnance  du  3  avril  1309    ou  on  ht 
Défendons  tous  geux  de  dez,de  tables  de  Palmes, 
de  quilles,  de  palet,  de  soûles,  de  bil  es    et  tous 
autres  telz  geux,  qui  ne  cheenl  PO"    .^.^^^^/f  [ 
ne  habiliter  nos  Subjez  a  fait  et  nsa.ge  d  armes,  à 
„  la  delTense  de  nostre  'oyanme  ;.....  et  o.denons 
■■  nue  noz  diz  Sub  ez  prennent....  leuis  geux  et 
Ssbatemenl  à  eul.exfrcer  et  habiliter  en  faïc   de 
traict  d'arc  ou  à-arbaleslrçs      et    ^^ent  ^^eurs 
dons  aux  mieulx  traians.  »  Ord.  T.  V,  p.  'iii-] 
AÎÏrs  on  V  t  dans  la  plupart  des  villes  du  royaume 
comme  Paris,  Rouen,  Caen,  Amiens,  Laon  ,  etc.  se 
forïef  des  cônfrairiès(l),  descoUéges  desconne  a- 
hiips  (VArbalestr  ers,  auxquels  le  bomerain  accoi 
Soft  des  pSiléges  et  franchises,  en  reconnoissance 
dps  services  qu'ils  avoient  rendus,  et  dans  la  vue 
de  les  encourager  à  en  rendre  qui  fussent  plus 
^^nSaîèment  utiles.  »  Pour  ce  que  dignes  sont  de 
^'?£Suon  ceulx  qui.pour  le  bien  du  rogume 
se  exDOsent  et  offrent  a  exposer  ebpetialement 
fpufsDropres  corps,  si  comme  sont  les  Arbales- 
?mqu?jà  très  agréables  services  nous  on 
a      cSsideransquepar  eulx  pourront  avenir 
,      nnllde  biens  à  nous  et  au  royaume  ou  fait  des 
Ses  et  que  es  bonnes  villes  de  Rouen ,  d  A- 
;  ISs,  d'Arras,  de  Saint  Omer  les  Arf,«/.sr.m 
»  nui  V  sont  ont  certains  privilèges,  no  s  »"■; 
Vrbalcstiers  de  la  confraerie  de  monsieur  Saint 
D      le    nostre  dicte  ville  de  Paris  ,    .  donnons 
.  Pt  oclrovons  .  .  privilèges ,  franchises  et  liber- 
tez  .  (Ord  T  111%.  sGl.)  ->  Les  Arbalestners  du 
cSiége  de  Rouen  de  la  connestabl.e  de  Laon  de 
roniDiegne  etc.  s'obligèrent  comme  les  Aibales- 
:  SSTaconfrairiedeParis,  à  servir  en    ous 

;'„*i  «"diSVce  zèle  une  nouvelle  acu.ite 


aCbalétes  de  la  page  290  à  la  page  292.  (n.  e.) 


AR 


—  107  — 


AR 


par  une  exemption  semblable  à  celle  que  les  Arba- 
lestriers  de  la  Rochelle  obtinrent  de  Charles  V. 
«  Oclroïons...  à  tous  Arbalestriers...  demourans  et 
«  residans  en  ladicte  ville  de  la  Rochelle,  que  pour 
«  quelconques  sièges,  osts ,  chevauchées,  ou  ar- 
«  mées....  ne  puissent  estre  contrains....  à  saillir 
«  hors  de  ladicte  ville....  se  ce  n'estoit  par  leur 
«  propre  voulante  et  assentement.  »  (Ord.  T.  V, 
page  636.) 

Ces  confrairies,  ces  collèges,  ces  connestablies 
d'Arhalestriers,  qu'on  formoit  de  Télite  des  Arba- 
lestriers des  villes,  avoient  des  chefs  particuliers 
qu'on  nommoit  Prevosts ,  Connestables ,  Maistres 
d' Arbalestriers.  (Vov.  Ord.  T.  III,  p.  360.  —  Ibid. 
T.  V,  p.  22.  —  Ibid."T.  VI,  p.  540.  -  Coût.  gén. 
T.  I,  p.  108.)  Les  Arbalestriers  qui  n'étant  pas  admis 
dans  ces  compagnies,  n'avoient  point  de  chefs  sous 
les  ordres  desquels  ils  pussent  comme  les  autres  se 
rassembler  en  temps  de  guerre,  étoient  sans  doute 
du  nombre  de  ces  «  Piétons  et  Gens-d'armes  qui 
«  sans  maistres  ne  chevetaine  se  rendoient  à  l'armée 
«  par  menues  parties.  Alors  le  Connestable ,  les 
«  Mareschaux,  les  Maistres  des  Arbalestriers ,  ou 
«  autres  à  qui  il  appartenoit,  choisissoient  un  Che- 
«  valiersouffisantetlui  bailloientetaccomplissoient 
«  une  route  de  vingt  cinq  ou  de  trente  hommes 
«  d'armes.  On  meltôit  touz  les  Piétons  par  connes- 
«  tablies  et  compaignies  de  même  nombre  d'hom- 
«  mes.  ..  (Ord.  T.  IV,  p.  69  et  70.) 

Il  est  probable  que  les  Prévôts,  Connestables,  ou 
maîtres  particuliers  d'Arbalétriers  marchoient  ;'i  la 
tète  de  leurs  compagnies,  sous  la  bannière  d'Offi- 
ciers généraux  qu'on  nommoit  aussi  Maistres  des 
Arbalestriers,  et  auxquels  les  maîtres  particuliers 
obéissoient,  comme  les  Capitaines  des  Arbalétriers 
Génois  obéissoient  îi  un  Capitaine  général.  (Voy. 
Ord.  T.  V,  p.  651.)  «  Les  Maistres  des  Arbalestriers, 
«  sans  estre  Barons,  ne  Benneretz ,  de  tant  qu'ilz 
«  étoient  Officiers  par  dignitez  de  leurs  offices , 
«  pouvoient  porter  benniere.  »  (Voy.  La  Salade, 
fol.  51. )  Peut-être  qu'en  réunissant  plusieurs  com- 
pagnies d'.lî'/>fl/c7r/É'?'S  en  corps,  on  mettoit  à  la 
tête  de  chaque  corps  un  Maislre  général  des  Arba- 
lestriers. On  croit  avoir  quelque  raison  de  soup- 
çonner que  dans  les  armées  il  y  avoit  plusieurs 
Maistres  généraux  des  Arimlestriers,  lorsque  dans 
deux  Ordonnances  du  Roi  Jean,  on  lit  :  «  Nous  vou- 
«  Ions  et  ordenons  que  par  nostre  Connestable , 
«  Mareschaux,  Maistresdes,lrb«/cs//v>?"s,  ou  autres 
«  à  qui  il  appartiendra,  soit  regardé  ,  etc.  »  fOrd. 
T.  IV,  p.  69.)  «  Que  aucuns,  soit  du  lignage  du  Roy, 
«  ses  Lieuxtenans ,  Connestable,  Mareschaulx , 
«  Maistres  des  Arbalestriers,  Maistres  du  Parle- 
«  ment,  etc.  »  (Ibid.  T.  II,  p.  406.) 

Si  notre  conjecture  sur  la  pluralité  de  ces  Maistres 
des  Arbalestriers  est  fondée,  l'on  reconnoîtra  qu'ils 
n'ont  pas  plus  de  droit  que  le  Capitaine  général  des 
Arbalétriers  Génois,  à  une  place  parmi  les  Maistres 
des  Arbalestriers  qu'on  a  sans  doute  voulu  distin- 
guer des  autres,  en  les  nommant  quelquefois  Mais- 
tres des  Arbalestriers  le  Roy,  Maistres  des  Arbales- 


triers de  France,  Grands-maistres  d&s  Arbalestriers. 
(Voy.  Joinville,  llist.  de  S'  Louis,  p.  115;  édit.  de 
1761.  —  Froissart,  Vol.  I,  pages  182,  3.50  et  381  — 
Monstrelet,  Vol.  I,  fol.  29  et  154.  —  Du  Tillet,  Rec. 
des  Roys  de  France ,  leur  Couronne  et  Maison , 
p.  282.  —  Brantôme,  Cap.  Fr.  T.  IV,  p.  42.)  Il  est 
possible  que  faute  de  cette  même  distinction  pres- 
que toujours  omise,  quelques  Maistres  des  Arbales- 
triers qui  n'étoient  cas  Grands-maislres,  aient  été 
inscrits  dans  la  liste  des  Grands-maitres  des  Arba- 
létriers de  France,  comme  l'on  y  a  inscrit  Marc  de 
Grimant,  Ecuyer,  créé  Capitaine' général  des  Arba- 
lestriers  Génois,  par  Lettres  de  Charles  V,  datées 
de  Vincennes,  le  6  décembre  1373.  La  preuve  que 
ce  Capitaine  général  n'éloit  pas  Grand-maître  des 
Arbalétriers  et  qu'on  peut  se  défier  de  l'exactitude 
de  la  liste  de  ces  Grands-officiers ,  depuis  Symon 
de  Monceliart,  Mestre  des  Arbalestriers  ie  Roy,  sous 
le  règne  de  S'  Louis,  jusqu'à  Aimar  de  Prie,  dernier 
Grand-maître  des  Arbalétriers,  sous  celui  de  Fran- 
çois I";  c'est  qu'en  1374,  Hugues  de  Chastillon, 
seigneur  de  Dampierre,  placé  dans  la  liste  comme 
prédécesseur  de  Marc  de  Grimaut,  seigneur  d'Anti- 
bes,  étoit  encore  en  possession  de  cette  charge. 
Dans  une  Ordonnance  du  mois  d'octobre  1374,  il 
est  nommé  après  les  Maréchaux  et  Amiraux,  et 
avant  le  Panetier  de  France,  pour  assister,  comme 
Maistre  des  Arbalestriers,  au  Conseil  de  la  tutelle 
des  enfans  mineurs  de  Charles-le-Sage.  (Ord.  T.  'V, 
p.  651.  —  Ibid.  T.  VI,  p.  52.  —  Joinville ,  Hist.  de 
S'  Louis,  p.  115;  édit.  de  1761.  —  Du  Tillet,  Rec. 
des  Rois  de  France,  leur  Couronne  et  Maison,  page 
283.  —  Le  P.  Daniel,  Mil.  Fr.  T.  I,  p.  198  et  199.) 

On  trouve  partout  les  preuves  de  la  prééminence 
des  Maréchaux  sur  les  Maîtres  des  Arbalestriers.  Si 
le  Maréchal  nommoit  quatre  Lieutenans  pour  rece- 
voir les  monstres  de  toutes  manières  de  gens ,  le 
Maislre  des  Arbalestriers  n'en  pouvoil  nommer  que 
ung  pour  recevoir  les  gens  de  son  hostel  seulement. 
(Voy.  Ord.  T.  V,  p.  658  et  659.)  Néanmoins  leurs 
fonctions  paroissent  avoir  eu  dans  le  xiv  siècle  des  . 
rapports  qui,  à  certains  égards ,  supposoient  une 
espèce  d'égalité.  Philippe-le-Long,  par  ses  Lettres 
du  10  juillet  1319,  ordonne  que  "  l'en  ne  paie  nuls 
»  deniers  à  gens  d'armes  jusques  à  tant  que  le 
«  Mareschal  ou  le  Mestre  des  Arbalestriers  lesayent 
«  reçeus  deuement.  »  (Ord.  T.  I,  p.  661.)  Dans  une 
Ordonnance  du  Roi  Jean,  datée  du  30  avril  1351,  on 
lit  :  «  Von I ans  que  les  Mareschaux,  les  Mestres  des 
«  A7'balestriers  e[  ixulres  h  qui  il  appartendra,  en 
«  leurs  personnes,....  voient  et  reçoivent  les  mons- 
«  très,  afin  que  les  Gens  d'armes,  etc.  »  (Ord. 
T.  IV,  p.  70.) 

Les  Clercs  des  Arbalestriers  étoient,  relativement 
aux  Maistres  des  Arbalestriers ,  ce  qu'étoient  aux 
Mareschaux  les  Trésoriers  de  la  guerre.  «  Fera 
»  chascun  l'office  qui  Mui  appartient;  c'est  assavoir 
«  le  Trésorier  de  la  guerre,  ce  qui  li  appartient  par 
«  devers  les  Mareschaux,  et  le  Clerc  des  Arbales- 
«  îm?'s,  ce  qui  touche  le  Mestre  des. l/'(*rt/es<?v'é'?'s.  » 
(Ord.  T.  I,  p.  661.)  Charles  V,  toujours  occupé  de 


ÀR 


—  108  — 


AR 


prévenir  les  abus  ou  de  les  réformer,  ordonna,  n'é- 
tant encore  que  Régent  du  Royaume,  qn'h  l'avenir 
il  n'y  aiiroil  qu'un  Clerc  en  l'office  de  la  clergie  des 
Arbalestriers,  et  pourvut  de  cet  office  Jehan  de 
rOspital.  (Voy.  Ord.  ï.  III,  p.  387  et  31)1.) 

On  conçoit  qu'en  autorisant  une  espèce  de  con- 
currence entre  les  Maistres  des  Arbalestriers  et  les 
Mareschaux,  dans  l'exercice  de  leur  cliarge,  on 
occasionna  les  débats  qui  furent  enfin  terminés,  à 
l'avantage  des  Maréchaux,  sous  le  règne  de  Charles 
VI.  «  Les  Arbalestiers,  Archers  et  Canonniersayans 
«  les  Maistres  des  Arbalestiers  et  de  l'Artillerie 
«  leurs  supérieurs,  débatoient  n'estre  sous  la  charge 
«  des  Mareschaux.  Le  Roi  Charles  VI  sur  ce  débat 
«  meu  entre  le  mareschal  Bouciquault  et  Jehan 
«  sieur  de  Ilangest  Maistre  des  Arbalestiers  de 
«  France,  le '22  avril  liH,  déclara  que  la  congnois- 
«  sance  desdils  Arbalestiers,  Archiers  et  Canonniers 
«  appartenoil  et  appartiendroit  perpétuellement,  et 
a  la  réception  de  leurs  monstres  et  reveues  ausdits 
«  Mareschaux.  »  (DuTillet,  Rec.  des Roys  de  France, 
leur  Couronne  et  Maison,  p.  282.  —  Voyez  le  P. 
Daniel,  Mil.  Fr.  T.  I,  p.  193.) 

Quand  on  sait  que  parmi  les  Arbalestriers  il  y 
avoit  des  Arbalestriers  à  cheval  ;  que  la  charge  de 
Colonel  de  l'Infanterie  n'avoit  point  de  jurisdiction 
sur  aucune  Cavalerie;  que  tout  ce  qui  regardoit 
l'ancienne  et  la  nouvelle  Artillerie  n'a  jamais  eu 
aucune  dépendance  du  Colonel  général  ;  enfin  que 
l'ancienne  Artillerie  étoit  toute  sous  le  Grand- 
maitre  des  Arbalétriers  de  France  ;  on  ne  peut  être 
de  l'avis  du  savant  Du  Tillet,  qui  croyoit  qu'au 
Maistre  des  Arbalestiers  avoit  succédé  le  Couronnel 
de  l'Infanterie.  Cette  opinion  que  Brantôme  adoptoit 
comme  la  plus  vraisemblable,  l'est  pourtant  moins 
que  celle  qu'il  rejetoil ,  en  contrariant  ceux  qui 
avoientditque  «  leGrand-maistredes.lr&a/t;s;)7C/'s 
Il  étoit  ce  que  de  son  temps  on  disoil  le  Grand- 
«  maistre  de  l'Artillerie.  »  (Voy.  Du  Tillet,  ubi 
supra,  p.  282. -Brantôme,  Cap.  Fr.  T.  IV,  p.  42 et  43.) 

Anciennenientonnommoitartilleiie,les  machines 
de  guerre  à  l'usage  desquelles  on  a  insensiblement 
substitué  celui  dès  canons  et  autres  armes  à  feu, 
tant  pour  les  sièges  que  pour  les  batailles.  Il  y  avoit 
même  des  arbalestes  qui  faisoient  partie  de  la  grosse 
artillerie  ;  et  la  signification  d'Artillier  étoit  la  même 
que  celle  d'Arbalestrier,  selon  Cotgrave,  un  faiseur 
d'arbalètes.  «  Délaisseront  en  icelle  place  toute  la 

«  grosse  artillerie et  par  espécial  arbalesles 

«  qu'on  ne  peut  bander  aux  reins.  »  (J.  Chartier, 
Hist.  de  Charles  VII,  p.  233.)  «  Jehan  li  Ermin  qui 
<■  estoit  Artillier  le  Roy,  ala  lors  à  Damas  pour 
«  acheter  cornes  et  glus  pour  faire  arbalestres.  » 
(Joinville,  Hist.  de  S'  Louis,  p.  93;  édit.  de  1761.) 
On  peut  voir  dans  le  P.  Daniel  (Mil.  Fr.  T.  I,  p.  195 
et  196,)  la  preuve  que  ces  Arlilliers  ou  Maîtres  par- 
ticuliers de  l'artillerie  d'une  ville,  d'une  forteresse, 
ou  d'un  château,  faisoient  non-seulement  les  arcs, 
les  arbalètes,  les  flèches,  mais  qu'ils  construisoient 
toutes  les  machines  nécessaires  pour  l'attaque  et  la 
défense  des  places  ;  qu'on  leur  conlioit  l'entretien 


et  la  garde  de  cette  ancienne  artillerie,  sous  l'ins- 
pection du  Grand-maitre  des  Arbalétriers.  Il  parolt 
même  qu'au  moins  pendant  quelque  temps  encore 
après  l'invention  de  la  nouvelle  artillerie,  les 
Artilliers  en  général  reconnurent  sa  jurisdiction, 
puisque  sur  la  fin  du  xiv  siècle,  ce  Maistie  des 
Arbalestriers  avoit  cognoissance  des  Maistres  d'en- 
gins, de  Canonniers,  de  Charpentiers,  de  Fossiers, 
et  de  toute  l'artillerie  de  l'Ost.  Voici  quelles  étoient 
ses  anciennes  prérogatives  et  ses  fonctions.  "  Le 
«  Maistre  des  Arbalestriers,  de  son  droit  a  toute  la 
"  cure,  garde  et  administration  avec  cognoissance 
«  des  gens  estans  à  pied  en  l'ost  ou  chevauchée  du 
«  Roy  ;  de  tous  Arbalestriers,  Archers  ;  des  Maistres 
«  d'engins,  de  Canonniers,  de  Charpentiers,  de 
«  Fossiers  et  de  toute  l'artillerie  de  l'ost,  à  toutes 
«  les  monstres:  a  l'ordonnance  sur  ce  ;  à  la  bataille 
«  premier  assiet  les  escoutes,  et  envoyé  querre  le 
"  cry  de  la  nuict.  Et  se  ville,  forteresse  ou  chasteau 
n  est  prins,  à  luy  appartient  toute  l'artillerie  quelle 
«  qu'elle  soit  qui  trouvée  est  ;  et  se  de  l'artillerie 
«  du  Roy  est  commencé  à  traire  sur  les  ennemis, 
«  le  remanant  de  l'artillerie  est  à  luy.  Item  a  de 
«  son  droict  les  oyes  et  chèvres  qui  sont  prinses  en 
«  fait  de  pillage  sur  les  ennemis  du  Roy.  »  iBouteil- 
1er,  Som.  rur.  liv.  n,  p.  898.)  Il  est  évident  que 
dans  l'Histoire  des  Grands  Officiers  de  la  Couronne 
(T.  H,  p.  1058,)  et  la  Milice  Françoise  du  P.  Daniel 
(T.  I,  p.  192,)  l'Extrait  du  registre  des  titres  de 
Rochechouart-Chandenier,  est  une  copie  de  cette 
énumération  des  fonctions  et  anciennes  prérogatives 
du  Grand-maître  des  Arbalétriers  ;  et  qu'au  îieu  de 
ces  mots  «  a  toute  la  cour,  »  il  faut  lire  dans 
l'Extrait  comme  dans  la  Somme  rurale,  «  a  toute  la 
«  cure.  »  On  s'en  convaincra  par  la  comparaison. 
En  résumant  ce  qu'on  a  dit  relativement,  soit  à 
la  différence  entre  le  Colonel  d'Infanterie  et  le 
Maître  des  Arbalétriers,  soit  à  la  ressemblance  entre 
le  Maître  des  Arbalétriers  et  le  Maître  de  l'Artillerie, 
on  trouve  que  le  Colonel  de  l'Infanterie  n'ayant 
jamais  eu  d'inspection  sur  aucune  Cavalerie,  ne 
peut  en  avoir  eu  sav  les, Arbalétriers  achevai  ;  qu'il 
n'en  eut  jamais  aucune  sur  l'ancienne  et  la  nouvelle 
Artillerie  ;  qu'au  contraire  l'ancienne  Artillerie  et 
même  la  nouvelle,  ont  été  sous  la  dépendance  du 
Maître  des  Arbalétriers;  que  par  conséquent  il  y  a 
eu  un  rapport  réel  entre  sa  charge  ef  celle  du  .Maître 
de  l'Artillerie;  et  que  ce  rapport  est  une  raison  de 
croire  que  «  la  dignité  de  Grand-maitre  de  l'Artille- 
«  ne  d'aujourd'hui,  représente  beaucoup  mieux 
«  celle  de  Grand-maître  des  Arbalétriers  que  la 
«  dignité  du  Colonel  de  l'Infanterie.  »  (Voy.  le  P. 
Daniel,  Mil.  Fr.  T.  I,  p.  195.)  Peut-être  prouveroit' 
on  encore  celte  ressemblance  en  observant  que 
dans  l'Histoire  de  S"  Louis,  p.  101,  publiée  en  1668, 
d'après  les  éditions  de  Claude  Mesnard,  et  d'Antoine- 
Pierre  de  Rieux  qui  sous  prétexte  de  polir  le  texte 
de  son  manuscrit  l'avoit  défiguré,  le  titre  de  Maistre 
de  l'Artillerie  le  Roi  répond  l'i  celui  de  Mestre  des 
Arbalestiers  dans  la  même  Histoire,  p.  113,  édition 
de  1761,  conforme  à  un  Manuscrit  du  xiv  siècle. 


AR 


—  109 


AR 


Enfin,  l'on  pense  avec  le  P.  Daniel,  que  toute 
l'Artillerie,  «  même  la  nouvelle  depuis  l'invention 
«  delà  poudre,  fut  dans  le  district  du  Grand-maitre 
«  des  Arbalétriers  au  moinsjusqu'au  règne  de  Louis 
«  XI,  el  que  sous  le  règne  de  ce  Prince  la  charge 
«  de  Mailre  de  l'Artillerie,  c'est-a-dire  du  canon, 
»  des  armes  à  feu,  des  Mineurs  et  des  Officiers  qui 
«  servoient  à  cette  nouvelle  artillerie,  fut  déinem- 
«  brée  de  la  charge  de  Grand-maitredes.4  rbalêtriers, 
«  et  soustraite  à  son  intendance  (1).  ■>  (Voy.  Mil.  Fr. 
T.  I,  p.  197  etl'JS.) 

variantes: 

ARBALESTIER.  Fauchet,  Mil.  Fr.  p.  IH. 

Arbalestrier.  Ord.  T.  I,  p.  383. 

Arbaletieh,  Arbalétrier.  Monet,  Dict. 

Akbeletrier  Ord.  T.  III,  p.  298. 

Arbestiek  (corr.  Arbalesticy.)  Ord.  T.  VI,  p.  538. 

Hahbeletrieb.  Ord.  T.  III,  p.  435. 

Arbalestiei-e,s;/bs^/'t!?«.  Espèce  de  meurtrière. 
(Voy.  Arbaleste.)  Fente  par  laquelle  on  lant^'Oit,  à 
couvert,  les  traits  d"arbalête. 

Là  endroit  séoit  un  moulin,... 
Dont  les  ais  n'ièrenl  pas  entières, 
Mes  garnies  d'arbalestieres. 

G.  Guiarl,  MS.  fol.  295,  Vv 

VARIANTES    : 
ARBALESTIERE.  G.  Guiart,  MS.  fol.  295,  V°. 
.Arbalatiere.  Brantôme,  Cap.  Fr.  T.  II,  p.  18. 

Arban  (2),  subst.  masc.  Amende  pour  défaut  de 
service  militaire,  de  service  exigible  par  le  Seigneur 
souverain.  Service  ou  devoir  tel  que  la  corvée, 
exigible  par  un  Seigneur  féodal.  Comparaisons 
relatives  h  l'idée  des  corvées.  Service  militaire  et 
personnel,  exigible  par  un  Seigneur  féodal.  Convo- 
cation par  le  Seigneur  féodal,  de  ses  vassaux,  pour 
le  service  du  Seigneur  souverain.  Convocation 
itérative  par  le  Seigneur  souverain,  des  Nobles  et 
Non-nobles  sujets  au  service  féodal  el  coutumier, 
pour  service  extraordinaire.  Convocation  générale 
par  le  Seigneur  souverain,  pour  service  extraordi- 
naire. Réunion,  assemblée  des  personnes  générale- 
ment convoquées  pour  service  extraordinaire. 
Forces  réunies,  dernier  effort.  On  observera  que 
dans  les  principes  de  l'ancienne  constitution  de  la 
Monarchie,  tout  homme  libre,  ù  raison  de  sa  pos- 
session bénéficiaire  ou  allodiale,  devoit  le  service 
militaire.  «  llomnis  //^er /(OHio  qui  quatuor  mansos 
«  vestitos  de  proprio  suo,  sive  ùealiciijus  beneficio 
«  habet,  ipse  se  pneparet,  el  ipse  in  hoston  pergat, 
«  sive  cum  seniore  suo.  »  (Baluz.  Capitul.  Reg.  fr. 
T.  I,  col.  489.) 

La  portion  de  fonds  et  terres,  pour  laquelle  on 
exigeoit  ce  service,  n'étoit  pas  toujours  la  même. 
Elle  paroit  avoir  varié  relativement  à  la  nécessité 
plus  ou  moins  grande  de  multiplier  les  défenseurs 
de  la  Patrie.  «  Quicumque  liber  mansos  quinque 
«  de  proprielate  habere  videtur,  in  hostem  venial. 
«  Et  qui  quatuor  mansos  habet,  similiter  facial. 


«  Qui  Ires  habere  videtur,  similiter  agat.  »  (Id. 
ibid.  col.  457.) 

Quant  aux  hommes  libres,  possesseurs  des  deux 
tiers,  de  la  moitié,  d'un  tiers,  d'un  quart,  d'un 
sixième  de  cette  portion  de  fonds  el  terres,  pour  la 
totalité  de  laquelle  le  service  d'un  homme  libre 
étoit  exigible,  on  les  associoit  en  nombre  suffisant 
pour  former  une  portion  totale  ;  et  le  service  mili- 
taire auquel  cette  portion  ainsi  formée  les  assujet- 
lissoit,  se  faisoil  par  un  seul  homme  libre,  que  son 
associé  ou  ses  associés  dévoient  aider.  »  Qui  verè 
<•  très  mansos  de  proprio  habuerit  huic  adjungaiur 
«  unusqui  unum  mansum  habeatetdet  illi  adjuto- 
"  rium  ut  ille  pro  ambobus  ire  possit.  Qui  autem 
«  duos  mansos  tanlùm  de  proprio  habet,  jungatur 
«  illi  aller  qui  similiter  duos  mansos  liabeat  ;  et 
«  unusexeis,allero  illi  adjuvante,  pergal  in  hoslem. 
«  Qui  etiam  unum  tantum  mansum  de  proprio 
«  habet,  adjungantur  ei  très  qui  similiter  habeant,  et 

«  dent  ei  adjulorium ,  et  ille  tanliim  pergal 

«  Ubicunque  autem  Ires  fuerint  invenli  quorum 
«  unusquisque  mansum  unuin  habeal,  duo  ierlium 
«  prœparai  e  faciant  ;  ex  quibus  qui  melius  polest, 
«  in  hoslem  venial.  Illi  verô  qui  dimidios  mansos 
«  habent,  quinque  sextum  prœparare  faciant.  » 
(Baluz.  Capitul.  Reg.  fr.  T.  1,  col.  457.  458,  489  et 
490.)  Il  y  avoil  même  telle  circonstance  où  la 
jouissance  seule  de  la  liberté ,  sans  propriété  de 
terres ,  sans  possession  allodiale ,  obligeoit  les 
hommes  libres  à  contribuer  en  argent  à  la  défense 
du  Royaume.  «  Qui  sic  pauper  inventus  fuerit  qui 
"  nec  mancipia  nec  propriain  possessionem  terra- 
■<  rum  habeat,  tamen  in  pretio  valente  quinque 
«  solidos,  quinque  sextum  prœparent.  »  {Id.  ibid. 
col.  458.) 

On  a  la  preuve  que  sous  les  règnes  de  Louis-le- 
Debonnaire  et  de  Charles-le-Chauve,  la  loi  du  service 
militaire  étoil  la  même  que  sous  le  règne  de  Char- 
lemagne.  «  Comités,  vel  Missi  nostri  diligenter 
«  inquirant  quanti  homines  liberi  in  singulis  comi- 
»  talibus  maneant  qui  per  se  possunt  expedilionem 
«  exercilatem  facere,  vel  quanti  de  his  quibus  unus 
«  alium  adjuvet,  etc.  »  (Id.  ibid.  T.  II,  col.  187.) 

Lorsque  par  un  Capitulaire  déjà  cité,  Charlemagne 
oblige  au  service  militaire  tout  homme  libre,  pro- 
priétaire ou  usufruitier  d'une  portion  de  fonds  et 
terres,  déterminée  par  la  loi,  il  semble  que  par 
rapport  à  l'obligation  de  servir,  il  n'y  avoit  aucune 
différence  entre  la  possession  bénéficiaire  et  la 
possession  allodiale.  Mais  lorsqu'en  obligeant  à  une 
aide  mutuelle  les  hommes  libres,  qui  ne  possédoient 
pas  en  totalité  celle  portion  légale  de  fonds  et 
terres,  pour  laquelle  un  seul  devoit  le  service,  il 
parle  uniquement  des  homi^ies  libres  propriétaires 
ou  possesseurs  d'alleus;  lorsqu'après  avoir  ordonné 
ailleurs,  que  tous  usufruitiers  ou  possesseurs  de 
bénéfices  le  suivront  à  l'armée,  il  détermine  pour 


(!)  Le  dernier  grand-maître  fut  Aimar  de  Prie,  seigneur  de  Montpoupon,  de  1515  à  1527:  la  bataille  de  Pavie  (l.")25)  avait 
prouvé  l'inutilité  des  arbal^'lriers ;  il  n'était  plus  besoin  d'un  chef  sans  soldats.  (.N.  E.)  —  (2)  Nous  renvoyons  le  lecteur  qui 
voudra  contrôler  ce  Ion?  article  sur  Varbnn,  au  livre  déjà  cité  de  M.  Bautaric,  livre  II,  chap.  II  (p.  09  à  99),  livre  IV, 
cbap.  m  (p.  223  à  240),  et  livre  V,  chap.  V  (p.  349  à  358).  (N.  E.) 


AR 


—  HO  - 


AR 


les  seuls  propriétaires  ou  possesseurs  cl"alleus , 
la  portion  de  fonds  et  terres  à  raison  de  laquelle  il 
les  assujettissoit  au  même  devoir  ;  il  semble  que  le 
possesseur  usufruitier,  sa  possession  fût-elle  moin- 
dre que  celle  du  possesseur  propriétaire,  devoit  seul 
et  sans  aide,  satisfaire  à  l'obligation  de  servir  la 
Patrie.  «  Quicunque  bene/icia  habere  videntur, 
«  omnes  in  hostem  veniant.  Quicunque  liber  mansos 
«  quinque  de  proprietate  habere  videtur,  similiter 
«  in  hostem  veniat.  Et  qui  quatuor  mansos 
«  habet,  etc.  »  (Baluz.  Capitul.  Reg.  Fr.  T.  I,  col. 
457.  —  Id.  ibid.  col.  489.) 

Si  l'on  ne  proportionnoit  pas  à  la  possession 
bénéficiaire,  comme  à  la  possession  allodiale,  l'obli- 
gation du  service  qu'on  exigeoit  d'un  homme  libre, 
c'est  probablement  que  cette  obligation,  réelle  pour 
les  propriétaires ,  les  possesseurs  d'alleus ,  étoit 
personnelle  aux  usufruitiers ,  aux  possesseurs  de 
bénéfices,  comme  l'étoit  aux  hommes  libres  sans 
propriété,  l'obligation  de  s'associer  plusieurs  en- 
semble, pour  aicîer  en  argent  l'un  d'eux  à  faire  le 
service  militaire.  Ainsi  l'obligation  d'obéir  au  ban 
du  Prince  et  de  s'armer  pour  la  défense  du  Royaume, 
pouvoit  n'être  pas  la  même  pour  le  possesseur  d'un 
alleu  que  pour  le  possesseur  d'un  bénéfice,  quoi- 
qu'elle fût  commune  à  l'un  et  à  l'autre.  Dans  les 
Capitulaires,  le  possesseur  d'un  alleu  est  souvent 
désigné  par  la  seule  qualité  d'homme  libre.  «  Qui- 
«  cunque  liber  homo  in  hostem  bannitus  fuerit,  et 
«  venire  conteaipserit,  etc.  »  (Capitulare  11,  an. 
812,  lib.  I,  leg.  Longob.  tit.  xiv,  cap.  13.)  «  Quicun- 
«  que  homo  nostro  habens  honores  in  hostem  ban- 
«  nitus  fuerit,  et  ad  condictum  placitum  non  vene- 
«  rit,  etc.  »  (Capit.  II,  an.  812,  cap.  3.)  «  Quicunque 
«  exhisqui  beneficium  Principis  habent ,  parem 
«  suum  contra  hostes  communes  in  exercitu  per- 
«  gentem  dimiserit,  etc.  »  (Ibid.  cap.  5.) 

On  croit  donc  que  l'obligation  du  service  mili- 
taire, contractée  par  l'homme  libre,  à  raison  d'un 
usufruit  qu'on  nommoit  honneur  ou  bénéfice,  parce 
que  la  concession  de  cet  usufruit  étoit  un  bienfait 
ou  une  récompense  honorable,  dilTéroit  de  l'obli- 
gation imposée  à  l'homme  libre  ù  raison  de  sa 
propriété  ;  que  l'une  étoit  réelle  et  l'autre  person- 
nelle; que  pour  l'homme  libre  qui  réunissoit  à  la 
possession  allodiale,  la  possession  bénéficiaire, 
elle  étoit  personnelle  et  réelle  tout-à-la-fois.  Autre- 
ment les  concessions  d'honneurs  ou  de  bénéfices , 
non-seulement  inutiles  à  la  Patrie,  mais  même  à  la 
Souveraineté,  auroient  été  trop  désintéressées.  Ce 
désintéressement  est  d'autant  moins  vraisemblable, 
qu'il  répugne  à  l'idée  de  la  bienfaisance  royale,  qui, 
lors  même  qu'elle  récompense,  doit  avoir  un  objet 
utile  et  politique. 

D'ailleurs,  plus  on  fait  réflexion  que  les  Francs, 
et  même  les  Gaulois,  étoient  Germains  d'origine; 
que  les  Germains  naissoient  tous  soldats  de  la 
Patrie;  qu'ils  s'honoroienl  d'être  les  compagnons 
d'un  Chef  auquel  ils  se  dévouoient;  que  ce  même 
Chef anoblissoit  par  des  distinctions,  et  justifioit 
par  des  actes  de  libéralité,  un  dévouement  qui  fai- 


soit  sa  propre  siireté  en  temps  de  guerre ,  et  en 
temps  de  paix  sa  gloire  :  plus  on  trouve  raisonnable 
de  croire  que  les  Leudes  d'un  Roi  Franc  avoient 
les  mêmes  idées  de  noblesse,  d'honneur  et  de 
patriotisme  que  les  compagnons  d'un  Chef  de 
Germains;  que  nos  premiers  Rois,  Germains  eux- 
mêmes,  connoissoient  ces  idées  nationales;  qu'a- 
près leur  établissement  dans  les  Gaules,  ils  songèrent 
à  fortifier  ces  mêmes  idées ,  surtout  celles  qui 
étoient  relatives  îi  leur  gloire  et  à  leur  sûreté ,  par 
des  concessions  à  titre  d'honneurs  et  de  bénéfices. 

Tel  paroît  être  le  motif  politique  de  ces  conces- 
sions, au  moyen  desquelles  l'obligation  d'obéir  au 
ban  et  de  servir  la  Patrie,  semble  avoir  été  person- 
nelle aux  Leudes,  comme  aux  hommes  libres  sans 
propriété  l'obligation  de  s'aider  à  faire  ce  service. 
On  ajoute  qu'un  homme  libre  possesseur  d'un 
bénéfice  auroit  été  ingrat,  si  comme  l'homme  libre 
en  général,  il  n'eût  vu  que  la  défense  de  l'Etat  dans 
la  défense  de  la  personne  de  son  Souverain  et  de  son 
bienfaiteur.  11  devoit  à  la  Patrie  et  au  Roi ,  ce  que 
l'autre  ne  devoit  qu'à  la  Patrie.  Enfin,  nos  Rois  par 
leur  bienfaisance,  obligèrent  sans  doute  les  Leudes 
à  des  services  qui  leur  étoient  personnels.  Il  étoit 
naturel  qu'à  raison  de  ces  services ,  exigibles 
comme  hommages  de  la  reconnoissance,  les  Leudes 
fussent  les  premiers  à  obéir  au  ban,  et  à  s'armer 
pour  la  défense  du  Roi  et  du  Royaume.  En  l'an  640, 
le  roi  Sigebert  se  disposant  à  châtier  la  révolte  de 
Raoul,  duc  de  la  Thuringe,  appela  d'abord  à  son 
secours  les  Leudes  d'Austrasie.  «  Cum  Sigibertus 
«  regnaret,  et  Radulphus  dux  Thoringice  vehementer 
"  Sigiberto  rebellare  disposuisset,"jussu  Sigiberti 
«  omnes  Leudes  Austrasiorum  in  exercitu  gradien- 
«  dum  banniti  sunt,  etc.  »  (D.  Ruinart,  Fredeg. 
Chronic.  append.  ad.  Gregor.  Turon.  Hist.  col.  656.) 

L'homme  libre  qui  n'étoit  point  Leude,  devoit 
aussi  le  service  militaire  :  mais  comme  on  vient  de 
l'observer,  il  ne  le  devoit  qu'à  la  Patrie.  C'étoit  elle 
seule  qu'il  servoit,  soit  qu'il  marchât  à  une  con- 
quête, soit  qu'il  s'opposât  à  l'invasion  d'un  ennemi 
étranger,  ou  à  la  révolte  d'un  sujet,  qui,  en  s'ar- 
mantcontre  son  Roi,  s'armoil  contre  elle-même. 
Cliarlemagne  veilloit  à  la  conservation  de  ses 
défenseurs ,  lorsqu'à  dessein  d'empêcher  qu'un 
homme  libre,  plus  lâche  que  dévot,  ne  se  fit  Prêtre 
pour  être  dispensé  de  servir,  il  interdisoit  aux 
hommes  libres  en  général,  l'entrée  dans  les  Ordres 
ecclésiastiques,  sans  sa  permission.  «  De  liberis 
«  hominibusqui  ad  servitium  Deisetraderevolunt, 
a  ut  prius  hoc  non  faciant  quàm  a  nobis  licentiam 
a  postulent.  Hoc  ideo  quia  audivimus  aliquos  ex 
<i  illis  non  tàm  causa  devotionis  hoc  fecisse  quàm 
«  pro  exercitu  seu  aliâ  functione  regali  fugiendâ.  » 
(Baluz.  Capitul.  Reg.  Fr.  T.  I,  col.  725  et  726.) 

11  est  probable  que  sans  la  crainte  de  se  désho- 
norer aux  yeux  d'une  Nation  prompte  à  soupçon- 
ner de  lâcheté  quiconque  se  dispensoit  de  faire  la 
guerre,  nos  Prélats  auroient  eu  plus  de  respect 
pour  les  décrets  de  l'Eglise,  et  moins  d'ardeur  pour 
la  défense  du  Royaume.  Cette  ardeur  guerrière. 


AR 


-  111  — 


AR 


naturelle  sans  doute  à  plusieurs  d'entre  eux  ,  étolt 
si  générale  sous  le  règne  de  Cliarlemagne ,  que  le 
peuple  tremblant  pour  ses  Ministres,  dont  la  mort 
ou  le  danger  sembloit  lui  présager  une  défaite, 
supplia  ce  Prince  d'ordonner  qu"à  l'avenir  les  Evo- 
ques ne  le  suivroient  point  à  l'armée.  <■  Flexis 
X  omnes  precamur  poplitibus  Majeslatem  vestram 
«  ut  Episcopi  deinceps,  sicut  haclenus,  non  vexen- 
«  tur  hostibus;  sed  quando  vos  nosque  in  hostem 

"  pergimus,  ipsi  propriis  residcant  in  parochiis 

«  Quosdam  enim  ex  eis  in  hostibus  et  prœliis  vulne- 

«  ratos  vidimus  et  quosdam  périsse  cognovimus 

«  Novit  Dominus,  quando  eos  in  talibus  videmus, 
«  terror  apprehendit  nos,  et  quidam  ex  nostris 
«  timoré  perterrili  propter  hoc  fugere  soient.  » 
(Baluz.  Capitul.  Reg.  Fr.  T.  I,  col.  405.) 

Par  la  loi  des  Francs,  tout  homme  libre ,  que  les 
décrets  de  l'Eglise  ou  ses  privilèges  n'e.xemptoient 
pas  du  service  militaire,  étoit  condamné  à  une 
amende  de  soixante  sous,  toutes  les  fois  qu'il  refu- 
soit  ou  négligeoit  d'obéir  au  ban  du  Roi.  «  Si  quis 
«  liber,  contemptà  jussione  nostrà,  ceteris  in  exer- 
«  citum  pergentibus,  domi  residere  prœsumpserit, 
«  plénum hêribannum  secundùmlegem Francorum, 
«  id  est  solidos  sexaginta  sciât  se  debere  compo- 
«  nere.  »  (Capitula  ad.  leg.  Longob.  addita,  an.  801, 
imperii  Karoli-Magni  1 .)  On  croit  voir  dans  cette  ex- 
pression, secitndiuii  h'ijon  Fraiiconint,  une  preuve 
que  l'obligation  de  servir,  et  la  peine  imposée  à 
l'homme  libre  qui  n'y  avoit  pas  satisfait,  étoit 
aussi  ancienne  que  les  premières  loix  faites  par 
les  Francs,  lorsqu'ils  s'établirent  dans  les  Gaules. 
Cette  opinion  semble  d'autant  plus  probable  qu'en 
578,  c'est-à-dire,  soixante-sept  ans  après  le  règne 
de  Clovis,  le  roi  Cbilpéric  abusoit  de  cette  même 
loi,  en  y  assujettissant  des  hommes  que  la  Religion 
ou  l'humanité  devoit  en  affranchir.  «  Cliilpericus 
«  rex  de  pauperibus  et  junioribus  ecclesiœ  vel 
«  basilicœ  bannos  jussit  exigi ,  pro  eo  quôd  in 
«  exercitu  non  ambulassent.  Non  enim  oratconsue- 
«  tudo  ut  hi  ullam  exsolverent  publicam  functio- 
«  nem.  »  (D.  Ruinart,  Gregorii  Turon.  Hist.  tit. 
xxvn,  col.  237.) 

La  peine  prononcée  contre  l'homme  libre  qui 
n'obéissoit  pas  au  ban,  sous  les  Rois  de  la  première 
et  de  la  seconde  race,  étoit  la  même  sous  ceux  de 
la  troisième,  contre  l'homme  coutumier  qui  devoit 
le  service  militaire.  «  Se  les  Gens  le  Roy  truevent 
«  les  ]ions  couslumiers  par  les  chastelleries  qui 
«  fussent  remès,  fors  ceus  qui  devroient  remaindre, 
«  li  Roy  en  porroit  bien  lever  sus  chacun  soixante 
«  sols  d'amende ,  et  li  Bers  ne  les  en  pourroit 
"  garantir.  »  (Etal3lissemens  de  S"  Louis,  livre  I, 
chapitre  lxi.) 

En  attaquant  la  propriété  ou  possession  allodiale 
de  l'homme  libre,  on  l'auroit  mis  dans  l'impossibilité 
de  faire  à  l'avenir  le  service  auquel  il  étoit  tenu 
comme  propriétaire  ou  possesseur  d'alleu.  Cliarle- 
magne s'assuroit  donc  la  continuation  d'un  service 
dans  lequel  consistoit  la  principale  force  de  l'Etat, 
lorsqu'il  protégeoit  contre  la  vexation  et  l'injustice, 


la  propriété  de  l'homme  libre  ;  lorsqu'il  défendoit 
d'y  attenter,  même  pour  le  payement  de  l'amende 
due  par  celui  qui  n'avoit  pas  obéi  au  ban  ;  lorsqu'il 
vouloit  que  celte  amende  fût  perçue  en  or  et  en 
argent,  en  habits,  en  armes,  etc.  «  De  oppressione 
«  pauperum  liberorum  hominum,  ut  non  fiant  à 
«  potentioribus  per  aliquod  malum  ingenium  contra 
«  justitiam  oppressi,  ita  ut  coaclirese'orum  vendant 
«  aut  tradant.  Ideo  hœc,  et  supra  et  hic,  de  liberis 
«  hominihus  diximus,  ne  forte  parentes  contra 
"  justitiam  fiant  exheredati,  et  regale  obsequium 
"  minuatur,  etc.  ■>  {Baluz.  Capitul.  Reg.  Fr.  T.  I, 
page  427.  —  Id.  ibid.  col.  487.)  »  Ileribannus  non 
«  exactetur  neque  in  terris ,  neque  in  mancipiis  ; 
«  sed  in  auro  et  argento,  palliis  atque  armis,  et 
«  animalibus  atque  pecudibus,  sive  talibus  speciebus 
«  quœ  ad  utilitatem  pertinent.  »  (Id.  ibid.  col.  767.) 
On  exigeoit  au  reste  l'amende  dont  il  s'agit  avec 
tant  de  rigueur,  que  dans  le  cas  d'insolvabilité , 
l'homme  libre  étoit  réduit  à  se  mettre  en  la  servi- 
tude du  Prince,  et  d'y  rester  jusqu'à  ce  qu'il  l'eiit 
payée  en  entier.  «  Si  non  habuerit  unde  illam  sum- 
«  mam  persolvat,  semetipsum  pro  wadio  in  servi- 
«  tium  Principis  tradat ,  donec  per  tempera  ipse 
<'  bannus  ab  eo  fiât  persolutns  ;  et  tune  iterum  ad 
«  statum  libertatis  suœ  reverlatur.  »  (Id.  ibid. 
col.  493  et  7G6.) 

Quant  à  l'homme  libre  usufruitier  ou  possesseur 
d'un  bénéfice,  d'un  honneur,  on  punissoit  en  lui  le 
refus  de  service,  par  la  perte  de  son  usufruit ,  de 
sa  possession  bénéficiaire.  S'i^  n'étoit  coupable  que 
de  lenteur,  il  en  étoit  quitte  pour  faire  abstinence 
de  viande  et  de  vin ,  autant  de  jours  qu'il  avoit 
différé  d'obéir  au  ban  du  Prince.   «  Homo   nostros 

«  habens  honores  in  hostem  bannitus quot 

«  diebus  post  placitum  condictum  venisse  compro- 
«  batus  fuerit,  tôt  diebus  abstineat  a  carne  et  vino.  » 
(Baluz.  Capitul.  Reg.  Fr.  T.I,  col.  7G7.)  «  Quicunque 
«  ex  his  qui  beneficium  Principis  habent,  parem 
«  suum  contra  hostes  communes  pergentem  dimi- 
«  serit,  et  cum  eo  ire  vel  staie  noluerit,  honorem 
«  suum  et  beneficium  perdat.  »  (Id.  ibid.) 

L'opinion  commune,  dit  l'Auteur  de  la  Glose  sur 
le  Chapitre  lx  de  la  Coutume  d'Anjou,  est  que  sous 
le  règne  de  S'  Louis,  les  Bers  et  Arrière-vassaux, 
qui  refusoient  d'obéir  au  ban,  perdoient  leurs  fiefs, 
comme  les  Leudes  perdoient  leurs  honneurs  et 
bénéfices  sous  le  règne  de  Charlemagne.  (Voyez 
Ord.  T.  I,  p.  154,  note  (r). 

On  chercheroit  en  vain  dans  les  Capitulaires  des 
Rois  de  la  première  et  de  la  seconde  race ,  une 
distinction  entre  les  mots  bannus  et  heribannns , 
semblable  à  celle  qu'on  trouve  entre  les  mots  ban 
et  arrière-ban,  dans  les  Ordonnances  des  Rois  de 
la  troisième  race.  On  y  voit  qu'en  général  bannus 
signifioit  publication  d'une  loi,  d'un  ordre  du  Sou- 
verain ;  en  particulier,  publication  d'un  ordre  relatif 
à  la  nécessité  du  service  militaire. 

De  là,  on  nommoit  bannus,  bannus  dommicus, 
la  peine  à  laquelle  on  condamnoit  les  infracteurs 
du  ban  ou  de  la  loi  publiée  par  ordre  du  Seigneur 


AR 


—  112  — 


AR 


souverain;  banniis,  heribannns,  la  peine  à  laquelle 
on  condaninoit  les  hommes  libres  sans  bénéfices  ni 
honneurs,  lorsqu'au  mépris  du  ban  ou  de  Tordre 
publié  de  la  part  du  Seigneur  souverain  ,  relative- 
ment à  l'obligation  de  servir,  ils  avoient  refusé  ou 
négligé  de  le  suivre  ù  l'armée,  ou  de  faire  quel- 
qu'autre  service  utile  ù  la  Patrie.  Il  ne  s'agit  ici  que 
de  la  dernière  signilication  du  mot  simple  bannus, 
sigiiilication  qui  étoit  particulière  au  composé 
luh-ibannns.  «  Nec  pro  wactà,  nec  de  scarà,  nec  de 
"  wardà,  nec  pro  heribergare,  nec  pro  alio  banno, 
a  heribannum  Comcs  exactare  prœsumat,  nisi 
«  missus  nosler,  etc.  «  {Baluz.  Capital.  Reg.  Fr. 
T.  I,  col.  767.)  «  lUi  qui  in  hostem  pergere  non 
«  potuerint,  juxta  aniiquam  et  aliarum  gentium 
«  consuetudinem  ad  civitates  novas,  et  pontes ,  ac 
«  tiansilus  paludium  operentur,  et  in  civitate  atque 
«  in  marcha  waclas  faciant,  ad  defensionem  Patriœ 
a  omnes  sine  ullà  excusatione  veniant.  Et  qui... 

«  hostem  dimiserint, /((?rif)a?i/n<m persolvant.  » 

(Id.  ibid.T.  II,  col.  187.) 

La  distinction  que  dans  les  Capitulaires  on  aper- 
çoit entre  Imnnus  et  heribannns,  consiste  en  ce  que 
le  mot  composé  signifie  particulièrement  la  peine, 
l'amende  pour  défaut  de  service  militaire,  et  que  le 
mot  simple  signifie  généralement  «  peine,  amende 
i<  pour  infraction  de  la  loi  du  Seigneur  souverain  ; 
«  la  peine,  l'amende,  qu'on  nommoit  souvent  ban- 
«  nus  dominicus.  »  (Voy.  Baluz.  Capitul.  Reg.  Fr. 
T.  I,  col.  3-47,  393,  passim.  —  Id.  ibid.  col.  197, 
198,  207,  254,  passim.  —  Id.  ibid.  col.  349,  371, 
passim.)  C'est  sans  doute  en  conséquence  de  cette 
acception  générale,  que  bannus,  bannus  dominicus, 
signilioit  quelquefois  la  môme  chose  que  heriban- 
nus.  ^■^  De  Mundoburgio  ecclesiarum,  viduarum, 
«  orphanorum  et  de  minus  potentum  personarurn 
a  atque  et  de  exercitali  placito  instituto,  ut  hi  qui 
<"  ista  irruperint,  bannum  dominicum  omnimodis 
«  componant.   »   (Baluz.  Capitul.   Reg.   Fr.   T.   I, 

col.  403.)  «  De  heribanno diligenter  inquirant 

«  Missi  :  qui  hostem  facere  potuit  et  non  fecit,  ipsum 
«  bannum  componat.  »  (Id.  ibid.  col.  474,  etc.) 

On  ajoute  que  dans  le  sens  de  peine,  amende, 
non-seulement  l'acception  de  heribannns  étoit  aussi 
particulière  que  celle  de  bannus  étoit  générale; 
mais  que  cette  acception  est  la  seule  qui  paroisse 
justifiée  par  les  Capitulaires.  En  effet,  on  n'y  a  ren- 
contré aucune  itreuve  qu'il  ait  signifié /^a»,  publica- 
tion en  général  ;  pas  même  en  parliculier  ban  de 
l'ost,  en  latin  hostiiis  bannus,  le  to)(,la  publication 
d'un  ordre  pour  se  rendre  à  l'armée,  ou  pour  faire 
quelqu'autre  service  militaire.  C'est  néanmoins 
d'après  f  idée  contraire  qu'on  a  prétendu  que  la  plus 
ancienne  signification  de  heribannus,  en  fran^'ois 
heriban,  hereban,  étoit  le  cri  public  fait  de  par  le 
Roi  à  ses  vassaux  pour  l'aller  servir  à  l'armée,  et 
qu'ensuite  le  même  mot  avoil  signifié  l'amende  que 
payoient  les  mêmes  vassaux  pour  n'avoir  pas  obéi 
a  la  convocation.  Les  Etymologistes  sont  en  géné- 
ral d'autant  plus  attachés  à  cette  opinion,  qu'elle 
leur  semble  autorisée  par  la  signification  du  mot 


allemand  heer,  qui,  réuni  à  ban,  forme  selon  eux 
le  composé  hereban,  en  latin  heribannus.  (Voy. 
Fauchet,  Mil.  Fr.  p.  114.  -  Rabelais,  T.  IV,  p.  218; 
note  de  Le  Duchat.  —  Ménage,  Dict.  Etym.) 

Il  est  vrai  qu'en  allemand  heer  signifie  armée  ; 
mais  comme  le  droit  d'assembler  une  armée  et  de 
la  commander,  est  un  droit  de  Seigneur,  il  seroit 
possible  qu'une  armée  eût  été  nommée  heer,ie  cet 
autre  mot  allemand  hei'r,  /ie77<senlatin,enfrançois 
Seigneur.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  Savans,  qui  ne  sont 
pas  de  l'opinion  générale  des  Etymologistes  sur  la 
composition  de  hereban,  le  croient  formé,  non  de 
lieer,  mais  de  herr  réuni  au  mot  ban.  (Voy.  Coquille, 
Hist.  de  Mvernois,  p.  121.  —  De  la  Roque,  Traité 
du  Ban  et  Arrière-ban,  chap.  xvii,  p.  43.  —  Borel, 
Très,  de  Rech.  et  Antiq.  Gaul.  p.  508.)  Cette  seconde 
Etymologie  peut  être  préférable  à  la  première  ;  mais 
on  n'en  conclura  point  avec  Coquille,  que  dans  les 
Capitulaires  hereban,  en  latin  heribannus,  ait  signi- 
fié l'ordre  publié  de  la  part  du  Seigneur  souverain 
pour  s'armer  et  faire  le  service  militaii'e.  On  a  déjà 
remarqué  qu'il  y  désignoit  spécialement  et  peut- 
être  uniquement  l'amende  due  au  Seigneur  souve- 
rain, par  tout  homme  libre  qui  n'avoit  pas  obéi  à 
cet  ordre. 

Il  paroit  que  cette  amende  étoit  si  essentiellement 
le  droit  du  Seigneur  souverain,  qu'on  refusoit  d'en 
compter  à  toul  autre  qu'à  ses  Envoyés,  même  aux 
Comtes.  «  Dicunt  ipsi  Comités  quod  alii  eorum 
<"  pagenses  non  illis  obediant,  nec  bannum  domni 
«  Imperatoris  adimplere  volunt  ;  dicentes  quod 
«  contra  Misses  domni  Imperatoris  pro  heribanno 
><  debeant  ratiouem  reddere.  »  (Baluz.  Capitul.  Reg. 
Fr.  T.  I,  col.  486.)  Ce  refus  de  la  part  des  hommes 
libres,  fut  autorisé  par  les  loix  de  Charlemagne. 
«  Ut  haribannum,  aut  aliquod  collectum,  pro  exer- 
«  citali  causa.  Comités  de  liberis  hominibus  reci- 

«  père non  prœsumant;  excepte  si  de  palatio 

«  nostro Missus  veniat  qui  illum  haribannum 

«  requirat.  "  (Id.  ibid.  col.  532.)  Quoique  les  Comtes 
eussent  le  tiers  de  cette  amende,  la  concession 
qu'on  leur  en  faisoit,  étoit  une  concession  de  partie 
d'un  droit  qui  n'appartenoit  sans  doute  qu'au  Sei- 
gneur souverain,  puisqu'ils  ne  pouvoient  recevoir 
le  don  qui  leur  en  étoit  fait,  que  par  les  mains  de 
ses  Envoyés.  «  Herilinnnum  Cornes  exactare  non 
«  prœsumat,  nisi  Missus  noster  prius  lieribannuni 
«  ad  partem  nostrani  recipiat  et  ei  suam  tertiam 
«  partem  exinde  per  jussionem  nostram  donet.  » 
(Id.  ibid.  col.  767.) 

Lorsqu'on  fait  réflexion  d'ailleurs,  que  l'homme 
libre  à  qui  il  étoit  impossible  de  servir  la  Patrie  en 
suivant  le  Roi  ;i  l'armée,  étoit  tenu  de  la  servir  et 
de  travailler  pour  son  utilité  ou  pour  sa  défense, 
soit  en  gardant  les  frontières,  soit  en  aidant  à  bâtir 
de  nouvelles  cités,  à  construire  des  ponts,  à  rendre 
les  marais  praticables  ;  lorsqu'on  a  la  preuve  que 
l'amende  pour  défaut  de  travail  aux  ouvrages 
publics,  comme  l'amende  pour  défaut  de  service  à 
l'armée,  pour  défaut  de  service  militaire  en  général, 
se  nommoit  heribannus;  on  est  de  plus  en  plus  au- 


AR 


il3 


AR 


torisé  à  croire  que  cette  dénomination  étoit  moins 
relative  à  l'idée  particulière  du  service  à  Farmce, 
qu'à  l'idée  générale  du  service  que  le  Seigneur  sou- 
verain avoit  seul  le  droit  d'exiger  d'un  homme 
libre.  On  a  remarqué  plus  liaut  que  bannus  domi- 
niciis  signifioit  quelquefois  amende  pour  défaut  de 
service  même  à  l'armée. 

Tant  que  la  puissance  souveraine  fut  en  état  de 
protéger  la  liberté  et  la  propriété  contre  l'usurpa- 
tion et  l'oppression  des  Grands,  l'homme  libre  ne 
servit  que  le  Roi  et  la  Patrie.  «  Liberi  homines  nul- 
«  lu  m  obsequium  Comitibus  faciant  nec  Vicariis, 
«  neque  in  prato,  neque  in  messe,  netiueinaraturà 
■1  aut  vineà;  et  conjectum  ullum  vel  residuum  eis 
«  resolvant,  excepte  servitio  quod  ad  Regem  perti- 
«  net,  et  ad  heribannatores,  vel  bis  qui  legationem 
«  ducunt.  »  (Baluz.  Capitul.  Reg.  Fr.  T.I,  col.  400.) 
Mais  à  l'anéantissement  presque  total  de  cette  puis- 
sance, la  propriété  devint  servile,  et  on  vit  la 
liberté  expirer  sous  les  efforts  redoublés  de  la 
tyrannie  féodale.  Le  Seigneur  féodal  exigea  pour 
lui  les  services  que  le  Seigneur  souverain  avoit 
exigés  pour  l'utilité,  ou  pour  la  défense  du  Royaume. 
11  appela  son  homme,  celui  qui  jusqu'alors  avoit  été 
comme  lui  l'homme  du  Roi  et  de  la  Pairie,  et  l'as- 
servit à  des  devoirs  qu'on  nommoit  bans,  baiis- 
arùans,  ou  tout  simplement  arbans  :  mot  dans 
lequel  on  reconnoit  le  \a.['m  heribanniis,  qu'on  écri- 
voit  liarlbannus,  hairbauniis,airbanmis,arbanniis, 
e7'baii)uts,  etc.  (Vov.  Du  Cange,  Gloss.  lat.  T.  III, 
col.  1107-1111.  —  Baluz.  Capi\ul.  Reg.  Fr.  T.  I,col. 
532.  —  Formulœ  vet.  Bignon.  Form.  xxxi.) 

Ainsi  le  mol  irtxnçois  arban,  formé  de  l'alléralion 
du  latin  heribannus,  qui  signifioit  l'amende  pour 
défaut  de  service,  exigé  de  l'homme  libre  par  le 
Seigneur  souverain,  signifia  le  service  même, 
exigé  de  l'homme  serf  par  le  Seigneur  féodal  :  dans 
la  Coutume  de  la  Marche,  «  les  corvées  à  bras,  ou 
«  de  bœufs  et  charettes  que  les  subjects  tenans  hé- 
«  ritages  servement  ou  mortaillablement  doivent  à 
«  leurs  Seigneurs:  »  dans  la  Coutume  de  Poitou, 
«  certains  devoirs  et  charges  dues  sur  héritages.  » 
(Laurière,  Gloss.  du  Dr.  Fr.  T.  1,  p.  02.  —  Id.  ibid. 
T.  II,  p.  9.  —  Cotgrave,  Dict.) 

On  nommoit  arbans  ces  corvées,  ou  autres  ser- 
vices, parce  qu'ils  se  faisoient  en  vertu  d'un  ban, 
d'un  ordre  publié  de  la  part  du  Seigneur.  «  Outre 
«  la  taille  annuelle,  l'homme  serf  tenant  feu  ellieu 
«  est  encores  biennable  ;  c'est  assavoir  qu'il  doit 
«  une  journée  d'homme  à  bras,  depuis  soleil  levant 
«  Jusques  au  couchant,  tel  jour  de  l'année  qui  luy 
«  est  commandé  par  son  Seigneur  ou  son  Sergent 
«  baillial  ;  de  laquelle  semonce  ou  commandement 
0  le  Sergent  baillial  est  creu,  pour  faulcher,  faire 
«  vignes,  ou  autres  œuvres;  ou  pour  le  bian,  autre- 
«  meut  arban,  doit  payer  à  son  Seigneur  quinze 
«  deniers  tournois,  au  choix  du  Seigneur.  »  (Cou- 
tumes locales  de  la  ville  et  baronnie  de  Chàleau- 
neuf,  art.  iv.)  Dans  celles  de  la  ville  et  comté  de 
Chàteau-Meillan  (art.  xxvet  xxvi},  on  lit  :  »  Leshom- 
«  mes  serfs  doivent  un  chascun  mois  à  leur  Seigneur 


«  un  arban  à  bœufs  et  charrette,  s'ils  en  ont;  sinon, 
«  une  corvée  de  leur  corps.  Item,  tous  les  hommes 
«  et  femmes  serfs  des  vassaux  demeurans  en  ladite 
"  terre,  doivent  audit  Seigneur  chascun  an,  un 
«  chascun  d'eux,  un  arbdn  à  bœufs,  etc.  »  (La 
Thaumassière,  Coût,  de  Berry ,  p.  -160  et  191.) 
Renoul,  chevalier,  sire  de  Culant,  affranchit  en  1273, 
les  bourgeois  de  Veydun,  «  et  quita  tout  arban  aux 
«  hommes  et  aux  femmes  de  la  franchise,  »  avec 
une  restriction  qui  prouve  que  sous  la  dénomina- 
tion d'arban,  étoient  compris  différens  services  ou 
devoirs  exigibles  par  les  Seigneurs.  «  Je  quite  tout 
«  arban  aux  hommes  et  aux  femmes  de  ladite  fran- 
«  chise,  fors  que  tant  que  je  relien  mon  charroi  en- 
«  tierement  au  besogne  de  mon  chaslel  et  de  mes 
«  maisons  de  Veydun,  et  de  vins,  et  de  foingz  tant 
«  seulement  ;  et  je  ne  les  puis  fourcer  de  nul  arftare 
«  ne  de  charroy  aller  fors  la  parroche  de  Veydun 
«  por  nesun  besoin.  ..  (Id.  ibid.  p.  103.  —  Voy.  Ban 
ci-après.)  1!  est  évident  que  dans  l'ancienne  Coutume 
de  Poitou,  art.  xcxv,  le  mot  arbaux,  ou  berbaux, 
dans  la  nouvelle,  art.  cm,  n'est  autre  que  le  mot 
arbans  ou  berbans  dont  on  a  altéré  la  terminaison. 
«  Tailles,  berbaux  et  autres  charges,  ensemble 
>'  toutes  rentes  roturières  foncierts,  sont  indivisi- 
"  blés.  »  (Coutumes  de  Poitou,  au  Coût.  gén.  T.  I, 
page  ô78.  —  Voy.  Laurière  ,  Glossaire  "du  Droit 
français.  —  Du  Cange,  Glossaire  latin,  T.  III,  col. 

moet  lin.) 

Ce  n'est  peut-être  pas  sans  raison  qu'on  a  cher- 
ché dans  le  nom  de  ces  corvées,  insupportables  aux 
malheureux  qui  en  étoient  surchargés,  le  principe 
d'une  comparaison  d'après  laquelle  on  disoit  pro- 
verbialement, «  se  jeter  sur  quelqu'un  comme 
«  herbaut  sur  pauvres  gens,  pour  se  jeter  avec 
«  violence  sur  quelqu'un,  lui  tomber  sur  le  corps 
«  aussi  lourdement  qu'hcrbaut  ou  le  fardeau  des 
«  corvées  et  autres  redevances,  tombe  sur  les  pau- 
••  vres  gens.  »  Il  est  possible  aussi,  que  relative- 
ment à  l'idée  des  violences  faites  aux  corvéables 
par  ceux  qui  les  commandoienl,  tel  chien  qu'un 
instinct  particulier  porte  à  se  jeter  sur  les  pauvres, 
ait  été  nommé  herbaut.  (Voy.  Rabelais,  T.  IV, 
p.  218  et  219;  note  de  Le  Duchat.)  Enfin  le  Dieu  de 
misère  et  de  pauvreté,  se  nommoit  Herban,  relati- 
vement sans  doute  à  l'idée  de  l'étal  pauvre  et  misé- 
rable auquel  les  hommes  sujets  aux  corvées  étoient 
réduits.  «  Si  allons  querre  la  chetivelé,  que  Herban, 
«  le  Dieu  de  misère  et  de  poureté  ne  nous  faille.  » 
(Percef.  Vol.  II,  fol.  50,  V"  col.  1.) 

On  sait  que  ces  corvées,  proscrites  par  les  loix  de 
Charlemagne  comme  autant  d'attentats  à  la  liberté 
de  ses  sujets,  commencèrent  à  être  autorisées  vers 
la  fin  de  la  seconde  race,  lorsque  les  Ducs,  les 
Comtes,  les  Barons,  les  Châtelains  et  autres  Officiers, 
parvenus  à  rendre  héréditaires  les  charges  et  les 
terres  qu'ils  possédoient  à  vie,  en  obtinrent  enfin  la 
propriété  seigneuriale,  avec  les  moyens  de  s'asser- 
vir des  hommes  sur  lesquels  ils  n'avoient  jamais  eu 
qu'un  pouvoir  émané  du  Souverain,  ou  d'assujettir 
leurs  possessions  bénéficiaires  et  même  allodiales, 

15 


Aft 


-  114  — 


AU 


changées  en  possessions  féodales,  :\  d'autres  ser- 
vices que  ceux  dûs  au  Roi  et  à  la  Patrie. 

Avant  l'établissement  du  système  féodal,  toute 
possession,  même  la  possession  d'un  bénéfice  qu'on 
ne  tenoit  pas  immédiatement  du  Roi,  n'obligeoit  à 
aucun  service  distinct  de  celui  que  devoit  le  vassal 
immédiat  du  Seigneur  souverain.  En  suivant  à 
l'armée  le  Comte  ou  le  Seigneur  dont  on  tenoit  un 
bénéfice,  dont  on  étoit  le  vassal,  on  ne  servoit  que 
la  Patrie,  et  l'on  n'obéissoit  qu'au  ban  du  Roi. 
Aussi  a-t-on  vu  qu'à  lui  seul  étoit  due  l'amende 
pour  défaut  de  service  militaire.  «  Omnis  liber 
«  homo  qui  quatuor  mansos...  dealicujusbeneficio 
«  habet,...  ipse  in  tiostem  pergat,  sive  cum  seniore 
«  suo.  »  (Baluz.  Capitul.  Reg.  Fr.  T.  I,  col.  489.) 

«  De  vassis  dominicis  qui intracasam  serviunt, 

«  et  tamen  bénéficia  habere  noscuntur,  slatutum  est 
«  ut  quicunque  ex  eis  cum  domno  Imperatore 
«  domi  remanserint,  vassallos  suos  casatos  secum 
«  non  retineant,  sed  cum  Comité  cujus  pagenses 
«  sunt,  ire  permiltant.  «  (Id.  ibid.col.  495.)  «  Vassi 
«  nostri  et  vassi  Episcoporum,  Abbatum,  Abbatis- 
«  sarum  et  Comitum,  qui  in  lioste  non  fuerunt, 
«  heribannum  rewadient.  »  (Id.  ibid.  col.  618.) 
Mais  la  propriété  seigneuriale  des  vassaux  immé- 
diats du  Seigneur  souverain  une  fois  légitimée,  on 
vit  naître  et  s'élever  une  nouvelle  puissance  qu'on 
nomma  suzeraineté;  mot,  dit  Loyseau,  «  qui  est 
"  aussi  étrange  que  cette  espèce  de  Seigneurie  est 
«  absurde.  »  "Alors  une  servitude  presque  générale 
succéda  à  la  liberté;  l'homme  de  la  patrie  fut  un 
homme  de  fief;  le  possesseur  d'un  fief  qui  ne  rele- 
voit  pas  immédiatement  du  Roi,  fut  le  vassal  d'un 
Seigneur  suzerain  et  intermédiaire,  et  ce  vassal  par 
sous-inféodation,  acquit  un  autre  vassal  qui  étoit 
par  rapport  à  lui  ce  qu'il  étoit  lui-même  par  rapport 
à  son  Seigneur,  et  ce  qu'étoit  ce  Seigneur  par  rap- 
port au  Souverain.  Le  service  militaire  auquel  les 
Seigneurs  propriétaires  obligèrent  leurs  hommes  et 
leurs  vassaux ,  en  cas  de  guerres  particulières, 
a  été  désigné  comme  les  corvées  et  autres  devoirs 
féodaux,  par  le  mot  arbaii  ou  erban.  On  croit  qu'il 
faut  lire  erband  dans  une  charte  de  l'an  984,  par 
laquelle  Emenon,  seigneur  d'Yssoudun,  affranchit 
de  ce  service  militaire  les  habitans  du  bourg 
S'  Martin.  «  Concedimus  omnes  consueludines.... 
«  ita  scilicet  ut  nemo  illorum  pergat  ad  pugnam 
«  quœ  alio  nomine  vocalur  eijbanid,  neque  botta- 
*  gium  vini  alicui  reddat.  »  (La  Thaumassière, 
Coût,  de  Rerry,  p,  697.  —  Voy.  Du  Cange,  Gloss. 
lat.  T.m,  col.  1109.) 

Ou  ne  confondra  point  ce  service  militaire,  per- 
sonnel aux  Seigneurs  qui  forcèrent  en  conséquence 
leurs  hommes  et  leurs  vassaux  à  prendre  les  armes 
contre  le  Roi  même,  avec  le  service  militaire  qu'ils 
en  exigeoient,  toutes  les  fois  que  le  Seigneur  sou- 
verain faisoit  publier  son  ban,  ou  l'ordre  de  s'armer 
pour  sa  défense  et  celle  du  Royaume. 

Probablement  que  d'après  l'opinion  générale  et 
peu  vraisemblable  des  Etymologistes,  qui  veulent 
qu'arrlère-ban  ait  été  formé  comme  arban,  du  mot 


heribannus,  composé  de  ban  et  hère  en  allemand, 
lieras  en  latin,  en  franç,'ois  Seigneur,  l'on  aura  dit 
que  V arrière-ban  étoit  pour  les  Seigneurs,  pour  les 
Nobles  ou  lenans  tiefs,  et  le  ban  pour  les  roturiers. 
On  a  déjà  observé  que  dans  les  Capitulaires,  ce  mot 
heribannus  signifie  toujours  l'amende  exigible  par 
le  Seigneur  souverain  pour  défaut  de  service  mili- 
taire, et  jamais  la  publication  de  l'ordre  relatif  à  ce 
service  ;  encore  moins  la  publication  d'un  ordre 
particulier  à  une  classe  supérieuie  d'hommes,  tels 
que  les  Seigneurs,  les  Nobles  ou  les  possesseurs  de 
fiefs,  pour  qui  l'obligation  de  servir  la  Patrie  fut 
une  espèce  de  prérogative,  sous  les  Rois  de  la 
troisième  race.  Sous  ceux  de  la  première  et  de  la 
seconde  race,  c'est-à-dire,  jusqu'à  l'époque  de 
la  seigneurie  féodale,  tout  homme,  quel  que  fût  son 
état,  pourvu  qu'il  fût  libre,  servoit  ou  aidoit  à  servir 
le  Roi  et  la  Patrie.  La  publication  de  l'ordre  auquel 
il  obéissoit  en  concurrence  avec  l'homme  que  la 
fortune  et  le  méiite  élevoient  au-dessus  des  autres 
sujets  du  Roi,  se  nommoit  ban;  et  ce  ban  étoit  pour 
le  Comte,  pour  le  Leude  illustré  par  la  faveur, 
comme  pour  le  possesseur  obscur  d'un  bénéfice  ou 
d'un  alleu,  pour  l'homme  libre  en  général.  Il  n'y 
avoit  point  alors  de  ban  pour  les  Seigneurs,  qu'on 
distinguât  du  ban  pour  les  hommes  libres,  en  le 
nommant  hériban.  Quand  il  seroit  vrai  que  de  ce 
mot  hériban  l'on  eût  fait  arrière-ban,  il  faudroit 
encore  prouver  qu'on  a  eu  raison  de  dire  ([ue  sous 
les  Rois  de  la  troisième  race,  V  arrière-ban  étoit 
pour  les  Seigneurs,  pour  les  Nobles  ou  possesseurs 
de  fiefs  en  général,  et  le  ban  pour  les  roturiers. 
(Voy.  Laurière,  Gloss.  du  Dr.  Fr .  au  mot  Arrière-ban.) 
On  imagina  sans  doute  le  mot  arrière-ban  ou 
riereban,  en  latin  retrobannus,  et  on  le  distingua 
du  ban,  lorsque  les  Seigneurs  propriétaires  com- 
mencèrent à  avoir  des  vassaux,  qui,  relativement 
à  l'obligation  du  service  militaire  qu'ils  dévoient 
au  Roi,  n'éioient  plus  placés  sur  la  ligne  des  vas- 
saux immédiats  du  Seigneur  souverain;  puisque  ce 
n'étoit  plus  le  Roi,  mais  ces  Seigneurs  intermédiai- 
res qu'ils  suivoient  à  l'armée,  puisque  c'étoit 
arrière  eux  qu'ils  marchoient  et  combattoient  pour 
la  défense  du  Royaume.  De  là,  on  aura  nommé 
arrière-ban,  la  publication  de  l'ordre  auquel  les 
vassaux  d'un  Seigneur  intermédiaire  obéissoient 
en  le  suivant  à  l'armée,  par  opposition  au  ban,  à  la 
publication  de  l'ordre  adressé  aux  vassaux  immé- 
diats du  Seigneur  souverain.  «  Le  ban  éloit  la  con- 
•<  vocation  des  vassaux  du  Roi  sans  moyen  ; 
"  Yarrière-bati,  la  convocation  de  ceux  qui  tenôient 
<■  du  Roi  médiatement.  »  (Voy.  Laurière,  Gloss.  du 
Dr.  Fr.)  On  caractérisera  encore  mieu.N.  cette  pre- 
mière distinction  du  ban  et  de  Varrière-ban,  en 
disant  avec  Charondas  :  «  Le  ban  estoit  la  convoca- 
"  tion  que  faisoit  faire  le  Roy  et  souverain  prince  ; 
«  et  Y  arrière-ban,  la  publication  que  le  Seigneur 
«  appelle  au  ban  de  son  Roi  ou  Prince,  faisoit  faire 
«  pour  assembler  ses  vassaux  et  arrière-vassaux, 
«  pour  l'accompagner  à  l'ost  et  armée.  »  (Voy. 
BouteiUer,  som.  rur.  art.  lxxxui,  annot.  p.  486.) 


AR 


—  H5  — 


AR 


Le  service  militaire  qu'en  ce  cas  les  Seigneurs 
appelés  au  bail  du  Roi  exigeoient  de  leurs  vassaux, 
ëtoit  le  service  auquel  les  avoit  obligés  eux-mêmes 
l'inféodation  du  Seigneur  souverain.  Quoique  leurs 
fiefs  ou  plein-fiefs,  au  moyen  de  la  sous-inféoda- 
tion,  fussent,  relativement  au  Roi,  changés  en 
arrière-fiefs,  ce  changement  n'anéanlissoit  pas 
l'obligation  primitive  qu'ils  avoient  contractée. 
Mais  pour  y  satisfaire,  ils  s'associèrent  des  vassaux 
qui  en  paroissant  les  servir,  ne  servoient  réellement 
que  le  Roi,  comme  Seigneur  suzerain  de  toute  pos- 
session féodale.  Il  est  probable  que  nos  Rois  sans 
cesse  occupés  du  soin  politique  de  rétablir  les  droits 
de  la  souveraineté,  en  faisant  valoir  ceux  de  leur 
suzeraineté  universelle,  accoutumèrent  insensible- 
n\ent  les  vassaux  de  ces  Seigneurs  intermédiaires, 
à  voir  comme  une  formalité  assez  indifférente,  un 
arrière-ban  que  devoit  précéder  le  ban  ou  Roi,  ban 
auquel  ils  obéissoient  en  paroissant  n'obéir  qu'h 
l'arrière-ban  de  leurs  Seigneurs.  Aussi  a-t-on  dit 
que  le  ban  étoit  •<  un  mandement  fait  l'i  tous  Gen- 
«  tilshommes  et  tenans  llefs  et  arrière-fiefs,  d'assis- 
tt  ter  à  la  guerre  du  Prince.  »  (Voy.  De  la  Roque, 
Traité  du  Ban  et  Arrière-ban,  p.  2.)  Si  les  tenans 
arrière-fiefs  partageoient  la  Noblesse  avec  les 
tenans  liefs,  comme  ils  partageoient  avec  eux 
l'obligation  de  faire  service  personnel  avec  armes 
es  guerres;  il  faut  en  conclure  qu'ils  étoient  du 
nombre  de  ceux  qu'on  a  désignés  comme  sujets  au 
ban,  en  disant  que  les  Nobles  seuls  estoient  sujets 
au  ban.  (Voy.  Ord.  T.  I,  p.  152,  note  (a.)  —  Coquille, 
Hist.  de  Nivernois,  p.  110.) 

On  pourroit,  d'après  cette  définition  du  ban,  ima- 
giner que  Varrière-ban  fut  alors  une  convocation 
des  Non-nobles  à  la  suite  des  Nobles,  comme  il  avoit 
été  la  convocation  des  vassaux  médiats  du  Seigneur 
souverain,  à  la  suite  de  ses  vassaux  immédiats.  Il 
est  vrai  qu'au  temps  où  l'on  paroit  avoir  confondu 
avec  le  ban  du  Roi,  un  arrière-ban  qui  en  étoit  la 
conséquence  nécessaire,  on  distinguoit  encore 
Varrière-ban  du  ban.  Mais  cette  distinction  n'étoit 
point  relative  à  celle  des  Nobles  et  des  Non-nobles, 
les  uns  convoqués  à  la  suite  des  autres;  puisque 
par  son  ban  le  Seigneur  souverain  convoquoit  tout 
homme  noble  ou  non-noble  qui  lui  devoit  un  service 
militaire.  En  prouvant  qu'il  y  avoit  des  Non-nobles 
obligés  à  ce  service,  que  les  hommes  coutumiers, 
les  bourgeois  et  habitans  des  villes,  les  hommes 
des  Seigneurs  servoient  en  l'ost  du  Roi  avec  les 
possesseurs  de  fiefs  et  arrière-fiefs,  avec  les  Sei- 
gneurs, les  Cientilsbommes,  les  Nobles  en  général, 
on  prouve  qu'ils  obéissoient  à  son  ban,  en  concur- 
rence avec  les  Nobles  et  les  Seigneurs,  lors  même 
qu'ils  marchoient  sous  leur  ban'nière.  «  Nobles  et 
«  Non-nobles  qui  à  nous  et  à  nos  successeurs,  en 
«  nos  guerres  et  osts,  doivent  certains  services, 
«  etc.  »  (Ord.  T.  1,  p.  588.)  «  Li  Barons  et  li  bons 
«  le  Roy  doivent  le  Roy  suivre  en  son  ost,  quand  il 
«  les  en  semondra,  et  le  doivent  servir  soixante 

<■  jours  et  soixante  nuits Li  bons  coustumier 

a  doivent  être  en  l'ost  le  Roy quarante  jours  et 


«  quarante  nuits;  et  se  il  en  venoit  avant,  et  il  en 
«  fussent  prouvé,  la  Justice  le  Roy  en  porroit  bien 
«  lever  soixante  sols.  »  (Établissemens  de  S'  Louis, 
chap.  Lxi.)  On  ne  dispensoit  du  service  de  l'ost  les 
Non-nobles  qui  y  étoient  assujettis,  qu'autant  qu'ils 
se  soumettoient  à  l'imposition  de  certains  droits 
d'aide.  «  Les  gens  des  villes,  ne  les  subgiez  des 
«  Nobles,  ne  seront  contrainz  à  aller  en  nostre  ost, 
«  durant  le  temps  de  nostre  imposition.  »  (Ord. 
T.  II,p.  39'(,etc.) 

Dans  le  cas  oii  le  Souverain  jugeoit  que  le  pre- 
mier ban  devoit  être  suivi  d'un  second  ban,  par 
lequel  il  exigeoit  des  Nobles  et  Non-nobles  un  autre 
service  que  celui  prescrit  par  les  loix  féodales  et  cou- 
tumières,  on  nommoit  ce  ban,  relativement  h  celui 
qui  l'avoit  précédé,  arrière-ban.  C'est  en  ce  sens 
qu'on  a  eu  raison  de  dire  qu'il  n'y  a\oil  arrièi'e-ban, 
lorsque  nul  ost  n'estoit  allé  devant;  (luele  ban  étoit 
pour  le  service  ordinaire,  et  Varrière-ban  pour  un 
service  extraordinaire.  (Voy.  Chron.  Fr.  de  Nangis, 
Ms.  an.  1338.—  Laurière,  Gloss.  du  Dr.  Fr.  —  De  la 
Roque,  Traité  du  Ban  et  Arrière-ban,  p.  2.) 

On  définira  donc  Varrière-ban  ainsi  distingué  du 
ban,  en  disant  que  c'étoit  une  convocation  itérative 
des  Nobles  et  Non-nobles  sujets  au  service  féodal  et 
coutumier,  pour  un  service  extraordinaire  :  défini- 
tion justifiée  par  les  Ordonnances,  entre  autres  par 
celle  de  Louis  X,  en  date  du  22  juillet  1315,  dans 
laquelle  on  lit  :  «  Que  iceux  Nobles  et  Non-nobles 
«  qui  à  nous  et  à  nos  successeurs,  en  nos  guerres 
<•  et  osts,  doivent  certains  services  et  homages, 
«  iceux  services  payez,  demeurent  quilles  et  francs, 
«  sans  ce  que  par  nous,  ne  par  nos  successeurs 
«  puissent  estre  contrains  à  autre  service  d'ost 
«  faire  h  nous,  fors  en  cas  de  Varrière-ban  qui  con- 
«  vient  eslre  raisonnable  et  de  cause  apparissant.  » 
(Ord.  T.  I,  p.  588.)  Lorsque  le  droit  de  faire  publier 
cet  arrière-ban,  fut  un  droit  du  Souverain,  exclusi- 
vcmenl  aux  Seigneurs  qui  avoienl  pu  se  l'arroger, 
le  Souverain  s'obligea  par  amour  pour  son  peuple, 
que  Varrière-ban  exposoit  à  des  vexations,  à  ne  le 
faire  publier  que  dans  le  cas  de  nécessité  évidente 
et  après  bataille;  conséquemment  après  que  les 
Nobles  et  Non-nobles  auroient  acquitté  le  service 
ordinaire.  Rien  de  plus  positif  à  cet  égard  que  l'Or- 
donnance du  Roi  .lean,  en  date  du  28  décembre  1355, 
et  celle  de  Charles  son  fils  aîné  et  son  Lieutenant, 
datée  du  mois  de  mars  1350.  «  Que  desores-mais 
«  nuls  ne  pu  isse  faire  arriereban  en  nostre  Royaume, 
«  fors  tant  seulement  nous  en  nostre  personne  et 
«  nostre  ainsné  filz  ;  et  ycelluy  ne  pourrons  faire, 
«  fors  seulement  en  cas  de  pure  et  évident  néces- 
«  site,  et  bien  conseilliez  sur  ce.  »  (Ord.  T.  IIl, 
p.  31.1  «  Que  aucuns  ne  puisse  doresnavant  faire 
«  arrierebans,  fors  tant  seulement  noslre  très-chier 
"  Seigneur  et  père  et  nous  ;  et  icelluy  ne  pourrons 
«  faire  fors  après  bataille,  et  en  cas  de  pure  et  évi- 
«  dent  nécessité,  et  bien  conseillé  sur  ce,  et  eu 
«  advis  et  délibération  avec  les  Esleuz  de  par  les 
■1  troiz  Etats,  se  bonnement  les  pouvons  avoir.  » 
(Ibid.  p.  138.) 


AR 


—  116  — 


AR 


Il  paroît  que  pour  les  Non-nobles  sujets  au  ser- 
vice militaire,  l'exemption  de  servir  au  moyen  de 
certains  droits  d'aide,  ne  s'étendoit  pas  au-delà  du 
ban,  puisqu'ils  ne  l'obtenoient  qu'avec  la  restric- 
tion :  si  ce  n'est  h  cause  à'arrière-baji,  si  ce  n'est  en 
cas  de  nécessité  évidente  ;  par  conséquent,  en  cas 
de  Varricn'-ban,  que  cette  même  nécessité  rendoit 
légitime.  •<  Les  gens  des  villes  ou  de  nos  subgiez, 
«  ne  seront  contrains  à  aller  en  nostre  ost,  durant 
«  le  temps  de  ladicte  imposition,  si  ce  n'est  h  cause 
«  àeaireban  Ml  pour  bonne  et  juste  cause,  sanz 
«  feinlize.  »  (Ord.  T.  II,  p.  530,  etc.)  11  éloit  juste 
que  pour  les  Non- nobles,  les  habitans  des  villes,  et 
autres  ainsi  affranchis  de  service,  l'obligation 
d'obéir  h  Y  arrière-ban,  fût  la  même  que  pour  ceux 
qui  ayant  réellement  fait  le  service  ordinaire  et 
exigible  par  le  bandit  Roi,  n'eu  dévoient  pas  moins 
le  service  extraordinaire  et  exigible  par  son 
arrière-ban.  On  a  déjà  prouvé  par  l'article  ni  de 
J'Ordonnance  de  Louis  X,  datée  du  mois  de  juillet 
1315,  que  les  Nobles  et  Non-nobles,  après  avoir 
acquitté  le  service  auquel  ils  étoient  assujettis  par 
les  loix  féodales  et  coutumières,  pouvoient,  en  cas 
à'arrière-bnn,  être  contrains  à  faire  un  autre  ser- 
vice, lorsqu'il  étoit  jugé  essentiel  à  la  défense  du 
Roi  et  du  Royaume.  Dans  l'article  vu  de  la  même 
Ordonnance,  l'arrière-ban  est  désigné  par  l'évidente 
utilité,  par  la  nécessité  urgente  qui  le  légitimoit. 
Philippe  de  Valois  interprèle  ce  même  article  par 
lequel,  s'il  n'y  avoit  évidente  utilité,  ou  nécessité 
urgente,  Louis  X  n'exigeoit  des  hommes  de  son 
duché  de  Normandie  que  les  services  à  lui  dûs,  en 
disant  que  ces  services  étoient  les  seuls  auxquels 
ils  fussent  obligés;  à  moins  que  la  publication  de 
Y  arrière-ban,  après  celle  du  ban,  ne  fût  nécessilée 
par  l'impossibilité  de  s'opposer  aux  ennemis  qui 
envaliissoient  le  Royaume,  ou  aux  rebelles  qui  en 

troubloient  la  tranquillité.  •<  In  casu  quo per 

«  primam  semonsam  seu  convocacionem  generali- 
«  ter  factam,  nos  seu  nostri  successores,  et  illi  qui 
«  tune  essent  nobiscum  aut  cum  successoribus 
«  nostris,  non  essemus  aut  ipsi  non  essent  salis 
«  fortes  ad  obviandum  seu  resistendum  hoslium 
»  potencie,  aut  ad  reducendum  ad  obedienciam 
«  subditos  rebelles,    absque    faciendo    retroban- 

«  num, fieret  et    fieri    posset  retrobannum, 

«  etc.  »  (Ord.  T.  VI,  p.  550  et  551.) 

Si  les  Nobles  et  Non-nobles  qui  dévoient  le  ser- 
vice militaire,  étoient  les  seuls  qui  dussent  obéir 
au  ban  du  Roi,  la  première  semonce  ou  convocation 
généralement  faite,  par  laquelle  Philippe  de  Valois 
paroit  désigner  le  ban,  n'étoil  donc  générale  que 
par  rapport  aux  Nobles  et  Non-nobles  sujets  à  ce 
service.  11  falloit  qu'il  y  eût  nécessité  de  service 
extraordinaire,  et  par  conséquent  arrière-ban  ou 
convocation  itérative  des  hommes  qui  avoient  obéi 
au  ban  et  fait  le  service  ordinaire,  pour  que  ceux 
dont  on  n'exigeoit  pas  ce  service,  ou  qu'on  en  dis- 
pensoitau  moyen  de  certains  droils  d'aide,  fussent 
tenus  de  suivre  le  Roi  à  l'armée  et  de  le  servir  en 
concurrence  avec  les  autres.  La  preuve  est  qu'im- 


médiatement après  avoir  dit  que  «  les  Nobles  et 
«  Non-nobles  qui  auroient  fait  les  services  par  eux 
«  dûs,  ne  pourroient  être  contraints  à  faire  autre 
«  service  d'ost,  fors  en  cas  de  l'arrière-ban,  » 
Louis  X  ajoute  que  dans  le  cas  de  cet  arrièreban, 
les  hommes  même  qui  ne  dévoient  aucun  service, 
seroient  tenus  d'y  obéir.  «  Queiceiix  homes  qui  ne 
«  sont  tenus  envers  nous  en  aucuns  certains  servi- 
«  ces,  ne  puissent  estre  contrains  à  aucun  service 
«  estre  fait  à  nous,  fors  en  cas  dessus  dil  et  derrai- 
«  nement  déclaré.  »  (Ord.  T.  I,  p.  .588  et  589.)  En 
ordonnant  que  l'arrière-ban  publié,  tous  y  obéis- 
sent, Philippe  de  Valois  réunit  sans  doute  ces  hom- 
mes qui  ne  dévoient  pas  le  service  exigible  par  le 
ban,  à  ceux  pour  qui  ce  service  éloit  un  devoir 

féodal  ou  coutumier.  «  In  casu  quo fieret 

"  rt;/robfl«/n<m,  omnestenerentureidem  obedire.  » 
(Ord.  T.  VI,  p.  551.) 

On  ne  voit  pas  que  les  hommes  non  sujets  au  ser- 
vice ordinaire  et  exigible  par  le  ban,  aient  toujours 
été  tenus  d'obéir  à  l'arrière-ban,  à  la  convocation 
itérative  des  Nobles  et  Non-nobles  pour  .un  service 
extraordinaire.  Il  paroit  au  contraire  que  l'arrière- 
ban  dont  Cliarles  VI,  par  ses  Lettres  du  8  février 
1413,  ordonne  la  publication,  n'intéresse  que  des 
hommes  sujets  au  service  féodal  et  coutLunier; 
puisque  le  commandement  d'obéir  ne  doit  être 
fait  qu'aux  Nobles,  aux  Possesseurs  de  fiefs  et 
arrière-fiefs ,  aux  Dourgeois  et  habilans  des 
bonnes  villes.  Une  preuve  évidente  que  ces 
bourgeois  et  habitans  des  villes  dévoient  un  service 
coutumier,  c'est  que  comme  on  l'a  déjà  observé,  pour 
en  obtenir  l'exemption,  ils  payoient  certains  droits 
d'aide.  «  Enjoignons  qu'incontinent  ces  pré- 
"  sentes  veues,  vous  faites  proclamer  solemnelle- 
«  ment  à  haute  voix  et  ù  son  de  trompe,  en  vostre 
«  bailliage,  nostre  arrière  ban  de  par  nous,  en 
"  faisant  commandement...  à  tous  les  Nobles.... 
«  qui  ont  accoustumé  d'user  et  ensuivir  les  armes 
1  et  qui  sont  en  état  de  poursuivir,  et  Aultres  qui 
«  tiennent  fiefs  et  arrière-fiefs  vallans  par  an  vingt 
«  livres  tournois,  et  outre  aux  Rourgeois  et  habi- 
«  tans  de  toutes  bonnes  villes  et  ressors  de  vostre 
ic  dil  bailliage;  c'est  à  sçavoir,  ausdits  Nobles  qui 
«  ont  accoustumé  d'user  et  ensuivir  armes,  sur  la 
«  foy  et  loyauté  et  aussi  le  service  qu'ils  nous 
»  doivent,  et  sur  la  peine  de  confiscation  de  leurs 
«  biens,  fiefs  et  arrière-fiefs  et  tenement,  ils  vien- 
«  nent  lantosten  diligence  et  sans  demeure,  à  tout 
«  le  plus  grand  nombre  et  puissance  de  Gens 
«  d'armes  et  de  traicl  qu'ils  pourront,  et  ausdits 
«  Bourgeois  et  habitans  des  bonnes  villes  qu'ils 
"  envoyent  le  pluslosl  qu'ils  pourront,  des  Gens 
<■  d'armes  et  de  li'aicl  devers  nous,  montez  à  cheval, 
«  et  armez,  souffisamment  accompaignez.  »  (Ord. 
T.  X,p.  I9-i.)  S'ils  n'envoyoient  pas  ces  Gens  d'armes 
et  de  traict,  ils  étoient  personnellement  tenus  d'obéir 
à  l'arrière-ban.  (Voy.  Ord.  T.  II,  p.  320,  etc.) 

Il  n'y  avoit  donc  réellement  convocation  générale 
pour  le  service  extraordinaire  ,  que  lorsque  les 
hommes  qui  n'avoient  fait  ou  n'avoient  dû  faire  le 


AR 


—  117  - 


AR 


service  ordinaire  et  exigible  par  le  ban ,  étoient 
convoqués  avec  ceux  pour  qui  ce  service  ayoit  été 
un  devoir  indispensable.  Mais  alors  Varriêrc-lian 
ou  convocation  itérative  par  rapport  aux  uns,  étoit 
par  rapport  aux  autres  un  ban  ou  première  convo- 
cation. Il  seroit  possible  que  les  mots  ban  et  arrière- 
ban  réunis,  eussent  expliqué  cette  double  significa- 
tion A' arriére-ban.  Peut-être  aussi  la  réunion  de 
ces  deux  mots  a-t-elle  été  occasionnée  par  l'igno- 
rance ou  par  l'oubli  de  la  raison  pour  laquelle  on 
les  avoit  distingués  Fun  de  l'autre.  Il  paroit  même 
que  l'idée  de  la  distinction  du  ban  et  de  Varrière- 
ban  avoit  quelquefois  été  très  confuse;  puisque 
dans  une  Ordonnance  de  Philippe  de  Valois,  on  lit 
qu'au  moyen  d'une  aide  qui  exemptoil  seulement 
du  service  exigible  par  le  lian,  »  les  Bourgeois  et 
«  habitans  de  la  ville  de  Paris,  ne  seront  tenuz 
«  d'aller  ou  envoyer  en  l'ost  pour  arrereban  ou 
«  autrement,  si  ce  n'est  en  cas  de  évident  néces- 
.<  site.  »  (Voy.  Ord.  T.  II,  p.  320.) 

On  sait  qu'à  l'établissement  des  Compagnies 
d'Ordonnance  par  Charles  YII ,  la  Noblesse  brigua 
l'honneur  utile  d'y  servir  ;  et  qu'en  servant  dans 
ces  Compagnies  à  la  solde  de  nos  Rois,  en  temps  de 
paix  comme  de  guerre  ,  elle  s'affranchit  du  service 
exigible  par  le  ban  et  arriére-ban.  »  Ledit  Roy 
«  Charles  VII  mit  sus  premièrement  les  Ordonnances 
«  de  Gendarmerie....  et  pour  les  entretenir  en 
»  temps  de  guerre  et  de  paix,  fit  les  tailles  ordinaires 
«  sur  le  peuple....  En  ces  Compagnies  des  Ordon- 
«  nances  n'estoient  et  ne  sont  receuz  que  Gentils- 
<•  hommes  qui  par  ce  moyen  ont  esté  exemptés  de 
«  Varricrc-ban  ;  ce  qui  ne  semble  pas  raisonna- 
«  ble  quant  à  la  contribution  de  la  bourse.  Car 
'<  c'est  une  charge  réelle  que  les  fiefs  doivent  ;  et 
•'  es  dites  Ordonnances  ils  reçoivent  solde  pour  le 
«  service  qu'ils  font  à  la  guerre,  et  le  reçoivent  en 
'<  temps  de  paix  aussi  bien  comme  de  guerre  ;  dont 
•'  le  peuple  du  Tiers-estat  est  foullé  de  tant  plus  ; 
»  car  il  paye  les  tailles  pour  l'entretenement  de  la 
-•  Gendarmerie  »  (Coquille ,  Hist.  de  Nivernois , 
p.  H9.)  Alors  on  négligea  sans  doute  plus  que  jamais 
la  distinction  du  banei  de  Varrière-ban.  Enfin  le 
ban  ou  la  convocation  pour  le  service  ordinaire,  fut 
confondu  avec  Varrière-ban,  la  convocation  itéra- 
tive ,  la  convocation  générale  pour  un  service 
extraordinaire;  et  ces  deux  mots  souvent  réunis  si- 
gnifièrent en  général  «  convocation  pour  service  de 
"  l'ost.  >■  (Voy.  le  P.  Ménest.,  de  la  Chevalerie,  p.  199. 
—  DelaRoque.  Traité  du  Ban  et  Arrière-ban,  p.  45.) 

C'est  relativement  à  l'idée  d'fljvvn'f-fcaii,  convoca- 
tion générale  pour  service  extraordinaire,  qu'on  a  dit  : 

(i)  En  résumé,  la  propriété  fut  la  base  du  service  militaire  sous  les  deux  premières  races  :  les  hommes  libres  propriétaires 
d'un  missaticinn  voisin  de  l'ennemi  étaient  convoqués  par  le  missus,  et  partaient  après  la  proclamation  du  ban  au  prône  de 
Jeur  paroisse.  Les  réfractaires  payaient  17ié/'j6n.;,  amende  montant  souvent  à  60  sous  et  pouvant  atteindre  600  sous. 

Le  mot  héi-ihaii  reparait  au  temps  de  Philippe-le-Bel,  mais  on  ne  le  comprend  plus  ;  on  le  rapproche  à'urban  et  on  le 
transforme  en  arriéve-ban.  Ce  mot  composé  est  toujours  joint  au  mot  simple  ban,  dont  il  a  la  signification;  c'est  le  ban 
mérovingien  et  carlovingien,  levée  en  masse  {tunudtus)  s'appliquant  aux  nobles  et  aux  roturiers  ;  pour  guerroyer  en 
Gascogne  et  en  Flandre,  le  roi  a  besoin  dune  armée  et  d'argent  :  la  convocation  de  l'arricrc-ban  lui  donnait  l'un  et  l'autre. 
Il  offrait  de  partir  ou  de  payer  :  le  plus  souvent  on  pavait.  Ce  fut  là  l'orii^ine  d'abus  qui  amenèrent  la  décadence  de 
Yan-iére-ban  :  on  n'y  consentit  plus  que  dans  les  circonstances  graves,  et  Louis  XI  l'aurait  réuni  pour  la  dernière  fois. 

A  partir  du  xv  siècle,  le  ban  et  Yarriére-ban  n'est  plus  que  la  convocation  des  possesseurs  de  fiefs  qui  doivent  le  service 
militaire  gratuit,  (n.  e.) 


Li  loa  ses  consaus 

Que  mandés  fut  Varierebatis 
Des  gens  menues  et  des  grans. 

Ph.  Mouskes,  MS.  ji.  256. 

Se  il  m'estoit  nus  mestiers 

De  Sergans  ne  de  Cevaliers  ; 
Tous  li  arrierebans  venroit. 
Lues  que  mon  mesage  veroit. 

Id.  p.  147. 

En  doubtance  fut  qu'il  feroit, 
Et  se  à  .\rtus  se  combatroit, 
Ou  s'ariereba>i  atendroit. 

Riim.  de  Brut,  MS.  fol  9S,  V°  col.  2. 

On  voit  que  dans  ces  vers,  le  moi  arrière- ban 
signifie  la  réunion,  l'assemblée  des  personnes  géné- 
ralement convoquées  pour  un  service  extraordinaire. 

En  regardant  cette  assemblée ,  cette  réunion 
comme  un  dernier  effort  pour  la  défense  du  Roi  et 
du  Royaume,  on  aura  dit  figurémentd'un  Chevalier 
qui  réunissoit  toutes  ses  forces  et  les  rassembloit, 
qui  faisoit  les  derniers  efforts  pour  vaincre  un  rival 
et  réussir  dans  une  entreprise,  «  qu'il  monstroit 
■<  Varrière-ban  de  sa  force  ou  de  sa  prouesse  ;  que 
«  l'arrière-ban  de  sa  prouesse  «  venoit  à  son 
secours.  «  Voyant  le  Chevalier  sauvage  qu'il  avoit 
«  atTaire  à  ung  si  preux  Chevalier,  il  pensa  bien 
«  qu'il  lui  convenoit  monstrer  Varrière-ban  de  sa 
«  force.  »    Percef.  Vol.  III,  fol.  9.)  «  Lyonnel  du 

«  Glar pensa  que  à  ce  jour  monstrer  luy  con- 

«  venoit  Varriereban  de  toute  sa  proesse.  »  (Ibid. 
fol.  126.)  «  Au  besoing  de  vostre  emprise,  viendra 
«  au  secours  Varriereban  de  vostre  prouesse.  » 
(Ibid.  Vol.  V,  fol.  103.) 

Il  est  encore  possible  <iue  par  allusion  à  l'espèce 
d'hommes  qui  n'étant  sujets  qu'à  Varrière-ban , 
venoient  les  derniers  à  l'armée,  on  ait  désigné  le 
courage  et  l'intrépidité  de  quelqu'un  toujours  prêt 
à  marcher  des  premiers  à  l'ennemi ,  en  disant  qu'il 
ne  faisoit  pas  le  riereban. 

De  S'  Pol  est  là  Gui  le  Conte  : 
0  lui,  pour  Flamens  à  mort  rare, 
Raoul  de  Neele  son  frère. 
Cil  ne  sont  pas  le  riereban. 

G.  Gui.in,  MS.  fol.  234,  R-  el  V. 

Li  quens  d'Artois  est  à  main  destre... 
Lez  lui,  qu'à  péril  ne  li  tourge, 
Jehan  de  Henaut  son  serourge, 
Auquel  il  ot  celé  journée 
L'ordre  de  Chevalier  donnée. 
Cis  ne  fait  pas  le  riereban . 

Id.  ibid.  fol.  254,  V  el  255,  R-. 

On  n'ignore  pas  sans  doute  que  pour  les  Vassaux, 
les  Hommes  d'un  Seigneur  à  qui  il  étoit  dû  un 
service  militaire  et  personnel,  il  y  avoit  le  ban  et 
Varrière-ban  comme  pour  les  Vassaux,  les  Hommes 
du  Seigneur  souverain  (1).  (Voy.  D.  Lobineau,  Hist. 


àïl 


—  118 


AR 


de  Bretagne,  T.  II,  col.  947;  lit.  de  1420. —  Ane. 
Cûut.  de  Normandie,  fol.  G6,  R%  etc.) 

VARIANTES  : 
ARBAN.  La  Thaumassière,  Coût,  de  Berry,  p.  103. 
Arbaux  (plur.)  Du  Gange,  Gloss.  lat.  T.  III,  col.  1109. 
AniEREBAN.  Rom.  de  Brut,  MS.  fol.  93,  V»  col.  2. 
Arueban.  Ord.  T.  Il,  p.  530. 
Aruereban.  Ibid.  p.  320. 
AiîRiEREBAN.  Ph.  Mouskes,  MS.  p.  147. 
Erband.  Du  Gange,  Gloss.  lat.  T.  III,  col  1109. 
Eybamd  (lisez  Erband.)  La  Thaumass.  G.  de  Berry,  p.  697. 
Herban.  Percef.  Vol.  H,  fol.  50,  V»  col.  1. 
Herbault.  Rabelais,  T.  IV,  p.  219. 
Herbaut.  Id.  ibid.  p.  218  ;  note  de  Le  Ducliat. 
Herbal-x  (plur.)  Coût.  gén.  T.  II,  p.  578. 
Hereban.  Coquille,  Hist.  de  Nivernois,  p.  121. 
Heriis.vn.  Fauchet,  MU.  fr.  p.  114. 
Herisha.n'.  Borel,  Dict.  p.  260. 

HiEREBAN.  De  la  Roque,  Traité  de  l' Arrière-ban,  p.  45. 
Riereban.  D.  Lobineau,  Hist.  de  Bretagne,  T.  II,  col.  947. 

Arbitrage,  S!</vsL  wasc.  Pouvoir  déjuger  comme 
arbitre.  Avis,  jugement,  volonté.  La  signification 
avec  laquelle  ce  mot  subsiste,  n'est  pas  moins 
ancienne  que  l'acception  d"après laquelle  il  désignoit 
«  le  pouvoir  de  juger  comme  arbitre  ;  la  volonté  ou 
«  puissance  donnée  à  aucun  qui  entreprendre  le 
«  vouloit,  à  déterminer  et  prononcer  sur  le  débat 
«  des  Parties,  ce  que  raison  en  donneroit.  «  (Voy. 
Bouteiller,  Som.  rur.  liv.  Il,  tit.  m,  p.  693.)  Il  dési- 
gnoit en  même  temps  le  jugement  qu'en  conséquence 
de  ce  pouvoir  les  arbitres  qui  prenoient  connois- 
sance  de  l'affaire  soumise  à  leur  avis  et  inspection, 
prononçoient  ou  dévoient  prononcer  ;  puisque  le 
même  Jurisconsulte  ajoute,  qu'ayant  accepté,  ils 
étoient  «  contraints  à  procéder  avant  à  Varbitrage 
«  durant  le  temps  de  leur  pouvoir  ;  lequel  expiré, 
a  Yarbitrage  estoit  failly,  et  n"avoient  plus  de  pou- 
o  voir,  ne  plus  contraindre  on  ne  les  pouvoit  ne 
o  devoit  en  outre,  se  terminé  n'avoient  à  sentence 
«  diffiritive,  ou  appointement  entre  les  Parties.  » 
{Voy.  Id.  ibid.  p.  094.) 

On  a  restreint  à  cette  dernière  acception  l'usage 
d'un  mot  qui,  relativement  h  l'acception  générale 
du  latin  flj'b/7/v»?H,signifioitavis,  jugement,  volonté 
que  détermine  l'inspection  ou  la  connoissance  des 
choses.  C'est  en  ce  sens  qu'un  criminel  à  la  volonté 
de  qui  on  laissoit  le  choix  du  genre  de  mort  qu'il 
aviseroit,  qu'il  jugeroit  le  plus  doux,  étoitdit  mourir 
à  son  arbitrage.  ><  Celluy  milourl(l)  Anglois  auquel 
«  fut  fait  commandement,  pour  les  crimes  desquels 
«  estoit  convaincu ,  de  mourir  à  son  arbitraigc, 
«  estent  mourir  nayé  dedans  ung  tonneau  de 
«  malvesie.  »  (Rabelais,  T.  IV,  p.  14G.) 

VARIANTES  : 
ARBITRAGE.  Orth.  subsist.  -  Bouteiller,  Som.  rur.  p.  693. 
Abbitraige.  Rabelais,  T.  IV,  p.  UG. 

Arbitrateiir,  sitbst.  viasc.  Arbitre.  Quoique  les 
amiables  compositeurs  ou  appaiseurs,  les  arbitra- 
teurs  et  arbitres  eussent  tous  le  droit  de  connoitre 
d'une  affaire  soumise  à  leur  avis  et  inspection,  ils 
différoient  cependant  les  uns  des  autres  en  ce  que 
le  pouvoir  de  la  juger,  plus  limité  pour  «  l'amiable 


«  compositeur  ou  appaiseur  que  pour  l'arbitre,  » 
étoit  presque  absolu  dans  \' arbitrât cnr.  (Voyez 
Apaiselr  et  AniiiTRE.)  En  jugeant,  l'arbitre  observoit 
nécessairement  l'ordre  de  droict  :  »  l'amiable  com- 
«  positeur  ou  appaiseur  »  ne  jugeoit  que  du  con- 
sentement des  Parties  qu'il  mettoit  en  accord.  (Voy. 
Bouteiller,  Som.  rur.  liv.  11,  tit.  m,  p.  693  et  694.) 
Mais  Varbitrateur  étoit  un  juge  qui  pouvoit  ne 
consulter  que  sa  conscience  el  ne  s'assujettir  à 
d'autre  règle  que  celle  de  l'équité  naturelle. 
«  Arbitrateur,  si  est  celuy  qui  de  la  cause  est 
«  chargé  à  sa  conscience,  ordre  de  droict  gardé  ou 
«  non  gardé,  et  peut  les  Parties  appoincter  selon 
a  que  bon  luy  semble.  »  (Id.  ibid.  p.  69i.) 

On  conçoit  la  possibilité  que,  même  avec  l'idée 
de  ces  distinctions,  idée  qui  sans  doute  fut  souvent 
confuse,  la  personne  nommée  pour  connoitre  d'une 
affaire  et  la  juger,  fût  tout-à-la  fois  arbitre,  arbitra- 
teur et  amiable  appaiseur  ou  appaisenteur.  Alors 
la  forme  du  jugement  indiquoit  en  quelle  qualité  il 
étoit  prononcé.  «  Monseigneur  Jehan  Aubignet, 
«  abbé  de  S'  Jehan  de  Laon,  arbitre,  arbitrateur, 
«  et  amijable  appaisenteur,  prins  et  esleu  par  noble 
«  homme  Charles  de  Longueval,  etc.  »  (D.  Carpen- 
tier,  Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du  Cange,  T.  I,  col.  273; 
tit.  de  1489.) 

Arbiti'ation,  subst.  fém.  Avis,  volonté.  On 
étoit  puni  à  Varbitration  de  Justice ,  lorsque  la  Loi 
laissoit  à  la  volonté  des  Juges  le  droit  de  prononcer 
telle  punition  qu'ils  aviseroient  être  proportionnée 
à  un  délit.  «  Requièrent  les  Gens  des  Estais  estre 

«  remboursez  de  plusieurs  sommes  de  deniers 

«  payées  à  aucuns  Commissaires  particuliers 

«  pour  illicites  exactions  ;  et  que  lesdits  Commis- 

«  saires pour  l'injuste  exaction  d'iceux  soient 

«  punis  à  Varbitration  de  Justice.  »  (Godefroy, 
Observ.  sur  THist.  de  Charles  VIII,  p.  415.  —  Voy. 
Ardithage  et  Arbitrement.) 

Arbitre,  subst.  masc.  Arbitre  compromission- 
naire.  Inspection,  avis.  Jugement,  volonté,  arbitrage. 

Anciennement  le  mot  arbitre,  en  latin  arbiter, 
dont  la  signification  actuelle,  en  termes  de  Droit,  n'est 
pas  moins  générale  que  l'étoit  celle  du  mot  inusité 
arbitrateur,  désignoit  spécialement  un  arbitre 
eoinpromissionnaire,  un  arbitre  que  le  compromis 
obligeoit  de  juger  conformément  à  la  règle  du 
Droit.  «  Arbitre  ne  peut  et  ne  doit  en  la  cause  à  luy 
«  submise,  procéder  autrement  que  par  ordre  de 
«  droict  gardé,  selon  qu'il  est  allégué  ou  prouvé 
«  devantluy  :  car  nul  traicté  n'y  peut  ne  doit  faire 
«  non  plus  que  feroit  le  Juge,  ne  plus  ne  doit  avoir 
«  de  faveur  à  une  partie  qu'à  l'autre  ;  mais  tout 
«  laisser  aller  selon  la  reigle  de  Droict.  »  (Bouteil- 
ler, Som.  rur.  liv.  II,  tit.  m,  p.  693  et  694.  —  Voy. 
Arbitrateir  et  Arbitreus.) 

Ce  même  mot  arbitre,  en  \aiin  arbitrium,  àan& 
un  sens  relatif  à  l'étymologie  latine,  signifioit  avis, 
inspection;  jugement,  volonté  que  détermine  la 


(1)  Le  duc  de  Clarence,  frère  d'Edouard  VI.  (n.  e.) 


AR 


—  119  — 


^  IP,?,    nh';^'^""^''^^'^  j"^'«  ^t  raisonnable. 

Lej't  bi  bs.de  ou  aide sera  levée  et  cuillie  du 

«  ton  .  et  gardée....  au  proffit  commun  de  touz 
'  \^fr^  P"!'  ^}-  ''-'^"lé  par  l'ordenance  et  arbitre 
"  des  Genz  desd.z  pais.  ,.  (Ord.  T.  m,  p.  G8G 

Ln  termes  de  Jurisprudence,  se  mettre  en  arbitre 
ce  oit  se  mettre  en  arbitrage;  soumettre  à  iS 
due  personne,  ù  son  inspection,  la  chose  dont  on 
L,S"if  ^■'"f ''^'P'"^'  en  avoir  pris  connois- 

!  Los  HVF.Ç.f  ""'  1T  "  ^^^''  "^  J'  convensde 
«  LOS,  et  h  Eskevm  et  h  communiiez  de  Biéthune 

"  K;/!"/''T    ^''  '^  "^^'""^  assenleuS  en 

fC  -P    "°^n"  H ''"''    Margherite    conlesse    de 

«  Handie.  »  (Duchesne,  Hist.  généal.  de  la  M  de 

Bethune  pr.  p.  145  ;  tit.  de  1270.  -  Vov  Arbitra- 

TION  et  ARIilTREMENT.)  ^     AKKITRA 

etdifncilfr/.S^^  ''^  ''  naturellement  défiant 
et  dill  ule  à  satisfaire,  que  toujours  on  croira  rai- 
sonnable 1  ancien  proverbe  :  .<  Fol  est  Tbomme  aûi 
.<  de  son  mantel  se  met  en  arbitre;  car  clé  le4r  â 
«  la  moyclie  perdue.  »  (Percef.  Vol.  IV  fol   ifi) 

«inV.'V'P?''^'^'',®'''"^^^"^'^  »^'ec  quelle  analogie  de 
signilicalion,  la  volonté  par  laquelle  on  se  d^tpV 


AR 


en  latin  Arl^orosa  (2).  (Voy.  llfnt^l^TAZil'r' 

Arborateur,  subst.  masc.  Planteur  d'arhrpc- 
Pepinienste.  (Voy.  Cotgrave,  Dict.)  fl^'hies, 

Arborer,  verbe.   Planter  haut    et   dmit  ^  lo 

d-après  laquelle  le'stSlant    a.^rt  InuS'Sor 
designoit  une  enseigne,  un  éte.Ed  \loy  IÏr Ti 

Si  1  on  en  croit  Pasquier,  c'est  à  Vamira    3e  cmmV 
•  Ordonnances    q\'é   fi  ^'adm  ?al    de    ciZ^f^ 

se^??S^1^ts'lï;?L'Sc"£^^' "■^"- 

a.Kdogue  à  celui  ^u  SbSîf'^^ï;,.^'  ^,?'i  ^^. 

pesSâ    levép-pf-  ,'  ^'^'''  '''^-'  ^^"«'"«"t  eml 

pestnce,  ie\ee  et  close  que  on    n'y  oeut  ailpp 

"  ''^,  P'çd   ny  ù  cheval;  et  qui  plus  est  s'efforpp 

«  d  y  planter,  arborier,  et  nourrir  haj^  à  lin  0^^ 

iii.  xxii,  p.  111.  _  Voy.  Arboirie.)  ' 

Arboriser,  verbe.  Chercher  à  connoître  H 
nature  et  a  vertu  des  plantes;  chercherdes  p  antes 
On  ne  croit  point  qu-arboliser  et  arbo  S  soient 
des  al  erations  ûlierboriser  et  herboriser  yerhel 
iïSf  la.infpf/^.'"^'  ''''  f'^'"'"*^^  de/,?S(3rd  ?n'! 

r\v>.  M-  ^^'  ^u'^'*^^  <^^"s  arboriste  et  arboliste 
Aoy  Ménage,  Observ.  sur  la  Lang.  Fr.  p  31  e  32  ) 
Il  est  plus  vraisemblable  qu'en  étendant  l'accention 
t  '"^^»''f  .arbre,  en  latin  arbor.  à  tou  e  eTpèce 
de  plante  boiseuse  ou  non  boiseuse,  on  en  a  Sa 
forme  le  verbe  primitif  «rôor/sé-r,  qui  sî?niSt 
«  chercher  à  connoitre  la  nature  et  la  vertu  les 

"  hShf  '  'V''  r^^"'^^'''"^'  «^es    arbustes    et  des 
"  herbes  ;  chercher  à  connoitre  la  nature  et  la  vertu 

."  Pa;sa'us''n'nr''''''i''''"   ""''  P'^"'^^  en'yineVaL 

passants  par  quelcques  prez  ou  aultrês  lieux 

«  herbus  visitoient  les  arbres  et  plantes      e    en 

.  emportoient  leurs  pleines  mains  au  log  s    des- 

«  quelles  avoit  la  charge Rhizotome,  ensemble 

"  des.      instruments  requis  à  bien  arboriSr^ 
'  «  S  11  advenoit  que  l'aer  feust  pluvieux  et  intem': 


„^^^,^^^^^^^l^^,subsl.  m«sc.  Arbitrage  Le  verbe 
arbitrer  qui  subsiste,  n'est  pas  moins  ancieS  dans 
notre  langue  que  le  substantif  arbitretSlTln 
eto.t  forme,  «  Sur  les  amendes  de  ceux  dan  ai  es  s2 
«  m.strent-.l  en  le  arbitrement  Aq  tiel  et  de  tiel 

«ll4^s  riSî^?'iSie;i!i~ 

îrdS:^^^y!1^^5^-^^'^-'-S^: 

Arboirie,  subst.  fém.  Arbres  et  arbrisseaux- 
,e  mot  arbome  étoit  un  nom  collectif  d'aibres  de 

ÏS'S^^-^^ï""^?'p-PP-'^'^^-^eK;rs 
parmi  la  terre  desquels  ces  rivières  passent  «Leurs 
«  terres  et  seigneuries  vont  jusques  en  l'eaue  pÎ 
«  ont  la  couppure  des  ronsses  ilarboirtekne 

:  si'SnS"  S£?"î^f^(i)"^PO""-oSu'passe  • 
"M  g  ana    arboirie   ny   doivent    laisser    mrnn 
«  y  puisse  tramer  ;  et  s'ils  ne  le  fa  so  e      [es  traU 
«  leurs  le  pourroient  faire  et  coupper  si  avant  aûe 

rinnli*^™'^^'^""  ^,^"^  '^e  mot  arboirie,  formé  sans 
doute,  comme  arbrorie,  du  latin  arbor,  ^1  f"anyois 

f  s     ,      i  ui.  a  ou\  e  la  lome  arboUsta,  jardinier  pour  les  arbres,  (n.  e.> 


AR 


120  — 


AR 


«  péré,...  au  lieu  à'arboriser  visiloient  les  bouli- 
«  ques  des  Drogueurs,  Herbiers  et  Apolhecaires.  " 
(Rabelais,  T.  I,  p.  167,  IGO  et  171.  —  Voy.  Cotgrave 
et  Oiidin,  Dict.)  Ainsi,  le  verbe  herboi'iser  qui 
subsiste,  pourroit  être  une  altération  de  l'ancien 
verbe  arboriser.  (Voy.  ÂRnoiusTi;.) 

VARIANTES  : 
ARBORISER.  Rabelais,  T.  I,  p.  171. 
Arboliser.  Ménage,  Observ.  sur  la  Lang.  Fr.  p.  31  et  32. 
Arborizer.  Rabelais,  T.  I.  p.  168. 

Herboliser.  Ménage,  Observ.  sur  la  Lang.  Fr.  p.  31  et  32. 
Herboriser.  Orth.  subsist.  —  Monet,  Ménage,  Dict. 

Arboriste,  subst.  masc.  Qui  cherche  à  con- 
uoitre  ou  qui  connoît  la  nature  et  la  vertu  des 
plantes.  Il  semble  qu'on  ait  méconnu  la  possibilité 
d'étendre  l'acception  du  substantif  arbre,  à  toute 
espèce  de  piaule,  lorsqu'à  raison  de  ce  que  les 
arbres,  les  arbrisseaux  et  les  arbustes  intéressoient 
moins  que  les  herbes  ou  les  simples,  la  curiosité 
des  Botanistes,  on  a  imaginé  qu'au  lieu  à'arbortste 
et  d'arboriser,  il  falloit  écrire  herboriser  et  herbo- 
riste. On  prouve  cependant,  par  une  citation  de 
Rabelais,  qu'arboriser,  c'étoit  visiter  les  arbres  et 
plantes  ;  par  conséquent  les  heibes,  les  simples, 
dont  la  connoissance  est  l'objet  plus  particulier  de 
la  Botanique.  (Voy.  Auboriser.) 

De  là,  arboriste  aura  signifié  la  même  chose  que 
herbeur,  herbier,  et  herbiste,  mots  formés  du 
substantif  herbe  ;  mais  dans  herboriste,  on  ne  voit 
qu'une  altération  du  mot  primitif  arboriste.  «  Her- 
B  boriste  qui  est  aujourd'hui....  le  seul  mot  d'usage 
«  ne  s'est  introduit  que  par  la  réflexion  qu'on  a  faite 
«  que  puisque  c'étoient  les  herbes  qu'on  cherchoit 
«  et  non  pas  les  arbres,  on  devoit  écrire  herboriste 
«  et  non  pas  arboriste  :  en  quoi  l'on  n'a  pas  pris 
«  garde  que  les  deux  dernières  syllabes  du  mot  sont 
«  des  preuves  convaincantes  de  l'ancienne  ortho- 
«  graphe.  »  (Rabelais,  T.  1,  p.  1G8;  notedeLeDuchat.) 

On  trouve  l'ancienne  orthographe  arboriste  (1), 
dans  les  Fables  de  la  Fon laine  (liv.  v,  édit.  de  1678.) 
Un  loup,  feignant  de  croire  malade  un  cheval  qu'on 
a  mis  au  vert,  s'offre  à  le  guérir  en  disant  qu'il 
connoît  la  nature  et  la  vertu  des  simples  de  la 
prairie  :  mais  une  ruade  le  force  à  se  donner  à  lui- 
même  cette  leçon  : 

Chacun  à  son  métier  doit  toujours  s'attacher; 
Tu  veux  faire  ici  VArhorisie, 
Et  ne  fut  jamais  que  Boucher. 

VARIANTES  : 
ARBORISTE.  Ménage,  Observ.  sur  la  Lang.  Fr.  p.  31. 
Arboliste.  La  Grant  Nef  des  Fous,  fol.  3G,  édit.  de  1499. 
Hebboliste.  Ménage.  -  Dict.  Etym.  au  mot  Herboliser. 
Herboriste.  Orth.  subsist.  -  Nuits  de  Strap.  T.  II,  p.  426. 

Arbre,  subst.  masc.  et  fém.  Bois.  La  substance 
qui  forme  le  corps  des  arbres  et  sert  à  bâtir. 

Desous  la  tour  descent  el  porce  (2)... 
Rien  n'i  avoit  qui  aine  fiist  d'arbre; 
Car  il  estoit  tos  fai.s  de  marbre. 

Siéiçe  de  Thèbes,  MS.  du  R.  n-  6987,  fol.  38,  R-  col.  3. 


En  se  conformant  à  la  règle  d'après  laquelle  on 
rapproche,  autant  qu'il  est  possible,  un  mol  de  tous 
ceux  dont  il  est  l'origine,  on  auroit  dû  pour  la 
rédaction  de  l'article  entier,  préférer  à  l'orthographe 
abrc,  l'orthographe  primitive  arbre;  et  d'un  seul 
coup-d'œil  on  en  auroit  vu  naître  arbreau,  arbres- 
seau,  arbroisel,  abrisel;  arbret  d'où  le  verbe 
arbreter  ;  arbreus;  arbri,  ou  abri  d'où  le  verbe 
abrier  ;  les  substantifs  arbrier  ou  abrier,  arbriere, 
arbroie,  arbrorie,  etc.  (Voy.  Abre,  Abri,  Abrier  et 
Abrisel.) 

variantes  : 

ARBRE.  Orth.  subsist.  -  S'  Bern.  Serra,  fr.  MSS.  p.  50. 

Airbre.  Chans.  fr.  MS.  de  Berne,  n»  389,  fol.  119. 

Arbreau,  subst.  masc.  Petit  arbre  ou  arbris- 
seau. (Voy.  Cotgrave,  et  Rob.  Estienne,  Dict.) 

Arbresseaii.  subst.  masc.  Arbrisseau.  Les 
orthographes  arbruissel  elarbraissiau sont  un  sup- 
plément à  l'article  abrisel,  on  le  pluriel  ar/^rcssctii/a; 
est  une  faute  pour  arbresseaulx,  qu'on  trouve  dans 
Molinet  (Poës.  p.  177.  —  Voy.  Abrissel.) 

VARIANTES    : 
ARBRESSEAU.  Molinet,  p.  177. 

Arbr.\issiau.  Lettre  du  patriarche  de  Jérusalem,  fragm. 
MS.  de  la  Clayette,  p.  114,  col.  1. 
Arbruissel.  D.  Carp.  S.  Gl.  1.  de  Du  C.  au  mot  Arboreta. 

Arbret,  subst.  mnsc.  Petit  arbre.  Fût  d'arbalète. 

La  signification  d'arbret  est  la  même  que  celle 
d'arbreau,  petit  arbre,  dans  le  passage  suivant: 
«  Quand  voslre  faucon  sera  fait  et  reclamé,  toutes 
«  les  fois  que  vous  le  leurrerez,  jettez  luy  le  leurre 
a  en  quelque  arbret,  ou  petit  buisson,  afin  qu'il 
«  aprennedesoiarresteretde  prendre  la  branche.  » 
(Arteloque,  Fauconnerie,  fol.  91.  —  Voy.  Arbreau.) 

On  a  nommé  arbrels,  des  branches  de  chêne  pré- 
parées en  façon  de  petits  arbres,  pour  y  tendre  des 
gluaux  et  prendre  les  pinsons.  «  Ces  arbrets  au 
"  nombre  de  trois  ou  quatre,  faits  en  trépied  aussi 
«  comme  à  dix  pieds  l'un  de  l'autre,  doivent  être 
«  de  branches  de  chêne  et  n'être  mie  si  haulx  que 
«  l'en  ne  puisse  bien  avenir  au  coupel  (3)  pour  les 
.<  gluer.  »  (Modus  et  Racio,  fol.  184-185.  —  Voy. 
Arbreter.) 

Quelquefois  abret,  comme  altération  de  l'ortho- 
graphe arbret,  désignoit  le  fût  d'un  arbalète,  nom- 
mée plus  souvent  abre  ou  arbre,  abrier  on  arbrier. 
«  Ainsi  que  le  Suppliant  ot  tendue  son  arbalestre 
«  et  couchée  la  vire  sur  l'abi'ier,....  ne  scet  se  la 
«  dite  vire  estoit  couchée  sur  le  cours  de  Vabret  de 
«  sa  dite  arbalestre-  »  (D.  Carpentier,  Suppl.  Gloss. 
lat.  de  Du  Gange,  T.  1,  col.  274;  tit.  de  1429.  — 
Voy.  Abre  et  Abrier.) 

VARIANTES   t 

ARBRET.  Modus  et  Racio,  MS.  fol.  184,  V". 

Abret.  D.  Carp.  S.  Gl.  1.  de  Du  Cange,  T.  I,  col.  274. 

Arbreter,  i>erbe.  Tendre  des  gluaux.  Préparer 
en  façon  de  petits  arbres  ou  d'arbrets  des  branches 


(1)  Ce  mot  est  à  la  fois  un  archaïsme  et  un  néologisme  :  le  peuple  l'emploie  encore  pour  herboriste,  et  quelques  personnes 
en  font  le  synonyme  de  pépiniériste,  (n.  e.)  -  (2)  Porche  (.porticus),  vestibule  soutenu  ou  non  par  des  colonnes,  devant  les 
églises  et  les  palais,  (n.  e.)  -  (3)  En  bas-latin  cupci,,  branches,  sommet  d'un  arbre,  (n.  e.) 


AR 


—  121  — 


AR 


de  chêne  sur  lesquelles  on  prend  les  pinçour  en 
leur  tendant  des  gluaux.  De  là,  l'ancienne  expres- 
sion arhreter  aiix  pinsons,  qui  signifie  un  de  ces 
amusemens  qu'on  nommoit  Zts  déduits  aux  pau- 
vres. (Modus  et  Racio,  ms.  fol.  IGl.  —  Voy.  Arbret.) 

Arbreus,  adj.  Planté  d'arbres  ;  garni  d'arbres. 
C'est  en  ce  sens  qu'on  disoit,  vallées  arbreuses, 
arbrctises  forêts,  bocage  arbreus.  (Voy.  Epilhètesde 
M.  de  la  Porte.  —  Poës.  d'Amadis  Jamin,  fol.  21),  V". 
—  Œuv.  de  Ba'if,  fol.  52,  V°.) 

Arbrière,  subst.  fém.  Arbres  et  arbrisseaux. 
Nom  collectif  d'arbres  et  arbrisseaux  formant  une 
haye.  «  Ti'ouva  quatre  escus  d'or,  lesquelz  il  enterra 
«  au  pié  d'un  chesne,  en  V arbrière  ou  baye  de  bois 
«  de  Pousiniere.  »  (D.  Carpenlier,  Suppl.  Gloss.  lat. 
de  Du  Cange,  au  mol  Arborela;  tit.  de  1457.) 

Ai'brisselet,  subst.  niase.  Petit  arbrisseau. 
Arbrisseau  tel  que  le  groseillier.  On  a  désigné  la 
qualité  aigre  et  acide  du  fruit  du  groseillier  rouge, 
en  le  nommant  arbrisselet  d'aigreur.  (Cotgrave, 
Dict.  —  Voy.  AiiRisEL.) 

Arbroet,  subst.  masc.  Lieu  planté  d'arbres  de 
la  nature  de  l'aune,  du  saule,  etc.  Peut-être  faul-il 
lire  arboret,  en  latin  arborctum  ;  mot  qui,  dans  un 
extrait  du  troisième  registre  des  Coutumes  de  la 
franche  forêt  de  Mourmal,  paroît  signifier  «  un  lieu 
«  planté  d'arbres  de  la  nature  de  l'aune,  du 
••  saule,  etc.  »  comme  dans  une  charte  de  l'an  1402, 
citée  par  D.  Carpenlier,  (Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du 
Cange,  T.  I,  col.  273,)  le  mot  arboreta  signifie 
salicium,  en  françois  saussaie'?  «  Pour  avoir  fait 

«  faire plusieurs  laignes  (1)  d'aulnes,  commen- 

1  çant  à  l'aulnoye  desseure  la  blanche  fontaine, 
«  depuis  les  arbroets  venants  du  long  trouver 
«  Aletruyr  et  venant  passer  au  bicquet  Mallerir,  et 
«  d'illec  aux  fossez  des  autels  ;  desquelles  il  en  a 
«  vendu  aucunes,  et  les  autres  mené  à  ses  cau- 
«  fours,  etc.  »  (Coût,  de  Landrecies,  au  Nouv. 
Coût.  gén.  T.  II,  p.  269,  col.  1.) 

Arbi'oie,  subst.  fém.  JNom  collectif  d'arbres 
formant  une  forêt,  un  bois,  un  taillis,  un  bosquet, 
un  bocage,  etc.  On  nommoit  en  ce  sens  rt?'/i)'0|/<?  une 
forêt,  un  bois,  un  taillis,  etc.  «  Il  vint....  à  une 
"  forest  que  ceux  du  pays  appelloient  VArbroye.  » 
(Lanc.  du  Lac,  T.  II,  fol.  65.)  ••  Les  racines  qui  re- 
"  mestrent  en  la  terre,  engendrèrent  d'eles-meismes 
«  granz  arbroies  autretelles  comme  perches.  » 
(Hist.  de  Charlemagne,  ms.  de  la  Clayette,  p.  94.) 

I,a  lune  luist  parmi  Varhroie. 

Parton.  de  lilois,  MS.  de  S.  Gerra.  fol.  163,  V  col.  3. 
L'autre  jour  me  chevauchoie 
De  lès  une  grant  arbroie; 
Si  pi'arestoie  un  petit. 
Si  com  dedens  esgardoie, 
Vi  pucèle  simple  et  coie 
Qui  disoit  par  grant  despit  : 


Il  jut  anuit  en  mon  lit, 
Nuetement  en  mes  bras, 

Li  chaitis,  las  ! 
A  pou  que  je  n'ai  tout  dit  : 

Mal  feu  (2)  soit  il  ars  ; 

Trop  est  couars. 

Chans.  fr.  MS.  de  Doubler,  fol.  301,  V°  col.  1. 
Parmi  cèle  a>-broie, 
Cil  oisèlon  s'envoisent 
Et  mainerit  grant  baudor. 
Quant  j'oi  là  leur  joie, 
Por  riens  ne  m'i  tendroie 
D'amer  bien  amors. 

Ane.  Poèt.  Fr.  MSS.  avant  1300,  T.  IV,  p.  1448. 

Ces  derniers  vers  font  partie  d'une  chanson 
attribuée  au  comte  Thibaut  par  M.  delà  Ravalière, 
qui  a  écrit  arboie  pour  arbroie.  (Voy.  Poës.  du  Roi 
de  Navarre,  T.  II,  p.  95.) 

VARIANTES  : 
ARBROIE.  Siège  de  Troye,  MS.  du  Roi,  n»  6987,  fol.  92. 
Arboie.  De  la  Ravalière,  Poës.  du  R.  de  Nav.  T.  II,  p.  95. 
Arbrove.  Lanc.  du  Lac,  T.  II,  fol.  0.5,  R»  col.  I. 

Arbroier,  subst.  masc.  Nom  collectif  d'arbres. 

Peut-être  pépinière.  «  Courtieux où  on  fait 

«  plusieurs  labourages  de  vignes,  à'arbroiers,  et 
«  d'autre  semence.  ■•  (Bouteiller,  Som.  rur.  liv.  II, 
tit.  X,  p.  794.) 

Arbi'orie,  subst.  fém.  Bois,  forêt.  Lorsque  la 
forêt,  le  bois  ou  lieu  planté  d'arbres  étoit  très  cou- 
vert, «  c'étoit  une  arbrorieespesse  de  grans  arbres.  » 
(Percef.  Vol.  I,  fol.  99.) 

Arhroys,,  subst.  masc.  plur.  Arbres  et  arbris- 
seaux. Nom  collectif  d'arbres  et  arbrisseaux  qui 
croissent  au  bord  des  rivières,  et  dont  l'eau  baigne 
les  souches  et  les  racines.  Probablement  dans 
l'Ordonnance  des  Eaux  et  Forêts,  que  cite  D.  Car- 
penlier, d'après  un  ms  du  Roi,  la  défense  de  battre 
aux  arbroys,  est  relative  aux  moyens  usités  par  les 
Pêcheurs,  pour  attirer  dans  leurs  filets  le  poisson 
auquel  les  souches  et  racines  de  ces  aibres  et 
arbrisseaux  servent  de  retraite.  «  Que  l'en  ne  batte 
«  aux  arches,  ne  aux  gors,  ne  aux  arbroys.  » 
(D.  Carp.  S.  CI.  lat.  de  Du  Cange,  au  mot  Arboreta  (3).) 

Il  est  évident  que  le  mot  ables,  altération  du 
pluriel  abres  ou  arbres,  étoit  de  même  signification 
qu'arbroys,  lorsque  Charles  VI,  par  son  Ordonnance 
du  1"'  mars  1388,  défendoit  «  d'abattre  aux  arches, 
«  ne  aux  gors,  aux  ables.  «  (Voy.  Ord.  T.  VII,  p.  779.) 
L'article  lxxh  de  l'Ordonnance  de  1402,  citée  par 
D.  Carpenlier,  réitère  la  même  défense;  mais 
croiroit-on,  sans  l'autorité  du  ms.  du  Roi,  qu'au 
lieu  de  ces  mots  gors  et  arbres  ou  arbroys,  un 
copiste  inattentif  et  ignorant  ait  écrit  gros  herbes 
ou  seulement  herbes,  comme  on  lit  (Ord.  T.  VIII, 
p.  535  ;  et  Gr.  Coût,  de  Fr.  p.  73,  édit.  de  1598.)  On 
sait  que  les  gors  ou  gords  (4)  sont  des  pêcheries 
construites  dans  les  rivières. 

Arc,  subst.  masc.  Arc,  arbalète.  Arc  de  triomphe. 
Arcade,  voûte,  cintre,  enfoncement  cintré.  Partie 


(1)  Cordes  de  bois^  bois  en  corde  ;  en  latin  ligna.  -  (2)  Malè  falutus,  le  mal  fortuné,  le  malheureux,  (n.  e.)  -  (3)  C'est  la 
racine  du  mol  étudie  :  de  même  suliccliini  fait  saussaie  ;  alnetum,  aulnoy.  (n.  e.)  -  (4)  En  latin  gurges  ;  ce  mot  est  resté, 
sous  la  forme  younis  en  Nivernais,  prés  de  Decize  :  il  désigne  des  étangs  profonds  et  poissonneux.  (N.  e.) 

II.  16 


AR 


122  


AR 


du  corps  d'un  clieval,  d'un  chien;  les  jambes  ou 
partie  des  jambes  de  devant.  S'il  est  vrai  que  baliste 
ou  bah'ate  soit  formé  du  grec  />'«;i;iQ),  l'usage  de  l'arc 
avec  lequel  on  lançoil  les' traits  nommés  llèches,  ou 
les  pierres  nommées  jalets,  semlile  avoir  été  désigné 
par  l'expression  arc  à  baleste,  doù  le  mot  composé 
arbaleste.  (Voy.  Ahii^u-este.)  On  omettoit  celte  dési- 
gnation assez  "inutile,  en  disant  arc  à  flèches,  arc  à 
jalets.  (Borel,  Rob.  Eslieune  et  Nicol,  Uict.  — 
Voy.  Arcajalet.) 

Les  arcs  à  tour,  distingués  des  arcs  de  main  et 
de  COI  ps,  étoient  les  arcs  qu'on  bandoit  avec  un 
tour,  uu  moulinet,  comme  les  arbalètes  qu'on  ne 
pouvoit  bander  aux  reins.  «  Pour  double  de  mort 
«  s'enfuyrent  en  l'autre  tour  à  garant,  où  ilz  firent 
«  par  force  d'Archiers  et  Arbalestriers  reculer  :  car 
«  ils  avoient  leanz  plusieurs  arbalestes  et  ars  à 
«  tour.  Si  gariterenl  leur  dite  tour,  etc.  »  (Hist.  de 
B.  du  Guesclin,  par  Ménard,  p.  iSi.) 

On  nommoit  les  arcs  faciles  ù  bander  sans  tour 
ou  sans  moulinet,  arcs  de  main,  arcs  îi  main,  et 
plus  anciennement  arcs  maniers. 

Plus  que  ne  giete  un  ars  matiiers, 
Les  envoient  fuiant  ariers. 

Alhis,  US.  fol.  79,  R-  col.  1. 

«  La  longueur  d'un  arc  de  main,  qu'on  faisoit 
«  d'yf  ou  d'autre  bois,  éloit  au  moins  de  vingt  poi- 
«  gnées,  de  l'une  ousche  où  la  corde  se  metjusques 
«  à  l'autre.  Quand  Yarc  étoit  tendu,  il  y  avoit  entre 
«  l'arc  et  la  corde  qui  étoil  de  soye,  tout  les  cinq 
«  doigts  et  la  paume  large.  La  flèche  ayant  en  lon- 
"  gueur  huit  poignées,  dès  la  bosce  de  la  coche 
«  derrière  jusqu'au  barbel,  étoit  garnie  d'un  fer 
«  long  de  cinq  doigts,  et  large  de  quatre,  au  bout 
<•  des  barbiaux  ou  pennons.  »  Ces  proportions 
n'étoient  pas  si  invariables  qu'elles  ne  pussent 
avoir  plus  de  longueur,  puisqu'en  parlant  de  ce 
même  arc  qu'on  tendoit  à  la  main  ,  on  a  dit  qu'«  il 
«  devoil  avoir  de  long  entre  la  coche  du  bout  de 
«  hault  jusques  à  celles  du  bout  d'embas  vingt-deux 
«  poignées,  etc.  «(Voy.  Chasse  de  Gaston  Phébus,Ms. 
p.  324  et  325.  —  Modus  et  Racio,  ms.  fol.  72  et  73.) 
L'expression  «  faire  les  buissons  aux  arcs,  »  signifie 
les  préparatifs  de  la  «  chasse  îi  l'arc  de  main,  »  ou 
tout  simplement  de  la  chasse  ii  l'arc.  (Voy.  Modus 
et  Racio,  ubi  supra.)  On  a  la  preuve  qu'à  la  guerre, 
comme  à  la  chasse,  on  se  servoit  d'arcs  de  main 

ou  d'arcs    à    main.   «Commencèrent  à   tirer 

«  d'arbalestres  et  arcs  à  main  très-fort  contre  leurs 
«  ennemis.  >•  (Monslrelet,  Vol.I,  ch.ccxvii,  fol.287.) 

Il  est  probable  que  l'arc  de  corps  étoit  l'arbalète, 
espèce  d'aj-c  dont  les  Turcs  paroissent  avoir  été  les 
inventeurs  (1).  Les  Chrétiens,  qu'on  croit  n'avoir 
connu  l'usage  de  cet  arc  et  ne  l'avoir  emprunté  des 
Turcs  qu'au  retour  de  la  première  croisade,  l'auront 
nommé  par  celte  raison  arc  turquois.  On  ajoute 


qu'avec  l'arc  turquois,  autrement  Tare  de  corpSj on 
lançoitdesiiuarreaux,  espèce  de  tlèches  plus  particu- 
lièivs  à  faibalèie  qu'à  toute  autre  espèce  d'arc.  «  Les 
"  Seigeans  prindrent  leurs  ars  turquoijs  (2)  et  s'en 

«  vindrent  tous  renger  devant  la  porte  du  Chastel 

<(  GadilTer  et  le  Tors,  Lyriope  et  Lisane....  jouoient 
«  h  tables....  Mais  ainsi  que  Lyriope  jecloit  les  dez 
«  sur  le  tablier,  ung  Sergent  tira  d'ung  arc  de 
«  corps  par  dedans  la  tour,  et  ferit  contre  le  mur. 
<•■  Lors  cheurentquarreauxsurla  main  de  Lyriope.  » 
(Percef.  Vol.  I,  fol.  81,  R»  col.  1.) 

Quant  en  Chippre  furent  venu, 

Il  recouvrèrent  à  planté 

De  vivres  à  leur  volenté  ; 

Armes,  chevaux,  artillerie, 

Pour  mettre  dedenz  leur  navie  ; 

Ars  turquois,  angins  et  briquoles,  etc. 

G.  Macliaut,  piise  d'Alaxaudrie.  MS.  fol.  217. 

Cet  arc  turquois,  probablement  le  même  que 
l'arc  de  corps,  différoit  peut-être  de  f  aî'c  à  main, 
en  ce  que  la  force  du  bras  ou  de  la  main  étant 
insuffisante  pour  le  bander,  on  y  employoit  toute 
la  force  du  corps.  Il  seroit  possible  aussi  que  par 
la  raison  qu'un  arc  tendu  avec  la  main  est  tendu 
avec  partie  de  la  force  du  corps,  on  eûl  nommé 
indifféremment  nrc  de  corps  ou  arc  de  main,  toute 
espèce  d'arc  qu'on  bandoit  sans  tour  ou  sans 
moulinet.  Ainsi  l'arc  de  main  dont  on  a  parlé,  étoil 
comme  l'arc  de  corps,  un  arc  turquois.  «  Puet-on 
«  prendre  les  bestes  à  traire  aux  arcs,  et  à  l'arba- 
«  leste,  et  à  Varc  de  main  que  on  appelle  turquoys.  » 
(Chasse  de  Gaslon  Phébus,  ms.  p.  324.) 

On  nommoit  ce  même  arc,  un  arc  anglois; 
dénomination  qui  semble  désigner  l'adresse  avec 
laquelle  on  se  servoit  en  Angleterre  de  l'arc  de 
main  ou  de  l'arc  turquois,  qu'on  croit  être  l'espèce 
d'arbalète  propre  aux  Turcs,  et  dont  les  Anglois 
furent  les  premiers  à  renouveler  l'usage  interdit 
aux  Chrétiens  par  les  Papes.  «  L'a/"c  de  main  que 

«  on  appeWc.  Anglois  ou  turquoys doit  avoir  de 

«  long,  etc....  Des  arcs  ne  scay-je  pas  trop  :  mais 
«  qui  plus  en  vouldra  sçavoir,  si  aille  en  Angleterre  ; 
«  car  c'est  leur  droit  mestier.  »  (Chasse  de  Gaston 
Phébus,  MS.  p.  324  et  329.) 

L'arbalesle  étant  une  espèce  d'arc,  on  la  com- 
prenoit  souvent  avec  l'arc  de  main,  le  même  que 
l'a?'c  anglois  ou  turquois,  sous  le  nom  simple  et 
générique  d'arc.  «  Les  Archiers  doivent  avoir  leurs 

«  arcs  tenduz et  estre  vestuz  de  vert,  et  leurs 

«  arcs  aussi  verz  ;  soyent  arbalestes  ou  autres.  » 
(Chasse  de  Gaston  Phébus,  ms.  p.  332.) 

On  a  comparé  la  santé  dont  on  abuse,  à  un  arc 
qui  rompt  à  force  d'être  tendu. 

Santés  est  ars  que  fols  entoise  (3), 

Qui  à  son  besoing  brisera  : 

Or  peust  (4)  cascuns  quels  il  sera. 

Pofine  de  la  Mort,  MS.  .lu  R.  n-  6987,  fol.  336,  R*  col.  4. 

Dans  le  sens  figuré,  on  désignoit  une  personne 


(1)  Voir  l'article  Arbalète  :  il  était  déjà  connu  des  armées  romaines;  le  moine  Richer  en  parle  et  il  est  représenté  sur  des 
miniatures  du  temps  de  Louis  d'Outremer,  (n.  e.)  —  (2)  Cet  arc  turquoijs,  qu'on  ne  connaît  qu'au  xav  siècle,  avait  des 
branches  en  os  ou  en  corne,  réunies  par  un  ressort  d'acier;  les  arsenaux  du  temps  de  Charles  V  contenaient  encore  des 
provisions  de  cornes  de  bœuf  pour  répondre  à  cet  usage.  (N.  E.)  —  (3)  D'un  fréquentatif  intc{n)sare,  de  intendere.  (n.  e.)  — 
(4)  Puisi,  pèse,  vaudrait  mieux  pour  le  sens.  (n.  e.) 


AR 


-  123  — 


AR 


toujours  prêle  à  bien  dire  et  h  bien  faire,  en  l'assi- 
milant a  un  Arclier,  qui  tenant  Vare  tendu  est  tou- 
jours prêt  à  lancer  son  trait. 

De  bien  fere  et  de  dire  a  toz  jors  l'ace  tendu 

Fabl.  MS.  du  R.  Il"  7218,  fol.  202,  R-col.  1. 

Si  l'on  exigeoit  de  quelqu'un  autre  chose  que  ce 
qu  il  avoit  projeté  de  faire,  on  lui  disoit  : 

D'autre  arc  vous  convenra  traire. 

Fabl.  M.S.  de  S'  Germain,  fol.  45,  V"  col.  2. 

On  blâmoit  un  homme  trop  timide  pour  oser  ce 
qu  11  s  étoit  promis  d'exécuter,  en  disant  proverbia- 

Coart  est  qui  ne  trait,  quant  son  arc  a  tendu. 

Chaslie-Musan,  MS.  de  S.  Gerra.  fol.  105,  R"  col.  2. 

h' arc-en-ciel,  ce  Météore  qui  paroîl  dans  les  nues 
ligure  en  arc  et  diversement  coloré,  s'est  nommé 
are  celestre;  comme  signe  d'alliance  entre  Dieu  et 
es  liommes  a.rc  fédéral,  en  latin  arens  fœderis 
(Voy.  Rom.  de  la  Rose,  vers  18900.  —  J.  d'Auton 
Annal,  de  Louis  XII,  an.  I4!)9-ir)0I    p  '^0  ) 

Il  semble  que  dans  la  satire  dixième  de  Régnier 
«  se  préconiser  cousin  de  ïare-en-ciel  signifie 
«  s  exalter,  s  élever  jusqu'aux  nues.  » 

S'idolâtre,  s'admire,  et  d'un  parler  de  miel 
be  va  préconisant  cousin  de  Varc  en  ciel. 

Cette  expression,  imaginée  par  Régnier  a  été 
dn''vvn.Pi''I'^i"'l"v'  d"  r^orens,  autre  poëte  satirique 

245  ^  ^^'     ^"^'^^'  '^'•'•'O*'!-  <■''•  T.   XVI, 

En  comparant  à  un  arc  l'espace  que  le  soleil  par- 
court du  levant  au  couchant,  on  a  pu  nommer  W 
rfHjo«r  autrement  are  diurne,  le  jour  artificiel  qui 
se  prend  depuis  le  lever  jusqu'au  coucher  du  solei 
(\  oy  Co  grave,  Dict.  -  Dict.  des  Arts  et  Sciences.)  ' 

L  arc,  la  plus  simple  des  armes,  et  sans  doute  a 
première  que  la  nécessité  de  combattre  de  loin  ait 
tait  inventer  a  1  homme,  même  le  plus  sauvao-e  fut 
aussi  le  premier  signe  de  la  victoire  (1).  Les  mo'nu- 

menselevesàlagloiredesvainqueursreprésentèrent 
\irc  avec  lequel  ils  avoient  triomphé  des  ennemis 
e  ces  monumens  furent  nommés  arcs,  ares  triom- 
phans,  aujourd'hui  arcs  de  triomphe.  ..  Les  Reis 
»  soldent  anciennement  faire  lever  e  voidre  (2)  ars  ki 
«  fussent  signe  e  à  remembrance  de  lur  victorie  .' 
vLivres  des  Rois,  ms.  des  Cordel.  fol,  04,  R-  col.  2.) 

Face  chasteaux  qui  voudra  et  théâtres, 
4!lZ!'''l'T''"""'  thermes,  amphithéâtres, 
lours  et  dongeons,  colosses  monstrueux 
U  or,  bronze  ou  marbre,  et  palais  sumntueux- 
Tout  cela  tombe  et  déchet  en  ruine  ' 

Les  Marg.  de  la  Marg.  fol.  3  v 

On  ne  pouvoit  mieux  désigner  la  figure  de  ces 
monumens  que  par  l'expression  voidre  «m  en  latfn 
arciis  volvere;  d'où  l'on  a  dit  are  r./„,  «  r  S's 
arc  voulte  :  en  un  seul  mot  arvoulu,  arvoi^  S' 
arvout,  e  peut-être  arbout,  en  latin  «r,-o//«/co,:  I 
traction  dm-cus  volutus.  Il  paroit  qu'en  Architec 
turc  1  arc  valu  ou  Varvoulu,  désigna  génénlemeSt 


tout  ce  qui  étoit  figuré  en  arc,  voûté  en  arc  ■  une 
arcade  une  voûte,  un  cintre;  une  galerie  ou  autre 
Sn'chitœ""  '"*'  ^°™^'^'^  ai^ade!  en  vSe! 

En  un  arool  d'une  cortine 
De  soie  ù  gisoit  la  mescine 
.Se  sont  assis  privéement. 

Rom.  de  Flo.re  et  Blanchellor,  MS.  du  R.  n"  6987,  fol.  252,  V  col   3 

Josep  qui  enz  fu  herbergiez 
Desouzr<(,Toi(?»  et  logiez 
tn  son  ht  sedormoitla  nuit 

Concop.ion  de  la  Vierge,  MS.  de  la  Clayelle,  p.  161,  col.  2. 
Quant  Ulixes  s'en  est  partis 
■lus  avalent  les  arvolis. 
En  lor  palefrois  sont  monté  etc 

Siège  de  Troye,  MS.  du  R.  n-  6987,  fol.  81 ,  V  col   1 
Fors  des  arvols  del  parleour  / 

Ut  une  place  grant  et  lée 
Ue  haut  mur  tote  avironée. 

Ibid.  fol.  70,  R«  col.  1. 


Tos.  V^'  -^^  ^r  '^  ^°'™*'  «°'-e  li  sont  coru  • 
Ii^tV  Z""^*'"'  avoir  ochis  et  confondu.  ' 
Ahxandre  s'es   trais  devers  un  arc  voulu,  etc    ' 

Rom.  d  Alexandre,  MS.  du  R.  n-  6987,  fol.  182rv-  col.  2. 

Dans  ces  différentes  citations  qui  prouvent  F'ic 
cep  ion  générale  d'arc  volu,  d'an;««/ ,  en  n  seul 
mot,  d' arvolis  et  d'arvol,  il  n' est  pns  p  lus  fadle  d'en 
distinguer  les  acceptions  particulières  que  cellS 

«  cSu  fde'î.','''':f"'''''^^^'''^'°"'  "  J«-Vouvri? 
cest  nujsdela....  et  vous  serez  en  cest«rct)oî//«<î 

for/oo'Tcnf  ï'^'^"^''-^/')-  "  (L'-'"'^'  du  Lac  T.t 
101.  100,  R»col.  J.  —  Voy.  Arvol-lu. 

On  designoit  sans  doute  la  forme  cintrée  d'une 
espèce  d'armoire  pratiquée  dans  répaisseur  d"în 
mui-^  en  nommant  cette  armoire  un  arcloum 
«  La  muraille  d'.celle   tour  avoit  bien  quatorze 

par  la  main  dextre....  le  mena  vers  ung  arc  vanité 
"  qui  es  oit  par  dedans  le  mur,  moytié  en  terîe  et 
"  moytie  dehors,  et  puis  luy  dist  :  Sire  Conte  vous 
«  povez  veoir  ceste  armairie  qui  est  dedans  ce 
«  mur    »  (Percef.  Vol.  I,  fol.  3,  V»  col  2.)         '  ""^ 

I  est  probable  que  dans  la  Coutume  de  Blois,  le 
mot  «rc  signi  le  un  enfoncement  cintré,  de  même 

arc  voulte.  «  Si  aucun  veut  faire  cheminée  ou  arcs 
«  en  un  mur  commun  et  moytoien,  il  ne  pourra 
«  prendre  que  a  tierce  partie/dudit  mur.  .Tout 
s,en  1.  11,  p.  it,4.  —  Voy.  Arcade.)  Le  narticine 
mute,  voultis,  ou  volu  étant  retranche,  on  diso^l 
tout  simplement  are  pour  arcade,  voûte,  etc.  fVov 
Gotgrave,  Rob.  Estienne,  Nicot  et  Monet,  Dict  ) 

Un  soupt'onne  que  par  une  allusion  triviale  et 
révoltante  du  mot  In-eneux  au  nom  de  bernard,fon 
aura  désigne  par  l'expression  arc  S'  nernard    la 

pM'fj;°P.';f'^'^'""."  '''''^'''^  d'une  voûté  obscure 
et  favorable  aux  besoins  naturels  des  passans  et 
que  de  là  on  aura  dit  «  passer  sous  ïarc  S'  èer- 

.En.acambre....;»^..^L-î^^^^-(3)0n^^ 


AR 


—  124  — 


AR 


«  tourner  un  pet  de  sexe  masculin  en  féminin, 
sans  passer  sous  Varc  Seinct  Ilernard.  >•  (Des  Ac- 
cords, Escr.  Dijon,  fol.  4,  V".  —  Voy.  Cotgrave,  Dict. 
—  Oudin,  Cur.  fr.) 

Peut-élre  qu'en  parlant  du  clieval  et  du  cliien, 
l'on  aura  nommé  arcs  dedevunl  et  tout  simplement 
an's,  les  jambes  ou  partie  des  jambes  de  devant, 
parce  que  dans  le  mouvement  pour  marcher  elles 
se  courbent  en  arc.  «  Leurs  chevaulx  furent  en 
«  l'eaue  jusciues  es  nrs;  lors  se  mettent  à  nager.  » 
(Percef.  Vol.  I,  fol.  51,  V"  col.  1.)  «  Estoyent...  leurs 
«  clievaulx  tous  espaullez  à  cause  qu'ilz  avoient 
«  hurlé  au  puys,  des  arcs  de  devant.  »  (Ibid.  Vol. 
YI,  fol.  19,  V°  col.  2.)  «  11  faut...  seigner  le  chien  des 
><  deux  venes  qui  viennent  par  le  dedans  des 
«  espaules  des  jambes  de  devant  qu'on  appelle  pour 
»  les  chevaux,  les  arcs.  »  (Du  Fouilloux ,  Vén. 
fol.  80.)  '<  A  chacune  sorte  de  galle,  il  est  néces- 
«  saifc  de  seigner  le  chien  des  deux  jarrets  de 
«  derrière  des  veines  qui  sont  au  dedans,  et  des 
«  arcs.  »  (Charles  IX,  de  la  Chasse,  page  82.) 

On  terminera  cet  article  en  ajoutant  que  l'usage 
seul  a  restreint  l'acception  d'un  mot,  par  lequel  on 
auroit  pu  désigner  toute  espèce  de  chose  dont  la 
figure  ou  la  forme  a  quelque  rapport  à  la  courbui'e 
et  même  à  l'idée  de  la  courbure  d'un  ai'C.  (Voy. 
Arche.) 

variantes  : 

ARC  Orlh.  subsist.  -  L  des  Rois,  MS.  des  Cordel.  fol.  50. 

AlRC.  Chanson  fr.  WS.  de  Rerne,  n»  389,  part,  ii,  fol.  20. 

Arch.  Livres  des  Rois,  MS.  des  Cordel.  fol.  24,  R"  col.  1. 

Arcq.  Nouv.  Coût.  gén.  T.  Il,  p.  60,  col.  1. 

Ark.  Britton,  des  Loix  d'Angl.  chap.  Lxvi,  fol.  1U4,  R». 

Ars.  (Plur.  et  sing.)  Athis,  MS.  fol.  78,  R"  col.  2. 

Xm.  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7615,  fol.  102,  V»  col.  1. 

Arz.  (Plur.  et  sing.)  Rora.  de  Perceval,  fol.  272,  V°  col.  2. 

Arcade,  subst.  féni.  Arc,  demi-cercle.  Enfonce- 
ment cintré,  espèce  d'armoire  en  cintre.  Quelles 
que  soient  les  acceptions  usitées  et  inusitées  du  mot 
arcade,  elles  sont  toutes  relatives  à  l'idée  de  la 
courbure  d'un  arc.  C'est  dans  le  sens  d'arc,  demi- 
cercle,  que  par  comparaison  on  a  dit  :  «  mettre  les 
«  mains  on  arcade  sur  les  costes.  »  (Voy.  Cotgrave, 
Dict.) 

Il  est  probable  que  dans  les  Coutumes  de  Gorze 
et  de  S'  Mihiel,  une  arcade  est  la  même  chose  qu'un 
arc  dans  la  Coutume  de  Blois  ;  un  enfoncement 
cintré,  une  espèce  d'armoire  en  cintre,  creusée 
dans  l'épaisseur  d'un  mur.  «  Parois  commun  et 
«  métoyen  peut  estre  creusé  jusques  au  tiers  de 
«  son  espaisseur  pour  y  dresser  tuyau  de  chemi- 
"  née,  armoires,  arcades,  ou  autres  commodités.  » 
(iNouv.  Coût.  gén.  ï.  Il,  p.  1090.  —  Ibid.  p.  1057.  — 
Voy.  Arc  et  Arche.) 

VARIANTES  : 
ARCADE.  Orth.  subs.  -  N.  Coût.  gén.  T.  II,  p.  1057,  col.  2. 
Archade.  Cotgrave,  Dict. 

Arcage,  subst.  masc.  Courbure  en  arc.  (Voy. 
Arceure.)  Vraisemblablement,  une  porte  à'arcage, 
étoil  une  porte  voûtée,  courbée  en  arc. 


Prendent  lor  volage 

Vers  la  Cité  qui  estoit  grans  et  large  : 
Ens  sont  entré  par  le  porte  d'accoge. 

Anseis,  MS.  fol.  3i,  R-  col.  2. 

Arcajalet(l),  subst.  masc.  Espèce  d'arc  ou  d'ar- 
balète. L'arc  ou  l'arbalète  avec  lesquels  on  jetoit  des 
pierres  rondes  nommées  jalets,  et  (lu'on  désignoit 
par  l'expression  are  à  )«/ef;  d'où  le  mot  composé 
arcajalet,  altéré  àans,  arcanjelet  que .Monet  définit  : 
«  espèce  d'arbalète  à  la  main,  tirant  à  baie  et  à 
«  trait.  »  (Voy.  Arc  et  Arbaleste.) 

VARIANTES  : 
ARCAJALET.  Ménage,  Dict.  Etym. 
Arcangelet.  Monet,  Dict. 

Ai'ceau,s(//)sL  masc.  Petit  arc.  Arc  de  triomphe, 
arcade,  voûte,  berceau.  On  courbe  en  petit  arc  la 
partie  supérieure  d'un  berceau  d'enfant,  les  deux 
pièces  de  bois  qui  jointes  l'une  à  l'autre  soutiennent 
une  selle  de  cheval,  les  rejetons  des  ceps  de  vigne 
provignés.  De  là,  les  expressions  arceau  de  bers, 
arceau  de  selle,  arceau  de  provin  en  la  vigne. 
(Monet,  Dict.) 

En  termes  d'Architecture,  l'arc,  la  courbure  d'une 
voûte  se  nomme  encore  arceau.  Mais  il  paroit  que 
sans  égard  ;'t  la  terminaison  qui  caractérise  un 
diminutif,  la  signification  d'arceau  étoit  autrefois  la 
même  que  celle  d'arc,  arc  de  triomphe,  arcade, 
voûte,  berceau.  (Voy.  Du  Bellay,  Mém.  pièc.  justif. 
T.  VI,  p.  366.  —  Alector,  fol.  136.  —  Rabelais,  T.  I, 
p.  74.)  En  termes  de  jardinage,  arceau  désignoit 
aussi  une  treille  disposée  en  voûte,  en  berceau. 
(Monet,  Dict.  —  Voy.  Arc.) 

Arcelor,  verbe.  Creuser  en  demi-cercle;  can- 
neler.  Il  semble  qu'on  ait  comparé  à  la  courbure 
intérieure  d'un  arc,  d'un  petit  arc,  la  circonférence 
concave  d'un  creux  en  demi-cercle,  d'une  canne- 
lure creusée  sur  une  colonne  ou  sur  un  pilastre, 
lorsqu'on  termes  d'architecture  on  a  dit,  1°  dans  le 
sens  de  creuser  en  demi-cercle  :  «  Perron  de  mar- 
"  bre,  hault  de  sept  piedz,  de  figure  triangulaire, 
«  et  les  costez  arcJiele%  en  dedans  en  hémicycles, 
«  faisans  trois  demi-rondes  enfonceures.  »  (.\lector, 
fol.  11,  V°.) 

2°  Dans  le  sens  de  canneler  :  «  Ronds  pilliers 
«  bien  arcclez,  et  tous  faits  à  feuillages,  selon  la 
«  mode  Lombarde.  »  (.1.  d'Aulon,  Annal,  de  Louis 
XII,  an.  1502,  p.  107.) 

VARIANTES  : 
ARCELER.  J.  d'Auton,  Annal,  de  Louis  XII,  p.  107. 
Arcmeler.  Alector,  fol.  11,  V». 

Arceure,  subst.  Arc,  cintre.  Pièces  de  menui- 
serie qui  entourent  les  meules  d'un  moulin.  Arc, 
portion  de  cercle.  Forme  arquée,  courbure  en  arc. 
Dans  le  premier  sens  on  a  dit  :  »  Quant  ilz  vindrent 
«  a  un  portail....  le  Roi  passa  devant....  et  veil 
«  escript  en  Varceure,  par  dessus  les  deux  huys. 
«  lettres  d'or.  »  (Percef.  Vol.  II,  fol.  120,  R-  col.  2.) 

Les  pièces  de  menuiserie  qui  entourent  les  meu- 
les d'un  moulin,  étant  nécessairement  courbées  en 


(1)  Mieux  écrit  arc-à-jalet.  Voir,  sur  les  arbatites,  le  résumé  donné  par  M.  Littré,  add.  au  1V«  vol.,  p.  2573,  2«  col.  (n.  e.) 


AR 


—  125  - 


AR 


arc,  on  en  aura  désigné  l'assemblage  par  le  mot 
arcure,  dans  une  pièce  de  vers  où  le  Poëtc  fait  une 
allusion  continuelle  de  la  vanterie  à  un  moulin 
à  vent. 

L'eureus  Wagons  a  encovent 

Qu'il  fera  un  molin  de  vent 

Or  nos  covient  faire  une  suele 

Ki  bien  puist  soustenir  le  muele 

Or  me  covient  faire  une  arcure 

De  celui  qui  a  mis  se  cure 

En  mentir,  très  cou  qu'il  lu  nés. 

Ane.  Pofl.  Fr.  MSS.  avant  1300,  T.  IV,  p.  1351  et  1358. 

Il  paroit  qu'en  ces  vers,  arcure  est  de  même  signi- 
fication qn'archure.  (Voy.  Colgrave,  Dict.  —  Dict. 
des  .\rts  et  Sciences.  —  Du  Gange,  Gloss.  lat.  T.  I, 
col.  04-2,  au  mot  Archeura.) 

On  sait  qu'en  Géoméliie  l'on  nomme  arc  toute 
portion  d'un  cercle.  Le  Zodiaque  est  un  grand  cercle 
de  la  sphère,  imaginé  par  les  Astronomes  et  divisé 
en  douze  portions.  Ainsi,  les  arcures  du  Zodiaque 
sont  les  portions  de  cercle,  les  arcs  qu'avant  Coper- 
nic on  faisoit  parcourir  au  Soleil,  en  lui  attribuant 
un  mouvement  relatif  à  l'ordre  des  signes  du 
Zodiaque.  «  Le  cler  Titan  (1)  passant  par  les  arcures 
■'  du  Zodiaque,  par-devant  la  maison  de  la  Vierge, 
<•  jettoit  son  regard  en  terre.  »  (J.  Le  Maire,  lUustr. 
des  Gaules,  liv.  i,  p.  78.) 

La  forme  d'un  beau  sourcil  étant  comparée  à  la 
courbure  d'un  arc,  on  a  dit  :  «  Considéra  l'ampli- 
«  tilde  et  spaciosité  de  son  cler  front  bien  arrondy, 
•<  V arcure  de  ses  sourciz  noirs,  etc.  »  (J.  Le  Maire, 
lllustr.  des  Gaules,  liv.  i,  p.  110.  —  (Voy.  Arcage.) 

VARIANTES  : 
ARCEURE.  Percef.  Vol.  II,  fol.  120,  R°  col.  2. 
Archure.  Cotgrave,  Dict.  —  Dict.  des  Arts  et  Sciences. 
Arcure.  Ane.  Poët.  fr.  MSS.  avant  1300,  T.  IV,  p.  1358. 

Archaïsme,  s!//^s^  maso.  Ancien  mot;  expres- 
sion ancienne.  Mot  ou  expression  de  l'ancienne 
Langue  françoise.  On  en  trouve  de  cette  espèce 
dans  les  Poésies  de  Malherbe.  La  dernière  Ode  qu'il 
ait  faite,  est  celle  où  il  y  a  moins  de  ces  expressions 
anciennes,  de  ces  anciens  mots,  que  Ménage  a  dési- 
gnés par  le  mot  archaïsme;  en  grec  a^xancfiis.  (Voy. 
Observ.  sur  les  Poës.  de  Malherbe,  liv.  ii,  p.  327. — 
Dict.  de  l'Acad.  Fr.) 

Archal,  subst.  masc.  Espèce  de  métal;  cuivre; 
laiton.  En  grec,  le  mot  composé  ÔQù^aXxoç  signi- 
fioit  œs  montanuni;  le  métal,  le  cuivre  qu'on  tire 
des  montagnes,  et  que  les  Latins,  à  l'imitation  des 
Grecs,  ont  nommé  oriclialcum.  C'est  d'après  une 
idée  dont  Vossius  indique  la  fausseté,  qu'à  cette 
orthographe  primitive  ils  préférèrent  celle  d'auri- 
chalcum,  contractée  dans  le  mot  françois  arkal  ou 
archal.  Ce  mot  étoit  de  même  significalion  que  le 
latin,  lorsqu'on  désignoit  une  monnoie  de  cuivre, 
une  horloge  faite  en  cuivre,  en  disant  monnoie 
d'archal,  horloge  à'arcluil,  etc. 

Je  me  gageroie 

Un  denier  d'argent  ou  d'archal, 
Se  Bertran  et  le  llaréclial,  etc. 

Fabl.  MS.  du  R.  n-  7218,  fol.  197,  R-  col.  2. 


.  .  .  .  Li  tramist,  se  jou  n'i  fal  (2), 
Uns  moult  rice  orloge  d'arkal. 

Ph  Mouskes,  MS.  p.  71. 

On  percevoit  au  profit  du  Roi,  en  1315,  un  péage 
de  deux  sols  dix  deniers  pour  cent  de  Varcha!  et  fil 
A' archal  trans;iorlé  depuis  le  lieu  où  la  Seine  se  jette 
dans  la  mer,  jusqu'au' Pont-de-l'Arche.  (Ord.  T.  I, 
p.  600.)  Le  cuivre  passé  par  la  filière  se  nomme  en- 
core fil  d'archal;  expression  dont  on  abuse  en 
l'étendant  au  fil  de  fer.  Quoique  les  éi/ingles  soient 
des  brins  de  fil  d'archal  ou  de  cuivre,  on  ne  diroit 
plus  aujourd'hui  : 

J'ai  bêles  espingues  d'argent  ; 

Si  en  ai  d'archal  ensement. 

Fabl.  MS.  de  S'  Geim,  fol.  42,  V'  col.  2. 

On  substitueroit  au  mot  archal  celui  de  laiton  ; 
espèce  de  cuivre  moins  jaune  peut-être  que  Varchal 
dont  le  laiton  paroit  avoir  été  distingué. 
J'ai  fsrmaiUez  (3)  d'archal  dorez, 
Et  de  laiton  sor  argentez. 

Fabl.  MS.  do  S-  Germ.  fol.  42.  R-  col.  3. 

VARI.\KTES  : 
ARCHAL.  Orth.  subsist.  -  Fabl.  MS.  de  S>  Germ.  fol.  42. 
Archail.  Cotgrave,  Dict. 

Archant.  Labbe,  Gloss.  lat.  fr.  au  mot  Aurichalcum. 
Archat.  Des  .\ccords,  bigarrures,  fol.  30,  R". 
.\rich.\l.  Bourgoing,  de  Orig.  Voc.  Vulg.  fol.  65,  V». 
Arkal.  Ph.  Mouskes,  MS.  p.  71. 

Archangle,  suhst.  masc.  Archange.  En  latin 
Archangelus.  (Voy.  Arche,  principauté.) 

Archarage,  subst.  masc.  Service  d'un  Archer. 
Ce  mot  qu'on  trouve  dans  les  titres  féodaux,  anté- 
rieurs à  la  cessalion  de  l'usage  de  l'arc  à  la  guerre, 
signifioit  le  droit  qu'avoit  un  Seigneur  d'exiger  d'un 
certain  nomb;  e  de  vassaux,  le  service  d'un  Archer. 
(Voy.  Borel,  Dict.  —  Dict.  de  Trévoux.) 

VARIANTES  : 
ARCHARAGE.  Borel,  Dict.  -  Dict.  de  Trévoux. 
.\rcair.\ge.  Dict.  de  Trévoux,  au  mot  Archarage. 
Archairage.  Borel,  Dict.  au  mot  Archarage. 
.Arquairage.  Id.  ibid.  —  Dict.  de  Trévoux,  iibi  supra. 
ARQUAiR-i^TGE.  Borel,  Dict.  abi  supra. 

Arche,  subst.  fém.  Arc  de  triomphe.  Arcade. 
Archipompe.  Coffre,  trésor,  archive.  Cellier  ;  cuve. 
Bâtiment  de  mer  ou  de  rivière. 

Anciennement  le  mot  arche,  dont  on  a  restreint 
l'acception  relative  à  l'idée  générale  de  courbure  en 
arc,  signifioit  arc  de  triomphe.  «  Oid  la  nuvele  que 

«  li  Reis ont  fait  voldru  une  arche  que  fust  signe 

«  e  demustrance  de  sa  victorie  e  de  sa  glorie.  » 
(Livres  des  Rois,  .ms.  des  Cordel.  fol.  19,  R°  col.  1.) 

Les  arches  }[ariennes  étoient  les  arcs  de  triomphe 
élevés  à  la  gloire  de  Marins.  ><  Ces  arches  avoient 
«  fait  détruire  les  Sénateurs;  mais  César  les  fist 
»  redresser  et  réparer.  »  (Triomphe  des  neuf  Preux, 
page  294,  col.  2.) 

De  là ,  l'expression  arche  triomphante ,  dans 
P.  Desroy(à  la  suite  de  Monstrelet,  fol.  118,  R°. — 
Voy.  Arc.) 

L'arcade  est  une  voûte  en  arc  comme  Varche  d'un 
pont.  Néanmoins  on  ne  diroit  plus,  en  parlant 


(1)  Le  Soleil,  petit-fils  de  Titan,  fils  d'Hypérion.  (x.  e.)  —  (2)  Si  je  no  m'y  trompe.  —  (3)  Espèce  d'agrafes. 


AR 


—  126  - 


AR 


d'édifices  en  général,  qu'ils  sont  faits  par  arches  et 
piles.  (Voy.  Mcol,  Dict.)  Il  semble  que  \  arche  d  un 
moulin  ctoit  res[)6ce  d'arcade  sous  laquelle  tourne 
la  roue  d'un  moulin  ii  eau.  »  Le  sault  du  moulin, 
«  restancbement  qui  porte  le  moulage,  soit  de  hois 
c<  ou  de  pierre;  Varche  du  moulin  la  maison  dont 
«  le  moulage  est  couvert,  etc.  »  (Boutedler,  Som. 
rur.  liv.  1,  lit.  Lxxiv,  p.  431.)  v       ,   • 

Dans  un  sens  qui  paroît  analogue  à  celui 
û-arccure,  archure,  le  mot  arche  signifioit  en 
termes  de  marine,  arcliipompe  ;  une  enceinte  de 
planches,  au  milieu  de  laquelle  les  pompes  d  un 
vaisseau  sont  élevées  :  «  une  clôture  faite  entour 
«  les  escoutilles  des  pompes  pour  les  garantir 
«  d'estre  heurtées.  »  (Cotgrave  et  Nicot,  Dict.  - 
Dict.  de  Marine.  —  Voy.  Akceure.) 

On  a  la  preuve  que  la  plupart  des  significations 
du  mot  arche  étoient  communes  au  mol  arc,  et  que 
par  comparaison  l'on  nommoit  arc,  un  lieu  voûte, 
un  enfoncement  fait  en  voûte  ou  en  cintre,  dans 
l'épaisseur  d'un  mur.  Anciennement,  les  lieux,  les 
bàlimens  faits  pour  lagarde  et  la  sûreté  des  trésors, 
des  titres,   et  autres  choses  qu'on    y  enfernioil, 
étoient  assez  généralement  voûtes  (1);  les  cotiies 
bombés,  etc.  Il  seroit  donc  possible  que  relative- 
ment à  l'idée  de  voûte,  de  courbure  en  arc,  on  eut 
désigné  par  le  mot  arche,  ces  coffres,  ces  lieux  ou 
ces  ijàtimens,  et  même  avec  extension  ceux  dont  a 
structure  ou  la  forme  n'avoit  rien  de  relalit  à    a 
figure  d'un  arc;  maison  trouvera  peut-être  celte 
conjecture  moins  fondée  que  celle  des  Etymologis- 
tes  qui  rapportent  à  l'idée  de  l'usage  de  1  arc  avec 
lequel  on  éloignoit  de  soi  l'ennemi  dont  on  craignoit 
d'être  approché,  cette  signification  générale  du  mol 
arche,  en  latin  arca,  dérivé  comme  arc,  en  latin 
arcus,  du  verbe  arcere,  en  franç.ois  éloigner.  Quoi 
qu'il  en  soit,  les  arches  à  garder  des  titres  et 
papiers,  des   trésors,  des   pierreries,  des   habits 
et  autres  choses  qu'on  vouloit  mettre  en  surele, 
étoient  des  coffres,  des  archives.  (\oy.  INicot  et 
Monet,  Dict.  -  Ord.  T.  III,  p.  437.- Valois,  notice, 
page  453,  col.  2.) 

D'une  Roi  ly  souvenoit  qui  tenoit  si  grands  marches 
Que  feist,  par  bel  sens,  taire  quatre  petites  arches... 
Pleines  furent  d'espices,  de  pierres  précieuses. 

Rom.  de  Ger.  de  Roussillon,  MS.  p.  95. 

En  comparant  la  gloire  établie  sur  l'opinion  des 
hommes,  à  une  arche,  h  un  trésor  qui  n'est  pas  en 
sûreté,  l'on  a  dit  :  «  Celé  glore  est  vaine  ke  cil 

«  prennent  li  uns  de  l'atre 0  !  tu  fols  qui  el  sac 

«  parlusiet  (2)  assembles  tes  merz,  ki  ton  trésor 
«  estaulis,  cuides  ke  cesle  arche  soit  close  el  k  èle 
«  ait  serres  (3).  «  (S'  Bernard,  Serm.  fr.  ms.  p.  34.) 

Les  arches  des  Amans,  espèce  d'Officiers  déposi- 
taires des  actes  publics,  étoient  leurs  archives. 
«  N'emporte  hypothecque  l'obligation  passée  devant 


«  Notaire,  que  du  jour  qu'elle  est  mise  en  arche 
«  d'Amant.  "  (Coût,  de  Metz,  au  iiouv.  Coût.  gén. 
T.  II,  p.  399.  —  Voy.  Amman.) 

On  nommoil  arches  communes,  les  archives 
d'une  communauté,  d'une  ville,  le  lieu  où  sont  de- 
posés  les  titres  el  l'argent  des  villes  qui  sont  en 
communauté.  La  révolte  de  la  ville  de  Montpellier 
lui  fit  perdre  en  1379,  «  ses  Consuls,  Consulat, 
«  Maison,  Arches  communes,  et  cloches.  »  (Chron. 
S- Deny.s,  T.  m,  fol.  46,  Vo.) 

Les  archives  de  l'Ordre  de  S' Jean  de  Jérusalem 
à  Malte,  sont  les  Arches  de  la  Religion  dont  parle 
(Brantôme,  Cap.  Fr.  T.  IV,  p.  171.) 

On  sait  que  Varche  d'alliance,  en  latin  arca 
fœderis,  mots  qu'on  reconnoît  dans  l'ancienne 
expression  arce  fédri,  étoit  une  espèce  de  coffre. 
«  Uarce  fédri....  en  la  quelle  fu  la  verge  Aaron  et 
a  les  tables  del  Testament,  etc.  >>  (Chron.  d  Outre- 
mer, MS.  de  Berne,  ir  113,  fol.  166,  R"  col.  3.) 

Il  est  possible  qu'au  moyen  de  l'extension,  ou  de 
la  signification  générale  qu'on  vient  d  indiquer, 
l'on  ait  désigné  en  françois  par  le  mot  arche, 
comme  par  le  mol  arca  en  latin,  certains  meubles 
et  bàlimens  dans  lesquels  on  gardoit,  on  metloit  en 
sûreté,  autres  choses  que  des  trésors,  des  titres, 
des  habits.  On  soupçonne  même  que  le  mo\aiiche, 
comme  altération  d'arche,  peut  avoir  signifie  une 
espèce  de  cuve.  (Vov.  Borel,  Dict.)  Quoi  qu  il  en 
soit,  il  est  prouvé  qu'en  substituant  /  à  ?•  dans 
archa,  l'on  a  écrit  eu  latin  alcha  pour  arca.  Peut- 
être  qu'en  françois,  par  le  changement  de  r  en  n, 
l'on  aura  écrit  anche  pow  arche.  Il  paroitd  ailleurs 
que  dans  un  litre  de  1262,  ce  mol  anche  (4)  es  de 
même  signification  que  le  latin  alcha  dans  un  litre 
de  1253,  el  qu'ils  y  désignent  l'un  et  1  autre,  un 
cellier.  >■  Li  Abbés  et  li  Convens  ont  quitel  à  Martin 
«  une  anche  qui  siet  derier  sa  maison.  -  (D.  Car- 
pentier,  Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du  Gange,  au  rnot 
^^Iciia.  —  Id.  ibid.  aux  mots  Arca  et  Archa.  -  Voy. 
Anche  et  Anse.)  .  ^„ff„„  Aa 

Enfin,  il  semble  qu'on  ait  comparé  à  un  coffre  de 
forme  bombée,  l'espèce  de  bâtiment  de  mer  ou  de 
rivière,  qu'on  a  désigné  par  le  mol  arche,  sans 
égard  à  l'usage  qui  paroît  l'avoir  consacre  spéciale- 
ment à  signifier  Varche  de  Noé. 


Marchant  qui  par  la  mer  marche 

En  nef,  en  calane  ou  en  acc/te 

Percef.  Vol.  II,  fol.  84,  V-  col.  1. 

VARIANTES    :  ^      j   ,     r,jn 

ARCHE.  Orth.  subsist.  -  L.  des  Rois  MS.  des  Cordel.,  fo  19. 
Anche.  D.  Carpentier,  S.  Gl.  de  Du  C.  au  mot  -ycha- 
Arce.  Chron.  (f  Outremer,  MS.  de  Berne,  n°  113,  fol.  166. 
Arque.  Borel,  Dict.  au  mot  Arche. 

Arche,  subst.  masc.  Principauté.  En  grec  dQxn, 
principatus  en  \alïn.  «  Macédoine  fut  jadis  nommée 
a  Emathie,  après  Emathion  qui  en  fut  le  P'emiei 
a  Roi      En  celle  région  étoit  une  arche  nommée 


<1)  On  trouve  ce  mode  de  conslruction 
signifierait  donc  coin  et  aurait  pour  diminutif  «ji^iOms.  (n.  e.) 


AR 


—  127  — 


AR 


«  Panlhome  où  régna  Thessalus.  »  (Hist.  des  neuf 
Preux,  p.  lOG.) 

Il  paroît  évident  que  dans  les  mots  composés 
Archangel,  Archiabbé,  Archediakene,  Archeprestre, 
Archite'cleur,  et  autres  dont  rénumération  seroit 
trop  longue  ;  la  signification  d'arche  el  archi ,  est 
analogue  à  celle  dii  mot  grec  «c/ôf,  en  latin  pr in- 
ceps.\es  idées  de  principauté,  de  primauté,  de 
supériorité,  de  maîtrise,  sont  tellement  liées  les 
unes  aux  autres,  qu'elles  forment  une  seule  et 
même  idée  générale  de  supériorité  qu'on  exprime 
en  nommant,  1°  Archangel,  Archangeles,  Archangle 
ou  Arcangle,  un  Ange  supérieur,  un  prince  des 
Anges.  (Voy.  S'  Bernard,  Serm.  fr.  mss.  p.  2.  — 
FaiJl.  Ms.  du  R.  n°  7218,  fol.  58,  V°  col.  1.  —  Ane. 
Poët.  fr.  MSS.  avant  1300,  T.  II,  p.  806.  —  Chasse  de 
Gaston  Phébus,  ms.  p.  385,  etc.) 

Gantés,  Arcangles  S'  Mikieus, 

Devant  Dieu,  ma  cançon  nouvèle 

Soit  de  vous  mes  esprits  reçus, 
Qant  mors  li  taura  sa  cotele. 

Ane.  Poës.  Fr.  MS.  du  Valic.  n"  1490,  fol.  120,  R". 

2°  Archiabbé,  en  latin  Arcliiabbas,  un  Abbé  mili- 
taire, un  Abbé  laïque  (1)  qui  s'arrogeoit  la  supériorité 
sur  l'Abbé  ecclésiastique.  «  Les  Grands  et  Gens  de 
«  guerre  jouissans  des  abbayes,  non-seulement  se 
«  disoient  Abbez  ;  mais  aussi  Arcliiabbez-,  comme 
<•  qui  diroit  premiers  Abbez  et  commandans  aux 
«  autres,  pour  différence  d'avec  ceux  qui  faisoient 
»  lesfonclions.  »(Galland,duFranc-aleu,p.294-29C.) 

3°  Archediakene ,  en  latin  Archidiaconus ,  un 
Supérieur  ecclésiastique  à  qui  l'on  attribue  une 
espèce  de  juridiction  sur  les  cures  de  certaine  partie 
d'un  diocèse.  (Voy.  Archediakene.) 

4°  Archeprestre,  un  Prêtre  ou  Curé  supérieur  aux 
autres  Curés,  en  quelques  diocèses.  ;Y.  Archeprestre.) 

5°  Architecteur,  le  Supérieur,  le  Maître  des 
ouvriers  employés  ù  la  construction  d'un  bâtiment 
dont  rArchilecteur  ou  l'Arcbitecle  a  donné  les  plans 
et  les  dessins.  «  Commanda  venir  incontinent  mais- 
<>  très  ArchitecteiD's  pour  deviser  sa  sépulture.  » 
(D.  Florès  de  Grèce,  fol.  4i,  \'°.) 

Quel  que  soit  le  nombre  de  ces  mots  composés, 
tous  expriment  une  idée  de  supériorité  dans  les 
dilîérens  genres  que  désignent  les  mots  simples 
auxquels  arclie  et  archl  sont  réunis.  Il  y  a  une 
supériorité  malheureuse  que  l'on  condamne,  ou 
qu'on  ridiculise  en  nommant  archifripon,  archi- 
paresseux,  archifou,  archipédant,  un  homme  d'une 
friponnerie,  d'une  paresse,  d'une  folie  ou  d'une 
pédanterie  extrême.  L'usage  de  ces  mots  composés, 
auxquels  on  substitue  souvent  l'expression,  maitre 
fripon,  maitre  paresseux,  etc.  n'est  pas  nouveau 
dans  notre  langue,  et  paroit  remonter  au  w  siècle. 

Ai'chediakene,  subst.  masc.  Archidiacre.  Il  est 


si  ordinaire  aux  Langues  en  général,  de  substituer 
l'une  à  l'autre  les  lettres  consonnes  ?•  et  ?(,  qu'on 
trouve  naturel  qu'en  françois  on  ait  prononcé  et 
écrit  indifféremment  Diakne  ou  Dlahre  (2).  L'altéra- 
tion d'arche  et  archi  dans  le  mot  composé  Archedia- 
cre  ou  Arcliediakene,  en  latin  Archidiaconus,  est  le 
principe  évident  des  orthographes  Ercliidiakin, 
Arcediacre,  Accediakre,  etc.  On  a  la  preuve  que 
dans  la  latinité  du  moyen  âge,  on  contractoit  le  mot 
Archidiaconus  en  prononçant  et  écrivant  Archiaco- 
«»s;dans  le  langage  des  Bretons,  Archiago)!.  (Voy 
Du  Gange,  Gloss.  lat.  T.  I,  col.  643.) 

Quant  à  l'orthographe  .Issedjflcjr,  on  la  regarde- 
roit  comme  l'elTet  d'une  prononciation  commune 
aux  deux  ss  et  au  c  suivi  de  la  voyelle  e  dans  Acce- 
diakre, si  l'on  n'étoit  autorisé  à  croire  avec  Cotgrave, 
que  pour  ridiculiser  le  titre  d'Archidiacre  on  écrivoil 
Assediacre,  ou  Astiacre  comme  Henri  Estienne.  Cet 
Auteur,  après  avoir  parlé  de  l'indulgence  de  l'Archi- 
diacre du  Hardas,  pour  le  libertinage  des  Prêtres 
dont  il  analhématisoit  le  mariage  en  ces  termes, 
»  qu'à  tous  les  Diables  soyent  donnez  ces  vilains 
«  qui  se  marient,  veu  qu'on  leur  permet  de  paillar- 
«  der,  ajoute  ironiquement  ;  voilà  la  sentence  de  ce 
«  bon  Astiacre  ou  Archidiacre.  »  (Apologie  pour 
Hérodote,  p.  324.  —  Voy.  Cotgrave,  Dict.) 

Peut-être  que  l'expression  "  se  morver  en  Archi- 
»  diacre  »  est  une  satyre  de  la  grossièreté  indécente 
avec  laquelle  certains  Archidiacres,  dans  le  cours  de 
leurs  visites,  aunoncoient  leur  supériorité  (3).  Mais 
si  l'on  en  croit  Le  Duchat,  c'est  une  plaisanterie  que 
faisoit  Rabelais  sur  l'effet  physique  de  leur  embon- 
point, lorsqu'il  représentoit  Gargantua,  <•  crachant, 
"  toussant,  sanglotant,  esternuant,  se  morvant  en 
«  Archidiacre,  et  desjeunant  pour  abbatre  la  rosée 
«  et  mauvais  air.  »  (Voy.  Rabelais,  ï.  I,  p.  132.  — 
Id.  ibid.  note  de  Le  Duchat.) 

Il  est  possible  que  dans  le  temps  oh  les  Archi- 
diacres faisoient  en  toutes  saisons  leurs  visites  à 
cheval  et  même  à  pied,  on  se  soit  avisé  de  désigner 
un  homme  bien  croté,  en  disant  proverbialement 
qu'il  étoit  «  croté  en  Archidiacre.  »  (Voy.  Pasquier, 
Rech.  Liv.  vm,  p.  701.)  La  haine  a  fait  un  crime  à 
Pasquier  de  l'origine  de  ce  proverbe,  que  le  P. 
Garasse  regardoit  comme  une  plaisanterie  digne 
d'un  «  Huguenot,  »  d'un  «  tiercelet  de  Calvin,  » 
comme  une  profanation  du  mot  et  Office  des 
Archidiacres.  (Voy.  Garasse,  Rech.  des  Rech.  p.  838.) 

variantes  : 
ARCHEDIAKENE.  Duchesne ,  Histoire  généalogique  de  la 
Maison  de  Béthune,  p.  152,  titre  de  1257. 
AccEDiAKNE.  D.  Lobineau,  Hist.  de  Bret.  T.  II,  pr.  col.  409. 
Accediakre.  D.  Morice.Pr.  deTHist.  de  Bret.  T.  I,  col.  1003. 
Arcediacre.  Perard,  Rec.  de  pièces  p.  l'His.  de  Bourg,  p.  501. 
Arcediakene.  Ph.  Mouskes ,  MS.  p.  97. 
ARCHEDI.A.CRE.  D.  Touss.  du  Plessis,  Hist.  de  Meatix,  T.  II. 


(1)  On  pourrait  les  comparer  aux  laïques  qui,  au  ix=  siècle,  convoitaient  l'autorité  des  archidiacres  et  se  substituèrent 
aux  clercs.  Charlemagne  s'oppose  à  cet  envaliissement  dans  ses  capitulaires  ;  Orderic  Vital,  en  1066,  le  représente  comme 
habituel  ;  Innocpnt  III  s'en  plaint  encore  à  la  fin  du  xil'  siècle,  (n.  e.)  -  (2)  De  diac'nus :  de  même  tympanum,  devenu 
twnpniim,  a  donné  timbre;  co})hitnis,  devenu  coph'nus,  a  donné  coffre;  et  orrfi/iem,  devenu  Ofd'nem,  ordre.  {N.  E.)  — 
(à)  Les  archidiacres,  en  efîet,  dépouillèrent  les  évêques  de  leur  juridiction,  de  l'an  1000  à  1200,  et  devinrent  plus  passants 
que  leurs  chefs  spirituels,  (n.  e.) 


AR 


_  128  -  AR 


p.  64,  litre  de  1 177.  -  Test, .     n-,  du  O'  d'Alencon,  à  la  suite 
de  Joinville,  p.  1?5-  avantl300,X.  lV,p.l349. 

AssEDiACRE.  Cotgrave,  Dict 
É^^;;^;;^^^?^:?:t:i,Ï^'^.?oJ^o..  VU.  delcos. 

Arclielet,  subst.  masc  Petit  arc.  (Borel,  Dict.) 

Arohelettc,  subst.  fém.    Petite  arche.  Petit 
corne  On  t?ou?e  clans  Cotgrave,  Dict  ces  deux  s>gni- 

ficaluiiis  relatives  à  celles  du  mot  arche.  (Voy .  AncE.) 
AiThenrebstre,  subst.  masc.  Arcliipretre. 
Qudes^iue soient  lesorlhographes  diiïérenlesdece 
mot  el  esne  sont  rien  moinsquessenlielles;  pui.- 
Suno%ii  du /*  changé  en  t.,  et  du  i  supprime  dans 
TfZS>Ttre  (l),  en  latin  Archiprcsbyter,  se  forme 
fout  Su  e  en  eut  Torthographe  Archcprovoirc  ou 
aT^ î;  om'",  prononcé  quelquefois  Archcpvemie, 
en  substituant  'H  à  la  lettre  consonne  r.  ^\oy. 
'X^InS^^Q^'lePoëte,  auteur  d-una,K;ion 
Fab  au  inilulé  Confession  du  Renard,  songeoil  a 
Lvèn-'er  de  quelque  désagrément  personnel  qu  i 

lUrSouvé^  la  part  ^-^J^^f^^^^S^^ 
flP^io-noii  ràne  associé  au  renard  dans  un  p6ierina5,e 
fKr,  en  le  nommant  Bernard  lV4rc/-^.m|S^re  ou 

YArrhrmvoire  (Vov.  Fabl.  ms.  du  R.  n"  i2i8,  fol. 
48  et  4'  R»  col  1  )  li  seroit  possible  aussi  que  ce 
fût  une  uSusîin  salyrique  ù  rigaorance  des  bccle- 
ïasîiques  en  général,  dans  les  xu'  et  xi.r  siècles. 

VARIANTES    : 
ARCHipROVOiRE.  Ibid.  fol.  49,  R»  col.  1. 

Archer,  subst.  masc.  et  fém.  Qui  tire  de  l'arc. 
On  lîe  deffinoit  pas  toujours  un  homme  de  guerre 
de  iistice  ou  de  police,  lorsqu'en  général  on  nommoi 
jSer  celui  -  qui  tiroit  de  l'arc   qui  usoit  d  aie  et 
«  de  flèches.  »  (Voy.  Monet,  Dict.) 

Ki  voit  venir  son  anemin  corrant 
Por  traire  à  lui  grans  sietes  d  aicier, 
Bien  se  devroit  destorneir  en  fuiant, 
S'il  pooit  guerantir,  de  Vairchier. 

Chans.  Fr.  MS.  de  Berne,  n-  389,  pari.  I.  fol.  8U,  R  . 

Dans  le  Roman  de  la  Rose,  Vénus  irritée  contre 
Honte  ei  Raison,  constamment  opposées  au  bonheui 
de  V.Unant,  combat  pour  lui  avecl  arc  et  les  flèches 
de  l'Amour  : 

Puis  ainsi  comme  bonne  Archiere, 
Par  une  moult  petite  archiere 


nue  nature  eut  par  grant  maislrise 

Entre  deux  beauLx  Vi^lZ'ITi!se!l^^.m,-^.i^^O. 

Les  œillades  amoureuses  sont  '«^  "è'^'^^s  dont  on 

fpint  nu'Amour,  à  l'aide  de  son  arc,  blçbbe  nos 

Srs    Dt^Ui,  on  a  dit  l^.gurément  que    es  yeux 

^Zni    archers    de    cœur,    Archers    d'amours. 

!  Same  à  Damp  Abbez  et  Damp  Abbez  à  Madame, 

ès'STx  arc/-zms  de  cucur,  peu  à  peu  commen- 

<  rèrent  l'ung  des  cueurs  à  l'aultre  traire.....  Damp 

Abbez  qui  de  ceste  queste  nouvelle  esto.t  sur  tous 

leSs  ioveulx....  selieve....  et  revient  a  Madame 

et  de  iove  vis-à-vis  elle  se  siet.  Lors  recomman- 

:  cè.ïntleurs«rd</VrsdVnKOHrsplusforlatra,re.  » 

^'ïSS'of  âSi  en  France  l'usage  de  i;arc 
à  Ui  "ueïe  et  celui  de  l'arbalète,  les  Archers  for- 
.  îenune'c  les  Arbalétriers  une  ™>  '^«Jj  ^f^ 
cinni  uarlie  combaltoil  a  pied,  et  1  autie  sei\ou  ae 
Cavalerie  légère.  Le  Roi  Charles  VIll,  en  insutuan 
£  CompS^ies  d'Ordonnance  dont  chacune  fu 
romnosée  de  cent  Lances ,    c'est-a-dire   de  cent 
homSes  d'ames,  voulut  qu'à  leur  suite  ils  eussent 
Ses  l  Sm  à  dièval.  Ces  Archers,  les  mêmes  sans 
doui  aïe  ceux  à  qui  il  ordonna  de  loger  chacun 
aîeileïÏÏance  2),  étoient  probablement  les  Arcbers 
â'O  donnance.\.''Le  Roy  ordonna  que  les  A,j-rj;s 
„  logeroient  chacun  avec  leur  lance.  'M^Jall'ieu  de 
roucv  Hist.  de  Charles  Vil,  p.  610.)  ••  Des  Cent,  ae 
«"uerie  de  l'Ordonnance  du  Roy,  mourut  environ 
loTs  cens7rc/u.rs  de  ladite  Ordonnance  sans 
„  lés  Francs-archers.  »  (Chron.  scandai,  de  Loui. 

"^l^S-ard^^i  étoient  ainsi  nommés,  par  la 
ra'stn  qïfls  étoient  affranchis  Je  tout  subs.d  . 

tx   Lieux   faisans;  lesquels  enfin  esprouvez 

:  Snîexempts  de  la  taille,  ^.^^^^^^.^ 

„  rhpv       auand  1  seroit  question  d  aliei  pai  pays.^ 

Ces  -ens  pour  cette  exemption  et  la  sorte  d  armes 

nSe'p  us  communément  ils  manioient    furent 

ZlS!z  Francs-archers.  '^  ^^"-,f„  h.Î  "  for^ 
n  15  et  110  )  Cette  milice  des  Francs-arLhns,\oT 
p.  iij  ei  Y,,  ,.r;^  vil    vers  l'an  1448,  s'aguerrit  de 


opWé  au  chorèv^que   qull  -PP>-  ^„^^^y4°rchPprl?;le' on^^^^^^^  1.  plus  ?o-ent  avec  le  do,.nJ^^^ 
SurestafeTpfyll  ^Im^^en  tetpVdT^aîx^  feTfnstructeurs  éta.entdes  Suisses.  (N.  E.) 


AR 


—  129  — 


«  leur   service   celui    des   Adventuriers    et    des 
«  Puisses.  »  ^Voy.  Fauchât,  ubi  supra,  p  117  ) 

Il  paroît  qu-anciennement  les  Archers,  comme 
les  Archers  des  toutes,  étoient  OHiciers  de  la 
Vénerie  de  nos  Rois.  Dans  le  procès-verbal  des 
Coutumes  de  Vermandois,  il  est  fait  mention  d'un 
"  Jul  1^  v'^^n"^*  '  mesureur  du  greniei-  à  sel  de  la 
ville  de  Vaily,  seigneur  de  Toute-fille,  el  Archer 
•^des  toutes  du  Roy.  »  (Voy.  Coût.  gen.  T.  I,  p.  553  ) 

m-JlvT^v''  i^'^K'  '"'  ^^'y  etoitsans  doute  un 
Of  icier  de  1  espèce  des  Archers  placés  entre  «  les 
«  Louveliers  el  les  Vallels  à  chiens,  sur  les  estais 
«  des  Roys  Phihppes  III,  Philippes-le-Bel  et  Philippe  t 

Frî:i;iS'Sc.'p.'3SJ:)  '^'  '•"*^''  ''''■  '''  ^-'^^ 

Quoique  l'arc  ne  soit  plus  l'arme  des  hommes  qui 
accompagnent  les  Prévôts,  soit  pour  les  honorer 
SOI  pour  exécuter  quelque  ordre  relatif  ù  l'adminis- 
trafon  de  la  .îust.ce  ou  de  la  Police,  on  a  conli  ,é 
de  les  nommer  «Archers,  parce  que  les  Rois  et 
"  SiL""^^  souverains,  et  les  Prevosts  de  leurs  hos- 

mP^;,P  "l/n-^'f""  ''*?  '^"''=  personnes  ou  autre- 

{voT  Ni'cot^S.T  """  "  '""'  '''''''  ''''■  '• 

VARIANTES  : 
p.  1652  °''*^"  ^"^^-  ~  '^"''-  ^°^^-  '■'■•  ^'S-  av-  ^300,  t.  IV, 

AmcHiER.  Chans.  fr.  MS.  de  Berne ,  n«  389,  part   I  fol  80    I 
Archier.  Lanc.  du  Lac,  T.  III,  fol   4   V»  col   '/      ' 
ARCIEK.  Hom.  d'Ale.xandre,  MS.  du  R.  n.  6987"'fùl   "01 
Archiere.  Hom.  de  la  Rose,  vers  19403. 

Archerer,  verbe.  Tirer  de  Parc,  chasser  à  Parc 
On  a  employé  ce  mot  pour  désigner  le  droit  de  chas- 
ser, dans  un  temps  où  Ton  chassoit  à  Parc  ■  «  droit 
^archerer  sur  une  terre,  »  le  droit  d'y  chasser  à 

â'ei.lxT  ^a"  ^''''V''  ^^  (-"-amesni^^dans  le   ir 
siècle,  (voy.  Arçoieb.) 

Archerie,  subst.  fém.  Action  de  tirer  de  Parc 

On  peut  voir  quels  etoient  les  «  dix  enseignements 
dumestierd'^rc/^cm,  »  dans  Modus  et  Racio   îi 

dthf^T^l'^^'  ^'?^  traitoit  de  l'exercice  de  Parc 
etoient  des  livres  ù'Arclœrle.  (Voy.  Modus  et  Racb' 

Enfin  un  lieu  propre  à  l'exercice  de  Parc  était  une 
Archerie.  (Voy.  Cotgrave,  dict.) 

/v;^^'A***^*■*'*',f"^^'■  "''*«^-  Diminutif  d'Archer 
(Voy.  ARCHEH.-Voy.  Oudin  elNicot.Dict.)  Nos  poètes 
çonservoient  à  PAmour  son  arc  et  ses  11  Ses 
lorsqu'ils  le  nommoient  Archerot  ' 


AR 


■  .  .  D'un  nain,  d'un  bastard,  d'un  Archcrol  ssnq  vo,,^ 
Font,  non  un  Dieutelet,  ains  un  maistre  des  Dièux^ 

vp^*'*^'^*^f'  ^"^'^*-  ""^«^'-  Coffret  ;  trésor.  On  obser- 
vera que  les  acceptions  encore  usitées  de  ce  mot 
«r^/;^ï  sont  relatives  à  l'idée  de  la  couilure  d'un 
rc  I  est  possible  que  relalivement .',  la  mêmeidéS 
lait  signifie  colTrel,  trésor,  comme  arche  si<  nifoit 

K'r/'S  ^e'.^T^  ^'^-^  Q"«'  "" '•  ^"  «oit  '^oÛt 
uueiiet  û&  sa  riche  aumo  re   ..  o'éloit  en  sfvi 
poétique  du  xvr  siècle,  «  ouvrir  les  trésors    p  S 
«  esprit,  de  son  imagination.  V  ^  ^^" 

Abbé  d'Auton  et  maistre  Jehan  le  Maire 
Ouvrez  Varchel  de  votre  riche  aumaire^'  '  '  ' 
Lt  composez  quelque  plaincte  sommaire  etc 

et  J<  •  Mv""'  delïcndons  marchepier  à  Var. 
"fhet  etc.  »  Mais,  en  rapprochant  cette  défense  riP 
celle  faite  aux  Pécheurs  par  Part  xlvh  d'imp  Orll 
iiance  de  Charles  VI,  en  clatc  du  mo  s  de  ma'rs  m 
e  re,  eree  par  l'art,  lxxh  d'une  autre  0  do  ,S 
en  dale  du  mois  de  septembre  1402,  on  acnuiért  h 
preuve  évidente  qu'au  lieu  de  ..  niàrcle  S  Xi 


Heureux  ceux-là  qui  dans  les  retz  surpris 
De  1  A  rchcrot,  filz  de  la  Cithérée,  ^ 

i-euvent  donner  par  leur  plume  dorée, 
A  leurs  moitiez,  des  plus  belles  le  prix. 

Poés.  de  J.  Taliureau,  p,  d06. 

(1>  C'est  le  diminutif  d'arcAe  :  il  en  a  tous  les  sens.  (n.  e.) 


Ai-chiabbé,  suhst.  masc.  Premier  Abbé  En  la. 
tni  Archmbbas.  (Voy.  Arce,  au  sensde  piSncip^mté.) 

Archie,  subst.  fém.  et  masc.  Portée  d'arc  L'es- 
pace que  parcourt  une  fièche  lancée  avec  un  w 
;  Il  estoienl  à  deus  archks  de  nos,  dev  ni  Baruth  »' 
OV  artene,  Ampl.  Coll.  contin.  de  G.  de  Tyr  TV  col 

J  '■  ■\''"  partent  Lancelot  et  le  Nayn  en  une  forest 

istt^'^sT^^'^r  '^'"'^■-  "  ^'""""^ 

.  .  .  Fut  ensus  de  la  rivière, 
Ausi  comme  une  archie  entière. 

G-  Guiarl,  MS.  fol.  279  V- 

Cest  probablement  pour  le  besoin  de  la  mesure 

La  seconde  bataille  vient 

Qui  trois  arcMers  de  front  tient 

Gace  de  la  Signe,  des  Déduits,  ilS.  fol.  57,  R- 
Devant  la  porte  a  une  place 
Qui  tient  deux  archiez  d'espace 

G.  Machaul,  prise  d'Alexandrie,  MS.  fol.  225,  V"  col.  1. 
A  tant  sont  les  os  aprociés 
Assez,  à  mains  de  deux  arciés. 

ri'-  Mouskes,  MS.  p.  181. 

Si  l'on  avoit  la  preuve  que,  dans  la  signification 
Aarchoier,on  eût  dit  archier  pour  lirn  eSc 
on  pourrait  croire  que  l'orthographe  archier  alté- 
rée peu  -être  dans  archie.  étoît  un  verbe  qui'  pis 
busbtantivement,  signilioil  portée  d'un  trait  d'arc 
blemPnf'nn'"f  f  "'  «''^"«''■«Phe  «r.ft/.r  est  v  i-' 
blemei  t  une  faute  pour  archiée,  dans  la  citation 

Ô';'''ï  -n'   '  Tr  '"  ''■*  ^"'■'^^f'  '"*  et  ses  cômpSf- 
«  gnons.  Quand  ilzsontentrez  dedans,  unearchien: 


4T 


ÂR 


—  130  — 


ÂR 


«  siliève  entour  eulxungcry.  -  (Une.  du  Lac,  T.  Il, 
fol.  10,  Y"  col.  '2.  -  Voy.  Auchiee.) 

VARIANTES  : 
\RCiK   Ph.  Mouskes,  Mb.  p.  181. 

s      .      .  'eS  lîastué  une  «rd.e.    que,  etc.  . 

(Llnc.duLac,T.l,fol.l41,V"col.l.) 

Près  des  rens,  à  mains  d'une  avchwe, 

Si  comme  on  ma  fait  entendant, 

se  vont  les  François  estendant.^^  ^^^  ^^^  ^. 

VARIANTES  : 
ARCHIÉE  G.  Guiart  MS   ff-^^^i  f °.      ^^^  .^ 
Archée.  Lanc.  au  Lac,  i.  .i,  lui.  i-**! 


*     i»:»,.*.    <:)y//s/    fcm.  Espèce  de  meurtrière, 
Arcluere,  ««^f -^f '^'^'^  ,  d^^^^  le  premier  sens, 

l^^L'S;Jn?dèrn,ur^.  (Cl.ro,..  de  Sa,,,lDe„,s, 

T   1,  fol.  "207,  Y°.) 

Aux  archieres  de  la  tour 
Sont  arbalestres^tout^entour.  ^^^^  ^^^^  ^^  ^^^^ 

On  a  dit  en  parlant  de  la  mort  : 

Elle  est  tout  ausi  en  agait, 

Probablement,  le  mot  archiere  signifioil  voûte, 
Dorte  à  V archiere. 

Archif  subst.  masc.  et  fém.  Chartrier;  dépôt 
nnbUc   11  V  a  différentes  opinions  sur  1  etymologie 

tj'ii  pst  de  même  origine  que  le  mol  arcne,  c  est  pai 
L  ml.  irrS'o"  que  tous  deux  ont  signi^iie  coffre^ 

mSarchifve,    coffres  à   tenir   papiers.    (Voy. 

^Tu'iennement,  on  écrivoit  ard»/'  pour  archives 
.  tdonnoTèn  mandement  à  nos  amez  et  féaux 
t  P^ràndSeneschal  de  Provence,  Gensdenostre 
:  Conse^royàrMaistres  rationaux  et  Archivaires 
:  §e  nos  re  Chambre  et  Archif  d'Aix,  etc.  »  (Gpde- 
frnv  Observ.  sur  l'ilist.  de  Charles  Ylll,  p.  ^39 
Uorthograihe  archil  n'est  sans  doute  qu'une  alté- 


ration de  l'orthographe  archi  .  "  Si  ne  puis-je  tiou- 
!  ver  desduelz  Roys  ilz  furent  faictz  Contes  ne  Ba- 
rons ne  par  les  livres  et  caterves  de  l'ardu/,  ne 
:  de  ?à  seJlie  de  Naples,  où  se  souloient  trouver 
„  tous  les  faicts  dudit  Royaume.  »  (La  Salade, 
fol.  45,  Y"  col.  2.) 

VARIANTES  : 
ARCHIF.  Godefroy ,  Observ.  sur  rHist.  de  Charles  \  Ill,p.  530. 
AncHiL.  La  Salade,  fol.  45,  V  col.  2. 
f.S;vE"MénSè,'obs.  sur  la  Lang.  Fr.  part.  II,  p.  412. 

Architecteur,  subst.  masc.  Architecte.  (Voy. 

Arche,  principauté.) 

Architectonique,  subst.  (^m.  Architecture. 
L'art  de  l'Architecte,  en  grec  «e^^r.xro,».  «  Meca- 
«  nique...  esloil  suivie  par  Agricultuie,  Chasse, 
„  PeSerie,  Navigation,  Marchandise,  ^yOitecto- 
:  «îgSÎ  et  Laniflce.  ..  (Les  triomphes  de  la  Noble 
Dame,  fol.  5,  Y°.) 

Archivaire,  subst.  masc.  Garde  des  archives. 
(Voy.  Archif.) 

Arcipoles,  subst.  masc.  Il  semble  qu'on  ait  dé- 
sioi^é  le  pouvoir  de  Cupidon  arme  de  son  arc,  en  le 
Simanr^rc/i;o/es, 'peut-être   du    latin  aveu 

pollens. 

Arcipoles  tient  un  arch  taint  en  gramne. 
Dont  si  doit  tret  qu'un  coer  perce  parmi    , 
Et  ce  sont  ceuls  quOiseuse  ou  vregier  mainne. 
Dont  portier  sont^le_sJ^  Mercuru.^^^  ^^^_  ^. 


Arcoier,  verbe.  Tirer  de  l'arc,  chasser  ù  1  arc, 
se  courber  en  arc,  plier.  (Voy.  Arçonner.) 
On  disoit  au  premier  sens  : 

Un  jour  ala  li  Dus  kacier 
En  sa  foriest  et  arcouer.  .,<.  „  oju 

Ph.  Mouskes,  MS.  p.  oa*. 

Or  devroie-jou  rivoiier 
Et  par  mes  foriès  arcotiei: 

Id.  ibid.  p.  227. 
Pc  ornnc;  fnrès  aloient  arcoier  et  berser. 
''\^om.  Awr?,  mI.  du  R.  u-  6987.  fol.  201,  R'  col.  3. 

Dans  le  second  sens  : 

Lances  ont  droites  que  ne  ploient  ; 

Ne  si  ne  traignent,  "e  ,f^-t"7'^!-v.  col.  1. 

Les  lances  grosses  si  roidoient 

Que  sans  brisier  toutes^«rcfto,e»>^ ^,  ^^  ^ 

VARIANTES   : 
ARCOIER.  Athis,  MS.  fol.  107   R«  col.  2 
ARcnoiER.  Anseis,  Mb.  fol- 2'- R°  ^ol.  1. 
Arçouer.  Ph.  Mouskes,  MS.  p.  iîl. 

Arçon,  subst.  masc.  Arc.  Archet.  Demi-cercle; 

^'£^f^!sem&Sment  pour  la  rin;e  et  la  me- 
sure des  vers  qu'au  lieu  d'arc  on  ecrivoit  arçon. 

Commande  à  prendre  au  garçon 
Ses  sajetes  et  son  arçon 


AR 


—  131  — 


AR 


Si  me  vault  miex  ainsi  attendre 
Que  rompre  mon  arsoit  au  tendre. 

G.  Machaut,  Poés.  MSS.  fol.  181.  V  col.  2. 

La  signification  de  ce  mot  arçon  éloit  la  même 
que  celle  d'archet,  lorsqu'on  disoit  traire  Yarçon 
pour  se  préparer  à  jouer  du  violon  ;  traire  de  \'arço7i 
pour  jouer  de  ce  même  instrument. 

Es-vous  Nichole  au  peron, 
Trait  viele.  trait  arçon  : 
Or  dist  par  là  sa  raison.... 
Plàiroit  vous  oir  un  son 
D'Aucassin  un  fran  Baron  ? 

Fabl.  MS.  du  R.  n-  7689,  fol.  80,  R*  col.  1. 

Devant  que  aucuns  di.x  ou  neuf 
M'eust  donné  por  mon  chanter. 
Je  me  porroie  bien  vanter  : 
James  de  cliar  ne  mangeroie  ; 
Quar  certes  je  ne  troveroie 
Qui  tel  présent  me  vousist  fere, 
Tant  seusse  bien  d'arçon  trere. 

Fabl.  MS.  du  R.  n"  7-218,  fol.  176,  R-  col.  1. 

Quelle  que  soit  la  ressemblance  de  l'archet  de 
violon  avec  l'arc,  on  en  désignoit  une  encore  plus 
sensible  en  nommant  arço)ts  ou  archons,  les  demi- 
cercles  qui  forment  le  tomberel  ou  la  tonnelle,  es- 
pèce de  filet  à  prendre  les  perdrix.  «  Les  archons... 
«  y  sont  mis  que  la  rois  (1)  court  par  dessus,  quand 
«  on  la  tire  ;  et  sont  de  ia  moitié  de  deux  cercles 
«  de  tonnel,  affin  que  la  rois  coure  plus  souef  par 
«  dessus.  »  (Modus  et  Racio,  .ms.  fol  178,  Y".) 

C'est  relativement  à  la  même  idée  de  ressem- 
blance qu'arfo»  auroit  pu  signifier  en  général  chose 
courbée  en  arc,  comme  une  petite  arcade,  dans  le 
Dictionnaire  de  Monnet  ;  le  dessus  de  nos  anciens 
chars  bombés  en  forme  de  fourgon,  etc. 

Fort  sunt  les  roes,  et  bien  fait  li  limon  ; 
D'ebenus  sunt  deseure  li  archoii  ; 
De  fin  argent  fu  cleés  environ. 

Enseis,  MS.  fol.  59,  R'  col.  1. 

II  s'estent  si  qu'il  fait  croistre  et  brisier 
Les  flans  del  car,  et  les  arçons  brisier. 

Ibid.  fol.63,  R-col.  1, 

L'acception  à  laquelle  on  a  restreint  l'usage  de 
ce  mot  arçon,  arçon  de  selle,  est  ancienne  dans  notre 
Langue  (2). 

Par  desor  son  archon  devant 
Le  porte  outre  l'iaue  courant. 

Fabl.  MS.  du  R.  n"  7989,  fol.  210,  V  col.  1. 

Par  opposition  à  Yarçon  devant,  on  disoit  arçon 
derrier  ou  daerrain.  (Voy.  Rom.  d'Alexandre,  ms. 
du  R.  ir  6987,  fol.  181,  R°  col.  2.  —  Ibid.  fol.  206.) 

VARIANTKS  : 
ARÇOX.  Ort.  subs.  -  Cotgrave.Borel,  Nicot  et  Monet.Dict. 
Archon.  Anseis,  MS.  fol.  21,  R"  col.  1. 
Arson'.  Modus  et  Racio,  impr.  fol.  87,  R». 

Arçoner,  verbe.  Se  courber  en  arc,  plier.  Affer- 
mir, rendre  stable. 

On  a  vu  qn'arçon  signifioit  arc.  De  là,  le  verbe 
arçoner  de  même  signification  qnarçoier,  se  cour- 
ber en  arc,  plier.  «  Les  lances  furent  fortes,  et  point 


«  ne  brisèrent  ;  mais  arconnèrent.  »  (Froissart, 
Vol.  IV,  p.  44.) 

Les  lances  ploient  et  arçonenl. 

Rom.  de  Clygcl,  MS.  du  R.  n'  6987,  fol.  277,  R'  col.  4. 

11  est  possible  que  relativement  à  l'idée  d'un 
Cavalier  arçonné,  c'est-à-dire,  ferme  entre  les 
arçons,  le  verbe  arçonner  ait  signifié  affermir, 
rendre  stable.  Au  reste,  on  n'a  queCotgrave  pour 
garant  de  cette  acception,  bien  moins  ancienne  que 
la  première. 

VARI.\NTES    : 
ARÇONER.  Rom.  de  Perceval,  MS.  de  B.,  n"  3.54,  fol.  268. 
Arçon.ner.  Froissart,  Vol.  IV,  p.  4i.  —  Cotgrave,  Dict. 

Arçonneur,  subst.  masc.  En  termes  de  Chape- 
lier, Yarçon  est  un  instrument  fait  en  archet  de 
violon ,  long  de  cinq  à  six  pieds  et  garni  d'une 
corde,  avec  lequel  on  fait  voler  la  laine?  On  trouve 
dans  l'ancien  usage  de  cet  instrument  pour  la  pré- 
paration des  laines,  la  raison  pour  lai|uelie  l'ouvrier 
qui  les  préparoit,  se  nommoit  Arçonneur  (?>).  (Voy. 
Du  Cange,  Gloss.  lat.  T.  l,  col.  668.) 

Arçonnenx,  Adj.  Qui  s'attache  et  tient  aux 
arçons  d'une  selle.  On  a  dit  en  ce  sens,  malctte  ar- 
çonneuse.  (Voy.  Cotgrave,  Dict.) 

Arçonnier,  adj.  Qui  garnit  et  orne  les  arçons 
d'une  selle.  Signification  analogue  à  celle  à'arçon- 
neux,  dont  l'adjectif  arçonnier  ne  ditféroit  que  par 
la  terminaison  ,  et  l'usage  qu'on  en  faisoit  lors- 
qu'avec  ellipse  d'un  substantif  féminin,  on  désignoit 
une  chose  attachée  comme  ornement  aux  arçons 
d'une  selle,  en  la  nommant  arçonnière.  «  Trois 
"  selles,  l'une  de  coursier  garnie  de  soye  à  parer 
«  Xq?:  arçonnières...  et  en  chacun  cuigne't  desdites 
«  arçonnières  un  Angelot  d'ivire.  »  (Extraits  des  Reg. 
du  Très,  des  Chartes,  p.  H. — Voy.  Du  Cange,  Gloss. 
lat.  T.  VI,  col.  1361.  —  Cotgrave,  Dict.) 

Arct,  part.  Astreint,  obligé.  Dans  un  sens  relatif 
à  celui  de  l'adjectif  latin  arctus,  et  du  participe 
arctatus,  on  a  dit  figurémcnt  :  «  Est  tenus  per  tout 
«  le  Court  que  tenant  in  laile  ne  serra  arct  d'al- 
«  turncr,  etc.  »  (Tenures  de  Littleton,  fol.  128,  R" 
—  Voy.  Arcté.) 

Arcté,  part.  Étréci,  resserré.  En  latin  arctatus. 
«  Est  le  collège  des  Carmes  plus  noble  que  cil  de 
«  Laon  ;  et  ont  ceux  de  Laon  grand  lieu  et  espacieux, 
«  et  les  Carmes  petit  et  arcté,  et  si  ne  se  puet  ac- 
»  croistre.  »  (Félibien,  Hist.  de  Paris,  preuv.  T.  II, 
p.  510  ;  lit.  de  1386.  —  Voy.  Arct.) 

Artlamment,  adv.  (Voy.  Ardent  et  Ardentement.) 
On  subslituoit  g  h  d,  comme  dans  la  formation  des 
substantifs  et  verbes  françois  manger,  en  latin, 
mandere  ;  ronger,  en  latin,  rodere  ;  orge,  en  latin, 
ordeum  ;  ardille,  en  latin,  argilla,  etc.  lorsqu'on 
prononçoit  et  écrivoit  arge  pour  arde,  en  latin, 
ardent;  argant  ponr  ardant,  argamment  pour  ar- 


(1)  de  rete,  relis.  —  (2)  On  le  trouve  même  dans  la  Chanson  de  Roland  sous  la  forme  arçuns  (vers  1229,  1534)  :  «  Pleine 
sa  hanste  l'abat  mort  des  arçuns.  »  (N.  E.)  -  (3)  On  lit  au  registre  du  Trésor  des  Chartes  ,IJ.  154,  p.  443:  «  Ledit  Guillaume 
decoppa  par  grand  despit  à  Cyrot  arçonneur  la  corde  de  son  arçon.  »  (n.  e.) 


AR 


—  d32 


AR 


dammenl(l).  La  signification  de  cet  adverbe  est  figu- 
rée dans  ces  vers  : 

Cuers  qi  anjanment 

Aime,  ne  doit  refuser  q'il  n'olrie 
La  volenlé,  tant  cou  soit  aconpUe, 
De  sa  Dame  haut  et  bas  plainement. 

Ane.  VoH.  fr.  MS.  du  Vatican,  n-  U90,  fol.  443,  V'. 

VARIANTES    : 
ARDAMMENT.  Cotgrave,  R.  Estienne  et  Nicot,  Dict. 
Ardamm.vnt.  Monet,  Dict. 
Arganment.  Ane.  Poës.  Fr.  MS.  du  Vat.,  n»  1490,  fol.  143. 

Ai'dant,  part.,  adj.  et  sub&t.  Qui  brûle,  qui  est 
en  llamme,  qui  est  en  feu.  Qui  est  de  nature  l^  brû- 
ler, à  s'eullammer,  à  prendre  feu.  Qui  brûle,  qui 
enflamme,  qui  fait  prendre  feu.  Qui  est  couleur  de 
feu. 

On  a  désigné  l'état  passif  d'un  corps  qui  brûle, 
qui  est  en  flamme,  qui  est  en  feu,  en  disant  qu'il 
éloit  ardent  en  (eu,  ou  tout  simplement  qu'il  éioit 

ardent.  «  Esloient villes,  villaiges,  chasteaulx, 

«  forteresses,  champs  et  forests,  toutes  ardentes  en 
.<  feu.  »  (Rabelais,  T.  V,  p.  184.) 

11  semble  que  pour  le  peuple  ce  soit  un  besoin 
d'imaginer  des  prodiges  qui  annoncent  la  mort  des 
hommes  extraordinaires  qu'il  a  détestés  ou  aimés 
durant  leur  vie.  Que  peu  de  temps  avant  celle  de 
Cbarlemagne,  un  pont  de  bois  s'en  vienne  argant, 
c'est-à-dire,  qu'il  soit  brûlé  par  un  accident  dont  on 
ignore  la  cause,  cet  accident  présage  la  mort  de  ce 
Prince. 

Or  oéz  com  Karles  fu  dignes. 
Et  quels  miracles  et  quels  signes 
Devant  sa  mort  flst  nostre  Sire. 


.  .  .  Uns  pons  k'il  ot  fait  de  fust 
A  Maience,  ù  il  mit  sept  ans, 
Quar  il  ert  Ions  et  haus  et  grans, 
S'en  vint  artjunt  par  la  rivière  ; 
Si  ne  sot  on  par  quel  manière. 

Ph.  Muuslics,  MS.  p.  303. 

Dans  ces  vers,  la  signification  du  participe  argant, 
altération  visible  de  l'orthographe  ardant,  est  la 
même  ([ue  celle  de  l'expression  ardent  en  feu. 
(\'oy.  Ardam.me.nt.) 

Il  y  avoit  déjà  longtemps  que  l'humanité  récla- 
moit  en  vain  le  secours  de  la  îfédecine  contre  l'es- 
pèce de  maladie  épidémique  et  pestilentielle  qui, 
sous  les  noms  de  feu  Sacré  et  de  feu  S'-Antoine,  a 
désolé  la  France  à  plusieurs  reprises  ('2j  ;  lorsqu'avec 
celui  de  la  Foi,  les  ArdeMs,  c'est-a-dire  les  Malades 
qui  étoient  brûlés  de  ce  feu,  obtinrent  de  S"'-Gene- 
viève,  vers  l'an  1130,  une  guérison  surnaturelle, 
par  un  miracle  dont  on  a  perpétué  la  mémoire  en 
le  nommani  miracle  de  S"-Geneviève  des  Ardens. 
La  même  maladie,  ou  une  toute  semblable,  s'étant 
renouvelée  en  1374,  on  l'appela  le  mal  des  Ardens. 
(Voy.  Du  Gange,  Gloss.  lat.  T.  I,  col.  671  et  672.  — 
Ménage,  Dict.  Etym.  —  Dict.  de  Trévoux.) 


On  a  nommé  enu  ardant  et  vin  ardant  (3),  l'esprit 
de  vin  et  l'eau-de-vie,  comme  étant  de  nature  à 
brûler,  à  s'enflammer,  à  prendre  feu.  (Voy.  Cotgrave, 
Dict.)  Charles-le-Mauvais,  Roi  de  Navarre,  pour  ra- 
nimer en  lui  la  chaleur  naturelle  amortie  par  l'âge, 
faisoit  meilre  une  bucine  d'œrain  dans  son  lit,  avec 
laquelle  on  lui  «  souflloit,  à  air  volant,  eau  ardant.  » 
Mais  cette  façon  de  le  réchauffer  lui  fut  fatale  un 
jour,  «  ainsi  que  Dieu  ou  les  Diables  le  vouloyent  : 
"  car  flamme  ardant  se  bouta  en  son  licl,  entre  ses 
«  linceux,  par  telle  manière  qu'on  n'y  peut  oncques 
<i  venir  à  temps,  ne  lui  secourir,  qu'il  ne  fust  tout 
•■  ars,  jusques  à  la  boudiné;....  Ne  Cirurgien,  ne 
«  Médecin,  n'y  purent  oncques  remédier  qu'il  n'en 
«  mourust.  »  (Froissart,  Vol.  111,  p.  275.) 

C'est  encore  à  raison  de  la  nature  inflammable 
de  ces  météores,  de  ces  exhalaisons,  de  ces  feux 
folets  qui  s'élèvent  et  paroissent  à  la  surface  des 
lieux  marécageux,  qu'ils  ont  été  désignés  par  l'ad- 
jectif ou  participe  ardent  pris  substantivement, 
comme  dans  l'expression  mal  des  Ardens. 

Qtiebiue  générale  que  soit  aujourd'hui  l'acception 
figurée  de  l'adjectif  ardent,  qui  peint  l'homme 
comme  étant  de  nature  à  brûler,  à  s'enflammer,  à 
prendre  feu,  à  la  vue  des  objets  qui  affectent  son 
âme  et  réchauffent,  on  ne  diroit  plus  en  parlant 
d'une  femme  qui  seroit  de  nature  à  brûler,  à  s'en- 
flammer d'un  amour  illégilime,  qu'elle  est  ardente. 
Il  semble  ([ue  ce  soit  là  signification  d'argans  en 
ces  vers  : 

Quant  li  Dame  est  iière  et  argans, 

Ses  cuers  devient  ausi  cangeans 

Com  li  faucons  qui  par  orguel 

Ne  daigne  nis  veir  de  l'oel 

Cel  oisel  ù  on  l'a  rué. 

Puisque  feme  s'en  vait  au  cange, 

Sen  cuer  met  en  un  lieu  estrange, 

Ne  daigne  aler  à  son  oisel  ; 

Ains  s'asiet  sour  un  Damoisel,  etc. 

Ane.  Poét.  fr.  MSS.  avant  1300,  T.  IV,  p.  13-25. 

On  exprimoit  l'idée  d'un  feu  qui  brûle  et  enflamme 
l'objet  sur  lequel  il  agit,  lorstiu'en  faisant  l'éloge 
d'une  femme  on  disoit  : 

Vos  douçours  est  la  fontenele 
Qui  sourt  sous  la  plaisant  gravele, 
Qui  rent  talent  as  maladieus. 
Les  mors  cuers  pereceus  et  viens 
Esprendés  â'argitDt  eslincele. 

Ane.  Poès.  fr.  MS.  du  Valic.  n-  li90,  fol.  120,  R'. 

L'effet  des  passions  étant  comparé  à  celui  d'un 
feu  qui  brûle  et  enflamme,  on  ditfigurément  que  la 
colère  est  ardente,  que  l'amour  est  ardent,  etc. 

.  .  .  Feme  qui  done,  art  et  enflame 
D'orjajis  amours  :  car  j'ai  oï  retraire,  etc. 

Ane.  Poes.  fr.  MS.  du  Vatican,  n-  1490,  fol.  157.  R*. 

Enfin,  une  soye  ardente  étoit  une  soye  couleur 
de  feu.  (Voy.  Extr.  des  Reg.  du  Très,  des  Ch.,  p.  12.) 

Jaune,  vert,  sort,  ardani  et  perse. 

G.  Guiart,  MS.  fol.  345,  V'. 


(1)  C'est  mêler  des  phénomènes  phonétiques  bien  différents:  manger  vient  de  maiiducare,  devenu  mand'carre  ;  ronger 
vient  de  rumigare  (ruminer  dans  Apulée),  devenu  rum'gare;  ardille,  comme  ^irdillon,  rf-monte  à  l'ancien  français  harde, 
bâton,  et,  comme  hart,  est  d'origine  celtique  ou  germanique;  orge,  arge  et  argant  rentrent  seuls  dans  la  même  ciitégorie  ; 
ils  viennent  de  liordium,  ardiat,  ardiantem,  et  le  g  est  amené  par  le  i,  deveuu  consonne.  (N.  E.)  —  (2)  Elle  paraît  avoir  été 
une  sorte  d'érysipèle  gangreneux,  (n.  e.)  —  (3)  De  nos  jours  encore,  les  paysans  bas-bretons  l'appellent  giuin  ardant,  vin 
ardent,  (n.  E.) 


AR 


—  133  — 


AR 


VARIANTES  : 

ARDANT.  Fabl.  MS.  du  R.  n°  7615,  fol.  188,  V»  col.  1. 
Ardent.  Orth.  sub.  —  Rabelais,  T.  V,  p.  184. 
Argans.  Ane.  Poët.  Fr.  MSS.  av.  1300,  T.  IV,  p.  1325. 
Argant.  Ane.  Poës.  Fr.  MS.  du  V.,  n»  1490,  fol.  120,  R». 

Ardéeur,  subst.  masc.  Brûleur,  incendiaire. 
Anciennement,  les  incendiaires,  les  brûleurs  de 
maisons  se  nommoient  Ardéeitrs  de  maisons,  et 
tout  simplement  Ardéeurs.  (Voy.  Ord.  T.  I,  p.  288. 
—  Rymer,  T.  I,  part,  ii,  p.  13;  tit.  de  1256,  etc.) 

VARIANTES   : 
ARDÉEUR.  Ord.  T.  I,  p.  228. 
Ardeor.  Gloss.  sur  les  Coût,  de  Reauvoisis. 
Ardeur.  D.  Carp.  suppl.  Gl.  lat.  de  Du  C.  T.  I,  col.  284. 
Ardour.  Rymer,  T.  I,  part,  ii,  p.  13,  tit.  de  1256. 

Ardenteiuent,    adverbe.   Ardemment.    (Voy. 

Ardamme.nt.) 

Tant  il  alla  et  tant  il  en  revint, 
Qu'ardeiiteinent  amoureux  II  devint. 

Clém.  Marot,  p.  2i5. 

Arder,  verbe.  Brûler.  Briller.  Rougir. 

La  signilication  propre  et  figurée  de  l'ancien 
verbe  arder,  ardoir,  ou  ardre,  en  latin,  ardere, 
éloit  passive,  lorsque  dans  le  sens  neutre  du  verbe 

brûler,  on  disoit  :  «  Il  virent ces  grans  rues 

«  mareheandes  ardoir  en  feu.  »  (Villehardouin, 
page  81.; 

....  Fut  pour  n)-rf/-eau  feu  livré, 

Quant  par  pluye  fut  délivré. 

Qui  le  grand  feu  fist  tost  esteindre. 

Rom.  de  la  Rose,  vers  6851-6853. 

Li  uns  le  juge  à  escorchier, 
Et  l'autre  le  juge  à  noier. 
Et  ii  tier  à  arder  en  cendre. 

Fabl.  MS.  du  R.  n"  7615,  fol.  I8i,  R"  col.  2. 

.  .  .  Ii  fèvre  qui  toz  jors  s'arcleiil, 
Et  qui  moult  poi  sont  à  sejor  ; 
Ce  qu'il  ont  gaaignié  le  jor 
Despendent  largement  et  bien. 

Fabl.  MS.  du  R.  n"  --218,  fol.  198,  R-  col.  1. 

C'est  relativement  à  l'usage  de  comparer  les  pas- 
sions à  un  feu  dont  on  brûle,  qu'on  a  dit  :  «  Mieulx 
"  vauU  mariage  que  ardoir  au  feu  de  luxure.  » 
(Chron.  S'  Denys,  T.  I,  fol.  271,  R°.) 

.  .  .  Quant  plus  air  et  espran, 
Plus  seu.x  joious  ;  et  si  di. 
Madame  et  Amors  merci. 

Chans.  fr.  MS.  de  Berne,  n'  389,  pari.  Il,  fol.  55,  R'. 

Quant  li  Rois  l'ot,  si  a  tel  raige, 
Avis  11  est  que  de  duel  arye. 

Fabl.  MS.  de  S-  Germ.  fol.  60,  R-  col  I. 

Il  a  tel  doel,  a  poi  qu'il  n'art. 

Siège  de  Tliébes,  MS.  du  R.  n"  6987,  fol.  65,  V  col.  *. 

On  disoit  dans  le  sens  actif  du  même  verbe  brû- 
ler :  «  Ceaus  qui  son  pople  courrecoient  arst  tôt  en 
«  feu.  "  (Livres  des  Rois,  ms.  des  Cordel.  fol.  158.) 
«  Cil  de  Sepharnaum  arstrent  lur  fiz  en  l'onurance 
«  Adramalech.  »  (Ibid.  fol.  143,  R-  col.  2.) 

.  .  .  Pria  que  son  corps  ardisse?!?, 
Sitost  comme  ardoir  ils  le  puissent. 

Rom.  de  la  Rose,  vers  6811  et  6812. 

Se  ce  pourpris  ne  puis  garder, 
Tout  vif  me  puisse  l'en  arder. 

Ibid.  vers  3824  et  3825. 


Le  maxfex  m'arâe  à  froide  cendre, 
Se  jà  me  font  à  mari  prandre,  etc. 

Parton.  de  Blois,  MS.  de  S'  Germ.  fol.  150.  R-  ool.  2. 

Au  figuré  : 

Amours  art,  amours  point  ;  amours  esprent  trop  fort  ; 
Amours,  sans  deffiance,  a  maint  preudome  mort. 

Fabl.  MS.  du  R.  n-  7615,  fol.  138.  V. 

Toute  princesse  en  qui  prudence  habite, 
Aymé  vertu,  de  vice  se  désiste  ; 
Justice  tient,  charité  son  cueur  ard. 
i.  Marot,  p.  78. 

Ce  même  verbe,  pris  substantivement,  a  signifié 
l'action  de  brûler,  d'incendier,  le  crime  d'un  incen- 
diaire. «  Es  cas  de  rapt,  de  murdre,  de  traïson,  de 
»  ardoir,  et  de  larrecein,  etc.  »  (Ord.  T.  IIl,  p.  361. 
—  Voy.  Ardéeur.) 

En  termes  de  science  hermétique,  la  signification 
de  brûler  est  la  même  que  celle  de  l'ancien  verbe 
arder,  cuire.  »  Faisoient  fondre,  ardoient  et  affi- 
«  noient  leur  suif.  ..  (Ord.  T.  III,  p.  6'»0.)  On  dési- 
gnoit  alors  un  effet  de  l'activité  du  feu,  comme 
lorsqu'en  parlant  du  feu  du  soleil  qui  brûle,  qui 
dessèche  la  terre  et  la  rend  aride,  on  disoit  :  «  Le 
«  soleil....  hasle  toutes  les  routes  et  ar^,  eschauffe 
«  la  terre  et  oste  Tumeur.  »  (Chasse  de  Gaston 
Phébus,  MS.  p.  22i.)  «  Aux  champs  il  n'a  point 
«  d'ombre;  ainçoys  a  le  soleil  arse  la  terre.  »  (Id. 
ibid.  p.  226.  —  Voy.  Ardant.) 

C'est  relativement  à  l'idée  de  la  couleur  brillante 
et  rouge  d'un  corps  qui  brûle,  d'un  corps  enllammé, 
que  par  comparaison  l'on  a  dit,  l"  dans  le  sens  de 
briller  : 

....  Tout  aussi  comme  l'or  art 

Et  flamboie  sus  touz  métaus 

Que  l'on  vent  et  livre  à  detaus,  etc. 

G.  Guiarl,  MS.  fol.  290,  V. 

2°  Dans  le  sens  de  rougir,  être  rouge  de  honte  : 

Anseis  l'ot  ;  de  honte  art  com  un  fu. 

Auscis,  MS.  fol.  61,  R»  col.  1. 

CONJllG. 

Air,  ind.  prés.  Je  brûle.  (Chans.  Fr.  hs.  de  B.) 
Airt,  ind.  prés.  Il  brûle.  (Ibid.  fol.  G2,  V°.) 
Ar  {]),  ind.  prés.  Je  brûle.  (R.  Est.  Gr.  Fr.  p.  64.) 
Arce,  pari.  Brûlée.  (Fabl.  ms.  du  R.  fol.  60.) 
Arch,  ind.  prés.  Je  brûle.  (H.  de  Job.  fol.  168.) 
Ard,  ind.  prés.  Il  brûle.  (R.  Est.  Gr.  Fr.  p.  64.) 
Ard,  participe.  Brûlé.  (Id.  ibid.) 
Arde,  subj.  prés.  Qu'il  brûle.  (Rom.  de  la  Rose.) 
Ardent,  ind.  prés.  Brûlent.  (Rom.  de  la  Rose.) 
Ardent,  part.  Brûlant.  (Rabelais,  T.  V,  p.  184.) 
Ardèrent,  ind.  prêt.  Brûlèrent.  (Siège  de  Troye, 

Ms.  du  R.  n°  6987,  fol.  108,  R»  col.  1.) 
Ardez-,  ind.  prés.  Vous  brûlez.  (R.  Est.  Gr.  Fr.) 
Ardi  (j'),  indic.  prêter.  ,Ic  brûlai.  (Id.  ibid.) 
Ardi,  ind.  prêt.  Brûla.  (Villehardouin,  p.  101.) 
Ardirent,  ind.  prêt.  Brûlèrent.  (R.  Est.  Gr.  Fr.) 
Ardismes,  ind.  prêt.  Brûlâmes.  (R.  Est.  Gr.  Fr.) 
Ardis,  ind.  prêt.  Tu  brûlas.  (Id.  ibid.) 
Ai-dissent,  subj.  imp.  Brûlassent.  (R.  de  la  Rose.) 
Ardist,  subj.  imp.  Brûlât.  (Les  Marg.  de  la  Marg. 

fol.  178,  V°.) 
Ardistes,  ind.  prêt.  Vous  brûlâtes.  (R.  Est.  Gr.  Fr.) 
Ardit,  indic.  prêter.  Brûla.  (Id.  ibid.) 


AR 


—  13i  - 


iLX 


Ardnns,  ind.  prés.  Nous  brûlons.  (R.  Est.  Gr.  Fr.) 
Ardirnt,  ind.  prêt.  Brûlèrent.  (Villeliard.  p.  195.) 
Ards,  parlicipe.  Brûlé.  (Rabelais,  T.  III,  p.  '268.) 
Ardij,  ind.  prêt.  Brûla.  (Poës.  de  Molinet,  p.  159.) 
Avgc,  subj.  prés.  Qu'il  brûle  ;  en  latin  ardent.  — 
Fabl.  Ms.  de  S'  Germ.  l'ol.  G3.j 
.1rs,  ind.  prés.  Tu  brûles.  {R.  Est.  Gr.  Fr.  p.  64.) 
Ars,  participe.  Brûlé.  (Id.  ibid.) 
Arsent,  ind.  prêt.  Brûlèrent.  (Pli.  Mousk.  p.  482.) 
Arsimes,  ind.  prêt.  Brûlâmes.  (Livres  des  Rois, 
MS.  des  Cordel.  fol.  39,  R"  col.  2.) 
.'l)'s/,s,  ind.  prêt.  Tu  brûlas.  (Dit  de  Cbarité.) 
Arsisent,  subj.imp.  Brûlassent. (Ch.  d'Outremer.) 
Arsist,  subj.  imp.  Brûlât.  (Fabl.  ms.  du  R.) 
Arsse,  parlicipe.  Brûlée  (G.  Guiart,  ms.  fol.  92.) 
Arst,  ind.  prêt.  Brûla.  (Livres  des  Rois.) 
Arstrcnt,  ind.  prêt.  Brûlèrent.  (Livres  des  Rois.) 
.4)-/,  ind.  prés.  Brûle.  (Modus  et  Racio,  fol.  200.) 
Art,  ind.  prêt.  Brûla.  (Livres  des  Rois.) 
Art,  subj.  prés.  Qu'il  ])rùle.  (Siège  de  Troye.) 
Astrcnt,  ind.  prêt.  Brûlèrent.  (Livres  de  Rois.) 
Il  existe  entre  les  terminaisons  de  l'infinitif  des 
verbes  françois  et  la  formation  des  autres  modes  et 
temps,    une    règle    générale    d'analogie,    d'après 
laquelle  on  juge  que  relativement  à  la  terminaison 
fln/cr,  on  a  formé  l'indicatif  prétéi'itard^'reH^;  rela- 
tivement à  la  terminaison  rt)'rfn%  l'indicatif  présent, 
ar,  ars,  ard  ou  art;  relativement  aux  terminaisons 
ardre  et  ardoir,  l'indicatif  prétérit,   ardi,  ardis, 
ardit,  ardi&mes,  ardistes,  ardirent  et  le  subjonctif 
imparfait  ardist,  ardissent.  On  recoiinoit  au  pre- 
mier coup-d'œil  les  modes  et  temps  dont  la  forma- 
tion est  également  analogue  aux  différentes  termi- 
naisons de  l'infinitif,  ardre,  ardoir  o\i  arder.  Quant 
à  ceux  qui  paroissent  exactement  imitatifs  de  modes 
et  temps  latins,  tels  que  l'indicatif  prétérit  arst  ou 
art,  en  latin  arsit;  arsimes,  en  latin  arsiinus; 
arstrent,  par  contraction  arsent,  en  latin  arserunt, 
on   pourroit  les  regarder  comme  une  preuve  de 
l'existence  de  rinfinîtif  arsir,  et  dire  que  les  modes 
et  temps  de  cette  espèce,  comme    le  subjonctif 
imparfait  arsist  et  arsîsent,  le  participe  ars  ou 
arsis,  appartenoient  à  la  conjugaison  de  l'ancien 
verbe  arsir.  (Voy.  Arser.) 


ARDER.  Fabl.  MS.  du  R.  n"  7615,  fol.  18i,  R»  col.  2. 
Ardoir.  S'  Bern.  Serra,  fr.  MSS.  p.  76  et  372. 
Ardre.  Rom.  de  la  Rose,  vers  6851. 

Ardeur,  subst.  fém.  (Voy.  Ardeure.)  Ardeur  du 
feu.  Quoique  la  signification  propre,  comparative 
et  figurée  d'ardeur,  ait  toujours  été  la  même, 
depuis  que  ce  mot  existe  dans  la  Langue,  il  semble 
qu'en  parlant  d'un  buisson  ardent,  on  ne  diroit 
plus  dans  le  sens  propre  : 

Il  sembloit  qu'il  arsist;  n'niv/oc  ne  le  raehaigne. 
Je  vueil,  dist  Moyses,  veoir  la  vision, 
Comment  c'est  qu'il  me  samble  qu'il  art  sans  arsion. 
Dils  et  iMoralités,  MS.  de  Gaignal,  fol.  298,  col.  1. 

Au  figuré,  en  parlant  du  feu  de  la  colère  : 

Karles  l'entent,  s'en  ot  ire  et  ardor. 

Anseis,  MS.  fol.  68,  V-  col.  2. 


VARIANTES  : 
ARDEUR.  Orth.  subsist. 
Ardor.  Dits  et  Moralités,  MS.  de  Gaign-it,  fol.  298. 

Ardeure ,  subst.  fém.  (Voy.  Ardeur.)  Effet  de 
l'ardeur  du  feu.  Ardeur  des  passions. 

La  signification  de  ce  mol  ardure  éloit  la  même 
que  celle  de  brûlure,  effet  de  l'ardeur  du  feu,  lors- 
qu'on parlant  de  la  pierre  magnétique  pulvérisée, 
on  a  dit  : 

La  puldre  est  bone  sur  ardure, 
Et  sur  toute  eschaldeure. 

Marbodus.de  Gemrais.  art.  XIX,  col.  1656. 

Au  figuré,  et  par  extension  de  l'idée  particulière 
du  mal  occasionné  par  l'ardeur  du  feu,  à  l'idée 
générale  d'un  mal  physique  ou  moral  occasionné 
par  le  tourment  de  la  faim,  de  la  crainte,  de 
l'amour,  etc. 

....  Se  li  sièges  auques  dure, 
Test  auroient  de  fain  ardure. 

Atliis,  MS.  fol.  89,  R-  col.  1. 

Oiez  par  quel  bonne  aventure 
Dex  les  garda  de  ceste  ardure. 

Ibid.  fol.  81,  R-  col.  1. 
Quant  Amours  m'a  ce  commandé 

.Te  luy  ay  adono  demandé 

Comment  vit  homme  et  comment  dure 
En  telle  paine,  en  telle  ardure  '? 

Rom.  de  la  Rose,  vers  2610-2617. 

En  comparant  à  l'activité,  à  l'ardeur  du  feu.  celle 
des  passions,  on  disoit  figurément  et  dans  le  sens 
de  notre  mot  ardeur,  qu'un  cheval  plein  de  feu, 
étoit  de  grant  ardure;  qu'un  homme  ardent  au 
combat  s'y  mettoit  par  ardure;  qu'une  femme 
brûlant  d'amour  séchoit  û'ardure,  etc.  {Voy.  Fabl. 
MS.  du  R.  n-  7218,  fol.  193.  R°  col.  1.  —  G.  Guiart,  ms. 
fol.  350,  R"  etc.) 

Si  com  Echo  qui  sert  de  recorder 

Se  qu'autre  dit  :  et  par  sa  sorcuidance 

Ne  la  daigna  Narcissus  regarder  : 

Aiiis  sécha  toute  de  ardeure, 

Fors  de  la  voix  qui  encores  li  dure  ; 

Aussi  perdrai  tout  fors  merci  crier, 

Et  sécherai  de  dueil  et  de  pesance. 

Fauchcl,  Lang.  et  Poês.  Fr.  p.  U3. 

VARIANTES    : 
ARDEURE.  Fauchet,  Lang.  et  Poës.  Fr.  p.  143. 
AiUDURE.  Chans.  Fr.  MS.  de  B.,  part.  II,  fol.  4. 
Ardure.  Fabl.  MS.  du  R.  n»  7218,  fol.  3. 

Ardi,  subst  mnsc.  Liard.  On  s'est  trompé  en 
croyant  que  //  ardis  ou  li  hardis  étoient  inconnus 
avant  le  règne  de  Louis  XI.  La  fausseté  de  cette  opi- 
nion est  prouvée  par  deux  titres  latins,  l'un  de  1409 
et  l'autre  de  1410,  cités  par  Du  Gange,  (Gloss.  lat.  au 
mot  Ardicus  ;)  et  par  deux  titres  en  françois,  l'un  de 
1417  et  l'autre  de  1451,  cités  par  son  Continuateur. 
«  Le  suppliant  fist  bailler  au  tavernier  sept  hardiz-, 
«  etc  »  (D.Carpentier,  Sup.  Gloss.  lat.  deDu  Gange, 
T.  I,  col.  285;  lit.  de  1417.)  «  Sera  levé  pour  nous 
«  en  la  ville...  le  droit  de  l'asize,  qui  y  est  acous- 
«  tumé  de  lever,  c'est  assavoir  de  soixante  hardiz, 
«  ung.  "  (Id.  ibid.  tit.  de  1451.) 

Le  cours  de  cette  monnoie,  antérieur  au  règne 
de  Louis  XI,  auroit  commencé  sous  celui  de  Philippe- 
la-Uardi,  s'il  étoit  vrai  qu'on  l'eût  ainsi  nommé, 
parce  que  ce  Prince  fut  le  premier  qui  en  ordonna 


AR 


—  135  — 


AR 


la  fabrication.  Probablement  la  ressemblance  du 
nom  de  celte  monnoie  avec  le  surnom  de  Phi- 
lippe m,  est  la  seule  raison  qu'on  ait  eu  de  croire 
qu'il  avoit  fait  frapper  les  premiers  hardis  ou  ardis; 
puisqu'afiu  de  pouvoir  en  attribuer  la  fabrication  à 
Richard  I,  roi  d'Angleterre,  comme  à  Philippe,  roi 
de  France,  on  a  supposé  que  tous  deux  avoient  eu 
le  surnom  de  Hardi.  On  sait  que  Richard  fut  sur- 
nommé C(i'ur-de-Lion,  surnom  qui  atteste  la  har- 
diesse de  son  courage,  sans  justifier  la  prétendue 
origine  de  la  dénomination  des  ardis  ou  hardis. 

Lorsqu'on  a  la  preuve  que  dans  le  moyen  âge 
l'expression  latine  argentum  arsum,  par  une  com- 
paraison relative  à  la  couleur  noire  d'une  chose 
arse,  signifioit  monnoie  de  billon,  monnoie  de  cui- 
vre, autrement  monnoie  noire,  eu  latiu  argentum 
niyrum  ;  il  paroit  bien  plus  raisonnable  de  penser 
que  les  ardis  étant  une  monnoie  noire,  une  mon- 
noie de  billon,  une  monnoie  de  cuivre,  on  l'aura 
désignée  par  un  mot  qui,  à  la  terminaison  près, 
semble  être  le  même  que  ard  ou  ars,  en  latin  arsiis  (1  ). 
En  elfet,  les  pièces  de  monnoie  nommées  en 
Guienne  et  en  d'autres  Provinces  méridionales,  H 
ardis,  étoieut  les  mêmes  que  dans  le  Daupbiné  et 
les  Provinces  en-deyà  de  la  Loire,  on  nommoit 
liurds,  en  réunissant  l'article  pluriel  H  au  participe 
ards  employé  comme  substantif.  (Voy.  Lurd.) 

Les  Ordonnances  de  l'ûO  et  l'i73,  qu'on  trouve 
manuscrites  en  léte  de  l'ancienne  Coutume  de  Nor- 
mandie, envers,  (fol.  17,  V°  et  18)  et  une  autre 
Ordonnance  du  16  février  1485,  citée  par  Du  Gange 
(Gloss.  lat.  T.  IV,  col.  928),  concernant  le  cours  des 
Monnoies,  fixent  à  trois  deniers  pièce,  la  valeur  des 
liards  et  hardis.  «  Cette  monnoie  qui  valoit  trois 
«  deniers,  et  qui  par  conséquent  partageoit  le  sol 
«  en  quatre,  éloit  appelée  hardi  en  Guyenne,  et 
«  liarden  Daufmé  et  dans  les  autres  provinces  qui 
"  sont  en  deçà  de  la  Loire.  »  (Le  Blanc,  Tiaité  des 
Monnoies,  p.  250.)  Peut-être  rapportoit-on  au  sur- 
nom de  Pbilippe-le-//fl)'rf?,  l'origine  de  la  dénomi- 
nation de  cette  monnoie  en  écrivant  hardis,  pour 
ardis.  (Voy.  Du  Gange,  Gloss.  lat.  T.  I,  col.  673,  au 
mol  Ardicus.  —  Id.  ibid.  col.  686,  au  moi  Argen- 
liini.) 

VABIAKTES  : 
AUDI.  Du  Caiige,  Gloss.  lat.  T.  I,  col.  673. 
Ardic.  Id.  ibid. 
Ardid.  Cotgrave,  Dict. 
Ardit.  Coût.  gén.  T.  II,  p.  723. 
H.\RDi.  Du  Gange,  Gloss.  lat.  T.  I,  col.  073. 
H.\RDY.  Des  Accords,  Bigarrures,  fol.  60  R". 

Ardilier,  subst.  masc.  Buisson  de  ronces  et 
d'épines.  Le  substantif  ardilier  (2),  formé  du  verbe 
ahcrdre  (|ue  par  contraction  l'on  écrivoil  ardre, 
comme  dans  les  Poës.  de  Geoffroi  de  Paris,  à  la 
suite  du  Rom.  de  Fauvel,  (ms.  du  R.  n"  6812,  fol.  50, 
R°  col.  3,)  désigne  en  îNormandie  un  buisson  de 
ronces  et  d'épines;  peut-être  parce  qu'en  voulant 


passer  à  travers,  on  accroche,  on  ah.ert.  (Voy.  Da 
Gange,  Gloss.  lat.  T.  I,  col.  673,  au  mol  Ardillaria. 
Ce  mot  latin  ardillaria,  qu'on  a  cru  de  même  ori- 
gine et  même  acception  que  le  franyois  ardilier, 
étant  formé  de  ardilha,  en  francois  ardille  pour 
argille,  signifioit  argillière.  (Voy.  D.  Carpentier, 
Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du  Gange,  T.  I,  col.  285,  au 
mot  Ardilha.) 

Ardille,  snhst  (ém.  Argile. En  latin  argilla,  que 
dans  le  moyen  âge  on  écrfvoit  ardilha,  en  substi- 
tuant d  à  g,  comme  dans  le  francois  ardille  (3)  et 
ardrille.  «  Les  Cerfs....  se  brunissent  leurs  testes, 
«  les  uns  aux  Charbonnières,  les  autres  en  Vardille, 
«  en  terre  rouge.  »  (Fouilloux,  Vén.  fol.  18.)  C'est 
par  le  changement  de  la  lettre  dentale  en  la  sif- 
flante s,  changement  commun  à  toutes  les  Langues, 
qu'on  a  prononcé  et  écrit  arsille  pour  ardille. 
«  Rompirent  la  paray  qui  estoit  d'arsille,  d'entre 
«  deux  coulombes,  pour  osier,  etc  (D.  Carpentier, 
Suppl.  Gloss.  lat.  de  Du  Gange,  T.  L  col.  285,  au 
mol  Ardilha.  —  Voy.  Arcuil.) 

VARIANTES    : 
ARDILLE.  Fouilloux,  Vén.  fol.  18,  V°. 
Ardille.  D.  Carp.  S.  Gl.  1.  de  D.  C.  au  mot  Ardilha. 
Arsille.  Id.  ibid.  tit.  de  t397. 

Ardilier,  t'erftf?.  Enduire  d'argile.  (Voy.  Cotgrave, 
Dict.) 

Ardillier,  adj.  Argilleux.  On  a  dit  en  ce  sens, 
terre  ardilliere.  (Voy.  Golgrave,  Dict.) 

VARIANTES  '. 
ARDILLER.  Cotgrave,  Dict.  au  mot  Ardilier. 
Ardiller.  Id.  Ibid.  —  Médecines  des  Clievaux,  p.  4. 
Ai\DRiLLOux.  D.  Carp.  S.  Gl.  1.  de  D.  C.  à  .Ardilha. 

Ardillon,  subst.  mase.  (Voy.  Ardiuer.)  Ce  mot 
qui  subsiste  est  ancien  dans  notre  Langue  et  peut- 
être  aussi  ancien  que  le  verbe  aherdre,  aerdre  ou 
ardre  dont  Gaseneuve  l'a  cru  formé.  Cette  origine, 
à  laquelle  on  en  oppose  plusieurs  autres  indi- 
quées dans  le  Dict.  Elym.  de  Ménage,  semblera 
peut-être  d'autant  plus  naturelle  qu'aherdre  signifie 
l'usage  de  Vardillon  d'une  boucle,  de  la  boucle 
d'une  ceinlure  de  Moine. 

Si  a  lo  Ardeillon  trové; 
Moult  fieremant  l'a  atachié  : 
Puis  est  arrière  repairié.... 
A  ses  compaignons  a  conté 
Cernant  lo  moine  avoit  pendu 
A  la  hart  o  li  bacons  (4)  fu. 

Fabl.  MS.  de  Berne,  n-  354,  fol.  142,  R-  col.  1. 

D'ailleurs,  lorsqu'on  sait  qu'en  certaines  pro- 
vinces, le  Peuple  prononce  f/afd;7/o»  \>ouv  ardillon, 
il  ne  paroit  pas  moins  naturel  de  croire  qu'ardillon 
est  le  diminutif  de  dard,  comme  dardillon  un  peu 
altéré  dans  l'orthographe  usitée,  par  la  suppression 
de  la  première  lettre. 

VARIANTES  : 
ARDILLON.  Orlh.  subsist. 
Ardeillon.  Fabl.  MS.  de  Bou.  n»  354,  fol.  142. 


(1)  On  peut  considérer  en  effet  arditus  comme  une  forme  intensive  de  arsiis.  Comme  ce  mot  était  surfont  employé  au 
midi  de  la  Loire  (limousin  ordi)  et  en  Espagne  (ardite),  on  a  aussi  proposé  la  racine  basque  ardila.  (n.  e.)  —  (2)  Ce  mot  a 
la  même  ori;jine  que  ardillon,  c'est-à-dire  l'ancien  français  arde,  avec  le  suffixe  urius,  crius.  (N.  e.)  —  (3)  C'est  encore  ainsi 
que  se  prononce  le  mot  uigile  en  Berry  ;  n'indique-t-eUe  pas  qu'à  l'origine  le  y  se  prononçait  dj,  puis  di  ?  (n.  e.)  -  (4)  lard. 


AR 


—  136  — 


AR 


Ardoise,  suhst.  fém.  Pierre  bleue  et  fossile. 
On  liltjue  r;elte  pierre,  inconnue  aux  Anciens,  a  été 
nommôe  ardoise,  en  latin  ardesia,  ou  lapis  arde- 
sius,  later  ardesius,  parce  que  les  premières  ardoi- 
ses ont  été  tirées  d'Ardes  en  Irlande.  «  C'est  du 
a  nom  de  ce  pays,  en  latin  Ardesia,  que  cette 

«  pierre transportée  dans   toute  l'Europe  fut 

«  appelée  lapis  ardesius,  later  ardesius,  ardesia  ; 
«  d'oîi  nous  avons  fait  notre  mot  ardoise.  »  (Mé- 
nage, Dict.  Elym.)  Au  reste,  il  y  a  sur  l'origine  de 
cette  dénomination,  différentes  opinions  qu'on  peut 
voir  ibid.  au  mot  Ardoise  (1). 

Ardoiser,  verbe.  Couvrir  d'ardoise.  (Voy.  Cot- 
grave,  Dict.)  De  là,  l'expression  clocher  ardoisé. 
(Epith.de  M.  delà  Porte.) 

Ardoiseux,  adj.  Qui  est  en  ardoise.  (Voy.  Cot- 
grave,  Dict.) 

Ardoizin,  adj.  Qui  est  d'ardoise.  On  a  dit  en  ce 
sens,  pierre  ardoizine.  (Voy.  Rabelais,  T.  Il,  p.  24i.) 

Ardu,  adj.  Haut,  sublime,  difficile.  C'est  l'ad- 
jectif latin  arduus,  francisé  par  nos  Auteurs  du 
.XVI' siècle,  qui  désignoient  figurémenl  et  par  compa- 
raison la  hauteur  et  la  sublimité  des  choses,  et  par 
conséquent  la  difficulté  d'y  atteindre,  la  difficulté 
de  parvenir  à  les  comprendre  et  à  les  connoitre,  en 
disant  qu'elles  étoient  ardues. 

Nobles  espritz,  arduz,  scientificques, 
Que  songez-vous,  où  avez -vous  esté  ? 

F.iifeu,  p.  1. 
Tes  poincts  sont  grans,  tes  mètres  mesurez, 
Tes  dits  tous  d'or,  tes  termes  azurez, 
Voire  si  hauts  et  ardus,  à  tout  prendre. 
Que  mon  esprit  travaille  à  les  comprendre. 

Clém.  Marot,  p.  157  et  158. 

Les  sciences,  lesconnoissances  auxquelles  il  étoit 
difficile  d'atteindre,  étoient  desconnoissauces,  des 
sciences  ardues.  «  C'est  une  si'ience  divine  et  bien 
«  ardue,  que  de  scavoir  jouir  loyalement  de  son 
«  eslre.  «(Sagesse  de  Charron,  p.  314.)  «  Quelle 
«  chose  peut  eslre  plus  ardue  et  grave,  qu'en  si 
«  grande  dissimililude  d'amans  et  d'amantes  pou- 
«  voir  discerner  tiuelle  est  la  figure  espèce  de 
«  la  vraye  et  parfaite  amour.  »  (L'Amant  ressusc. 
p.  79.)  Ce  mot,  dont  M.  Dubois  alfecloit  l'usage,  a 
vieilli  dès  le  xtu'  siècle.  (Voy.  Longueruana,  T.  I, 
p.  95.) 

Arduité,  subst.  fém.  Difficulté.  On  a  dit  figuré- 
menl :  »  L'Empereur  ayant  considéré  Varduité  de 
«  son  entreprise,  etc.  »  (Du  Bellay,  Mém.  liv.  X, 
fol.  334.  —  Voyez  Ardu.) 

Are,  adj.  Aride,  sec,  desséché.  Qui  rend  aride, 
qui  dessèche. 

Ce  mot  are  ou  aire,  formé  par  contraction  du 
latin  aridus,  signifioil  aride,  sec,  desséché.   «  Le 

«  pays  de  Champaigue est  si  ayre  cl  infertile, 

«  qu'à  peine  les  trois  quarts  des  terres  peuvent 


«  porter  de  l'herbe.  »  (Ane.  Proc.  vcrb.  des  Coût, 
de  Troyes,  au  Nouv.  Coût.  gén.  T.  III,  p.  293.) 
«  Leurs  viandes  sont  ares  et  aigres,  et  de  peu  de 
«  substance.  »  'Du  Fouilloux,  Vén.  fol.  18,  V°.) 

Dans  un  sens  actif  et  analogue  à  celui  du  verbe 
ardre,  dessécher,  rendre  aride,  on  a  dit:  «  Le  vent 
«  de  galerne  est  arre,  froid,  desséchant  grande- 
"  ment.  »  (Du  Fouilloux,  Vén.  fol.  4i.  —  Voy. 
Arir.) 

VARI.\^"TES  : 
ARE.  Gloss.  lat.  fr.  du  P.  Labbe,  à  Arefieri. 
Aire.  Ane.  Proc.  verb.  des  Coût,  de  Troyes. 
Ares.  Eust.  Desch.  Poës.  MSS.  p.  167. 
Arez.  Gloss.  lat  fr.  du  P.  Labbe,  au  mot  Aridus. 
Arre.  Chron.  S'  Denys,  T.  I,  fol.  267,  R». 
Ayre.  Ane.  Proc.  verb.  des  Coût,  de  Troyes. 

Are,  pari.  Labouré.  On  observera  qu'au  moyen 
de  l'ellipse  du  substantif  terre,  ce  participe  au  fé- 
minin signifioil  terre  arée,  terre  labourée.  Ancien- 
nement, en  opposant  et  réunissant  les  terres  arées 
ou  les  arées,  aux  bruières,  on  exprimoit  l'idée  de 
lieu  en  général,  comme  aujourd'hui  en  disant  «  par 
«  monts  et  par  vaux.  »  (Voy.  Arée.) 

Tant  a  là  Sarjanz  qui  se  plaingnent, 
Espoventablement  acertes, 
Que  de  touz  lez  en  sont  couvertes 
Bruières  et  terres  arées. 

G.  Guiarl,  MS.  fol.  47,  R'. 

Areaii  (2),  subst.  masc.  Instrument  de  labourage. 
Espèce  de  charrue  sans  roues,  comme  l' araire. 
(Voy.  Araire.)  «  Prinl...  ung  atjreau  fourni  de 
«  coustre,  etc.  »  (D.  Caipentier,Suppl.  Gloss.  tat.de 
Du  Cange,  T.  I,  col.  '270  ;  lit.  de  1457.)  «  Laissoient 
»  leur  ureau  el  autres  habillemens  de  labourage.  » 
(Id.  ibid.  tit.  de  1498.  —  Voy.  Aroy.) 

.  .  .  Pour  soy  n'est  rangé  le  toreau 
Desous  le  joug,  pour  y  traîner  l'aireau. 

Perrin,  Poés.  fol.  40,  V'. 

VARIANTES  : 
AREAU.  D.  Carp.,  S.  Gl.  lat.  de  Du  Cange,  T.  I,  col.  270. 
AiREAU.  Perrin,  Poës.  fol.  39,  V". 
AYRE.A.U.  D.  Carpentier,  uhi  supra  ;  tit.  de  1457. 

Arée,  subst.  fém.  Terre  labourée,  terre  en  la- 
bour, terre  de  labour.  Sillon.  Labour,  labourage. 

Il  est  visible  que  ce  mol  arée  est  le  féminin  du 
participe  are,  el  qu'on  faisoit  ellipse  du  substantif 
leire,  lorsqu'il  désignoit  substantivement  terre  la- 
bourée, terre  en  labour,  terre  de  labour,  comme 
dans  l'expression  par  arée  et  par  brieroi  :  c'est-à- 
dire,  partout,  en  lous  lieux.  (Voy.  Are.) 
Tost  est  la  nouvele  espandue. 
Par  arce  et  par  brieroi, 
C'un  François  a  ocis  le  Roi. 

G.  Guiart,  MS.  fol.  99,  Y'. 

Vilains  guerpissent  les  arées. 

U.  ibid.  fol.  iU,  V°. 

Gardez  que  ne  mi  faciez  mal  ; 
Car  mon  père  est  en  Varùe, 
Où  il  esploit'?  à  son  jornal. 

Ane.  Poël.  fr.  MSS.  avant  1300,  T.  IV,  p.  1571. 


(1)  N'y  aurait-il  pas  là  le  radical  celtique  arddû,  noir,  qu'on  retrouve  dans  ardenne  (forêt  sombre)?  De  nos  jours  encore, 
en  Bretagne,  les  Montagnes  Noires  sont  ainsi  nommées  des  carrières  d'ardoise  qui  assombrissent  leurs  flancs.  (N.  e.)  — 
(.2)  Vient  d'une  forme  areUus.  (N.  E.) 


AR 


—  d37  - 


AR 


Dous  buefs  avomes  en  Varée. 

Rom.  de  Floircmonl,  MS.  de  R.  n-  6973,  fol.  U,  V  col.  2. 

Quelquefois  une  arée  étoit  le  sillon  tracé  par  le 
soc,  le  contre  de  la  charrue  dans  une  terre  en  la- 
bour, ou  terre  de  labour.  (Voy.  Bourgoing,  de  Orio- 
Voc.  Vulg.  fol.  G7.  —  D.  Carpentier,  Suppl.  Gloss.' 
lat.  de  Du  Gange.  T.  I,  col.  270  ;  lit.  de  1400.) 

Emprès  Audigier  cort,  geule  baée  ; 

Et  la  Vieille  l'ateint  en  une  arée 

Par  la  teste  le  prant  qu'il  ot  enfié'é'; 
Tout  envers  l'abati  en  une  ai-ée. 

Rom.  d'Audijier,  MS.  de  S'  Gerji.  fol.  68,  R-  col